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De Coltrane à Magma


Je devine qu'on me presse d'expliquer pourquoi, comme beaucoup d'autres d'ailleurs, j'établis un lien fort entre la musique de John Coltrane et celle de Magma, donc de Christian Vander.
Qu'on ne se méprenne pas cependant : quiconque connaît bien l'univers du saxophoniste (je pense en faire partie) aura du mal à trouver dans la musique de Magma un quelconque apparentement formel avec celle de Coltrane. On peut même assez difficilement imaginer deux planètes en apparence plus dissemblables. En dehors de deux allusions explicites dans la discographie de Magma : une composition sur le disque "Köhntarkösz" intitulée "Coltrane Sundïa" (Coltrane repose en paix) où le thème initial interprété à la guitare reprend les premières notes de "Love Supreme" ; une autre, sur l'album "Merci" où Christian Vander, sur "Eliphas Levi", joue au piano, note pour note, le solo de McCoy Tyner (pianiste de Coltrane de 1960 à 1965 et membre du quartet le plus flamboyant de l'histoire du jazz) sur "My Favorite Things".
Vouloir établir une comparaison Coltrane / Magma serait donc une idée assez saugrenue et vouée à l'échec, très probablement.
En fait, ce que l'on doit comprendre, c'est que John Coltrane est pour Christian Vander LE musicien de référence, celui dans le quel il a toujours puisé son inspiration et sa force, depuis son enfance, au point que le jour de sa mort, le 17 juillet 1967, ce fut pour lui comme l'effondrement d'un rêve, une douleur si violente qu'il faillit en mourir. Pour Vander, Coltrane représentait une sorte d'absolu, le chant du saxophoniste s'apparentait à un magnifique CRI (terme souvent utilisée dans l'exégèse magmaïenne), il était LA musique, sans la moindre vulgarité. Sa propre démarche s'en inspire fortement dans la mesure où la musique de Magma est celle d'un engagement total (quiconque a déjà vu au moins une fois Christian Vander sur scène comprendra ce que je veux dire) et qu'elle est née d'un déchirement dont l'un des pôles d'attraction est la musique de Coltrane. Sur le disque "Mythes et légendes", sorte de compilation avec ajout de commentaires en voix off, on entend Vander dire : "La musique de Magma est née de mon amour pour John Coltrane et de mon désespoir profond face à l'incompréhension entre les hommes". L'existence même de la musique de Coltrane était donc pour Vander la preuve de tout ce que l'homme pouvait réaliser de beau, une preuve démentie chaque jour par la misère du monde.
Mais là où la musique de Coltrane était d'essence africaine et noire, celle d'une quête universelle, porteuse de longues improvisations, celle de Magma est, elle, avant tout européenne et blanche, écrite en sa quasi totalité, influencée directement par Bartok, Stravinsky et Carl Orff : d'ailleurs, le thème premier de "Mekanïk Destruktïw Kommandöh" n'est-il pas celui des "Invocazione dell'imeneo" des Triomphes d'Aphrodite ?
Pour "entendre" de plus directes références à la musique de Coltrane, il faudra aller chercher du côté des autres formations créées par Christian Vander : Offering, où les thèmes de "Love Supreme" sont chantés, où les improvisations vocales évoquent souvent le jeu d'un saxophone déchiré (sans oublier les citations complètes de compositions de Pharoah Sanders, alter ego de Coltrane, comme "Upper and Lower Egypt") ; le Trio (ou le Quartet) Jazz de Vander, dont le répertoire est essentiellement constitué de celui de Coltrane ("un espace pour se ressourcer") ou bien encore l'éphémère et magnifique Welcome, septet à deux batteries avec la présence chaleureuse de Simon Goubert.
En ce qui me concerne, et j'ai d'ailleurs eu l'occasion d'en parler à Christian, les mots magnifiques qu'il employait pour parler de la musique de Coltrane ont été pour moi une formidable porte d'entrée vers son univers foisonnant, un outil merveilleux pour explorer sa discographie abondante. C'est d'ailleurs en me souvenant de tout ce que j'avais lu lorsque j'avais 15 ou 16 ans (c'est-à-dire bien longtemps avant de m'intéresser au jazz) dans les articles consacrés à Magma qu'un beau jour de 1999 m'est venue l'idée de créer le Magma Web Press Book, aujourd'hui reconnu comme site de référence pour qui veut connaître l'histoire du groupe. Mais ceci est une autre histoire !

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