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Manassas ou une certaine idée de la perfection

En 1972, Stephen Stills n'avait plus rien à prouver. Après l'aventure du Buffalo Springfield de 1966 à 1968 – avec entre autres complices un certain Neil Young – et celle, plus durable, entreprise avec Graham Nash et David Crosby (puis... Neil Young), notre homme était déjà au sommet de son art. Pourtant, c'est peut-être cette année-là qu'il commit, entouré d'un combo de luxe, un album qui reste, par-delà les années, un sommet dans l'histoire du rock américain.

Comment définir ce disque – à l'origine un double 33 tours aujourd'hui réédité sous la forme d'un CD – autrement qu'en multipliant les superlatifs ?
Virtuose.
Indémodable.
Habité.
Chaleureux.
Flamboyant.

Pas besoin d'en ajouter... nous sommes immergés au cœur de 72 minutes inspirées dont jamais la tension ne retombe. Avec Manassas, Stephen Stills nous convie à un voyage qu'il a décomposé en quatre phases (à l'origine, une par face du double album) : The Raven, The Wilderness, Consider et Rock & Roll Is Here To Stay. Un périple au cours duquel le guitariste a su inventer un savant cocktail alliant blues, rock, folk et country rock, sans que jamais l'impression d'harmonie de l'ensemble ne soit rompue.
 
Les titres s'enchaînent naturellement, souvent sans pause, enluminés par une chorale de guitares et de voix qui semble survoler une rythmique foisonnante. Les sept musiciens du projet Manassas, outre Stephen Stills lui-même, ont pour nom Chris Hillman (ex-Byrds), Al Perkins, Dallas Taylor, Paul Harris, Fuzzy Samuels, et Joe Lala, auxquels viennent s'ajouter ici ou là quelques invités, dont un certain Bill Wyman à la basse, sont au service d'une musique qui n'a pas pris la moindre ride, peut-être tout simplement parce qu'elle refusait d'emblée toute concession aux modes de son époque. Certains musiciens disent qu'ils ne composent pas la musique qu'ils jouent mais qu'ils en sont plutôt les récepteurs et les vecteurs. Si tel fut le cas pour Stephen Stills en cette année 1972, alors nul doute qu'il eut ce talent fou d'être un véritable medium. On ne le remerciera jamais assez pour ce ce cadeau ! Dédié à Jimi Hendrix, Al Wilson et Duane Allman, Manassas continue de livrer, un à un, tous ses secrets près de 35 ans après sa sortie et ne cesse d'enchanter. J'ai beau chercher... je ne parviens pas à lui trouver un défaut :  il ne faudra pas voir dans cette admiration une quelconque nostalgie du paradis perdu des années adolescentes. Déjà, au moment de sa sortie, ce disque me semblait magique et je serais incapable de compter le nombre de fois où, bien plus tard, au volant de ma voiture, j'ai pu l'écouter au petit matin, savourant avec gourmandise les bienfaits de cette drôle de médecine sonore. Il y avait comme une concordance parfaite entre mon esprit disponible et la sérénité de cette musique à la fois humble et riche.
 
A bien réfléchir, on se rend compte aussi que cette expérience fut, d'une certaine façon, sans lendemain. En 1973, le groupe repartait en studio pour ajouter un second épisode à son histoire. Mais allez savoir pourquoi, ce nouveau disque appelé Down the road fut ressenti comme une vraie déception. L'équipe était pourtant là, au complet, mais quelque chose semblait s'être cassé entre temps, non que le disque pût être qualifié de «mauvais», loin de là, mais plutôt parce qu'encore pris dans la tenaille magique de son prédécesseur, chacun d'entre nous était comme surpris de s'apercevoir que le résultat n'était pas à la hauteur des espérances qu'il avait fait naître. Quel que soit le talent de l'artiste, celui-ci ne peut prétendre tutoyer les sommets en permanence. Nous avions tellement reçu qu'il eut été ingrat de nourrir le moindre ressentiment à l'égard de Stephen Stills. Manassas était à nos côtés, sa présence rassurante nous suffisait et nous n'avions pas à nous forcer pour le remettre sur la platine au gré de nos envies. Ce qu'à titre personnel il m'arrive de faire encore bien souvent...

Allez, juste pour le plaisir, un petit extrait de «Anyway»... choisi un peu hasard car j'aurais pu vous proposer n'importe laquelle des 21 compositions de ce disque !
 

Et comme toujours, pour en savoir plus...

Commentaires

  • Si quelqu'un a des doutes sur la capacité de Steve Stills à composer, voici ce que dit Chris Hillman: "J'ai écrit avec les Byrds, mais avec Stephen Stills, je suis passé à un autre niveau. J'ai appris plus sur la composition pendant mes 2 années comme second de Stephen que durant toute autre période de ma vie. Il m'a appris à structurer un texte, à tourner une phrase, à donner de la force à une mélodie".
    No comment...
    Si ce n'est que Manassas, c'est plutôt mon domaine, non? Mais, bon, je vois là une preuve de ton bon goût.. Alors, sans rancune!!!

  • Ben oui, ben oui... Manassas, c'est vrai qu'à première vue, c'est plutôt ton domaine que le mien mais... va savoir pourquoi, ce disque n'a jamais été bien loin de ma platine CD et tourne régulièrement depuis de longues années. Je crois qu'il va au-delà d'une simple affaire de "style de musique", et je sais qu'il fait partie de ceux que j'écouterai toujours.

  • Depuis que je te lis ça doit être le premier album sur lequel tu écris et que je POSSèDE !
    Zoupla ! ( rictus niais )

    C'est rigolo car j'allais te faire la réflexion que tu marchais sur les plates bandes de Quiet Man mais je m'aperçois qu'il l'a dit lui même.

  • @Mille Pattes : et ce n'est peut-être pas fini... tu sais, il m'arrive d'écouter des disques connus !!! Et j'en profite pour ajouter ici que les musiques que j'aime sont celles qui déclenchent chez moi une vraie vibration, je ne les choisis pas en raison de leur caractère plus ou moins confidentiel. Il n'empêche par ailleurs que ce dont les medias nous abreuvent en règle générale est souvent d'une médiocrité absolue car pour des raisons "audimatiques" et de profit immédiat, il faut écouler sur le marché des oreilles le maximum de soupe en un temps minimum, ce qui implique, on en conviendra, un certain nombre de contraintes aboutissant inéluctablement à l'insipidité du produit.
    Mais c'est la même chose aussi dans le domaine alimentaire et des plats cuisinés industriels qui n'ont plus aucun rapport avec la cuisine dont ils ne sont que de tristes avatars...

  • Je possède ce disque est je suis de votre avis....entièrement.
    J'adore tout simplement;

    Bonne journée.

  • Je m'excuse j'ai fait une faute à "est". Il faut lire "et".

  • @ Elisabeth : tu es pardonnée !

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