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Ce monde n'est pas encore beau...

Ce blog serait-il, lui aussi, victime de la tyrannie de l'Audimat ? Je constate en effet que les notes que je consacre à la musique – oui, je le confesse, il m'arrive d'évoquer certains artistes pas toujours très connus de cette entité mystérieuse qu'on appelle le grand public, celui qui s'amassait sur les gradins du chapiteau dressé récemment sur notre belle Place Stanislas à l'occasion de la venue de l'animateur préféré de ces dames qui, toutes, si j'en crois les spécialistes, veulent en faire leur gendre, ce qui est étonnant au regard de son âge – suscitent peu de visites et encore moins de commentaires. Notez bien que je ne suis pas particulièrement en attente de ces derniers, même s'ils font toujours plaisir à lire, à l'exception de ceux en provenance de quelques scribouillards anonymes qu'en tant que modérateur de cet espace, je me plais à éradiquer avec une joie non dissimulée. Je ne suis pas un spécialiste de l'évolution des espèces, mais il est toujours amusant d'observer que le développement des blogs et des forums sur Internet va de pair avec la croissance exponentielle du cheptel des corbeaux. Ah, la douce et couarde protection de l'anonymat !
 
Tandis que la mise en ligne d'une note à vocation plus humoristique déclenche beaucoup plus naturellement une floppée de passages en ce modeste lieu, pendant que les commentaires se mettent à fleurir.

Alors que faire ? Abandonner toute idée d'évoquer les musiciens et / ou les disques qui comptent pour moi ? Chercher à tout prix la bêtise qui fera naître, peut-être, un début de sourire chez mes lecteurs ? Me laisser guider par l'inspiration du jour et parler de ce qui, le plus sincèrement du monde, me donne envie d'écrire ? Un jour il peut s'agir de musique, un autre une tentative d'observation du monde bigarré de nos contemporains. Allez, vous avez trouvé : c'est la troisième réponse  qui est la bonne ! Je n'ai pas la moindre envie de me laisser imposer quoi que ce soit et si, tel matin, je me lève avec l'idée que je resterai muet quelque temps, je ne forcerai pas non plus mon naturel – qui, de toutes façons, reviendra au galop.

Donc, c'est dit : vous pouvez snober mes textes à orientation musicale, je ne vous en voudrai pas et j'aurai la faiblesse de ne pas me considérer comme la victime expiatoire d'un complot des forces médiatiques. Si l'on choisit d'emprunter une voie que l'on pense – en toute humilité – sortie des sentiers battus de la norme de l'époque (j'entends ici le mot norme au sens statistique, c'est-à-dire sous son acception quantitative), alors il faut accepter de n'être suivi que par une infime minorité de nos contemporains. Il faut même, éventuellement, s'en réjouir et être fier de rester en accord avec soi-même.

Prenons le cas d'aujourd'hui : en chemin vers le boulot, je suis passé sous la voie ferrée, empruntant le petit passage "télécran" que j'ai déjà évoqué ici même il y a quelque temps. Tout seul, je m'amusais en constatant que nos grapheurs / taggers anonymes (ah… décidément, nous sommes poursuivis par de menaçants anonymes, tout le temps… Je dis cela en riant un peu jaune car il m'est arrivé un jour de recevoir une vraie lettre de menaces, non signée bien évidemment, et que je garde au chaud précieusement car elle est manuscrite et donc pas totalement dépourvue d'une certaine dose de singularité qui pourrait permettre, on ne sait jamais, d'identifier son lâche auteur… tout cela parce que, justement, j'avais commis l'erreur impardonnable de ne pas "penser" selon la norme du lieu dans lequel je m'exprimais. Mais ceci est une autre histoire que je raconterai, un jour, lorsque le temps aura fait son œuvre et dissous l'existence même de ces sujets de conversation) avaient encore frappé. Il y a ce jeune homme qui passe une annonce pour demander qu'on lui fasse subir quotidiennement les pires outrages. On peut y lire son adresse et son numéro de téléphone. Certes, je ne doute pas un instant du caractère fantaisiste des informations pratiques qui nous sont livrées mais il y a tout de même de quoi s'interroger, non, vous ne trouvez pas ? Moi, ça me serre le cœur de lire toute cette misère personnelle ainsi affichée qui en dit long sur le malaise du monde dans lequel nous vivons. Ce n'est pas comme mon anarchiste de service qui vient encore de nous livrer le fond de sa pensée : la résignation est un suicide au quotidien. Tiens, ce con, il livre même le pistolet qui va avec, pour le cas où nous, pauvres lecteurs abrutis, n'aurions pas tout compris. Ce que j'aime dans ses impératifs muraux, c'est surtout qu'il nous prend tous pour des billes ; il prétend défendre notre cause mais en réalité, on devine sous ses slogans préfabriqués qu'il pense pour nous parce que nous sommes incapables de mettre en branle notre pauvre cerveau de consommateurs à l'esprit disponible pour toutes les turpitudes mercantiles. Et, petit à petit, on entrevoit qu'un monde géré par ces penseurs autoritaires deviendrait vite aussi dictatorial que celui de l'ultralibéralisme échevelé qui règne depuis des décennies. L'essentiel est, chers lecteurs, que nous ne pensions pas ! Obéissons, consommons, soyons dociles et tout ira bien.
 
Mais il se passe des phénomènes encore plus étranges dans mon petit passage. Figurez-vous qu'hier soir, en rentrant du travail – j'effectuais donc le trajet dans l'autre sens – j'ai croisé une demoiselle pleurant à chaudes larmes derrière ses lunettes de myope tout embuées. Rien d'extraordinaire : chacun a le droit d'exprimer ses sentiments, même les plus tristes, selon le mode qui lui convient, c'est notre liberté. En marchant, je tentai d'imaginer les raisons qui avaient pu l'amener ainsi à larmoyer aussi ostentatoirement (fallait bien que je le place ce mot…) : une peine de cœur, une mauvaise note à un partiel, un redressement fiscal, un cambriolage, que sais-je ?… Ma liste s'allongeait très vite, mais bien sûr, je ne trouvais pas la réponse pour autant. Je n'allais tout de même pas faire demi-tour, allonger ma foulée et interpeler cette personne en détresse pour lui demander : "Hé, ho, pourquoi pleurez-vous ?" – notez que contrairement à la quasi-totalité des journalistes, j'utilise la forme interrogative quand je pose une question. Avez-vous remarqué ? A la radio ou à la télévision, vous auriez entendu : "Hé, ho, pourquoi vous pleurez ?" Fin de la parenthèse, mais cette remarque me tenait à cœur. On a les soucis qu'on peut, n'est-ce pas ? Bref, bref… Je ne saurais jamais pourquoi j'avais croisé ces larmes sur pieds. Surtout que ce matin, exactement au même endroit… mais non, vous ne vous trompez pas, j'ai croisé à nouveau cette demoiselle qui pleurait toujours aussi fort ! Même manteau noir, mêmes lunettes à montures épaisses, même yeux rouges derrière leur voile opaque… Incroyable ! Vraiment, elle doit être dans une vraie détresse cette pauvre jeune fille pour pleurer autant. Je ne l'ai pas interrogée pour autant, ce n'est pas mon style mais elle a vraiment suscité chez moi une question de première importance : aurait-elle passé toute la nuit en cet étroit boyau ? aurait-elle consacré toutes ces heures à déchiffrer les pensées placardées par mes écrivains nocturnes ? serait-elle en réalité la victime des écrits qui recouvrent ses murs ? aurait-elle pris au premier degré tous les ordres qui y sont imprimés ? Impossible de vous le dire.
 
Alors je souhaite exposer ma requête aux anonymes qui écrivent ainsi sans mesurer les conséquences de leurs actes : assumez ! Faites-vous connaître ! Sachez qu'à cause de vous, il est des innocents qui pleurent après avoir pris vos graffitis pour de vraies pensées.

Promis, la prochaine fois, je vous parlerai de musique.

Commentaires

  • Et peut-être, a t-elle appris qu'elle était gravement malade ou qu'un proche l'était ?
    Essaie de savoir Maître Chronique, la compassion est un noble sentiment, et là, j'avoue que je suis curieux.

    A propos des formes interrogatives utilisées par les médias (je ne suis pas sûr de l'orthographe), as-tu remarqué qu'ils aiment les questions qui impliquent les réponses ? Du genre : "Ne pensez-vous pas que... ?". Ce qui est bien pratique pour orienter des débats et manipuler l'opinion.

  • Ah, mon cher Jean-Marc ! Toujours heureux de te lire, tu sais que tu es ici chez toi.

    Figure-toi que depuis deux jours, plus aucune trace de ma dame qui pleure. En fait, comme tu l'as compris, j'avais tenté un exercice dont je ne sais pas s'il est réussi : raccorder cet événement à un autre, en l'occurrence les menaces et propos anonymes. Exercice de style, j'en conviens, mais c'est toujours stimulant. J'ai naturellement trouvé la jonction avec mon mur.

    Quant aux fausses formes interrogatives et à la formulation des questions, c'est vrai qu'elles traduisent souvent une certaine volonté d'embarquer l'interlocuteur là où on souhaite.

    Ceci n'a rien à voir mais tu sais que je n'oublie pas ma promesse et que dès sa sortie, un certain CD s'envolera vers Sainte-Adresse !

    @ bientôt, ici ou ailleurs !

  • Bonsoir Maître Chronique et vous tous,

    Tu vois voir une femme qui pleure est très délicat. Voir un homme pleurer est encore pire à mon sens. Pourtant les larmes sont necessaires à notre vie. Les larmes liberent comme elles le peuvent un chagrin ou même une joie. En fait une émotion.

    Toi qui aime la musique, n'as tu jamais laissé couler des larmes devant des sons qui te touchent au plus profond de ton être ? Moi oui bien sur.

    En ce qui concerne les anonymes, que te dire...Certains n'osent pas engager et affronter ou partager un avis contraire à autrui. Il en est ainsi.

    Je te souhaite une très bonne soirée ainsi qu'à vous tous,

    Marie Christine

  • Cher Maître Chronique,

    L'exercice est réussi (je me souviens très bien de l'époque du fait dont tu parles : la lettre anonyme que tu as reçue), mais je n'ai pas compris tout de suite car j'ai le cerveau lent. Pourtant, le titre de ta chronique est significatif : "ce monde n'est pas encore beau".

    @ Marie-Christine : Bien sûr que la musique (lorsqu'on y est sensible) permet de laisser passer ses émotions. Quant à l'anonymat, si je peux le concevoir quand il n'y a pas de conséquences négatives, je ne le conçois pas dès lors qu'il y a intention de blesser, de faire mal. Or, je crois que la lettre dont parle Maître Chronique (il pourra le confirmer) n'avait rien de positif.

    Bien à vous.

    Jean-Marc

  • @Jean-Marc : ton prétendu cerveau lent me démontre que toi aussi, tu sais jouer avec les mots... Et oui, tu as raison, cette lettre n'avait rien de positif, elle témoignait à mon sens d'un niveau de frustration de la part de son expéditeur qui me l'a fait, finalement, prendre en pitié. Jamais je n'aurais être dans peau, le pauvre... Et comme j'ai finalement à deviner son identité, son silence depuis est la plus belle des réponses...

    Et puis, Jean-Marc, je voulais te dire : j'attends impatiemment le jour où tu ouvriras ton propre blog car je sais que tu as énormément de choses à partager !!!

    @Marie-Christine : tu me fais penser à une note que je souhaite rédiger et qui, je pense, répondra à ta question. C'est juste une question de patience.

    Merci à vous deux !

  • Salut !

    C'est rigolo, mais j'ai pensé exactement les mêmes trucs que Jean-Marc à la lecture de ta prose (toujours excellente, soit dit en passant, et ça me fait mal de flagorner, mais je le pense vraiment) : pour ce qui est du "ne pensez-vous pas que", l'ampoule s'est allumée recta à la lecture de ton indispensable parenthèse, parce que ça m'a choqué aussi (et d'ailleurs, pas forcément dans la bouche des journalistes, mais des auditeurs d'émissions de radio où on leur demande leur avis).

    La lettre anonyme, bon... je ne peux que subodorer... :D

    Mais ce pourquoi je voulais vraiment réagir aujourd'hui (eh oui, les lecteurs ont la parole, Monsieur Maître Chronique ne pensez-vous pas que, tout ça), c'est qu'en ce qui concerne ma minuscule portion de lectorat, et ma non moins ridicule propension à réagir, il m'est plus facile de m'exprimer sur un sujet drôlatique d'ordre général que sur une chronique musicale que je lirais même ne serait-ce que pour la qualité de l'écriture (oh mon Dieu, je recommence), mais dont j'ignore tout... La plupart du temps, je lis, et je suis bien content, et je ferme le clavier qui me sert de grande gueule. Ce qui ne m'empêche pas par ailleurs de tirer la substantifique moëlle de ce que je peux y découvrir... Steve Reich, par exemple... et là je repense à Jean-Marc parce que lui aussi m'en a fait découvrir, par d'autres moyens !

    Donc voilà. Bien à vous tous...

  • Mon cher Nöhb,
    oui oui oui ! Mes lecteurs ont la parole, et tu as bien raison de la prendre. Je me permets de te dire que ta propension à réagir n'est pas ridicule, loin de là et que ton commentaire va exactement dans le sens de ma propre analyse de cet "audimat".

    Et sit,par l'entremise de Jean-Marc ou de moi-même, tu as pu faire quelques découvertes, tout cela suffit amplement à mon petit bonheur de blogger !!!

    Tiens, à propos de Jean-Marc, vraiment, je réitère et je te propose de le pousser en ce sens : à quand son blog avec ce partage des passions musicales qui l'anime ?

    Vraiment, je suis demandeur et je pense que la blogosphère s'enrichirait vraiment.

    JEAN-MARC, TU M'ENTENDS ?

  • Je ne peux que plussoyer avec enthousiasme : allez, mon bon Jean-Marc, au charbon ! :*

  • Bon, je veux bien. Je suis à l'aise avec un clavier, je sais utiliser une souris, mais pour la mise en forme d'un espace, là j'ai vraiment besoin de conseils.

  • Jean-Marc ! Point de mise en forme ! Tu vas sur http://www.hautetfort.com, tu crées un compte et tu auras accès à toute une série de modèles qu'il te suffit de nourrir de tes textes.
    Mais bien sûr ! Je suis à ta disposition pour les menus détails qui te permettront d'agrémenter ton travail!!!

  • Bon, alors je me lance dans les prochains jours.

  • ah bah oui, parce que j'étais justement en train de dire que c'était pas un argument valable, le coup de la mise en page ;)

    Allez! tout ce talent doit être étalé!

  • Bonjour,
    Je dirai simplement que ton blog est ton site personnel et tu en fais ce que tu veux... avec bien sûr une petite influence suivant d'où vient le vent des visiteurs.
    C'est une expérience nouvelle pour toi (et pour moi d'ailleurs).
    J'ai remarqué que tu as mis une banière (ouah !).

  • @Elisabeth : après moult tentatives et recherches effectuées par ma fille... qui n'a pas encore installé sa propre bannière, la réponse à cette question technique est bien expliqué ici :

    http://technoblog.blogspirit.com/archive/2005/02/10/placer_une_baniere_dans_son_blog.html

    En suivant les conseils, on peut remplacer l'en-tête classique du blog par une image de son choix. Ici, c'est une photo que j'ai prise lors de ma dernière virée parisienne et que j'ai recadrée pour obtenir une image de 771 X 211 pixels.

  • Bonsoir et merci mais je ne me lance pas car c'est assez compliqué et à faire dans le calme un jour où l'on n'a rien à faire... Ce que je n'ai pas.

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