De retour de quelques jours de vacances du côté de Grasse, la ville des parfumeurs, je repense à cette étrange conjonction qui m'a en quelque sorte sauté à la figure le mardi 3 avril. En effet, en quelques minutes, le pire et le meilleur se sont côtoyés, résumant bizarrement une double France presque schizophrénique.
Il y eut d'abord cette incroyable performance du TGV Est dont la vitesse de pointe atteignit ce jour-là 574,8 km/h ! J'ai eu la chance de vivre cet extraordinaire moment en direct, à la télévision et la première idée qui m'a traversé l'esprit fut celle d'une France qu'enfin, on ne flagellait pas chaque jour à grands coups d'éditoriaux néo-libéraux vengeurs et assassins pour nous expliquer que nous sommes nuls, que tout est mieux ailleurs, ce qui n'empêche pas d'ailleurs tous ces brillants esprits de soutenir la candidature d'un homme qui est aux affaires depuis cinq ans maintenant et dont on aimerait savoir comment, avec les mêmes complices, il serait l'homme de je ne sais quelle rupture, allez comprendre ! Hé, franchement,, vous avez vu côte à côte Raffarin, Méhaignerie et Fillon, et je ne sais plus qui... vous trouvez qu'ils ont une tête de rupture ces notables ? Et puis, faut être sérieux tout de même... Comment peut-on se présenter comme ZE candidat et avoir comme ambition culturelle le soutien de Doc Gynéco, Johnny Halliday et Pascal Sevran ? Il y a une erreur là-dessous, c'est certain.
Au sujet de ces éditoriaux, j'enrage car Télérama vient de nous proposer un excellent article consacré au chroniqueur soit disant économique Jean-Marc Sylvestre. J'avais sous le coude depuis pas mal de temps un petit texte que je pensais publier mais... c'est inutile désormais. L'hebdomadaire l'a fait avant moi, beaucoup mieux très certainement et je n'ai guère envie d'ajouter une couche et de tirer sur ce porte-drapeau d'un prétendu journalisme avisé.
Oui, donc, j'étais heureux à l'idée de constater que l'alliance d'une grande entreprise publique (la SNCF) et d'une entreprise privée (Alstom) avait pu aboutir à cette magnifique réussite. Une preuve que l'économie mixte a aussi beaucoup à voir dans une telle avancée. Et qu'au lieu de se gargariser de thèses simplistes, certains feraient mieux d'y regarder de plus près et de comprendre pourquoi le monde est un peu plus compliqué qu'ils ne l'imaginent.
Mais quelques minutes plus tard, patatras ! L'autre France, celle d'un parti d'extrême droite dont l'inusable candidat continue de hanter les nuits de bien des hommes politiques, affichait ses tristes couleurs : une nouvelle idée venait de germer dans le cerveau du leader octogénaire ! Sus aux limitations de vitesse sur l'autoroute (sur lesquelles il préconise de rouler à 150 km/h), non à un taux d'alcoolémie ridiculement bas (ben voyons, picolons tous en coeur et prenons le volant ensuite). Une sorte de double appel à plus de violence routière encore, à plus d'assassinats sur roues ! Il ne faut pourtant pas être doué d'une intelligence exceptionnelle pour savoir et comprendre que vitesse et alcool sont les deux causes majeures des 5000 morts annuels sur nos routes. On a pu vérifier par les faits qu'une politique coercitive en ce domaine était particulièrement efficace (division par deux du nombre de morts en quelques années). Pourtant, personne ne pourra me soupçonner d'éprouver quelque sympathie que ce soit pour l'actuel gouvernement et pour tout ce qui touche à ce que j'appelle volontiers la Chirakozie dont je redoute qu'elle continue pour cinq ans encore de garder tous les pouvoirs, mais je sais tout de même reconnaître les réussites lorsqu'elles sont flagrantes, au point que j'en veux souvent à une certaine gauche de se cacher derrière son petit doigt lorsqu'il s'agit d'émettre des avis et de prendre des décisions qui pourraient heurter son potentiel électorat qu'elle imagine peut-être différent de ce qu'il est en réalité (mais c'est une autre histoire). Mais le vieux chef n'en a cure, il souhaite seulement engranger les voix, s'immiscer dans le débat même s'il sait parfaitement qu'il n'exercera jamais la moindre responsabilité politique, ce dont il s'est méthodiquement abstenu depuis 50 ans et s'appuyer sur les instincts les plus bas pour y parvenir. Il sait que la répression automobile est souvent très impopulaire auprès de certaines couches de la population dans notre beau pays et n'hésite pas à flatter la beaufitude s'il le faut.
Moi, j'étais là, interloqué entre ces deux France ! L'une qui va de l'avant, qui se bat, qui s'expose face au monde et affiche ses réussites. L'autre, recroquevillée sur l'illusion d'un passé fantasmé et repliée sur ses frontières imaginaires et prête à s'agenouiller devant un homme qui propose des solutions simplistes aux problèmes les plus complexes.
Et je reste très inquiet face à l'efficacité de tels arguments qui pourraient, à nouveau, nous valoir un second tour maudit à la prochaine élection présidentielle. J'ai déjà bien du mal à admettre que ces thèses nauséabondes vont jusqu'à gangrener l'esprit d'un artiste que j'ai longtemps admiré et dont la musique, aujourd'hui, ne me nourrit plus comme elle le fit autrefois parce que ses idées ont une fâcheuse tendance à me brouiller l'écoute.
Alors je préfère admirer ces hommes dont l'énergie, l'imagination et l'intelligence ont surmonté des milliers d'obstacles pour aboutir à un si beau résultat et je retrouve, petit à petit, le bonheur de la musique avec d'autres grands hommes dont je ne manquerai pas de parler ici même ou pour le compte d'un magazine qui me fait l'honneur de m'accepter parmi les siens.
J'avais juste envie de le dire, à sept jours d'une date importante.
Commentaires
La vitesse : désolé, une civilisation qui combat la vitesse et la plaisir de conduire est sur la pente bananeuse de la décadence!
Cela posé, d'accord avec vous pour lutter contre le misérabilisme ambiant. Et vive le TGV!
@jcljulien : je ne crois pas que l'on puisse mesurer la décadence d'une société à l'aune de sa plus ou moins forte propension à faire vroum vroum en état d'ivresse sur les routes et autoroutes. Qu'on cherche à s'élever en s'étourdissant de vitesse, oui, certes, mais en ce début de XXIe siècle, n'est-ce pas justement le signe d'une vraie décadence que de ne pas tenir compte des avertissements que nous lance notre planète et de continuer à polluer à outrance alors qu'avec un minimum de bon sens et de raison, on peut, au moins, limiter les dégâts ? Car vous conviendrez avec moi qu'à 150 km/h sur autoroute, on pollue beaucoup plus qu'à 110 et qu'on est beaucoup plus dangereux... Autant chercher des solutions écologiquement plus cohérentes. Pour avoir tout récemment traversé la France en voiture (à allure modérée), je suis effaré de voir à quel point la voiture reste comme le symbole d'une réussite personnelle alors qu'elle ne devrait constituer qu'un objet utilitaire. "C'est moi qui ai la plus grosse !", en quelque sorte...
Et puis... au moment même où je venais de lire de votre commentaire (dont je vous remercie), j'apprenais qu'une personne qui était chère à notre famille venait de mourir, fauchée en plein Paris par un chauffard qui, très probablement, brandissait haut l'étendard de sa non décadence et revendiquait je ne sais quel droit à une liberté individuelle. Sa victime n'a pas eu le temps de lui opposer quelque argument que ce soit. Paix à son âme.
Alors vous me permettrez de persister dans mes quelques convictions.
C'est vrai que ces revendications laissent interloqué... Mais je ne suis par d'accord pour dire que vitesse et alcool sont les deux causes majeures des 5000 morts annuels sur nos routes. Non, pour moi les pricipaux fautifs sont les accidents...
Et pour le concours du plus nauséabond, je crois que la journée d'hier a placé un autre candidat hors concours!
@ Quiet Man : en fait, le fautif majeur est peut-être... une fautive ! Une certaine forme de la connerie humaine, qui a ceci de différent avec l'intelligence qu'elle est sans limites !
Là-dessus, je ne peux qu'être d'accord avec toi! Et non contente d'être sans limite, elle est totalement polyvalente...