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  • Au-delà de Kenny

    Comment résumer en quelques lignes le bonheur qui vous gagne à l’écoute de « Beyond the Wall », le nouveau disque du saxophoniste alto Kenny Garrett ?
    Comment vous faire comprendre que ses 76 minutes sont comme une sorte de fil tendu sur lequel on évolue avec jouissance, persuadé qu’on a enfin rejoint pour un temps les cieux Coltraniens, qui nous manquent tellement depuis près de 40 ans ?

    medium_garrett_beyond.jpgKenny Garrett, que j’avais vu sur scène il y a une bonne vingtaine d’années, lorsqu’il jouait dans la formation de Miles Davis. Ce même Kenny Garrett qui nous offrait voici 10 ans un magnifique hommage à John Coltrane intitulé « Pursuance », qu’on pourra toujours ré-écouter avec profit. Et le voici aujourd’hui qui rend un hommage explicite à McCoy Tyner, dont il est probablement inutile de rappeler qu’il fut le compagnon de route de Coltrane de 1960 à 1966, et donc à ce titre l’une des quatre pierres angulaires d’un quartet toujours inégalé (avec Elvin Jones et Jimmy Garrison). Un quartet qui, régulièrement et surtout sur la fin, s’étoffait en faisant appel à quelques musiciens habités, tel Pharoah Sanders, dont la musique n’a jamais pu vraiment s’émanciper – ce que nul ne saurait lui reprocher d’ailleurs – de celle du maître. Un Pharoah Sanders dont on retrouve aujourd’hui le saxophone inspiré sur « Beyond the Wall », pour notre bonheur le plus complet. Sans oublier un autre très grand monsieur, le vibraphoniste Bobby Hutcherson (cf. sa participation en 1963 à « Out to Lunch », le disque de Eric Dolphy, aujourd’hui entré dans la légende), ni même le pianiste Mulgrew Miller ou bien encore le batteur Brian Blade.
    John Coltrane aurait eu 80 ans le 23 septembre. Je suis certain que, tout là-haut, il a longuement vibré à cet hommage permanent rendu à sa musique. D’autant que Kenny Garrett, lorsqu’il évoque la genèse de son nouveau disque, nous explique qu’il a tenté d’opérer une jonction entre certains aspects spirituels de la Chine et de l’Afrique. Ce qu’aurait probablement revendiqué son héros qui avait lui-même célébré l’Afrique, mais aussi l’Inde et que l’on savait passionné par le Japon.
    Oui, comment vous dire tout cela ? Tout simplement, peut-être, en vous proposant d’en écouter un fragment qui devrait vous donner l’envie irrépressible de vous ruer sur le bac de votre disquaire le plus proche.
    Quant à moi, j’y retourne, c’est trop beau !

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    Nonesuch Records

  • Un chat, ça court !

    Le temps me manque, comme toujours, mais comment ne pas dire quelques mots du week-end qui vient de s’écouler… à une vitesse supersonique !

    Rappelons les faits : ma fille, dite La Fraise, s’est exilée pour raisons professionnelles en une ville dont nous craignions, a priori, qu’elle ne lui fût hostile, mais dont il s’avère à l’usage qu’elle recèle quelques atouts non négligeables : une plage de sable fin, une digue jonchée de nombreuses terrasses et de restaurants vous aguichant avec leurs cortèges de moules marinières, un joli port de plaisance et l’obligation, pour nous lorrains, de voyager en empruntant un trajet autoroutier sans péage nous obligeant à frôler quelques villes telles que Bruges (Brugge) ou Ostende (Oostende). Avec la possibilité, moyennant un arrêt dans une station service luxembourgeoise, d’acquérir une pile de 100 CD vierges pour moins de 20 €.

    Nous eûmes donc le plaisir de rallier cette belle contrée samedi matin afin d’aider notre progéniture à parachever son installation, non sans avoir pris la précaution de ne pas oublier deux ou trois précieux documents sans lesquels La Fraise était depuis quelques jours rendue à l’état de quasi-mendiante… Plus d’argent liquide, obligation d’engager un processus de négociation entre deux agences bancaires de la même enseigne, bref… ça ne pouvait plus durer. Et en plus, l’Internet aux abonnés absents, malgré la présence d’une Livebox qui trônait depuis quelques jours à Fraisehome, attendant son installation…

    Et là… nous eûmes droit à 24 heures extrêmement chargées. Rendez-vous compte : à peine le coffre de notre navette spatiale vidé dans l’appartement de notre fille, nous dûmes faire preuve d’une extrême adresse pour ne pas laisser s’échapper une mignonne quadrupède, pensionnaire provisoire nommée Duduche, dont l’obsession unique lui indiquait qu’une porte ouverte doit systématiquement être franchie, qu’un objet trouvé est forcément une source d’exploration, qu’un fil pendant se doit d’être négligemment balayé d’un coup de patte, etc etc. Imaginez aussi quel fut la technique très élaborée à laquelle je dus recourir pour, tout en mangeant (au fait, ma fille, le repas était très bon, pas eu le temps de te le dire), réussir à dominer un ordinateur portable récalcitrant qui refusait avec obstination d’installer un programme de connexion à Internet ! Une fourchette dans une main, un pavé tactile recevant les ordres de l’autre, une extinction forcée ici ou là, un redémarrage laborieux, nouvel échec, une chatte qui sinue entre mes jambes et le petit bureau, se glissant derrière l’écran, encore un redémarrage, une inspiration soudaine – mais oui, il faut d’abord copier le contenu du CD sur le disque dur et tenter ensuite une ultime installation – couronnée de succès. Ô miracle, La Fraise est enfin reliée au monde, j’ai pu lancer le navigateur Web et constater que tout marche !!!

    Et vous pensez que j’eus ensuite droit au repos ? Que nenni ! Nous entamâmes alors une longue marche forcenée devant tout d’abord nous conduire à une pharmacie de garde – oui, car en cette belle ville, il semblerait que l’on ne travaille plus à compter du samedi midi – avant de rejoindre la plage longue de je ne sais combien de kilomètres et que nous parcourûmes à l’aller comme au retour ! Ouf ! Une terrasse ensoleillée nous tendit alors ses fauteuils et nous condamna à un repos de courte durée durant lequel nos gosiers purent vaincre l’assèchement dont ils étaient victimes depuis fort longtemps. Une bonne Leffe brune, voilà le remède adéquat !

    La journée n’était pas terminée… Obligation nous était faite de nous restaurer et c’est par une nouvelle inspiration que nous nous rendîmes en ce qui, semble-t-il, serait l’une des meilleures tables locales : oh, la bonne coupe de Champagne ! Oh la bonne choucroute aux trois poissons ! Oh la bonne crème brûlée ! Décidément, notre sort n’était guère enviable. Pendant ce temps-là, on imaginait Duduche, attendant de coussin ferme sa maîtresse intérimaire, prête à lui proposer l’une de ses nombreuses facéties dès son retour à la maison ! Ce que la mini chatte ne manqua pas de faire, on s’en doute, pendant que nous sirotions un café nocturne.

    Fin du samedi.
    Début du dimanche.

    Et c’est reparti : d’abord une belle promenade ensoleillée le long de la digue, histoire de faire passer un petit déjeuner roboratif. Quelle épreuve…

    Puis une belle visite en un beau musée d’art contemporain, niché sur un tapis de nénuphars. L’occasion de lire un panneau nous disant : « L’art est inutile, rentrez chez vous ». Bizarre comme cet ultimatum ressemble à un slogan du Medef…

    Et puis, tout de même : l’incontournable cocotte de moules marinières assortie de ses frites et d’un verre de bière. Est-ce que, vraiment, il m’était possible d’échapper à ce cérémonial local ? Aurait-on, là-bas, compris que je ne m’y astreignisse point ? Il est des sacrifices que l’on se doit de faire, si l’on souhaite forcer le respect d’autochtones bienveillants et toujours prêts à bavarder avec vous.

    Je pensais en avoir fini avec tous ces obstacles à surmonter. Mais là, La Fraise nous réservait une ultime surprise : les barres de rideaux à accrocher… Je vous passe tous les détails : les vis, les chevilles, la perceuse, le marteau, les tournevis, les mèches, le chat qui s’amuse avec tout ça, l’escabeau dont la troisième marche est visiblement très perverse, la transpiration, debout sur le réfrigérateur, tout va bien ! Mais non, cette saloperie de trou m’a avalé une cheville… c’est le moment pour moi de découvrir une astuce de bricolage que La Fraise m’a apprise et que je me permets de vous livrer : si vous êtes victime de ce sortilège, trouvez une cheville un peu plus grosse, enfoncez-là avec un marteau et coupez ce qui dépasse avec une pince. Vous verrez, ça marche ! En revanche, pas le temps d’installer correctement le store à la salle de bains, il était temps de partir car la route était encore longue. Ah, ce que je déteste ces sensations d’inachevé !

    Duduche courait toujours et c’est avec une précision presque helvétique que je parvins à la projeter sur le canapé, le plus loin possible, nous laissant le temps (une demi-seconde environ) de fermer la porte de l’appartement. Cinq heures plus tard, soit l’intégralité d’un magnifique concert du Grateful Dead enregistré en 1971 (à l’aller, j’avais opté pour une ambiance musicale différente, puisque je nous avais réservé tout un concert de… 1972 !), la navette spatiale entrait dans les rues de Nancy.

    Il nous restait une nuit de sommeil avant de retrouver le calme du cadre professionnel.
    Ah, je n’oublie pas : aujourd’hui c’est le jour de la Sainte Fraise !!! Alors, je pense à ma fille et je lui dis : bonne fête !

  • La belle musique de Patrick Gauthier

    J’ai reçu ce matin un coup de fil sympa d’un musicien que j’apprécie énormément… et depuis fort longtemps maintenant. Pianiste de Magma durant les années 70, homme des claviers de Weidorje, le groupe post-magmaïen formé par le bassiste Bernard Paganotti, membre émérite de Heldon, la belle aventure musicale dirigée par le très Deleuzien et néanmoins frippien guitariste Richard Pinhas, Patrick Gauthier a également publié plusieurs albums sous son propre nom et participe aujourd’hui à « La Cage », un projet conjoint avec la poétesse Agnès Cazorla. Une bonne raison de lui rendre ici hommage.

    Je me rappelle très bien ce concert de Magma à Nancy, le 18 juin 1976. Je voyais la bande à Christian Vander sur scène pour la première fois, après avoir consacré un incroyable nombre d’heures à écouter, seul dans ma chambre, la discographie du groupe, en particulier « Köhntarkösz » et « Magma Hhaï ». Mais ce jour-là, la formation avait une composition toute particulière : Vander à la batterie bien sûr, Klaus Blasquiz au chant, Bernard Paganotti à la basse, Didier Lockwood au violon, et deux claviers, Benoît Widemann et Patrick Gauthier. Une formation resserrée, sans chœurs ni guitare pour un répertoire dense et sombre : « Theusz Hamtaahk », « Hhaï », « De Futura » et « Mekanïk Destruktïw Kommandoh ». Un groupe temporaire, semble-t-il, puisqu’à la fin du concert, Klaus Blasquiz nous annonçait pour l’automne le retour (qui ne fut que de courte durée) de Jannick Top, dans le cadre d’une association appelée VanderTop. Dès ce jour, j’ai pu apprécier la sensibilité du jeu de Patrick Gauthier et j’eus l’occasion de me régaler quelques mois plus tard de son jeu si particulier au mini-moog sur « Üdü Wüdü ».

    Puis il y eut l’expérience Weidorje, dont le disque fit une entrée fracassante dans ma discothèque, en particulier ses premières secondes et l’introduction majestueuse de « Elohims Voyage ». Patrick Gauthier y allait lui-même de sa composition, intitulée « Booldemug ».

    A cette même époque, Patrick Gauthier était déjà largement impliqué dans le groupe Heldon, auquel il collabora si ma mémoire est bonne depuis l’origine. Je serais bien tenté de vous conseiller deux magnifiques galettes où son talent explose : « Interface » en 1978, et « Stand By » en 1979. J’entretiens une relation toute particulière avec ce dernier puisque, coincé sur mon lit d’hôpital pour de longues semaines, j’avais demandé à celle qui allait devenir ma femme de m’acheter la précieuse galette et de me l’apporter dans ma chambre. J’ai donc pu contempler la pochette pendant bien longtemps avant de pouvoir écouter ce disque et je me rappelle très précisément ce moment où, à peine rentré à la maison, j’ai pu – enfin ! – l’écouter ! Fort heureusement, il était splendide et je considérai alors mon attente comme largement récompensée.

    Par la suite, Patrick Gauthier a enregistré des disques sous son nom. Attention chers amis, sachez sans attendre que les trois disques en question sont absolument splendides et méritent d’être placés bien haut dans votre discothèque : « Bébé Godzilla » tout d’abord en 1980, où l’on note la présence de Richard Pinhas, mais aussi de quelques magmaïens pur jus tel Benoît Widemann, Bernard Paganotti, Jean-Pierre Fouquey ou Dominique Bertram mais aussi un certain Christian Vander (dont les participations extra-Magma se comptent sur les doigts d’une seule main) dans un titre hommage, « Le Grand Maître Orient ». Treize ans plus tard (entre temps, Patrick Gauthier est revenu faire un petit tour du côté de Kobaïa pour participer au projet « Les Voix de Magma » en 1992), deuxième album, deuxième splendeur. Ce disque, « Sur les flots verticaux », m’a tellement ému que pendant deux ans, j’ai emprunté l'un de ses titres, « Des pygmées dans la ville », pour en faire le générique d’une émission de musique que j’animais alors sur une radio locale. Et je vous recommande aussi l’écoute attentive de « Zawinul », en hommage au grand monsieur de Weather Report. Trois ans plus tard, troisième album avec « Le Morse », où les voix de Magma (Stella Vander, Julie Vander, Bénédicte Ragu, Himiko Paganotti) sont de retour. Patrick ouvre même la porte à une composition de Philippe Bussonnet (qui allait devenir le bassiste de Magma. Vous me suivez toujours ?), « Le chant des océans », petite merveille (en)chantée en français par Stella. Ecoutez également « The Good Book » (qui à l’origine devait figurer sur « Merci », de Magma mais qui ne fut pas finalement retenue), une sorte de gospel chanté par un certain Pascal Maunoury, que beaucoup d’autres connaissent mieux aujourd’hui après sa récente participation à une émission de télévision dite « populaire ».

    Je serais bien incapable de vous proposer une « analyse musicale » de la production de Patrick Gauthier. D’ailleurs, je n’en ressens ni l’envie ni le besoin. L’homme est attachant, sensible, on devine une vraie et belle fragilité et sa musique lui ressemble énormément. C’est dire qu’elle est source de bonheur et que je m’en repais à doses très régulières. Et le fait de savoir qu’il travaille sur un nouveau disque m’enchante par avance.
    Patrick Gauthier sera également de l’aventure « Hamtaï ! », hommage à la musique de Christian Vander, dans lequel il interprète « Theusz Hamtaahk », seul aux claviers.

    Il sera également à l'affiche du nouveau disque de Richard Pinhas, annoncé pour le 15 septembre prochain et intitulé « Metatron ». Deux heures de musique dans lesquelles on retrouvera d'autres membres de Heldon, comme Didier Batard ou Alain Renaud.

    Ah… j’oubliais… Patrick me téléphonait ce matin pour m’annoncer la parution d’un livre / CD réalisé en collaboration avec la poétesse Agnès Cazorla. Je n’ai pas encore pu écouter ce travail, intitulé « La cage », mais ça ne saurait tarder. Et puis de toutes façons, j’ai confiance !

    Alors voilà, c’est dit. Ce monsieur est un grand et c’est un plaisir infini pour moi de lui dédier ces quelques lignes. Et pour une bonne soirée autour d’une table sympa la prochaine fois que j’irai à Paris, c’est OK pour moi, mon cher Patrick ! Et si j'ai oublié quoi que ce soit d'important... n'hésite pas à venir le dire ici, tu es le bienvenu !

    Pour en savoir plus sur la discographie :
    - Heldon / Richard Pinhas : Cuneiform Records
    - Weidorje : disques Musea
    - Patrick Gauthier (trois premiers albums solo) : Seventh Records
    - Hamtaï ! Welcome Records

    Sans oublier le blog de Patrick Gauthier