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Le Lann Top : le mariage du ciel et de la terre

Ah qu’il fait du bien ce disque ! Je vous ferai grâce du contexte personnel et des heures difficiles vécues concomitamment à sa découverte même si, peut-être, finalement, il aura été un soutien précieux pendant ces jours de larmes. Je préfère de très loin évoquer ici toutes ses qualités : une belle énergie, le bonheur des retrouvailles avec deux musiciens qui se faisaient décidément trop discrets sur la scène hexagonale, l’idée que la confrontation de deux personnalités qu’on n’attendait pas forcément côte à côte a donné naissance à un vrai projet artistique qu’on voudrait croire durable.

e79a742050417b6c792b8215975658d3.jpgFaisons rapidement les présentations : ci-devant monsieur Eric Le Lann, trompettiste breton de son état, qui s’est illustré depuis plus de vingt-cinq ans auprès de grands messieurs tels que René Urtreger, Jean-François Jenny-Clarke, Henri Texier, Bernard Lubat, Patrice Caratini sans oublier Martial Solal. Les jazzophiles auront même pu le reconnaître à l’affiche du film de Bertrand Tavernier, « Autour de Minuit ». Eric Le Lann a également eu l’occasion de créer son propre quartet dans les années 80 mais s’était éloigné de la scène depuis une bonne dizaine d’années, donnant la priorité – et on ne saurait le blâmer – à ses deux filles jumelles ainsi qu’à la création d’une école de musique en Bretagne. Le Lann est un musicien lyrique, habité, aérien, qui commençait à nous manquer sérieusement.
 
Quant à son complice Jannick Top, est-il utile de le présenter, lui qui avait totalement investi l’univers magmaïen de Christian Vander à l’époque de « MDK » ou « Köhntarkösz » dans la première moitié des années 70, avant de se lancer dans une aventure sans lendemain baptisée Vandertop ? Un duo explosif pour une série de concerts en 1976, qui restent encore dans les mémoires de quelques aficionados. Après quoi il décida d’investir le champ de la variété française et de proposer ses services à quelques célébrités dont le moins qu’on puisse dire est qu’elles ne font pas partie de mon univers artistique … Oh, il y eut bien la création du label Utopic Records et l’édition de quelques précieux enregistrements ; il y eut aussi d’épisodiques retrouvailles avec Magma en mai 2005, qui suscitèrent les railleries de quelques fans encore coincés dans leurs vieux souvenirs et qui hurlèrent au blasphème au prétexte que monsieur Top avait eu l’idée saugrenue de glisser une suite de Bach dans un chorus. Une suite de basse en quelque sorte. La rumeur bruissait également d’un possible nouveau disque sur lequel Christian Vander himself serait aux baguettes (information confirmée depuis et même au-delà puisqu’il semble bien que d’autres membres de l’équipage Magma soient venus faire un petit tour en studio). N’étant pas musicien, je ne saurais vous expliquer correctement en quoi le jeu de Top est si particulier ni même vous décrire la puissance de son son (j’aime bien ça, son son !). Les musicologues vous expliqueront qu’il accorde sa basse comme un violoncelle, un octave plus bas. Pour faire beaucoup plus simple, nous dirons que notre Jannick aimé a un son énorme qui vous vrille les tripes à la première mesure. Si Eric Le Lann est le ciel, lui est la Terre et ses entrailles, sa musique gronde et l’on ne rappellera jamais assez à quel point la part qu’il prit dans l’aventure Magma fut déterminante, contribuant pleinement à l’avènement de « Köhntarkösz », qui reste de très loin la plus belle réussite discographique du groupe et dont, par ailleurs, le propos « philosophique » suscite le moins de polémiques. Ici, point de peuple qui s’évanouit dans l’espace sous les injonctions de celui qu’il tenait pour un tyran, point de suspecte dissolution du moi dans la soumission à un être supérieur. Non, plus simplement, le cheminement d’un être pas à pas dans les degrés de la conscience. Ce qui, on en conviendra, est déjà tout un programme.

C’est bien gentil tout ça, mais je m’éloigne du sujet. Revenons donc à nous gloutons : d’un côté, les chaudes envolées jazzy, quand il ne s’agit pas de cris lancés crânement au vent d’une tempête annoncée, par une trompette dont la sourdine n’est pas sans nous rappeler celle d’un certain Miles ; de l’autre les assauts rageurs d’une basse qui emporte tout sur son passage et propulse tous les musiciens vers les hauteurs stratosphériques d’une musique retrouvée. L’histoire veut que chacun des deux musiciens ait apporté son lot de compositions et qu’après une mise en commun, tous deux aient décidé de les co-signer. Soit. On n’aura néanmoins aucune difficulté à identifier les origines génétiques de chacun des neuf titres, inutile donc d’en appeler à une recherche en paternité ni à un test ADN. Que celui qui osera me dire, par exemple, qu’une composition telle que « Spirit » n’est pas d’une certaine façon la parfaite continuité d’un « Soleil d’Ork » (remember « Üdü Wüdü) me jette sa première corde ! Qu’il essaie de me convaincre que « Mysterious City », après deux premières minutes très clairement inspirées du « Matin des Noire » d’Archie Shepp, ne lui explose pas au visage comme le firent en leur temps des compositions entrées dans la légende kobaïenne ! Non, les parentèles sont bien identifiées et pourtant, leur juxtaposition fonctionne parfaitement. Il y a en effet une surprenante complémentarité entre deux univers qu’on n’aurait pas forcément imaginé voir se marier d’une façon aussi naturelle. Eric Le Lann crée la respiration là où Jannick Top vous prend à la gorge et leurs forces unies tendent vers un équilibre où l’angoisse rôde certes, mais parfaitement stable. Et il serait injuste de ne pas citer les musiciens qui, à leurs côtés, contribuent pleinement à la réussite de ce projet dont on aimerait se convaincre qu’il va durer : Damien Schmitt à la batterie et Lionel Louéké à la guitare et au chant, sans oublier quelques amis de passage comme le guitariste Jean-Marie Ecay.

« Le Lann Top », disque résolument convaincant, va s’installer durablement en haut de la pile de vos CD de chevet et si, tel ce grand monsieur contrebassiste récemment rencontré, vous n’avez pas l’heur de disposer d’un chevet, débrouillez-vous pour le glisser en bonne place sur votre iPod préféré ou tout autre compagnon de voyage et vous en régaler les écoutilles. Vous vous en sentirez instantanément beaucoup mieux !!!

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En attendant cet achat hautement recommandé, prenez un vivifiant acompte en écoutant un petit extrait du disque appelé «Middle Access»…
 

Commentaires

  • Il aurait été injuste de ne pas venir saluer tes talents ici même vu que je suis chez toi où tu as fais décoller le CD Le Lann Top !
    Oui, cette chronique est vraiment superbe, tu as une plume qui fait plaisir à lire, on se laisse bercer par tes écrits !
    Et je comprends tout alors quand tu m'indique que tu travaille également sur Citizen Jazz !
    Respects aussi pour ton magnifique texte sur John Coltrane !
    Je vais revenir avec plaisir sur tes blogs car y'a de belles ballades à faire !
    Mais dis moi, tes 2 blogs fonctionnent toujours ? Je veux dire par là, "sont-ils actifs tous les 2" ?
    J'ai envie de te mettre en lien sur Jazz Chroniques et coups de cœur et je trouve que musiques.hautetfort.com y trouverait une belle place !
    Mais je suis en train de me demander sur ton Maître Chronique n'est pas en train succéder à musiques.hautetfort.com qui fermera peux être ses portes, d’autant que la connexion semble ramer à mort !!!
    Merci de me renseigner à ce sujet !
    Je trouve que ce dernier, avec une orientation plus musicale, trouverait avec classe sa place en lien sur Jazz Chroniques et coups de cœur.

    A bientôt…

    Z

  • Il aurait été injuste de ne pas venir saluer tes talents ici même vu que je suis chez toi où tu as fais décoller le CD Le Lann Top !
    Oui, cette chronique est vraiment superbe, tu as une plume qui fait plaisir à lire, on se laisse bercer par tes écrits !
    Et je comprends tout alors quand tu m'indique que tu travaille également sur Citizen Jazz !
    Respects aussi pour ton magnifique texte sur John Coltrane !
    Je vais revenir avec plaisir sur tes blogs car y'a de belles ballades à faire !
    Mais dis moi, tes 2 blogs fonctionnent toujours ? Je veux dire par là, "sont-ils actifs tous les 2" ?
    J'ai envie de te mettre en lien sur Jazz Chroniques et coups de cœur et je trouve que musiques.hautetfort.com y trouverait une belle place !
    Mais je suis en train de me demander sur ton Maître Chronique n'est pas en train succéder à musiques.hautetfort.com qui fermera peux être ses portes, d’autant que la connexion semble ramer à mort !!!
    Merci de me renseigner à ce sujet !
    Je trouve que ce dernier, avec une orientation plus musicale, trouverait avec classe sa place en lien sur Jazz Chroniques et coups de cœur.

    A bientôt…

    Z

  • @ Z : tout d'abord... merci pour ce commentaire qui est bien agréable à lire !
    Quant à l'articulation entre les deux blogs, elle est assez simple finalement : depuis le mois de juillet 2007, les nouveaux textes sont en ligne sont sur www.maitrechronique.com, avec juste, ici, un rappel des premières lignes et un lien pour lire la suite.
    Pour ce qui est de l'orientation de mes textes, je dirais que la musique y sera toujours très présente, mais parmi d'autres préoccupations personnelles. Comme je le disais récemment, c'est un peu mon petit laboratoire.
    Enfin, Citizen Jazz : j'en suis un collaborateur épisodique depuis octobre 2006 et j'ai écrit des textes sur John Zorn, Henri Texier (avec une longue interview), Carla Bley, Eric Legnini et... Coltrane bien sûr. Je dois prochainement effectuer quelques chroniques pour le prochain Nancy Jazz Pulsations.
    Bien à toi.

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