En regardant les 425 photos prises durant notre semaine Toscane, je me suis dit qu'il serait sans intérêt de vous proposer de contempler paysages ensoleillés et enchanteurs, ou bien encore monuments somptueux et chargés d'histoire. Tout ça, vous pouvez le voir sur la première carte postale venue.
Alors j'ai cherché, j'ai cherché... et puis j'ai fini par trouver 20 clichés qui ont pour moi une histoire bien précise et qui, mieux que tout autre, traduiront l'état d'esprit avec lequel j'ai tenté d'approcher nos voisins italiens.
Rendez-vous donc sur l'album photo appelé : "Toscane 2005, images parallèles".
Une précision : ces photos vous sont livrées sans retouche.
Commentaires
Cher photographe,
Parlons peu, parlons bien. J’aime votre regard sur cette Italie. Et quelqu'un que vous connaissez bien, car vous avez la chance insigne de la voir tous les jours, de lui parler et de lui sourire, vous dira, que non le bouène… (avé l’accent) n'aime point l'Italie. C'est vrai ! Par atavisme sans doute et pour d'autres raisons. Néanmoins, votre regard m'offre l'occasion de réaliser un changement de paradigme au moins visuel. J'en vois une qui va sourire, ravie, devant ces mots... Mais reprenons.
En Champenois, petit-fils de vigneron, j’ai apprécié la vision des bouteilles anciennes. Hélas, j’ai noté la présence d’un affreux vin pétillant, tentative pathétique d’imiter notre ambroisie locale. Je n’en note pas moins que les Italiens apprécient d’autres bulles que celles libérées par la San Pellegrino. C’est peut-être le début de la rédemption ?
Devant les vénelles, les ruelles obliques, je me suis souvenu des mémoires de Casanova. Cette atmosphère de mystères, de poursuites nocturnes, de poignards cachés, de complots ourdis et d’amours secrets. Tout cela est d’un romantoc vénitien, comme ces images de couples qui se font et se défont dans les mêmes ruelles, devant des artefacts que le bipède moyen ritalise ipso facto : les vespa, les fiat, la tour penchée (je croyais qu’elle avait été redressée par la prière papale et des capitaux japonais… on m’aurait menti ?! La collusion shintoïste-opus déienne ne me semblait guère crédible, dois-je avouer).
Qu’écrire sur cette photo qui parle à un serviteur de Clio, des livres devant des murs anciens, qui disent tant à celui qui sait les parcourir de sa paume timide. Avez-vous touché ces livres anciens, aux pages diaphanes ? Avez-vous posé votre main sur ces pierres ou mieux, votre oreille pour écouter le murmure du temps, ce que l’humain appelle l’histoire ? Dites-moi, je vous prie. Je suis presque religieux là, la faute à cette pauvre bonne sœur solitaire, sans doute et à ce cloître. Il existe à Reims, dans le second plus beau musée gallo-romain de France (après Lattes), un cloître de toute beauté, où je venais réviser, au temps béni où je connaissais la désagrégation. Mais, je vous communique aussi, une adresse, un lieu étonnant. Le musée lapidaire, dans une église déclassée, à Narbonne, où l’encens a tant brûlé qu’il en imprègne les murs. On y entrepose les vestiges gallo-romains, avec des bas-reliefs dédiés à Cybèle. Mes romains païens auraient apprécié cette victoire post-eventum sur le christianisme. Il faut y aller un jour. Vous en tireriez de belles photos, j’imagine…
Vos propos ne sont pas banals et m’ont rappelé une fresque siennoise, celle des effets d’un bon et mauvais gouvernement. Je vous avoue encore, décidément… que j’ai dérobé la photo du contado pour la montrer à des miens élèves. Merci de m’aider à les faire voyager dans le temps et dans l’espace. Peut-être mettrais-je en bande sonore (quel vilain mot !) joy de Coltrane. Va falloir que je fouille dans la discothèque pour le trouver celui-là…
Voilà, ce petit commentaire sans prétention. En guise de péroraison, un voyage en Toscane est-il moralement envisageable pour votre visiteur… Devant ces images parallèles et obliques, la question se pose…
Cher Bouène (ça va, l'accent ?)
Merci de votre message qui me fait comprendre qu'en quelques instantanés (choisis parmi plusieurs centaines), on peut laisser transpirer ce qui vous émeut, vous fait vibrer, tout ce qui fait qu'un voyage à objectif touristique peut devenir un peu plus...
Mais je vais vous décevoir : je n'ai pas touché les livres de la photo ! A ma décharge, je dois vous avouer qu'il se faisait tard ce soir-là, que nous devions rentrer et qu'il nous restait à trouver un macellaio et une boutique de frutta e verdura pour, enfin, manger un peu ! Et puis, il y avait tant de monde dans ces rues !!!
Pour le reste, j'ai voulu montrer que j'aime bien imaginer des histoires, mêmes fugaces, et que humains et objets peuvent s'animer en nous autrement que ce qu'ils nous montrent a priori.
"Joy" de Coltrane ? Ah ! Extrait de "First meditations for quartet", qui est probablement l'album du saxophoniste que je place le plus haut dans son abondante discographie. Enregistré en septembre 1965, ce disque est aussi le dernier enregistré par le quartet "magique" Coltrane - McCoy Tyner - Jimmy Garrison - Elvin Jones. Quelque temps plus tard, la formation allait s'étoffer (pour l'album "Meditations", deux mois plus tard) puis éclater avant la dernière ligne droite, de janvier 1966 à juillet 1967. Et si vos recherches sont infructueuses, il se trouvera peut-être une petite fraise pour jouer le facteur musical.
Encore merci pour votre point de vue et à très bientôt.
Ah oui, j'allais oublier : il se trouve quelque part, tout près de la frontière allemande, un château un peu magique, celui de Malbrouck. On y expose jusqu'au mois d'octobre moult dragons de toutes origines. Je suis certain que cette exposition devrait intéresser un historien comme vous. L'invitation est lancée, en tous cas !
Cher Toscan d'adoption,
L'accent est correct, il évoque ce bleu inimitable, ce bleu nancéen que je ne connais que depuis peu. Pour les livres anciens, suis-je déçu ? Les nourritures ne peuvent être toujours spirituelles ou intellectuelles. Peut-être, au contraire, fallait-il ne pas les toucher et les laisser ainsi... et, imaginer ce qu'on aurait pu faire. En outre, l'humble serviteur de Clio que je suis est souvent prompt à s'émouvoir des vieux murs et des vieux livres. Cela me rappelle une anecdote.. franco-italienne. In articulo mortis, Mazarin, fièvreux, terrassé déjà, se lève en pleine nuit, affolant ses serviteurs. Debout, grelottant, il est dans sa bibliothèque. Et là, lui puissant parmi les puissants, fortuné, touche ses livres, comme il eût touché la peau d'une femme aimée, en murmurant " mes chers objets, qu'allez-vous devenir ?" Apopthegme fabuleux qui mériterait un blog... Merci pour les indications précises sur le titre du maître. Ma discothèque limitée, et même ridicule comparée à la vôtre, ne contient pas cette pépite. J'espère que la bien jolie fraise acceptera d'être la "petite télégraphiste" musicale.
Je note l'invitation et l'accepte. Juin venu, mon apostolat étant terminé, une visite au pays des dragons sera organisée.
Sachez enfin que nous partageons et ce goût des histoires fugaces juste esquissées et que la certitude que la vérité des êtres et des lieux est toujours au-delà de la réalité visuelle. Mais cela il faut vouloir la voir pour le savoir. Au plaisir de vous rencontrer...
Un oubli dû sans doute à mon régime alimentaire manquant de fraise. Le jour où la reconversion sera pour vous plus qu'une idée, je vous offre mes services. Le vignoble, cela nous connaît nous zautes ! 204 années d'expérience, cela compte, mais pas question de vin pétillant ! Un rouge capiteux et ténébreux, dont la queue de renard serait d'une longueur notable, par contre, ne serait pas pour me déplaire...