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Chasse nocturne

Je me dois de vous confesser mon inquiétude... Imaginez qu'au sortir du très beau concert des frères Moutin que j'évoquais l'autre jour, je me suis trouvé fort dépourvu lorsque je me rendis compte que nos chers amis musiciens avaient oublié d'emporter avec eux leur petit stock de CD destiné à la vente et, pourquoi pas, à la dédicace. Zut, moi qui avais attendu ce soir-là pour acheter "Something Like Now", je n'avais plus qu'à me faire voir ailleurs. C'est là que de drôles de phénomènes, a priori sans rapport les uns avec les autres, ont commencé à se manifester. Récit de 48 heures un peu spéciales.

A peine avais-je quitté mon bureau lundi dernier que je me précipitai chez l'un des principaux disquaires de ma chère cité. Je ne dois pas le nommer, disons qu'il est une institution, en particulier du fait de son ouverture dominicale qui en fait un véritable lieu de promenade et un salon de lecture où il est de bon ton de s'installer tout en feignant d'ignorer les  clients qui aimeraient se frayer un passage. Le seul hic, c'est que le magasin a récemment été racheté par un groupe plus puissant dont le moins que l'on puisse dire est qu'il ne laisse guère espérer de sa part une forte propension à nous proposer des articles culturels un tant soit peu hors des sentiers battus. Wait and see... C'est donc un peu le foutoir dans ce vaste espace, y a des bouquins partout, sur plusieurs étages, une salle entière consacrée aux DVD et un rayon disques plutôt bien fourni au sous-sol. Sauf que... parmi les milliers de galettes rangées selon un ordre dont la logique peut parfois échapper aux esprits trop cartésiens, y a pas mon disque ! Mais c'est fou, ça ! Des musiciens viennent ici, tout près, pour donner un concert magnifique et c'est un complot pour que personne n'achète le disque dont ils ont joué une grande partie deux jours plus tôt.
 
Puisqu'il en est ainsi, je fis abstraction de toutes mes habituelles réserves et me rendis vers une autre destination, un vaste supermarché de la culture qui, il y a bien longtemps, se prétendait un agitateur. Qui ne semble plus agiter grand chose, sinon le chiffon rouge de régulières restructurations économiques visant à s'attirer la clémence de je ne sais quelle caisse de retraite pour milliardaires de Floride, dont on dit régulièrement qu'elle pourrait en faire l'acquisition, à condition toutefois que l'agitateur en question veuille bien se décarcasser pour agiter au minimum ses dividendes. A moins que l'acheteur supposé ne soit une banque internationale. Inutile de vous laisser plus longtemps dans une insupportable attente : chez l'agité, y a pas de Moutin non plus ! Un peu déçu tout de même et espérant n'avoir pas vu le CD pourtant présent dans les bacs, j'avisai un vendeur et lui fis part de mon problème : "Euh... le dernier disques du Moutin Réunion Quartet", vous ne l'avez plus ?" Notez que je dis "plus", ce qui signifie que, dans ma grande innocence, j'espérais à ce moment précis qu'il eût pu (bien le subjonctif passé, bien...) auparavant l'avoir en stock. Mine désappointée du responsable du responsable du rayon, qui me dit (attention, c'est un grand moment) : "Oaaaarf... Naaaan... On n'en a pas, on en commande plus, ça se vend pas..." Vous pouvez répéter ? On n'en a pas, parce que ça ne se vend pas ! Ah oui, c'est vachement logique comme truc : on le met pas dans le magasin, comme ça on n'est sûr de pas en vendre. C'est grosso modo ce que je répondis à notre homme qui, j'en suis persuadé, n'a pas décelé à ce moment précis chez moi la moindre esquisse de soupçon de début de trace d'ironie. Et je fais comment, moi, pour m'acheter le disque des Moutin, moi, je fais comment ? "Ben... euarh... si vous voulez, on vous le commande !". C'est sûr, tu m'as bien regardé. T'es pas bien toi, tu viens de me dire que tu les commandais pas et tu veux bien maintenant ? Rien du tout, j'agiterai pas les dividendes de ton patron encore breton pour l'instant et j'irai me faire voir ailleurs. Non mais des fois...
 
Il me restait alors une ultime solution : la commande en ligne. Je renonçai à mon fournisseur favori (ah ! ma zone !), qui m'annonçait je ne sais combien de semaines de délai. Pas le temps d'attendre, une Moutinite aiguë, faut la soigner assez vite, sinon, ça vous démange de partout. Donc là, c'est pas possible, désolé. Alors je me rendis sur le site de mes musiciens chouchous (www.moutin.com) et je pris connaissance du nom de leur label, en l'occurrence Nocturne. Ni une ni deux, je claviotais www.nocturne.fr et, en quelques clics, mis la main (enfin, pas exactement la main, c'est une image, arrêtez de croire tout ce que je vous dis) sur le disque tellement convoité : DISPONIBLE ! Et pour un prix tout à fait correct, frais de port inclus. Je n'avais plus qu'à accéder à la boutique en ligne et valider mon achat. Sauf que... gagné par l'impatience qu'avaient fait naître en moi tous ces virages commerciaux, je fus pour ainsi dire victime d'une glissade de souris et bouclai mon achat avant même d'avoir spécifié mon moyen de paiement. Un complot vous dis-je ! Il y a quelqu'un qui ne veut pas que j'achète le disque des frères Moutin, je le sais ! Il me fallut subir les assauts de mon client de messagerie qui m'expliqua que ma commande était bien validée... Comment ça, validée ? J'ai pas payé !!! Pfff... Là, je ne vous le cache pas, j'ai failli tout abandonner. Je n'étais même plus certain d'avoir bien assisté au concert dont je vous ai proposé le compte rendu voici quelques jours. Durant quelques instants, j'eus même quelques doutes quant à ma propre identité, c'est vous dire...
 
Alors, mon général, on fait quoi maintenant ? Ben, on prend ses petits doigts, caporal, et on écrit à Monsieur Nocturne pour lui expliquer le problème et lui demander comment procéder ! A vos ordres mon général ! J'ai donc écrit à Monsieur Nocturne, qui s'est avérée dans un premier temps être une madame Nocturne, ce qui, vous en serez d'accord, ne change absolument rien. Voici sa réponse, très exactement :
 
"Bonjour. Il faut procéder au paiement par carte bancaire pour que votre commande soit validée. La commande est envoyée automatiquement à nos clients, même si cette dernière n’est pas payée. Quand une commande n’est pas réglée par carte bancaire, elle est automatiquement annulée.
Question PERSO : Êtes-vous gendarme ?? Si oui , quelqu’un de notre société souhaite vous parler.
Très cordialement
Nocturne."

J'avais donc ma réponse puisque Madame Nocturne me conseillait finalement de renouveler ma commande et de ne pas me mélanger les crayons informatiques à nouveau. Mais la suite du message, vous y comprenez quelque chose, vous ? "Êtes-vous gendarme ?" A ce moment précis, j'ai commencé à avoir très peur : aurais-je mis le pied dans une boutique obscure dont les responsables auraient craint de ma part, enfin, la révélation de leurs activités illégales ? Pourquoi moi ? Je veux acheter le disque des frères Moutin, un point c'est tout ! Je ne suis pas gendarme, je ne l'ai jamais été et à supposer que j'ai envie de le devenir un jour, ça ne m'arrivera jamais, je suis bien trop vieux pour ça ! Alors pourquoi toutes ces questions ? Et puis, cette façon de me dire "question PERSO" écrit en majuscules, au cas où je comprendrais mal. Je respirai un grand coup et répondis avec ce ton affable (à fables ?) qui me caractérise : "Non, je ne suis pas gendarme, désolé !". Je ne sais même pas pour quoi je tins à leur faire savoir que j'étais désolé, parce qu'en réalité je ne l'étais pas. Intrigué, oui, désolé, non !

La réponse à tout ce mystère ne se fit pas attendre, car deux heures plus tard, je reçus cet ultime message, accompagné de la validation de ma commande qui, cette fois, n'avait donné lieu à aucun ratage : " Un ami que je n’ai pas vu depuis longtemps est Gendarme, il se nomme Maître Chronique, voilà la raison de ma question."

QUOI ? Un autre Maître Chronique ici-bas ? On se moque de qui ? Il n'a qu'un seul Maître Chronique sur Terre et c'est moi. Cet autre n'est qu'un usurpateur. J'écrivis donc une ultime réponse par laquelle je fis savoir que je n'étais pas ce Maître Chronique là et paraphai mon message d'un "Maître Chronique, le seul, l'unique, le vrai", vengeur.

Depuis, Monsieur Nocturne ne m'a jamais plus donné de nouvelles, je crois qu'il a compris son erreur et se morfond dans la pénombre de la pièce où sont entreposés tous les disques dont ne veulent plus les grandes surfaces de la culture.

Ah si, tout de même : dès le lendemain, un petit paquet m'attendait en la Maison Rose. Avec une remarquable célérité, Monsieur Nocturne m'avait fait parvenir ce disque Graal qui m'avait, durant toute une soirée, valu tant d'aventures.

Mais je suis certain, certain, toutefois, qu'il s'agit d'un complot !

NB : en réalité, Monsieur Nocturne n'évoquait pas Maître Chronique dans son message mais les prénom et nom sous lesquels je me cache au quotidien. Que je ne peux vous dévoiler, malheureusement. Ce qui ne change absolument rien à l'histoire, vous l'admettrez.

Commentaires

  • J'ai lu avec angoisse ce que tu racontes à la fin. Bon , l'important c'est que tout ce soit terminé très bien. Mais quelle aventure ! Les disquaires ne mettent plus en stock se qu'ils ne sont pas certains de vendre c'est cela qui est regrettable. Ceux qui n'ont pas internet, comment font-ils pour commander le disque rare ? Ils doivent aller dans les Cyber cafés ?
    Bonne journée.

  • Bonsoir Maître Chronique et vous tous,

    Et bien quelle histoire ! Je suis comme Elisabeth. Une sacrée aventure en fait.

    Je t'embrasse et je te souhaite une bonne soirée ainsi qu'à vous tous,
    Marie Christine

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