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Mets le son moins fort !

La convalescence a ceci de bon qu'elle vous plonge très vite dans un état mental propice aux aventures humaines les plus inattendues. Votre esprit s'étant libéré des attaques quotidiennes que vous fait subir un environnement professionnel pas toujours réjouissant, vous l'avez aussitôt badigeonné de quelques onguents bénéfiques comme la musique ou la lecture. Au besoin, vous lui avez imposé un repos intégral en vous consacrant à de menues tâches domestiques mineures comme la vaisselle ou le torchon à poussière. Constatant que votre cerveau est encore soumis à quelques soubresauts intempestifs, vous devinez qu'il n'existe plus qu'un seul moyen pour l'affranchir durablement d'une activité incontrôlée : la télévision ! Et par chance, vous, petit verni, avez eu la bonne idée d'être confiné en vos murs au moment même ou quelques centaines de sportifs venus du monde entier gambader comme de jeunes fous sur les cimes neigeuse de la région de Turin vous offrent un spectacle à nul autre pareil : les Jeux Olympiques d'hiver.

Oh, je vous vois venir ! Vous m'imaginez en train de m'agiter tel le supporter de je ne sais quel club de football : bière et chips à la main, les pieds sur la table du salon ? Que nenni, ici, on a de la tenue et le sport altier. On fait face à l'écran, correctement assis, dans l'élégance discrète d'un canapé de cuir rouge. Je passerai volontiers sur tous ces skieurs qui prennent des risques inconsidérés à dévaler des pentes à une vitesse qui démontre leur irresponsabilité alors qu'en modérant leur allure, ils pourraient envisager de rallier la ligne d'arrivée sans dommage. J'ai déjà oublié tous ces sports exotiques dont on ne parle qu'une fois tous les quatre ans avant de les replonger dans le formol de l'indifférence médiatique (y a ce truc avec plein de gens qui passent le balai comme des malades, feraient mieux de venir me donner un coup de main, parce que deux électriciens sadiques viennent de dévaster ma salle de séjour et mon salon après leur avoir fait subir des outrages dont je ne veux même pas parler ici...), le seul spectacle qui me réjouisse porte un nom : le patinage artistique (à ne pas confondre avec le tapinage arthritique, cette discipline antique étant réservée aux seuls vétérans) !
Attention toutefois ! N'essayez pas de me prendre en défaut de raillerie de ces sportifs accomplis que sont les patineurs (ou patineuses, cela va de soi). J'ai pour eux le plus profond respect, rien qu'à imaginer le nombre d'heures qu'ils ont dû passer à tenter d'impossibles figures dont les noms m'échappent souvent : triple Lutz, double boucle piquée, tourniquet... j'en passe et des meilleurs. Une torture qui leur est infligée depuis leur plus tendre enfance, et pour certains sous les ordres de je ne sais quelle entraîneuse bulgare moustachue et ventripotente leur vociférant une bordée d'injures lorsque, par malheur, leur patin gauche n'a pas eu la présence d'esprit de se poser délicatement au sol, sans trembler, après une quadruple vrille exécutée pour la dix-huitième fois en vingt minutes. J'éprouve pour eux un respect total et je suis à leurs côtés, je les soutiens de toutes les forces que mon statut officiel de malade peut mobiliser quand, affûtés comme le coupe-chou du coiffeur de mon enfance, ils se présentent sur la glace dans un déguisement qu'on n'oserait même pas imposer à ses propres enfants un soir de Mardi Gras. Une tenue vestimentaire qui allierait la discrétion des habits de lumière du toréador au bon goût parisien des transformistes de chez Michou. Et pour couronner le tout, une ambiance musicale qu'on dirait la plupart du temps imposée par la direction artistique d'André Rieu. Non, vous perdez votre temps, ma passion pour le patinage artistique est guidée par le bonheur de retrouver celui qui, en 2006, est probablement au journalisme sportif ce que Léon Zitrone fut à Intervilles : un must. J'ai nommé, mesdames et messieurs, le sémillant, le réjouissant, l'imprévisible Nelson Monfort.

Ah, l'admirable Nelson ! Il est probablement, au-delà de ses indéniables talents de journaliste multi-langues, l'unique exemplaire d'un interviewer qu'il me soit arrivé de retrouver seul face à son micro alors qu'un sprinter noir américain à peine remis d'un violent effort venait de prendre la poudre d'escampette et ainsi l'abandonner, n'en pouvant plus d'attendre la fin d'une question qui ne venait jamais ! Avec Nelson, on entre en quelques fractions de seconde dans un monde où tout est merveilleux, il est un peu notre rêve éveillé, le baume humain qui vous indique d'un doigt émerveillé le paradis si accessible que votre oeil méfiant n'entrevoit même pas.

C'est dire si hier soir, j'étais au comble de la joie lorsque, prenant en main mon magazine de télévision favori (vous savez, celui qui n'aime pas trop rire... oui, vous savez, nous en avons déjà parlé), je me rendis compte qu'une soirée patinage s'offrait à moi ! J'allais pouvoir me régaler, savourer l'emphase et les propos toujours débordants d'enthousiasme de mon Nelson. Un Nelson qui, cerise sur le gâteau, nous fit comprendre qu'il avait à son arc une corde encore jamais révélée : la divination ! Oui, du balai Elisabeth Tessier, laisse la place à Monsieur Nelson ! Notre Nelson nous confia en effet d'emblée qu'il « sentait que quelque chose allait se passer ce soir », au grand étonnement de son complice d'un soir, l'ex-patineur Philippe Candeloro, promu au rang de consultant et dont la prestation fut, reconnaissons-le, de bonne tenue : technicité et concision. A ceci près qu'à chaque fois qu'il prenait la parole, il nous privait des commentaires extatiques de notre frisé et sémillant linguiste. Mais qu'allait-il donc se passer ? Rien de bien important en fait à l'échelle cosmique : un patineur français, arrivé quatrième au terme des épreuves imposées, allait tout balayer sur son passage et gravir la plus haute marche du podium. Nelson l'avait lu dans sa boule de cristal et en était tout tremblant d'une incroyable fièvre supportrice. Il nous annonçait crânement que notre petit gaulois allait nous réserver une belle surprise. Sa joie, son impatience étaient telles qu'en attendant la venue du messie tricolore, il nous gratifia, pour notre plus grand bonheur, d'un continuum sonore de belle facture et de superlatifs à la pelle. Nelson était heureux, il nous avait fait ce cadeau de nous offrir par avance la joie qui allait nous transpercer, aux alentours de 23 heures.

Les candidats au titre défilèrent les uns après les autres, les membres du jury firent leur boulot de notation (j'entends par là que je ne comprends toujours rien à la notation), les chutes, les glissades se succédèrent ainsi que de splendides figures, reconnaissons-le tout de même. A ce niveau d'ailleurs, ne pas prendre de risque équivaut à une quasi-élimination d'office. Philippe Candeloro eut beau, subrepticement, glisser une remarque pertinente sur la tension qui montait et sur un début d'inquiétude qui germait en lui, rien n'y fit, notre chroniqueur enchanté ne voulut rien entendre et ne tenait plus en place, persuadé plus que jamais que son favori allait s'imposer.

Oui mais voilà... entre rêve et réalité existe parfois une petite marge douloureuse sur allait immanquablement se fracasser les illusions monfortiennes. Ce qui devait arriver arriva : notre compatriote fut, comme bien d'autres, obligé de repousser certaines limites et, sans trop attendre, s'écrasa au sol, manqua deux autres figures à l'issue desquelles il ne dut son équilibre qu'à un rattrapage de la main. Toute sa prestation fut visiblement contrariée par ces ratés et l'on put voir très vite à sa mine déconfite qu'il ne ne faisait plus la moindre illusion. Mais Nelson continuait d'y croire, lui ! L'attente des notes fut un  long supplice durant lequel on le devinait, sortant sa calculette – je pose mon neuf et je retiens 2 – envisageant une victoire à laquelle il se raccrochait encore. Mais l'impitoybable verdict tomba et là, comme on dit dans les productions Tony Comiti sur M6 : c'est le drame ! Les notes étaient catastrophiques, le poulain hexagonal était repoussé à la sixième place. Subitement, on n'entendit plus rien. Nelson était sans voix, on craignit le pire pour lui, un évanouissement au minimum, plus grave peut-être. De mon côté, j'imaginai volontiers à ses côtés une baronne vieillissante et mamelue lui prodiguer les premiers soins en le ventilant de son éventail et en demandant haut et fort (ben oui, c'est mon sponsor) qu'on lui apporte des sels. L'angoisse était à son comble... Rendez-nous vite notre Nelson, par pitié, ranimez-le, comment va-t-il ? Au bout d'une attente interminable, ouf, merci, notre si cher ami était revenu parmi nous, pas tout à fait remis de ses émotions cependant. Le coeur n'y était plus...

Autant vous dire que le plaisir de la fête fut très contrarié par ce fâcheux incident... ah oui, j'y pense, je crois que c'est un russe qui a gagné, il était déjà largement en tête au début de l'épreuve et considéré comme le favori imbattable.

Seul notre Nelson croyait à l'impossible, comme si personne n'avait osé lui suggérer qu'il rêvait. Ah, je l'aime bien, mon Nelson. Allez mon gars, reprends des forces, je suis sûr qu'un jour, tes prédictions finiront par se réaliser !

Commentaires

  • Et bien moi, je n'ai pas regardé le patinage artistique mais j'ai écouté hier l'émission de Jean-Marc Morandini sur Europe 1, toute l'actualité télé. Ils ont repassé un extrait des commentaires de Nelson Montfort (le vrai) et un extrait de sa marionnette aux guignols (enfin, je suppose que c'était les guignols). Et, effectivement, on pouvait se demander lequel des deux était le plus drôle: le vrai Nelson ou sa marionnette. Jean-Marc Morandini a même parlé du patinage artistique, présenté par Nelson Montfort, comme étant un spectacle comique.

    Je crois que Nelson Montfort est un personnage éminemment sympathique, qui se caricature lui-même volontiers. Voilà un présentateur qui ne se prend pas au sérieux: ils ne sont pas si nombreux!

    Le portrait que tu as fait de lui le ravirait certainement. Tu devrais le lui envoyer via la rédaction de France2.

  • @Gwenola : ah ben alors ! Je suis bien heureux que tu aies interprété ce texte dans ce sens, car effectivement, même si l'ami Nelson tombe parfois dans une vraie grandiloquence, il y a quelque chose chez lui qui me le rend éminemment sympathique. Il a un côté enfant qui est assez touchant. C'est ce que je voulais essayer de raconter, à ma façon.

  • Mais y zont mis quoi dans ta pile ?
    C'est du Nelson, c'est du Candé, c'est du bon, du très bon cette note !
    Je me suis bien marré à te lire, je même relu à haute voix pour ma femme, c'est tout dire.
    Nous aussi on l'aime bien le Montfort. A Nagano on a eu le Fulla maintenant on a le Nelson, c'est parfait.

  • @Thierry : alors là ! Si maintenant je fais l'objet de lectures publiques, je suis pris subitement d'un violent trac ! Quant à ma pile, ben, pour l'instant, je ne sais pas trop quoi en dire si ce n'est que les ingénieurs de Medtronic ont programmé différents tests à intervalles réguliers, provoquant des chocs subdermiques pas forcément agréables. Mais je vois le docteur D. mardi matin, j'espère bien que cette rencontre m'inspirera une petite note !

  • "illusions monfortiennes" voilà un néologisme qui fera date !!!

    Non, sérieusement il restera une place au Panthéon pour ce mec , aux grands hommes la patrie reconnaissante ??
    A la limite on vire Victor HUGO et on met Nelson à la place.

    Billet tres amusant. Merci.

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