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Absence

Ma mère est à la maison (dont elle vient de faire la connaissance d'ailleurs) pour quelques jours. La vie est ainsi faite qu'elle ne nous octroit que bien peu de temps pour rassembler les éléments d'une famille souvent dispersée ici et là, chacun ayant suivi son propre itinéraire. Etrangement, sa présence parmi nous me fait ressentir, comme par différence, l'absence de mon père, qui nous a quittés voici quatre ans bientôt.
Lorsque nous sommes allés la chercher à Verdun (ma ville natale), je n'ai pu rester qu'un minimum de temps dans son appartement, j'allais dire dans leur appartement : chaque pièce, chaque recoin me rappelle la présence de mon père, je le vois installé dans son fauteuil au salon, je le devine marcher d'un pas mal assuré dans le couloir de l'entrée, j'entends sa voix, l'odeur de ses cigarettes me revient, même le garage aujourd'hui vide semble attendre une voiture pourtant mise à la casse en 1997. Je n'arrive pas à me faire à l'idée que ma mère a dû organiser sa vie seule, qu'elle a trouvé d'autres repères pour continuer à vivre. IL est là, à côté d'elle, la suivant avec confiance.
Ici, les choses sont un peu différentes car nous habitons une maison dans laquelle mon père n'aura jamais mis les pieds. Enfin, elles auraient dû être différentes et pourtant, alors que ces lieux ont toute raison de lui être étrangers, je ne peux m'empêcher de trouver ici ou là une place où mon père pourrait s'installer. Je l'imagine volontiers assis dans un des deux fauteuils de cuir rouge (acheté en 2005...), regardant sans la voir la télévision, je lui fais gravir lentement l'escalier qui mène au premier étage, je lui ouvre la porte du jardin pour qu'il puisse y fumer tranquillement une cigarette sans gêner qui que ce soit, je suis certain qu'il nous demanderait sans cesse où est sa chambre.
Le sentiment d'absence n'a pas faibli depuis ce 11 février 2002 où mon père a quitté notre monde, pire même, il est plus tenace, et si la douleur n'est pas vive comme au premier jour, la cicatrice ne se ferme pas. Se fermera-t-elle un jour d'ailleurs ?
Mon père est parti rejoindre mon grand-père (mort en octobre 1975) au royaume des absents que l'on continue à faire vivre en les mettant en scène pour nous-mêmes, qui nous arrachent des larmes silencieuses qu'on refoule en soi par pudeur et que l'on verse chaque jour, jusqu'au dernier.

Commentaires

  • Je me permets de vous laisser un mot, meme si je ne vous connais pas. J'ai été très touchée par votre texte et je comprends un peu ce que vous dites.
    Je n'ai pas perdu mes parents (ils ne sont pas encore vieux) mais j'ai perdu mon Papy il y a quelques années. En fait, je ne le voyais que 2 fois par an mais il était un peu tout un mythe pour moi, presque héroïque : je l'appelai "Papy Dictionnaire" car il savait tout (j'en étais persuadée) et il avait rechappé de la guerre après avoir été déporté en Pologne dans un camp de mines de sel.
    Honnêtement, j'ai été très triste quand il est parti mais pas à l'excès non plus car je le voyais trop peu.
    Mais ma Mamy est restée toute seule et çà fait vraiment bizarre de voir comme les gens qu'on aime continuent "d'habiter" leur place, sans être là. Cà me fait le meme effet qu'à vous, quand je vais chez elle, je vois presque mon Grand-père assis sur le divan pour regarder le journal de 19h sur la 3 ou faire les 100 pas dans la maison comme il en avait l'habitude.
    C'est triste et en meme temps, çà nous rassure un peu.

  • Merci de ce petit commentaire, je suis heureux de voir que mon ressenti n'est pas une "bizarrerie qui n'appartient qu'à moi". Surtout, je crois qu'avec l'expérience de ces années passées, l'enseignement majeur à tirer est qu'il faut, avec constance, savoir profiter au mieux de la présence de ceux qu'on aime et qui nous entourent. Tout cela n'est guère original, mais sommes-nous tous dans cette disposition d'esprit ?

  • C'est vrai qu'on a vite tendance à oublier la chance qu'on a de partager des moments avec ceux qu'on aime. Je me mets souvent en mode "petit nuage" comme je me le dis (c.à d que c'est comme si je survolais le moment que je vis) et je me dis que je suis bien. J'ai l'impression de mieux en profiter et de mieux m'en souvenir ainsi. J'aime aussi beaucoup regarder les gens qui m'entourent, juste les regarder vivre, pour me souvenir des détails. Je crois ausi que c'est çà qui fait que les gens restent encore plus présents, meme quand ils ne le sont pas. J'ai d'ailleurs décidé depuis 2 ans de filmer des "moments de vie" de ma Mamy (que j'adore plus que tout) : quand elle épluche des pommes de terre, quand elle tricote, quand elle somnole devant Derrick... et j'aime bien ces moments qui "ne servent à rien" !! (enfin, je fais pas que çà non plus !!!)
    Je trouve aussi que pas mal de gens (moi y compris) ne profitent pas toujours assez de ce qu'ils ont ou de ce qu'ils vivent, cà ressemble parfois à de la "consommation" de bonheur.
    En tout cas, pour ce qui est du vide que quelqu'un d'absent peut créer, je pense qu'il y a vraiment autant de façons que de personnes d'y réagir et de le supporter. C'est tellement lié à toutes les choses qu'on a pu vivre ensemble.
    (C'est vrai que çà doit sembler un peu bateau ce que je dis, mais, c'est ce que je pense sincèrement)

  • Mais non, ce n'est pas bateau !!! Combien de fois ai-je rêvé moi-même, voici fort longtemps déjà, de filmer certaines personnes de mon entourage et de "fixer" au mieux leur histoire. Mais il est vrai qu'à l'époque, les moyens pour le faire n'étaient pas aussi simples qu'aujourd'hui, ça s'apparentait plutôt à du cinéma d'amateur.
    Et plus généralement, autant je pense que l'idée du "grand bonheur" est un peu une chimère, autant je suis certain que les "petits bonheurs" du quotidien sont une bonne façon de s'en approcher !!! Donc, tu as bien raison de pratiquer ces instants.

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