« Mais qu’est-ce qui leur arrive ? Hé ? Ho ? Ca va pas la tête ? Z’êtes devenus fous ? » Non, mais, attendez que je vous explique ce qui m’arrive. Je suis là, dans ma chambre, tranquillement allongé, je viens seulement de me réveiller et je me rends compte que mon frère est en train de m’embrasser à pleine bouche – jamais je n’aurais pensé ça de lui… Notez bien, je ne juge pas, c’est sa vie, il est libre… – pendant que ma mère, livide comme un ciel lorrain pluvieux au mois de novembre, me conjure de prononcer le nom des Bee Gees ! Non non, vous ne rêvez pas : les Bee Gees ! Je ne voudrais pas être désagréable, mais ça aurait pu attendre un peu, laissez-moi émerger les amis, on est samedi, y a pas collège aujourd’hui, rien ne presse et cet après-midi, c’est Intervilles à Verdun, avec Guy Lux en vrai ! Nous sommes le premier mai, c’est la fête du travail, on va pas s’exciter comme ça sur le nom des frères Gibb ! C’est peut-être parce qu’ils ont une chanson qui s’appelle « First Of May » que ma mère y tient tellement. Mais d’un autre côté, ça m’étonne quand même parce que je ne la connaissais pas sous cet angle, ma mère, je savais pas que ça l’intéressait la musique anglo-saxonne, j’en étais resté aux Compagnons de la Chanson, Fred Mella, Jean-Louis Jaubert, Jean Broussolle… Quant à mon frère, ce serait bien qu’il arrête un peu parce que, sans vouloir être oiseau de mauvais augure, y a juste derrière lui un type en uniforme qui va l’enfermer au poste de police s’il continue à me malaxer les lèvres !!! Enfin, quand je dis police, je suis pas certain, je ne reconnais pas bien la tenue et puis il y a ce casque un peu inhabituel. Oui. Et puis je trouve que mon lit est un peu dur ce matin… Mais c’est bizarre tout de même, j’ai l’impression d’être allongé par terre parce que ma tête est à la hauteur des pieds de ma mère, alors à moins de supposer qu’elle ne soit parvenue à un état de lévitation suite à sa découverte des mélodies des Bee Gees, j’explique pas, mais vraiment pas. Et je suis en slip. D’habitude, je ne dors jamais en slip. Je porte un pyjama.
Je crois que je commence à comprendre tout doucement…
Tout à l’heure, j’étais déjà levé. J’ai même pris mon petit-déjeuner. Et puis je me souviens que j’ai voulu prendre un bain. On peut pas dire que j’étais sale, mais aujourd’hui, c’est un samedi qui compte comme un dimanche : oui, c’est ça, nous sommes le samedi 1er mai 1971 ! Alors, on va pas attendre dimanche pour le bain, on se débarrasse du lavage aujourd’hui. Surtout que cet après-midi, il paraît qu’on ira tous au Parc de Londres – c’est le stade qui s’appelle comme ça, à Verdun – pour voir Intervilles avec Guy Lux. C’est pas que ça me passionne vraiment, mais ça changera un peu.
Donc, je suis monté à la salle de bains. Ce qui a installé ma mère dans un état d’inquiétude maximale, parce qu’elle crève de trouille à chaque fois qu’on va dans cette pièce et qu’on met en route le chauffe-eau, une machinerie qui présente une caractéristique vachement sonore : bien souvent, sa mise en marche déclenche une sorte de déflagration pas vraiment rassurante. Ca doit être une histoire d’entretien, je ne sais pas trop, le principal, c’est que l’eau chauffe, non ? Un chauffe-eau, vous, vous lui demandez quoi d’autre ? Faut dire que notre maison – enfin, la maison que louent mes parents depuis bientôt 10 ans – n’est pas de première fraîcheur, et je ne sais pas si l’idée d’une norme en matière de chauffage ou d’électricité a traversé un jour le cerveau de nos propriétaires invisibles. Mais on l’aime bien cette maison, avec ses deux grands marronniers qui allaient devenir mes complices à chaque fois que j’aurais envie d’un disque. Il y a aussi ces parterres de fleurs, circulaires, autour desquels j’entame de temps à autres une course-poursuite avec mon père, qui caresse obstinément l’espoir de me rattraper malgré le fait qu’en règle générale, j’ai toujours un tour d’avance. Et là-haut, au deuxième étage, c’est le lieu de tous nos exploits sportifs de carton où mon frère m’a initié il y a quelques années maintenant à la pratique du jeu des petits coureurs. Et dans le jardin, là, à droite du marronnier de droite, combien de buts n’avons-nous pas marqué ou encaissé ? Je ne suis pas certain que les massifs de fleurs partageraient notre enthousiasme, mais je peux vous dire que les ballons ont déjà pas mal fusé par ici. De l’autre côté, près du garage, il y a le potager avec les lapins, le tas où l’on dépose toutes les épluchures. Tiens, c’est là qu’un soir, je me suis retrouvé tout bête parce que je venais d’apprendre qu’un coureur cycliste anglais était mort en escaladant le Mont Ventoux. Le Tour de France 1967, je crois. Il y a aussi cette cave ou mon père va alimenter la chaudière en chardon, c’est quand même chouette, non ? Nous, on appuie sur des boutons de nos jours, des fois ça marche, des fois ça vous dit : défaut brûleur. Lui, il bossait pour qu’on ait chaud. Vraiment, cette maison est un peu pourrie, mais c’est la nôtre. Alors on s’est tous habitués à ses facéties et en particulier celle du chauffe-eau. Tous sauf ma mère qui est persuadée qu’on va y passer l’arme à gauche à chaque fois qu’on en franchit la porte. C’est la raison pour laquelle, dès lors que l’un d’entre nous s’y installe à des fins d’hygiène, il faut absolument qu’elle vienne frapper à la porte toutes les trois minutes et qu’on lui réponde que tout va bien.
Je me souviens parfaitement que j’ai pris mon bain tout à l’heure. C’est après que, dans ma tête, les faits s’entourent d’un flou que je ne m’explique pas trop bien. Je me rappelle ces petites étoiles qui clignotaient un peu partout. Je sais que je suis sorti de la baignoire, je me suis séché et j’ai enfilé mon slip… à moitié. Après, c’est le trou noir. Défaut cerveau.
Y a mon frère qui est là, ma mère juste derrière et au moins un pompier, sinon deux. On dirait qu’il m’est arrivé quelque chose. Mais bon, ça va mieux, je sais où je suis : dans ma chambre, allongé à même le parquet, en slip, et tout le monde semble s’intéresser drôlement à moi. Je crois comprendre que je suis tombé dans les pommes et que je me suis effondré derrière la porte de la salle de bains. C’est probablement parce que je ne répondais pas à ma mère qu’il y a eu comme un affolement. Surtout que je bloquais l’ouverture. Ensuite, je ne sais pas trop qui m’a sorti de là et comment, mais quelqu’un y est arrivé.
Je suis réveillé mais quand même un peu dans les vapes ! Faut pas exagérer non plus, je fais le malin parce que je vous raconte, mais je me sens faiblard. Les pompiers m’ont pris en charge et fait monter dans leur camion rouge. Là, je fais une toute petite digression, mais je me sens obligé de vous confier que dans les dix minutes qui ont suivi, j’ai ressenti – très égoïstement – un sentiment de fierté comme je n’en avais jamais connu jusque là ! Attendez, faut me comprendre : j’ai traversé toute la ville à la vitesse de l’éclair, toutes sirènes hurlantes ! Le pied ! Rien que pour moi, le défilé à fond les ballons ! Remarquez, j’exagère là encore parce que traverser en camion de pompier la ville de Verdun à grande vitesse, ça ne prend pas dix minutes… En dix minutes, vous en faites au moins deux ou trois fois le tour… Verdun est une jolie petite ville, certes, mais c’est dans ces moments très particuliers que vous comprenez que c’est avant tout une petite ville.
Le reste de la journée fut nettement moins passionnant : je me suis retrouvé au lit, à l’hôpital, j’ai vu des médecins, des infirmières, on m’a enfiché un tuyau vert à double branche dans le nez – je crois que c’était de l’oxygène – on m’a expliqué que j’avais été victime d’une intoxication au monoxyde de carbone – tiens, je vous l’avais bien dit que ce sacré chauffe-eau était un petit rigolo – dont la formule chimique est CO. C’est un truc vachement vicieux, ça sent rien, ça fait pas mal, non, ça vous envoie dans le coton en quelques minutes, vous voyez rien venir. Quand même, vous imaginez qu’à un certain moment, j’ai enfilé mon slip, j’ai passé la première jambe et… zou… plus personne, même pas le temps de finir. Ouah, ils ont dû voir mon zizi en plus… La honte, quand je pense qu’il y a encore peu de temps, je prenais mon bain en slip pour être certain que personne ne me voie nu… Ben là, c’est râpé, ils ont pu admirer le paysage, j’espère que c’est pas pour ça que mon frère m’embrassait sur la bouche. Non, non, si j’ai bien compris, c’est même lui qui m’a ranimé, avant que les pompiers ne débarquent – ce qui n’a pas empêché la presse locale, dès le lendemain de leur attribuer ce mérite. Ah les salauds ! C’est le frangin qui fait tout le boulot, eux, ils viennent juste pour conduire leur camionnette rouge et on les félicite. C’est dégueulasse, ce côté prestige de l’uniforme. Ils veulent pas une médaille, en plus ?
Y a plein de monde qui est venu me voir, mes grands-parents étaient là, ils étaient contrariés eux aussi. Moi, ça m’ennuyait que tout le monde soit triste à cause de moi. Alors pour ne pas les attrister pour des pommes – celles dans lesquelles, manifestement, j’étais tombé, j’ai quand même terminé l’après-midi en vomissant. C’est un de mes trucs ça, vomir. Quand je fais du sport, au collège, je chope un mal à la tête carabiné tout le reste de la journée et à la fin, je vomis. Ben là, j’ai fait la même chose, au moins, je me suis dit que tous mes proches ne s’étaient pas fait du souci pour rien.
Cette drôle d’histoire a eu deux conséquences bien particulières : depuis ce jour, je nourris une méfiance absolue à l’encontre de tous les appareils utilisant le gaz. Ces bestiaux là, je ne les aime pas, je les guette du coin de l’œil. Récemment, j’ai raconté ici même les mésaventures qui m’ont opposé à ma chaudière : normal, la chaudière, c’est l’ennemi ! C’est comme un chauffe-eau. Quant à la gazinière, je ne lui fais pas confiance non plus : à peine avons terminé de cuisiner que j’ai déjà fermé la manette d’arrivée du gaz. Quand je pars au boulot, il n’est pas rare que je remonte à la cuisine pour vérifier que je n’ai pas laissé le robinet ouvert. Moi, je n’y suis pour rien, c’est inutile de vous moquer de moi, on voit bien que vous n’avez jamais connu un chauffe-eau comme celui du 1er mai 1971. Méfiez-vous des gazinières…
L’autre conséquence, elle est calendaire car figurez-vous qu’après cette hospitalisation dont la durée n’excéda pas une grosse demi-journée, j’ai fréquenté ce milieu une seconde fois, 8 ans plus tard, jour pour jour. Le 1er mai 1979, j’entamais une nouvelle aventure que je vous raconterai prochainement : ce seront les thrombochroniques ! Et celles-là, elles ont duré bien plus longtemps, j’irais même jusqu’à dire qu’elles sont toujours bien vivantes ! Je vous laisse seulement deviner que cette maudite fête du travail est devenue pour moi un jour fatidique en puissance. Depuis bientôt trente ans, je n’aime pas le 1er mai, cette journée est signe de menace, j’évite les longs déplacements, je végète, je me laisse gagner par une boulimie de nonchalance, c’est mon principe de précaution à moi.
A propos du 1er mai 1971, vous savez quoi ? 25 051 jours plus tôt, le 29 septembre 1902, un certain Emile Zola – un de mes écrivains préférés – n’avait pas la chance d’être surveillé par une mère inquiète et mourait des suites d’une intoxication au monoxyde de carbone. Il n’allait pas pouvoir terminer la rédaction de son quatrième évangile. Promis, je vais le venger.
Je crois que je commence à comprendre tout doucement…
Tout à l’heure, j’étais déjà levé. J’ai même pris mon petit-déjeuner. Et puis je me souviens que j’ai voulu prendre un bain. On peut pas dire que j’étais sale, mais aujourd’hui, c’est un samedi qui compte comme un dimanche : oui, c’est ça, nous sommes le samedi 1er mai 1971 ! Alors, on va pas attendre dimanche pour le bain, on se débarrasse du lavage aujourd’hui. Surtout que cet après-midi, il paraît qu’on ira tous au Parc de Londres – c’est le stade qui s’appelle comme ça, à Verdun – pour voir Intervilles avec Guy Lux. C’est pas que ça me passionne vraiment, mais ça changera un peu.
Donc, je suis monté à la salle de bains. Ce qui a installé ma mère dans un état d’inquiétude maximale, parce qu’elle crève de trouille à chaque fois qu’on va dans cette pièce et qu’on met en route le chauffe-eau, une machinerie qui présente une caractéristique vachement sonore : bien souvent, sa mise en marche déclenche une sorte de déflagration pas vraiment rassurante. Ca doit être une histoire d’entretien, je ne sais pas trop, le principal, c’est que l’eau chauffe, non ? Un chauffe-eau, vous, vous lui demandez quoi d’autre ? Faut dire que notre maison – enfin, la maison que louent mes parents depuis bientôt 10 ans – n’est pas de première fraîcheur, et je ne sais pas si l’idée d’une norme en matière de chauffage ou d’électricité a traversé un jour le cerveau de nos propriétaires invisibles. Mais on l’aime bien cette maison, avec ses deux grands marronniers qui allaient devenir mes complices à chaque fois que j’aurais envie d’un disque. Il y a aussi ces parterres de fleurs, circulaires, autour desquels j’entame de temps à autres une course-poursuite avec mon père, qui caresse obstinément l’espoir de me rattraper malgré le fait qu’en règle générale, j’ai toujours un tour d’avance. Et là-haut, au deuxième étage, c’est le lieu de tous nos exploits sportifs de carton où mon frère m’a initié il y a quelques années maintenant à la pratique du jeu des petits coureurs. Et dans le jardin, là, à droite du marronnier de droite, combien de buts n’avons-nous pas marqué ou encaissé ? Je ne suis pas certain que les massifs de fleurs partageraient notre enthousiasme, mais je peux vous dire que les ballons ont déjà pas mal fusé par ici. De l’autre côté, près du garage, il y a le potager avec les lapins, le tas où l’on dépose toutes les épluchures. Tiens, c’est là qu’un soir, je me suis retrouvé tout bête parce que je venais d’apprendre qu’un coureur cycliste anglais était mort en escaladant le Mont Ventoux. Le Tour de France 1967, je crois. Il y a aussi cette cave ou mon père va alimenter la chaudière en chardon, c’est quand même chouette, non ? Nous, on appuie sur des boutons de nos jours, des fois ça marche, des fois ça vous dit : défaut brûleur. Lui, il bossait pour qu’on ait chaud. Vraiment, cette maison est un peu pourrie, mais c’est la nôtre. Alors on s’est tous habitués à ses facéties et en particulier celle du chauffe-eau. Tous sauf ma mère qui est persuadée qu’on va y passer l’arme à gauche à chaque fois qu’on en franchit la porte. C’est la raison pour laquelle, dès lors que l’un d’entre nous s’y installe à des fins d’hygiène, il faut absolument qu’elle vienne frapper à la porte toutes les trois minutes et qu’on lui réponde que tout va bien.
Je me souviens parfaitement que j’ai pris mon bain tout à l’heure. C’est après que, dans ma tête, les faits s’entourent d’un flou que je ne m’explique pas trop bien. Je me rappelle ces petites étoiles qui clignotaient un peu partout. Je sais que je suis sorti de la baignoire, je me suis séché et j’ai enfilé mon slip… à moitié. Après, c’est le trou noir. Défaut cerveau.
Y a mon frère qui est là, ma mère juste derrière et au moins un pompier, sinon deux. On dirait qu’il m’est arrivé quelque chose. Mais bon, ça va mieux, je sais où je suis : dans ma chambre, allongé à même le parquet, en slip, et tout le monde semble s’intéresser drôlement à moi. Je crois comprendre que je suis tombé dans les pommes et que je me suis effondré derrière la porte de la salle de bains. C’est probablement parce que je ne répondais pas à ma mère qu’il y a eu comme un affolement. Surtout que je bloquais l’ouverture. Ensuite, je ne sais pas trop qui m’a sorti de là et comment, mais quelqu’un y est arrivé.
Je suis réveillé mais quand même un peu dans les vapes ! Faut pas exagérer non plus, je fais le malin parce que je vous raconte, mais je me sens faiblard. Les pompiers m’ont pris en charge et fait monter dans leur camion rouge. Là, je fais une toute petite digression, mais je me sens obligé de vous confier que dans les dix minutes qui ont suivi, j’ai ressenti – très égoïstement – un sentiment de fierté comme je n’en avais jamais connu jusque là ! Attendez, faut me comprendre : j’ai traversé toute la ville à la vitesse de l’éclair, toutes sirènes hurlantes ! Le pied ! Rien que pour moi, le défilé à fond les ballons ! Remarquez, j’exagère là encore parce que traverser en camion de pompier la ville de Verdun à grande vitesse, ça ne prend pas dix minutes… En dix minutes, vous en faites au moins deux ou trois fois le tour… Verdun est une jolie petite ville, certes, mais c’est dans ces moments très particuliers que vous comprenez que c’est avant tout une petite ville.
Le reste de la journée fut nettement moins passionnant : je me suis retrouvé au lit, à l’hôpital, j’ai vu des médecins, des infirmières, on m’a enfiché un tuyau vert à double branche dans le nez – je crois que c’était de l’oxygène – on m’a expliqué que j’avais été victime d’une intoxication au monoxyde de carbone – tiens, je vous l’avais bien dit que ce sacré chauffe-eau était un petit rigolo – dont la formule chimique est CO. C’est un truc vachement vicieux, ça sent rien, ça fait pas mal, non, ça vous envoie dans le coton en quelques minutes, vous voyez rien venir. Quand même, vous imaginez qu’à un certain moment, j’ai enfilé mon slip, j’ai passé la première jambe et… zou… plus personne, même pas le temps de finir. Ouah, ils ont dû voir mon zizi en plus… La honte, quand je pense qu’il y a encore peu de temps, je prenais mon bain en slip pour être certain que personne ne me voie nu… Ben là, c’est râpé, ils ont pu admirer le paysage, j’espère que c’est pas pour ça que mon frère m’embrassait sur la bouche. Non, non, si j’ai bien compris, c’est même lui qui m’a ranimé, avant que les pompiers ne débarquent – ce qui n’a pas empêché la presse locale, dès le lendemain de leur attribuer ce mérite. Ah les salauds ! C’est le frangin qui fait tout le boulot, eux, ils viennent juste pour conduire leur camionnette rouge et on les félicite. C’est dégueulasse, ce côté prestige de l’uniforme. Ils veulent pas une médaille, en plus ?
Y a plein de monde qui est venu me voir, mes grands-parents étaient là, ils étaient contrariés eux aussi. Moi, ça m’ennuyait que tout le monde soit triste à cause de moi. Alors pour ne pas les attrister pour des pommes – celles dans lesquelles, manifestement, j’étais tombé, j’ai quand même terminé l’après-midi en vomissant. C’est un de mes trucs ça, vomir. Quand je fais du sport, au collège, je chope un mal à la tête carabiné tout le reste de la journée et à la fin, je vomis. Ben là, j’ai fait la même chose, au moins, je me suis dit que tous mes proches ne s’étaient pas fait du souci pour rien.
Cette drôle d’histoire a eu deux conséquences bien particulières : depuis ce jour, je nourris une méfiance absolue à l’encontre de tous les appareils utilisant le gaz. Ces bestiaux là, je ne les aime pas, je les guette du coin de l’œil. Récemment, j’ai raconté ici même les mésaventures qui m’ont opposé à ma chaudière : normal, la chaudière, c’est l’ennemi ! C’est comme un chauffe-eau. Quant à la gazinière, je ne lui fais pas confiance non plus : à peine avons terminé de cuisiner que j’ai déjà fermé la manette d’arrivée du gaz. Quand je pars au boulot, il n’est pas rare que je remonte à la cuisine pour vérifier que je n’ai pas laissé le robinet ouvert. Moi, je n’y suis pour rien, c’est inutile de vous moquer de moi, on voit bien que vous n’avez jamais connu un chauffe-eau comme celui du 1er mai 1971. Méfiez-vous des gazinières…
L’autre conséquence, elle est calendaire car figurez-vous qu’après cette hospitalisation dont la durée n’excéda pas une grosse demi-journée, j’ai fréquenté ce milieu une seconde fois, 8 ans plus tard, jour pour jour. Le 1er mai 1979, j’entamais une nouvelle aventure que je vous raconterai prochainement : ce seront les thrombochroniques ! Et celles-là, elles ont duré bien plus longtemps, j’irais même jusqu’à dire qu’elles sont toujours bien vivantes ! Je vous laisse seulement deviner que cette maudite fête du travail est devenue pour moi un jour fatidique en puissance. Depuis bientôt trente ans, je n’aime pas le 1er mai, cette journée est signe de menace, j’évite les longs déplacements, je végète, je me laisse gagner par une boulimie de nonchalance, c’est mon principe de précaution à moi.
A propos du 1er mai 1971, vous savez quoi ? 25 051 jours plus tôt, le 29 septembre 1902, un certain Emile Zola – un de mes écrivains préférés – n’avait pas la chance d’être surveillé par une mère inquiète et mourait des suites d’une intoxication au monoxyde de carbone. Il n’allait pas pouvoir terminer la rédaction de son quatrième évangile. Promis, je vais le venger.
PS : mon Quiet Man de frère évoque de son côté cette drôle de journée. Pour le lire, c'est ICI !
Commentaires
Hello Gamin. Comme prévu, tu prends le relais avec l'arrivée des pompiers... Nos souvenirs se complètent bien, non? Mais en écrivant, je me suis rendu compte que tu n'étais pas passé loin de la catastrophe. Je ne suis pas sûr qu'en 1971 j'avais eu le temps d'y penser...
Pour ce qui est de la catastrophe, oui, certainement, mais tu es mieux qualifié que moi compte tenu du caractère un tantinet involontaire de ma participation aux évènements.
Je note que nous avons réussi - sans nous concerter, je le rappelle - à citer Zola tous les deux, mais pour des raisons différentes. Nos évocations de la "Maison Jaune" se rejoignent bien et tu constateras que je t'ai rendu justice en rappelant que la presse locale a injustement attribué aux pompiers le rôle que tu avais joué.
Du coup, j'ai totalement évacué la dimension musicale de cette époque, que tu racontes parfaitement. De mon côté, je peux ajouter qu'après deux jours de repos, ma première sortie, accompagné de notre mère, en ville eut pour objectif premier l'achat d'un 33 tours, le tout premier "Creedence Clearwater Revival", le seul qui me manquait alors. Et que je n'eus point besoin de faire passer d'abord par sa cachette du marronnier... Je crois que je l'avais payé 24,25 francs. C'était deux ans avant la crise du pétrole qui nous valut des disques beaucoup plus souples et plus chers : d'abord 31,70 francs, puis 34,50... Ah, les vaches !
Et pour ceux qui veulent te lire, je donne le lien au bas de mon texte !
Bonjour Maître Chronique et vous tous,
Oups ton récit me donne des frissons. Quelle chance tu as eu ! Tu t'en rends compte. Tu sais en lisant ton récit j'ai l'impression d'être ta mère car j'agis de la même façon et souvent mon fils de 9 ans pense la même chose que toi. Par contre je le laisse fermer la porte de la salle de bains mais je lui interdit de fermer à clef. Je fais comme ta maman toutes des deux minutes il entend : Tout va bien mon chéri ? Et la réponse mouais mouais...
Même date, même accident. Etrange ! Tu as eu bien plus de chance que lui.
Je t'embrasse très fort et attention maintenant, tu es un grand garçon (sourire)
Très bonne journée à toi et à vous tous,
Marie Christine
Voilà l'histoire racontée de ton côté. Je viens du blog de ton frère. Quel choc tu as eu et tu en es marqué pour toujours. Moi aussi, je déteste le gaz et je ferme la bouteille dès que j'ai fini la cuisson ce qui fait que mon mari rouspète quand il veut s'en servir....
Bonne journée.
Oui, c'est vrai qu'un truc comme ça vous marque jusqu'à la fin de vos jours et que le syndrome de la gazinière n'est pas près de m'abandonner ! Bienvenue donc au club des angoissés de la manette !
Pour revenir à cette histoire, je n'exclut pas que mon intoxication ait pu avoir des conséquences à plus long terme. Je commencerai bientôt la narration d'une autre aventure, qui trouvera sa place dans la catégorie "Thrombochronique" où j'essaierai de raconter à ma façon l'épopée d'une "thrombophlébite ilio-fémorale bilatérale" de cause indéterminée. Non seulement elle m'a valu d'être hospitalisé un 1er mai... mais personne n'est capable de me dire si ce traumatisme au monoxyde de carbone n'en serait pas l'une des causes à long terme.
Mais attention, ces histoires ne seront pas larmoyantes, loin de là !
Merci pour ton passage sur mon blog qui me donne le plaisir de découvrir le tien.
Je reviendrais.
@Laura : tu es la bienvenue ici ! Bon, c'est pas le tout... faut que j'aille faire ma pâte à crêpes en suivant tes conseils !
Sympa ce nouvel échange!...
Bon we.
Bonjour Maître Chronique et vous tous,
De voyage sur la toile je viens de souhaiter un bon dimanche ainsi qu'à vous tous,
Attention ne m'approche pas, j'ai la grippe ggrrrr (sourire)
Bisous
Marie Christine
c'est marrant de lire les 2 versions de ce 1er mai 1971!!!!!
je m'en souviens pas moi ; juste que j'avais 8 ans et demi et que je vivais dans les Vosges=))
Oh, mais je ne pense pas que cet événement ait eu un tel retentissement ; on n'a pas pas dû en parler dans les Vosges