«On a remis les compteurs à zéro car le score est maintenant de 1 partout.»
Ouh la la la la la la... Elle est puissante cette réflexion d'un commentateur sportif que j'ai captée samedi soir en revenant du cinéma – où j'ai vu un film totalement oubliable, «Les enfants du pays», sorte de téléfilm de terroir sur France 3 avec un Michel Serrault passant son temps à imiter Michel Serrault – après avoir allumé mon téléviseur pour savoir, depuis mon canapé du cuir rouge, à quelle sauce était mangée l'équipe de football de Nancy – c'est ma ville – opposée à celle de Nice en finale de la Coupe de la Ligue. Attention, hein, soyons clairs entre nous : le foot, ça m'ennuie très fort, d'habitude je ne le regarde jamais à la télévision mais je tenais à constater de mes propres yeux le phénomène qui faisait la une de toutes les discussions ce jour là dans notre belle ville : près de 40.000 supporters nancéens avaient fait le déplacement jusqu'au Stade de France pour encourager leur équipe favorite. Vous vous rendez-compte ? 40.000 personnes sur un total de 100.000 habitants. Certes, si l'on tient compte de ce que nos élus ont poétiquement appelé la Communauté Urbaine du Grand Nancy – la CUGN – ce total s'élève à plus de 350.000, mais tout de même, ça fait un paquet de monde dans les bagnoles, les bus et les trains... Raah dis-donc, si toutes ces énergies positives et collectives étaient mises au service d'une autre cause, on imagine à quel point notre beau pays ne tarderait pas à occuper sur la scène mondiale la seule qu'il mérite : la première !!!
Et puis j'ai entendu cette phrase mémorable... Mais avant, deux mots tout de même au sujet des deux sbires chargés sur une chaîne dite de service public de commenter cette rencontre : d'abord, il est évident que dans leur esprit – allez savoir pourquoi – c'est l'équipe de Nice qui, forcément, devait gagner face à ces petits joueurs lorrains. Il fallait les voir s'exciter comme des puces dès lors qu'un de leurs poulains rouge et noir avait le ballon. Sûr, c'était pour marquer un but, la voie était tracée, on n'échappe à son victorieux destin. Alors on comprend un peu leur déception quand ils durent se rendre à l'évidence : à la mi-temps, ces pauvres lorrains menaient par 1 à 0... Mais... ouf ! Dès la reprise, les niçois remirent les choses dans le bon ordre en égalisant au bout de quelques minutes d'une domination logique compte tenu de leur supériorité naturelle. Et c'est à ce moment précis que les deux porte-voix proférèrent cette inoubliable pensée que j'ai choisi de vous asséner en début de note. Allez, je ne peux y résister : «On a remis les compteurs à zéro car le score est maintenant de 1 partout». C'est du bon, hein, du premier choix, non vous ne trouvez pas ? Je me la suis passée en boucle encore hier toute la journée, persuadé que je n'avais pas saisi toute la subtilité du propos, qu'il y avait du subliminal là-dedans. J'en ai même failli me sectionner à plusieurs reprises quelques phalanges en coupant des branches dans mon jardin, malgré le port de gants spéciaux achetés 10 € quelques heures plus tôt dans une jardinerie dont je n'ai pu ressortir qu'après avoir cédé aux injonctions d'une caissière m'incitant à devenir porteur d'une carte de fidélité, bénéficiant ainsi d'une réduction de 10% sur mes achats. Euh... pourquoi je vous dis tout ça, moi ? Bon, revenons à nos moutons footballeurs... et à ces deux experts que l'histoire de la télévision retiendra certainement pour les siècles à venir. Donc, tout allait bien dans le meilleur des mondes puisque le gagnant de la Coupe allait être l'équipe de Nice. Surtout que, peu de temps après cette égalisation inexorable, les lorrains virent l'un des leurs expulsé du terrain suite à une accumulation de cartons jaunes. C'est ainsi. Il paraît, je l'ai entendu de la bouche même de nos deux Dupont du micro, que le football est un sport de contact – bizarre, quand j'étais gamin, on m'apprenait à taper dans le ballon, pas sur les adversaires – et que par conséquent, on ne fait pas d'omelette sans casser des oeufs – 3 oeufs bien battus, une cuiller à soupe de farine, un petit pot de crème fraîche, 20 centilitres de lait, salez, poivrez, mélangez bien le tout sans vous économiser puis versez dans un plat à tarte (brisée) où attendent déjà d'appétissants petits lardons, mettez à four chaud (thermostat 7) pendant 30 minutes et vous avez une bien bonne quiche lorraine, ne me remerciez pas, c'était mon cadeau du jour, une prochaine fois, nous évoquerons le cas de la choucroute – bon, je ne sais plus où j'en suis de mes parenthèses... m'enfin, un joueur de moins de côté de Nancy, c'était l'hallali, la défaite assurée et bien sûr tellement attendue de nos éminences sportives. Mesdames et messieurs, remballez vos petits drapeaux rouge et blanc agités par dizaines de milliers, la fête est finie, vous allez perdre, c'est dans l'ordre naturel des choses, respectons donc la nature et acceptons son verdict. Oui mais voilà, patatras, voilà t'y pas qu'un joueur de l'équipe de Nancy est pris subitement de l'idée stupide consistant à dévier de la tête le ballon au fond des buts niçois. Ah ben mince alors !!! C'est quoi ce bazar ? Ils sont 10 au lieu de 11 et malgré leur infériorité numérique – c'est un terme que les commentateurs de football emploient souvent, ça fait un peu professionnel, le genre je m'y connais, je parle le français spécialisé, c'est pour ça qu'on m'embauche – pan dans la cage ! 2-1 ! Tu m'en diras tant ma poule !!! Contre le cours du jeu bien sûr puisque jamais Nancy ne devait gagner, c'était pas prévu comme ça. Et c'est là que nos petits jumeaux du micro nous servent une théorie dont ils n'auraient jamais fait état si, par chance, ce renversement de vapeur n'avait pas eu lieu : figurez-vous qu'une équipe privée de l'un de ses joueurs semble en réalité bénéficier d'un avantage très fort vis-à-vis de celle qui est au complet ! On ne sait pas pourquoi, mais là où l'on aurait pu imaginer qu'il pouvait s'agir d'un handicap, et bien non, c'est tout le contraire !!! A se demander pourquoi, d'emblée, l'équipe qui veut absolument gagner ne laisse pas quelques joueurs sur la banc de touche, si c'est plus simple quand on est moins nombreux sur le terrain. Notez cependant que leur théorie, ils n'avaient pas l'air de la trouver si évidente que ça deux minutes plus tôt mais bon... puisqu'on vous le dit !
Franchement, je suis heureux de vous faire partager ces moments de bonheur ! Surtout que je devine déjà que vous en redemandez encore une petite louche, alors je ne regarderai pas à la dépense car vous le méritez. Pour vous, rien que pour vous, une troisième fois, cette pensée qui fait notre admiration à tous : «On a remis les compteurs à zéro car le score est maintenant de 1 partout.» Mais attention tout de même, je prévois un devoir sur table dans deux semaines alors soyez gentils de réviser, ça va compter dans la moyenne...
Commentaires
Merci! ça c'est du grand maître Chronique.
Je précise que dans le salon d'English Lad y a un piti panneau où c'est écrit "NO football chat here please". Hi hi
Ah la la, la ferveur populaire qui esplose, et les journalistes meurthe-et-mosellans qui déploient tout leur talent, c'est pas beau ça...?
Je reconnais bien là le fan de Thierry Roland qui vomit sa bile du haut de sa frustration... La roue tourne, mon cher, c'est une nouvelle génération de jornalistes qui est là. Et au cas où tu ne l'aurais pas encore compris, sache que les sportifs ne sont là que pour mettre en valeur les commentateurs! N'est-il pas vrai, Nelson?
Ah oui, j'avais oublié que les sportifs ne sont que les alibis galopants des as du micro. Mais bon... j'vomis pas d'bile, c'est juste que je me gaussais un peu !!!
Eh oui, Paaaaaaaaaaaatrick !
Fort bonne note, fort drôle. Et oui des théories foireuses, celles qui les arrangent, ces crétins médiatiques savent en inventer. La bêtise était ce soir-là un peu plus lourde dans les gradins réservés aux journaleux que sur le terrain, ça changeait un peu.
C'est un peu sévère pour les joueurs mais franchement ce sport de mercenaires sans foi ni loi, je me demande toujours ce qu'il peut apporter au monde de positif. Je m'interroge toujours sur les retombées qu'il peut avoir dans le genre exemplarité des attitudes. Les supporters, atroce quand même... Non ?