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Où es-tu mon Gaillard ?


Ce matin, comme chaque matin d'ailleurs, j'essaie péniblement de m'extraire des limbes nocturnes devant un bon gros mug plein d'un non moins bon café, et la radio (France Inter en l'occurrence) fait défiler tout doucement son cortège d'informations plus ou moins catastrophiques (au menu du jour notamment : les prévenus du procès des pédophiles qui tombent dans les pommes à la lecture des faits, les treize morts dans une maison de retraite près de Nancy et, le plus important, la défaite de l'A.S. Monaco en coupe d'Europe de baballe), histoire de bien vous mettre en forme pour la journée. Un oeil à moitié fermé, l'autre à peine ouvert, je scrute le paysage, j'observe la grisaille qui nous entoure, bref je me motive.
Heureusement, il est 7h25, l'heure du bonheur, le moment tant attendu de la chronique économique d'un dénommé Jean-Marc Sylvestre ! Ah, le brave homme pour qui la planète n'est qu'une vaste et unique entreprise, avec de gentils actionnaires qu'il faut bichonner, l'oeil rivé sans interruption sur le thermomètre de leurs dividendes. Ce type-là nous brosse le portrait d'un monde où, finalement, l'humain est avant tout un empêcheur de tourner en rond, avec ses revendications sociales, ses grèves à répétition, ses exigences, sa prétention à penser qu'il pourrait peut-être encore occuper une place au sein du grand échiquier de la mondialisation. En d'autres termes, qui ne fait rien qu'à embêter les pauvres détenteurs du capital, qui ont pourtant déjà tant de mal à consolider leurs profits... Alors que l'être humain, le vrai, le seul, c'est celui qui se vend au prix le plus bas (ah, nom d'un chien, pourquoi ne sommes-nous pas tous Chinois ? on bosserait en silence, pour pas cher, la France serait le pays de la croissance), qui ne râle pas, qui jamais ne se met en grève, qui VEUT travailler plus, toujours et encore. Au lieu de quoi, nous, méchants Français, sommes d'incurables paresseux, des hédonistes qui privilégieraient leur plaisir avant tout.
Chaque semaine cependant, le vendredi, la chronique de JMS devient un débat, parce qu'un contradicteur vient opposer au gourou de l'ultra-libéralisme quelques arguments post-universitaires qui, jamais, n'ébranlent les convictions de notre bonhomme. Vaine tentative, inutile diversion, pourquoi donc chercher ailleurs puisque nous sommes en présence de LA vérité ?
Pfff... c'est d'un cynisme, d'une tristesse ! Ce mec-là est dans sa bulle dorée, il vit un monde virtuel fait de bilans comptables et de budgets prévisionnels dans lequel la France est, on s'en doute, le plus mauvais des élèves.
Tiens, j'en viendrais presque à regretter les chroniques boursières d'un autre personnage de notre radio dite de service public, Jean-Pierre Gaillard : celui-là, à force d'être pathétique, il nous devenait presque sympathique. Quel bonheur de l'entendre débiter les cours de la bourse comme d'autres liraient leur bréviaire ou égreneraient leur chapelet ! C'était comme une étrange mélopée, envoûtante, mystérieuse. Et puis, ce Gaillard était à l'évidence un être humain sensible : on le sentait personnellement affecté lorsque le CAC 40 était orienté à la baisse ou, au contraire, joyeux quand il évoluait à la hausse. Ses souffrances, ses douleurs transpiraient à travers les ondes, on aurait voulu venir à son aide ou lui taper sur l'épaule. La Bourse, c'était comme son jouet et on l'admirait de pouvoir tout nous expliquer, avec les mêmes arguments : les prises de bénéfices, les inquiétudes des marchés (qui semblaient vivre leur existence propre, comme s'ils avaient acquis leur autonomie), les attentes de résultats de l'économie américaine ou des analyses de la Réserve Fédérale, la parité dollar / euro. Cerise sur la gâteau, un même argument pouvait nous expliquer un jour une hausse et quelque temps plus tard une baisse ! Qu'importe, l'essentiel était de vivre avec passion ce monde qui, pour le coup, n'était plus celui de la sinistre et austère Entreprise de Monsieur Sylvestre mais au contraire l'univers ludique d'un gigantesque Casino, promesse du bonheur éternel pour qui savait en franchir les portes.
Oui, mais Jean-Pierre Gaillard n'est plus là, c'est aujourd'hui un retraité... son silence est trop cruel, et moi je veux qu'on me rende mon Casino quotidien, ma roue de la fortune boursière.
Ah, ces maudits Français qui veulent partir en retraite ! Dire que sans eux et leurs exigences stupides, mon Gaillard serait peut-être encore là à me sussurer doucement au creux de l'oreille le doux chapelet de ses valeurs boursières...

Commentaires

  • Bon, le post n'a rien à voir avec la note, mais bon, il s'imposait. On écoute les mêmes choses, on a lu le même livre ( Sur les traces de... ), et plus important, on partage une vénération pour une jeune fille aux cheveux rouges. Donc pour répondre à une question posée un certain mercredi midi, BOEN va TRES bien et il espère vous rencontrer un jour, juste pour vous remercier de l'avoir fait telle qu'elle est...

  • Quand un remois espère me rencontrer, il doit vite se rendre à l'adresse mentionnée ci-dessous afin de réviser ses classiques et de se préparer au grand oral de la Zeuhl Wortz Mekanïk !!!
    Quant à Miss Eiffel... qu'elle soit remerciée pour ses encouragements, du coup je vous prépare deux ou trois autres bricoles car comme disait Nougaro, un blog, ça a vite fait de vous transformer en "obsédé textuel" !

  • Désolée de troubler ce moment de quiétude et d'intimité quasi-filiale, mais je rajoute juste mon grain de sel pour dire à m'sieur Y a K.A. que, bon sang de bonsoir, cette note est magnifique. Et la mélopée jean-michelesco-boursière du matin, qui réveillait en douceur et incitait même parfois à se rendormir me manque parfois... et que la loghorrée hystérique de l'autre pignouf de l'économie (et on laisse parler un type pareil sur une radio de service public ???) me donne de l'urticaire.

  • Ben moi en bonne étudiante qui a l'honneur et l'avantage, le bonheur et la chance de pouvoir parfois travailler at home le matin, je peux soigner mes zoreilles à coup de Elkabach (bouark), Michel Field (yesss! à part qu'il me fait acheter trop de cd...), Jacques Pradel (qui a complètement oublié les nextraterrestres et q c'est vachement ben ce qu'il fait) et le grand, le great, le formidabeul Jean-Marc Morandini grâce à qui je n'ai plus besoin de regarder la télé pour savoir ce qui se passe chez les people en Guyane.
    Merci Neurope 1!

  • ouis! tout pareil que tagada! au moins quand on sera colloc', on se disputera pas pour la radio!

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