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Je me souviens -- 3

Je me souviens du mois d'octobre 1975. Ma soeur et moi, néo-bacheliers à l'assaut de l'Université où nous avions atterri un peu par hasard afin d'essayer d'acquérir laborieusement un diplôme en Sciences Economiques, avions à peine posé nos valises à Nancy et suivi nos premiers cours dans l'enseignement dit supérieur qu'une bien triste nouvelle vint assombrir notre nouvelle vie d'étudiants : quelques coups discrets frappés à notre porte, notre propriétaire nous annonçant que notre grand-père venait de nous quitter. Il avait laissé ses dernières forces dans un inégal combat contre la maladie, nous savions qu'il était parti tutoyer les anges pour enfin, trouver le repos qu'il méritait.
Il nous fallut donc repartir en notre ville natale pour l'accompagner jusqu'à sa dernière demeure, à une vingtaine de kilomètres de Verdun, dans son village de Sivry-sur-Meuse dont il fut le maire pendant vingt-sept ans.
Avant d'abandonner provisoirement notre nouveau cadre de vie, car cette époque correspondait aussi à celle où nous nous affranchissions de la tutelle parentale, nous dûmes nous lancer rapidement à la recherche de celui ou celle qui voudrait bien, à notre retour, la semaine suivante, nous prêter les cours auxquels nous n'allions pas pouvoir assister pendant trois jours. Imaginez un peu la scène : nous, un peu nigauds, ne connaissant pas grand monde, devions interroger notre voisinage d'amphithéâtre le plus immédiat afin de débusquer la bonne âme qui accepterait de nous rendre ce service.
Cette bonne âme était une jolie petite demoiselle blonde, qui avait un sourire unique lui creusant une fossette rigolote dans la joue droite. Je m'en souviens très bien. Elle venait d'Epinal.
Etrange téléscopage de la mort et de la vie, comme si l'une se nourrissait de l'autre : car qui pourrait dire si, sans ces circonstances pénibles, j'aurais pu petit à petit me rapprocher de cette jolie blonde à fossette ? qui peut être certain qu'elle aurait même prêté la moindre attention à ce post-adolescent chevelu et barbu dont le principal exploit consisterait, durant l'année à venir, à enjamber dans une grande envolée un banc rond trônant dans le hall de la Faculté, au risque de s'écraser lamentablement dans une ridicule et peu grâcieuse chute bien méritée ?
J'aime à penser que ce fut là le dernier cadeau de mon grand-père : dans un ultime clin d'oeil céleste, il avait eu la délicatesse - lui qui fut longtemps entrepreneur dans le bâtiment - juste avant de rejoindre le Paradis des grands-pères, de poser la première pierre d'une maison aux fondations solides. Je suis certain qu'il nous guette toujours, 31 ans après et qu'il savoure le plaisir d'avoir contribué à la naissance d'une famille.
Car vous l'avez compris, cette petite blonde à fossette est celle qui m'accompagne depuis 30 ans, infaillible compagne et mère de mes enfants.
Ce grand-père, prénommé Pierre, avait fourni la pierre fondatrice d'un édifice dont l'un des quatre piliers s'appelle lui-même Pierre. C'est le prénom que nous avons donné à notre fils, comme s'il n'en était pas d'autre possible.

Commentaires

  • Cher D..., pardon Maître chronique, c'est très émouvant ces souvenirs de VIE. Je profite de ce petit message pour souhaiter à l'édifice une excellente année 2007. Prenez soin de vous.

  • Mon cher Jean-Marc,
    tu sais que même si je ne prends pas assez le temps de téléphoner ou d'envoyer un petit message, je pense bien à toi. Je profite de ce blog pour te dire que le CD que je dois t'offir ("Electrify My Soul" de frogNstein) sortira au premier semestre 2007 et qu'en outre, j'aurai l'honneur d'en écrire la chronique complétée d'une interview des musiciens pour le magazine Citizen Jazz.
    Bien à toi et à bientôt... et très bonne année !

  • Bonsoir,
    Le hasard, le hasard.... Comme c'est mignon.
    Pour ce qui est de ton grand-père, tu lui rends hommage dans deux notes. Mes grand pères aussi ont beaucoup compté et je suis certaine qu'ils me regardent de là haut.

  • une bien belle histoire
    et très bien écrite ...
    bonne soirée

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