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  • Tu me fais Tournier la tête…

    En fouillant dans mes archives, j’ai retrouvé un vieux texte (écrit voici plus de 14 ans maintenant) consacré à Michel Tournier, un écrivain pour lequel j’ai la plus grande admiration. Du « Roi des Aulnes » aux sublimes « Météores », en passant par « La Goutte d’Or » ou ces belles notes le lecture que sont « Le Vol du Vampire » ou bien encore d’autres textes passionnants comme « Célébrations », l’œuvre de ce monsieur est captivante. Je vous livre cette petite note telle que je l’avais écrite, quelques heures après avoir rencontré ce grand monsieur à Nancy.

    Nous avons rencontré Michel Tournier vendredi en fin d’après-midi, à l’occasion de la sortie d’un livre de l’écrivain qui mêle textes et photographies : intitulé “Le crépuscule des masques”, il rassemble un certain nombre de réflexions personnelles de l’auteur dont on sait qu’il vit intensément l’opposition entre l’image et le signe (voir notamment le thème de “La Goutte d’Or” qui reflétait déjà cette contradiction en mettant face à face deux cultures).

    medium_tournier.jpgTournier, qui est maintenant âgé de 68 ans, commence à se parer des rides de la vieillesse, en d’autres mots il se chiffonne, et tout me porte à croire qu’il est atteint d’un début de surdité. J’en veux pour preuve cette façon qu’il a de se pencher en avant sur la table en plaçant sa main en coquillage autour de son oreille pour mieux comprendre le prénom qu’on lui cite avant une dédicace. Un peu iconoclastes les premières impressions ?

    En fait, pas tant que cela : on a envie de parler de Tournier comme d’un ami de longue date, avec ses qualités, ses défauts et ses petits travers. Le personnage n’impressionne pas, il est dans la vie comme dans ses livres : précis, pédagogique, toujours prêt à raconter une anecdote qui viendra illustrer de façon très méthodique les propos qu’il tient. Le cerveau de Tournier est parfaitement structuré, il est garni d’une multitude de petites cases, des greniers magiques, que son propriétaire ouvre à sa guise selon les besoins de la conversation. On peut lui apporter la contradiction, lui reprocher aussi une trop grande sécheresse de ses productions depuis quelques années, il ne s’en offusquera pas, bien au contraire ! Il fera rebondir la discussion, vous expliquera dans un long soupir qu’il vaut mieux ne pas attendre un nouveau roman tel que “Les Météores” et l’on sent chez l’écrivain un besoin de souffler, de vivre à un rythme bien plus calme que ses personnages. Un début de retraite ?

    On peut tout aussi bien lui dire notre admiration, lui expliquer ce que l’on aime dans ses livres : Tournier sait goûter avec délectation aux compliments, c’est certain, mais je suis persuadé qu’il déteste la flatterie. La glorification gratuite ne le touche pas, bien au contraire, il apprécie le commentaire qui lui prouvera que vous l’avez lu - il s’en étonnera, comme surpris du temps que vous lui avez consacré - et saura à son tour vous poser des questions sur un sujet qui le passionne.

    Je connaissais un peu le caractère du personnage et je me suis amusé à le titiller, alors que nous parlions de photographie, en évoquant le cas de ce photographe aveugle, imbu de lui-même, méprisant ses confrères voyants, que Pivot avait invité un beau jour dans son “Bouillon de Culture”. Il fallait voir Tournier bougonner, tempêter contre Pivot : “Je lui en veux à Pivot ! Quand je pense à tous ces photographes de talent que je connais et dont personne ne parle ! Pivot a trop recherché le sensationnel : un photographe aveugle ! Et pourquoi pas un musicien sourd ?” En plein dans le mille…

    Sacré Michel Tournier, personnage insaisissable, qui fond de bonheur lorsqu’un enfant lui dit avoir lu ses bouquins, qu’on sent ivre de plaisir à l’idée de parler, d’être écouté. Il y a du narcissisme chez cet homme là, comme chez bien d’autres.

    En tous cas, une bien agréable demi-heure, non pas au coin du feu dans un ancien presbytère à Choisel, mais derrière la modeste vitrine d’un petit magasin de photographie, Grande Rue, à Nancy.

    A la fin, on est tout surpris en regardant Tournier qui lève le sourcil et vous demande, un peu désappointé : “Vous partez ?”, comme si la situation s’était inversée ; vous étiez venu le voir, un peu intimidé, pour lui poser quelques questions, avec la crainte de paraître idiot et de l’ennuyer. Et c’est lui qui réclame l’échange, c’est lui qui devient le demandeur.

    Attendrissant, il y avait derrière cette question finale comme un peu de désarroi…

    [Note écrite le dimanche 20 septembre 1992]

    Addendum 2006 : depuis ce soir de septembre 1992, j'ai eu l'occasion de rencontrer brièvement Michel Tournier, lors de manifestations littéraires telles que "Le Livre sur la Place" à Nancy. La dernière fois, c'était je crois en 2004 lors de la publication de son essai "Le bonheur en Allemagne". Les années ont passé, le bonhomme est octogénaire mais son esprit toujours aussi vif. Il nous l'a démontré cette année-là lors de la remise du prix de la Ville de Nancy avec un texte sublime consacré à George Sand. Ecriture nerveuse, idées faussement simples, une culture littéraire, historique et philosophique hors du commun, et un humour tonifiant.

    Aujourd'hui, Tournier publie "Les Vertes Lectures", que je vais m'empresser d'acheter. A ce sujet, laissons donc son auteur vous présenter lui-même son dernier livre...

    http://www.academie-goncourt.fr/m_tournier.htm

  • Où je vieux, quand je vieux !

    J'comprends pas... Il y a un certain nombre de personnes autour de moi qui tiennent à me rappeler que je ne suis plus un gamin.

    Tiens, l'autre jour par exemple, je vais voir mon ophtalmo pour lui expliquer que j'avais un problème avec mes lunettes (vous savez, celles qu'on chausse le soir pour lire un peu avant de s'endormir au bout de dix minutes, c'est bien, ça remplace la tisane. Ah ouais, vous vous souvenez ? La tasse de tilleul du soir dans laquelle on plonge délicatement un sucre et si les bulles vont vers le bord, c'est qu'il pleuvra le lendemain...). Ben mes lunettes, c'est évident, elles marchaient beaucoup moins bien qu'avant ! Pourtant, elles sont presque neuves puisque je les achetées voici trois ans maintenant. Et en plus elles m'ont coûté fort cher parce que j'ai même choisi un modèle de marque, pensant que j'en aurais au moins pour 20 ans et que si c'est de la marque, c'est forcément plus solide. Tu parles Charles, les lunettes sont en pleine forme, pas une rayure, régulièrement entretenues, belles comme au premier jour... D'où le sourire entendu de ma spécialiste du soin (coin) des yeux qui me fait comprendre que, ben vous savez mon bon monsieur, au bout de trois ans, à votre âge, avec votre travail... rien de plus normal, la vue baisse. Et toi, tu t'es vue ? T'as bien 10 ans de plus que moi, si j'étais vache, je te dirais même que tu le fais bien ton âge et en plus, il faut que je subisse tes sarcasmes. Et puis je suis certain que si je te le demande ton satané âge, tu vas m'expliquer qu'on ne pose pas cette question à une femme... A ce sujet, j'ai toujours trouvé ça ridicule car ce refus de répondre à la question de l'âge rajoute de l'eau au moulin à tous les mâles narquois qui, ici ou là, seraient tentés de penser que les douces représentantes du sexe féminin auraient comme une sorte de date limite de je ne sais quoi. M'enfin, mesdames, vous avez l'âge que vous avez et basta. Et puis on s'en fout, c'est de moi qu'on parle ici. Et si on veut savoir votre vrai âge, je vous signale qu'on a inventé le Carbone 14.

    Quelques jours plus tard, en route pour une visite de routine chez ma dentiste qui, après m'avoir complimenté sur le bon brossage de mes dents, et décelé ici ou là quelques micro-fissures ou un petit éclat d'émail, m'annonce qu'il me faudra surveiller toutes ces belles travailleuses acharnées du mastiquage car le risque que l'une ou l'autre d'entre elles se déchausse un jour est bien réel. Des facteurs génétiques expliquent en partie ce phénomène mais... il y a l'âge aussi, c'est normal !!! Et pan dans les dents - c'est le cas de le dire - voilà encore la ritournelle de l'âge qui me revient en pleine figure. Non mais qu'est-ce qu'elles ont ? J'ai été méchant ? J'ai dit des gros mots ? Je me suis battu avec mes frères et soeurs ? J'ai désobéi à mes parents ? Ah, mille pardons, je m'égare, mais je viens de retrouver un vieux bout de papier avec la liste de tous les trucs qu'il fallait dire quand on allait se confesser, sinon, on avait pas le droit de communier et de manger le petit morceau d'hostie qui allait toujours se coller au palais, même qu'il fallait toujours faire des tas de contorsions avec la langue pour la récupérer tout en arborant la mine sérieuse de celui qui a décidé de croire à toutes ces histoires et de repartir du bon pied.

    Pourtant, moi, j'ai rien demandé, je suis resté le même depuis des années : j'écoute toujours la musique de mon adolescence, j'essaie de dire au moins une bêtise par jour, je m'habille pas pour de vrai avec un costume, une cravate, une chemise, je me suis même acheté une navette spatiale de jeune pour pas ressembler aux gens de mon âge qui ont tous l'air d'attendre la retraite, je profite au mieux de chaque instant avec l'idée qu'on ne sait jamais, il m'arrive même encore d'être révolté. En particulier lorsque j'achète des desserts au caramel alors que j'avais cru qu'ils étaient au café. Alors ça, oui, ça me révolte ! La même couleur, la même marque, mais pas le même goût. Une honte pour l'humanité. Et je devrais accepter sans sourciller qu'on me fasse comprendre avec toute l'objectivité du constat scientifico-médical que je suis un homme d'un certain âge, sinon d'un âge certain.

    Mais moi, je sais que c'est pas vrai. La preuve ? Voici une photo de moi prise il y a quelques jours seulement. C'était au moment de la rentrée des classes.

    medium_dd63.jpg
    Hein que je suis pas si vieux ? Et me demandez pas mon âge, je vous le dirai pas...
  • Les pieds des stalles

    Faut quand même que je vous narre un épisode survenu lors de nos dernières vacances... Je ne suis pas peu fier d'avoir marqué à jamais la mémoire d'un homme qui, lui-même, est devenu au fil des décennies une sorte de légende vivante et de mémoire de la grandiose cathédrale, en la belle ville d'Amiens.

    Laissez-moi d'abord vous planter le décor : alors que nous séjournions quelques jours en Baie de Somme et que nous cherchions désespérément à croiser un petit rayon de soleil, je me rappelai que, quelques semaines auparavant, je m'étais rendu à Amiens dans un cadre strictement professionnel et que mes premières impressions furent si bonnes que je promis à Madame Maître Chronique de l'y emmener au plus vite. Ce qui fut dit fut fait, nous mîmes (euh... les jeunes, c'est le verbe mettre au passé simple, première personne du pluriel, je vous fais cette précision rien qu'à voir vos têtes ahuries, il est évident que nous ne parlons pas la même langue. Tiens, faudrait que j'essaie de placer un de ces quatre un petit imparfait du subjonctif...) donc le cap sur cette ville chef lieu de la Somme et commençâmes, en bons touristes que nous sommes, par une agréable visite des hortillonnages. Si vous ne savez pas de quoi je parle, vous n'avez qu'à vous imaginer, "un site naturel d'exception composé de jardins d'agrément et maraîchers enserrés entre les multiples bras de la Somme. Ce site protégé s'étend sur 300 hectares". Ce n'est pas moi qui l'écrit, c'est un dépliant touristique qui reflète bien la réalité de ce lieu magique qu'on découvre en naviguant tranquillement sur une petite barque électrique, au beau milieu de dizaines d'autres touristes dont on souhaite parfois, allez savoir pourquoi, qu'ils tombent de leur frêle embarcation. D'innombrables petits canaux, des jardins plus ou moins entretenus, sans électricité ni eau courante, un monde à part qu'il serait coupable de ne pas visiter.

    Bien entendu, notre visite se poursuivit par le quartier Saint Leu, baptisé si j'ai bien compris la Venise d'Amiens, en raison de ses nombreux petits ponts enjambant un cours d'eau. Et puis, forcément, ZE must, ZE incontournabeul moniumeunte, madame la cathédrale d'Amiens, écrasante, splendide, devant laquelle on se sent comme un nain, on n'ose même pas imaginer combien d'êtres humains ont pu s'épuiser à la construire tellement c'est gigantesque. Non, sans rire, j'vous jure, quand je me suis trouvé sur le parvis, ce fut un grand choc. Et encore, c'était le deuxième parce que lors de ma première visite au mois de mai, j'étais accouru à ce même endroit pour me régaler les yeux. Trois mois plus tard, même éblouissement, trop fort un truc pareil. Pour la visite guidée, là en revanche, trouvez quelqu'un d'autre parce que je ne suis pas fortiche pour raconter. Moi, devant un monument, je lis peu, je m'informe au minimum (de toutes façons, Madame Maître Chronique sait tout et je n'ai qu'à lui poser les questions quand le besoin s'en fait sentir) : je regarde bêtement, j'admire, je m'abreuve, j'essaie de remplir l'armoire aux souvenirs, le grenier aux instants uniques, bref je me range illico dans la catégorie des contemplatifs un peu abrutis, pas envie de réfléchir. On a les crétineries qu'on mérite, moi c'est la gueule enfarinée, je suis certain que je dois me faire passer pour le derniers des nigauds mais je m'en fous, ça ne m'empêche pas de déguster tranquillement. Et pourtant, et pourtant... en baillant nonchalamment devant ces colonnades, j'ignorais qu'une chose pas banale allait se produire.

    Nous étions le mercredi 9 août 2006, il était un peu plus de 15 heures 30 et nous approchions du coeur de la cathédrale, là où sont nichées les incroyables boiseries chantournées des stalles. Un endroit unique, une véritable bande dessinée en trois dimensions d'une démoniaque précision, un monument dans le monument. LE truc qu'on ne soupçonne pas si l'on ne fait que passer mais qui s'ouvre à vous pour peu que, comme nous, vous ayez la chance de vous trouver au bon moment, à 15 heures 30 justement, quand un certain Jean Macrez en commence la visite à sa façon très particulière... Le bonhomme doit bien avoir 75 ans. Il sait tout. Il raconte tout. Il vit sa visite comme au premier jour, éclairant de sa petite lampe de poche le moindre détail, vous le commentant avec un humour incroyable. Si vous entendez un groupe d'humains pouffer en la cathédrale autour de 16 heures, ne cherchez pas plus loin l'explication : monsieur Macrez raconte ! D'ailleurs, si vous entendez aussi un grand coup de gueule, c'est encore monsieur Macrez qui s'étouffe de colère lorsqu'un badaud soulève l'assise d'une miséricorde et la laisse retomber bruyamment. Alors là, notre papy voit rouge, en appelle aux gardiens, fait fermer le lieu et... comme si de rien n'était, poursuit sa visite là où il l'avait laissée. Ah, il faut le voir, plié en deux, marmonnant, décochant une vieille plaisanterie d'un air malicieux, frisant parfois le commentaire paillard sans jamais aller trop loin, et le voilà qui s'agenouille pour vous faire observer le petit détail qui, de toutes façons, vous aurait échappé. Et puis, et puis... Il y a un sommet dans sa visite : la Cène ! Où notre guide est certain que les convives sculptés mangeaient du pâté d'Amiens, c'est évident. Mais pour cette stalle, il va encore plus loin, le voici quasiment couché par terre, éclairant la partie la plus basse de la sculpture pour vous montrer que non seulement on voit l'autre côté de la table avec la nappe qui pend, mais que les pieds des personnages sont fidèlement représentés. Tout le monde l'entoure, comme en état de lévitation. Mais oui, il est le premier à avoir remarqué ces pieds ! Il est une sorte d'explorateur dont le territoire se limiterait à ces quelques mètres carrés au coeur de la cathédrale. Le voilà qui vous regarde maintenant d'un air malicieux et vous assène une plaisanterie qu'il doit probablement livrer implacablement depuis plus de 50 ans : "Vous avez devant vous les pieds des stalles !!!" (euh, les jeunes : pieds des stalles, piédestal... vous pigez ?). Ouarf ouarf ouarf ! Là, je vous dis pas, sa blague, il la préparait, et croyez-moi, il l'aime bien. Seulement, il ignorait que parmi son assistance émerveillée guettait dans l'ombre un certain Maître Chronique qui le regarda droit dans les yeux et lui répliqua dans l'instant : "Cher monsieur, vous venez donc de nous parler des célèbres orteillonnages !" (bon, les jeunes, une dernière fois, j'explique : pieds > orteils > orteillonnages > hortillonnages, jeu de mots quoi...). Et là, le Macrez, il fut pendant une fraction de seconde comme suspendu dans le vide, KO debout (ou agenouillé plus précisément), incapable de la moindre répartie, anéanti. Il avait trouvé plus fort que lui. Je l'avais terrassé par une plaisanterie qui m'était venue spontanément et que je lui avais livrée aussitôt, sans préméditation. En quelques instants, il reprit néanmoins ses esprits et me dit : "Alors là... celle-là, on ne me l'avait jamais faite ! Si vous le voulez bien, je me permettrai de vous citer lors de mes prochaines visites". Et moi, magnanime, je lui accordai bien volontiers ce droit, trop heureux de passer derechef à la postérité et d'entrer dans l'histoire locale grâce aux citations futures de cet incomparable guide.

    Le reste de la visite se déroula tranquillement, moi je flottais dans le petit bonheur que j'avais instauré, admirant de vieux clichés sexagénaires pris par monsieur Macrez himself qu'il nous extirpa d'une vieille enveloppe fripée, sur lesquels on pouvait deviner l'état dans lequel se trouvait SA cathédrale après le passage de la barbarie brune. Et qu'il voulut absolument que je prisse (et toc ! un imparfait du subjonctif !) en photo avant de partir. En témoignage de mon admiration pour lui, je m'exécutai aussitôt, même si le cliché avait toutes chances d'être des plus médiocres. Je lui devais tout de même cette infime satisfaction !

    En sortant, sur le parvis, je fus complimenté par quelques co-religionnaires touristes, je serrai des mains, tel l'homme politique en campagne électorale. J'étais devenu un personnage fugitif, j'avais apporté, comme on dit, ma petite pierre à l'édifice.

    Le soir, après un détour par l'excellente "Maison du Petit Bedon", nous sommes revenus sur le parvis pour admirer comme des enfants la façade illuminée, repeinte à grands coups de projecteurs allant nicher leurs couleurs dans les moindres détails de la pierre sculptée. Véritable tour de force pictural, historique et informatique, cette illumination est grandiose. Je n'ai pas de conseils à vous donner, mais si durant vos vacances, vous approchez d'Amiens, un détour s'impose à partir de 22 heures !

    Et comme un crétin, je n'ai même pas pris le temps d'aller faire un tour du côté de la MJC d'Amiens, là où sont nichés les studios d'enregistrement de Label Bleu. Pourtant, au vu des artistes qui y sont passés et de la qualité des prises de son, le détour aurait été grandement justifié. Mais on ne peut être partout et je reviendrai !

  • Happy birthday, Mr Reich !

    C'est un événement artistique majeur ! Durant le mois de novembre, le compositeur américain Steve Reich sera en France pour une très brève série de concerts avec ses musiciens. Après Paris le 14, il passera dès le lendemain par Chalons-en-Champagne avant de rallier Caen puis Grenoble. Quatre concerts, qui se joueront très probablement à guichets fermés compte-tenu de la notoriété de ce musicien majeur et du nombre très limité de ses apparitions sur scène. Un événment, vous dis-je !

    Cette mini tournée 2006 sera l'occasion pour Steve Reich d'interpréter en avant-première sa nouvelle oeuvre, "Daniel Variations", en hommage au journaliste américain Daniel Pearl, assassiné en 2002 au Pakistan. Cette création sera suivie par une interprétation de "Music For 18 Musicians", l'une des compositions phares de Steve Reich, et dont la genèse remonte aux années 1974 à 1976.
     
    J'écris cette note aujourd'hui car en ce 3 octobre 2006, Steve Reich fête ses 70 ans.
     
    Définir la musique de Steve Reich est une entreprise plutôt ardue : les spécialistes aiment à le ranger dans la "boîte" des compositeurs dits minimalistes, et l'on pourra également le trouver rattaché au mouvement de la musique sérielle ou répétitive. Mais cette manière de le classer est forcément réductrice. Une résumé plutôt fidèle nous est donné sur le site Internet de Néosphères :

    "Steve Reich est l'un des chefs de file du courant minimaliste en musique. Au tournant des années 60, il transpose ses recherches sur le déphasage de bandes enregistrées pour des compositions acoustiques. Il explore ainsi la répétition de motifs mélodiques et rythmiques. Ses recherches continuelles l'amènent à s'intéresser aux musiques traditionnelles (ghanéennes, balinaises et hébraïques notamment) et à adopter les nouvellestechnologies musicales (synthétiseur, sampler...). De Sonic Youth à Bang on a Can de DJ Spooky à Coldcut, beaucoup reconnaissent en Steve Reich une influence majeure."
     
    "Music for 18 musicians" est certainement l'un des plus beaux exemples de ses études sur les gamelans balinais et c'est une chance inouie de pouvoir s'en régaler très prochainement en présence du compositeur.
     
    Pour avoir pris le temps d'écouter l'essentiel de sa discographie, qui se trouve concentrée dans un magnifique coffret de 10 CD : "Works 1965-1995", et plutôt que de présenter la musique de Steve Reich sous l'angle de ses nombreuses sources d'inspiration, j'en viendrais plutôt à mettre en avant l'idée de "couleurs sonores" qui vous hypnotisent très vite et dont les motifs proviennent de la fusion née du mariage d'instruments tels que le piano, les percussions (marimbas, xylophones, vibraphone), le violon et le violoncelle ainsi que les clarinettes, auxquels viennent souvent se superposer les voix humaines. Steve Reich peut aussi utiliser des sons de la vie quotidienne qu'il sample pour les réinjecter ensuite dans sa musique, comme ce fut le cas il y a une dizaine d'années avec le très beau "City Life". L'univers créé par Steve Reich est absolument unique, il peut parfois dérouter si l'on n'accepte pas l'idée que le déroulement d'une oeuvre nécessite répétition de motifs et enchevêtrements de rythmes parfois complexes. Oui, on peut être totalement hermétique à la musique de Steve Reich. Comme à toute autre. Mais celui qui abordera son univers avec l'envie de se laisser embarquer sans la moindre appréhension sera très vite récompensé. Un peu plus haut dans cette note, j'ai employé à dessein le verbe hypnotiser car je pense qu'il traduit au plus près l'effet produit par la rencontre avec sa musique.
     
    J'ai reçu ce choc voici quelques années grâce à la complicité d'un ami qui m'a fait découvrir la musique de Steve Reich. Inutile de dire que je me suis empressé de lui faire part de la bonne nouvelle et qu'il y a fort à parier que nous nous retrouverons dans moins d'un mois et demi, quelque part du côté de Chalons-en-Champagne... ville où réside un certain Ô Brother... et que j'ai incité à faire connaissance avec cet incroyable aventure musicale. D'ici là, je vais patienter, spéculer, imaginer, essayer de deviner la fièvre qui nous gagnera petit à petit, à l'approche d'un moment rare que nous dégusterons en conscience, sachant dès à présent que nous serons en train de vivre des instants probablement uniques.
     
    Pour en savoir un peu plus : le site officiel de Steve Reich
     
    Bonus... un petit extrait de "Music For 18 Musicians", qui devrait forcément vous donner envie de tout écouter !