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Jamais trop tard pour prendre le Trane en marche…

Jazz Magazine consacre 25 pages de son numéro d’octobre à John Coltrane. Pour les aficionados du saxophoniste, ce n’est que justice rendue à celui qui aurait fêté ses 80 ans le 23 septembre dernier et un bien bon moment de lecture ; pour tous les autres, une excellente occasion d’entrer dans l’univers magique d’un des plus grands musiciens du vingtième siècle...

medium_jazz_mag_coltrane.jpgUne longue et belle biographie, une sélection discographique intelligente d’une trentaine de disques – soit un exercice très périlleux car la production de John Coltrane fut vraiment foisonnante –, de beaux témoignages de musiciens qui, tous le reconnaissent, doivent quelque chose à Mr JC. Jazz Magazine a bien fait les choses et, bien que non intéressé à son chiffre d’affaires, je me permets de vous encourager à acquérir au plus vite ce numéro, à conserver précieusement.

Né le 23 septembre 1926, John Coltrane est vraiment apparu sur le devant de la scène quelque trente ans plus tard, après une période d’apprentissage auprès de musiciens tels que John Hodges, et un rôle de sideman de premier plan dans le quintet de Miles Davis (de 1955 à 1960), pour apparaître ensuite aux yeux de tous comme une comète qui, pendant 10 ans – jusqu’à sa mort le 17 juillet 1967 – aura tout balayé sur son passage. Travailleur acharné, en perpétuelle quête d’une musique et d’un son universels, John Coltrane aura lutté jusqu’à son dernier souffle pour nous faire partager sa foi en une musique totale, dont on ne revient pas totalement intact. Pour s’en convaincre, il suffit d’écouter quelques versions successives de «My Favorite Things» – à l’origine une chanson extraite de la comédie musicale «La mélodie du bonheur» – depuis celle qu’il enregistra en octobre sur le disque éponyme et sa version incroyablement étirée (57 minutes) en juillet 1966 lors de sa tournée au Japon, en passant par de nombreuses autres disponibles sur des enregistrements live (cf. les tournées européennes en 1961 et 1962). On peut parler de transfiguration, de quête, de Cri (avec un C majuscule). John Coltrane tutoyait les anges et, pour avoir engagé un dialogue trop serré avec Dieu, l’a probablement rejoint trop vite. Trop vite pour nous en tous les cas.
Au-delà de ses fulgurances, on retiendra – entre autres – sa somptueuse collaboration avec trois musiciens de 1960 à 1965 : Mc Coy Tyner (piano), Jimmy Garrison (contrebasse), Elvin Jones (batterie). Ce quartet magique enregistra des disques inégalés (citons en quelques uns : «A Love Supreme» (1964), «Crescent» (1964), «First Meditations For Quartet» (1965), «Sun Ship» (1965), «Coltrane» (1962)) et fut souvent augmenté de musiciens habités venus participer à l’aventure (comme Eric Dolphy que l’on retrouve sur «Live at the Village Vanguard» (1961) ou Archie Shepp et Pharoah Sanders sur «Ascension» (1965). Puis vint l’explosion à la fin de l’année 1965 : Elvin Jones supportait mal la concurrence que Coltrane lui imposa avec l’introduction d’un second batteur, Rashied Ali, et Mc Coy Tyner ne semblait plus se reconnaître dans la musique que jouait Coltrane vers la fin de sa vie. Une nouvelle formation se faisait jour, dans laquelle Alice Coltrane (piano, harpe) faisait elle aussi son apparition. Seul Jimmy Garrison resta fidèle jusqu’au dernier jour. On pourra retenir le disque «Offering» comme une sorte de testament discographique et lui adjoindre un enregistrement de la même époque, «Stellar Regions», publié en 1995 seulement !
J’ai découvert Coltrane, comme on dit, sur le tard. N’ayant pas été «initié» au jazz dans mon enfance et mon adolescence, j’ai abordé l’univers du saxophoniste un beau jour, il y a 25 ans environ, parce que j’avais été très intrigué à la lecture d’interviews de Christian Vander (Magma) qui parlait de John (il en parle toujours ainsi) d’une façon si belle et humble que j’ai fini par vouloir en savoir plus. Pour lui, Coltrane était LA référence absolue. Je me suis acheté le 33 tours « My Favorite Things » et, depuis, j’ai quasiment tout acheté, en m’efforçant de mettre de l’ordre dans une discographie foisonnante et fortement évolutive. Pas évident de s’y retrouver quand on n’est pas spécialiste et je me permets de remercier ici le journaliste François-René Simon qui, en 1991, m’envoya un jour une longue lettre en réponse à une question que je posais à Jazz Magazine (déjà) pour essayer de m’y retrouver un peu. Son courrier était extrêmement documenté, il me suggérait un certain nombre de disques et fut pour moi d’une aide précieuse.
Curieusement, la paternité que Vander exerça indirectement sur ma découverte de Coltrane s’est aujourd’hui comme inversée. Alors qu’au quotidien, je n’écoute plus la musique de Magma ou d’Offering que de façon assez épisodique, j’en reviens constamment à Coltrane, source inépuisable à laquelle je m’abreuve, mère nourricière à fort potentiel énergétique.
Bien entendu, on pourra noter que parallèlement à ce travail de qualité produit ce mois-ci par Jazz Magazine, nos télévisions dites de service public ont été totalement muettes au sujet de John Coltrane. Doit-on s’en étonner ? Certainement pas. Elles ont beaucoup mieux à faire et pour avoir récemment zappé un peu au hasard sur France 2 avant-hier soir (« On a tout essayé ») et hier au journal de 13 heures, j’ai bien noté que l’événement culturel du moment était la sortie du nouveau disque d’Axelle Red, objet d’une promotion vraiment frénétique. Quand le conservatisme ambiant atteint un tel niveau de perfection, on ne peut que s’incliner et savoir d’avance que tous les artistes ayant choisi, à un  moment ou à un autre de leur parcours, de sortir des sentiers battus et de déranger sans forcément le vouloir l’ordre établi, seront passés sous silence. N’oublions jamais qu’en 1960, alors qu’il se produisait à l’Olympia avec Miles Davis, une partie du public siffla copieusement Coltrane (un double CD en témoigne sans la moindre ambiguïté…) dont les interventions bousculaient joyeusement les codes de l’époque et qu’en 1966 – soit un an avant sa mort – il fut déprogrammé de plusieurs concerts auxquels il devait participer parce que sa musique sortait trop du cadre un peu étriqué des normes établies par les tenants du « vrai jazz ». Alors la télévision en 2006… vous imaginez bien à quel point elle se contrefout d’un musicien imprévisible et délivré des chaînes, qui nous a quittés voici près de 40 ans maintenant.
Et merci, une fois encore, à toute l’équipe de Jazz Magazine.

Commentaires

  • Merci pour le tuyau et pour cette bio en accéléré, super pour un presque-novice comme moi!!! Et merci pour ce blog découvert ce soir par le biais de la chronique sur le Sacre/Bojan Z aux NJP...

  • @Pierrou : je suis heureux si la lecture de mon blog a pu t'aider en quoi que ce soit. Si tu souhaites d'autres informations au sujet de John Coltrane, n'hésite pas à passer par ici !

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