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  • Je me sens très reconnaissant...

    34b6f5759ae2bd69372299fc915ed536.jpgJ'ai déjà expliqué dans ces pages à quel point la musique du Grateful Dead comptait pour moi depuis les tendres années de mon adolescence. A quel point le groupe fut ma première vraie escapade dans l'univers de la musique. J'ai découvert ce groupe californien à l'automne 1971, je n'avais pas encore 14 ans et depuis... sa musique ne m'a jamais vraiment quitté. Après avoir engouffré une bonne partie de mes économies et de mon argent de poche de l'année 1972 dans l'acquisition de tous les disques du groupe, je l'ai suivi, année après année, me régalant de toutes ses productions. Sans jamais chercher à m'adonner à je ne sais quel classement pour savoir s'il était un disque, plus que tout autre, que j'emporterais avec moi sur une île déserte. J'aime tout, sans restriction.
    Et je fus gagné d'une infinie tristesse en ce 9 août 1995, jour où disparut Jerry Garcia, le leader, l'inspirateur, celui sans lequel plus rien ne pourrait être comme avant. J'avais perdu un compagnon de route, celui de "Candyman", "China Cat Sunflower" ou "Row Jimmy"...
    Le Dead est probablement le meilleur exemple de ce que pourrait être le fil conducteur de ma vie. Quand j'écoute sa musique, je suis gagné par un drôle de sentiment, celui du temps qui s'arrête et qui me protège de toutes les agressions de l'âge qui ne s'avance même pas masqué. Avec Jerry et ses amis, je quitte des yeux l'horloge maudite qui décompte les années, les mois, les semaines et les jours. Cette sale épée de Damoclès qui, forcément, va se fracasser un beau jour sur ma tête. Une cure de jouvence permanente, en quelque sorte...
    C'est idiot, je le sais bien.
    Alors vous imaginerez facilement mon bonheur lorsque, découvrant la nouvelle mouture du site Internet du Grateful Dead, je me suis rendu compte tout récemment qu'un somptueux cadeau était proposé à tous les "Dead heads", dont je pense faire partie depuis tout ce temps : les 40 années de l'histoire du groupe racontées sous la forme d'innombrables heures de musiques offertes - oui offertes - en téléchargement. Chaque lundi, David Lemieux nous propose sa sélection commentée et embrasse ces quatre décennies avec la joie du partage qui, depuis longtemps, caractérise le groupe. Mieux encore, ces longues suites musicales, pour la plupart inédites, nous permettent de découvrir toute la personnalité scénique du groupe, plus encore que ne le firent de magnifiques disques comme "Skull and Roses" ou "Europe '72", en raison d'une volonté de transparence clairement affichée : ici, on ne censure pas, on propose la musique telle qu'elle fut jouée, avec ses moments magiques mais aussi ses défauts. C'est un bonheur immense, par exemple, d'écouter Jerry Garcia chanter parfois d'une voie eraillée, on le devine fatigué, usé même. Quel magnifique cadeau que tous ces enchaînements parfois inédits de titres qu'on connaissait déjà, mais intégrés ici à de nouveaux contextes.
    J'ignore combien de temps durera ce Noël hebdomadaire. Qu'importe, il y a là de quoi se nourrir, se rassasier pour une éternité.

    Pour une petite visite : http://dead.net

  • Les absents ont raison

    Des centaines de photos rangées, des albums, des cartes postales, des lettres.
    Une multitude d'objets posés ici et là, un peu partout, chargés d'histoire ou pas.
    Des vêtements, des draps, des chaussures, des chapeaux.
    Des cadres aux murs, des souvenirs instantanés.
    Un poste de télévision silencieux, un magnétoscope hors d'usage, des postes de radio muets.
    Des provisions.
    Des journaux, des dictionnaires, des livres en pagaille.
    De petits carnets racontant des histoires brèves, le quotidien.
    Des flacons d'eau de toilette vides.
    Des meubles abandonnés.
    Des lits vides.
    Des armoires pleines, qu'il faut vider.
    Des tapis, des coussins, des draps.
    Des volets fermés.
    Une vie arrêtée.
    Une histoire qui a pris fin.
    Des enfants qui essaient de ranger, de donner, de jeter, sans en avoir la moindre envie.
    Déménager deux vies, le coeur serré.
    L'envie aussi de ne pas terminer la journée sans penser à autre chose.
    Une idée, comme ça, sans réfléchir. Profitons des bons moments quand ils se présentent.
    Retrouvons-nous autour d'une table avant de nous séparer, le temps passe trop vite. Racontons quelques bêtises, laissons le rire venir.
    Ils sont partis, ils sont tellements absents mais ils nous parlent. Ils nous invitent à ne pas les oublier, à ne pas nous oublier. Ils ont tellement raison.
    La vie doit continuer.
    Elle va continuer.

  • Un mois

    Un mois déjà en effet que, jour pour jour, j'ai vu ma mère vivante pour la dernière fois. J'avais bien compris ce jour-là qu'elle se laissait aller à un drôle d'abandon : elle ne mangeait presque pas, elle avait beaucoup maigri d'ailleurs, ses repères temporels se brouillaient dans cet univers gris et mutique du centre de rééducation de l'hôpital où la conversation des voisines de chambre se limitait à un silence à peine zébré des sons émis par une télévision qu'elle ne regardait même plus, elle restait presque sans réaction face à certaines nouvelles qui, trois mois plus tôt, provoquaient encore chez elle un refus catégorique - preuve de sa volonté de s'accrocher un peu à la vie - comme la perspective d'être transférée dans un centre de moyen séjour qui lui rappelait de trop pénibles souvenirs, ceux de la maladie de mon père et de la souffrance. Même l'annonce, sèche, de la nécessité de son placement en maison de retraite, assénée sans trop de ménagement par le médecin chef venu lui rendre visite cet après-midi là, n'avait suscité de sa part aucun commentaire. Elle avait pourtant bien entendu, mais écoutait-elle encore ?
    Nous l'avions trouvée, Madame Maître Chronique et moi, alitée en ce morne début d'après-midi. Pas normal. Parce que, pour ne déranger personne, elle avait essayé de se lever toute seule la nuit, sans allumer, sans appeler personne. Pour ne pas déranger... sa hantise. Une chute, un bleu sur le côté de l'oeil droit. Et l'interdiction, désormais, de dormir sans barrières métalliques. Finie la marche avec les béquilles, désormais mises au placard, retour du déambulateur. Retour en arrière. Cruel échec pour celle qui, peu de temps auparavant, avait passé un mois en la Maison Rose, pour celle qui n'avait pas ménagé ses efforts et s'était appliquée méthodiquement aux exercices donnés par la kinésithérapeute, jusqu'à parvenir à marcher presque normalement, avec une seule béquille, sans pouvoir toutefois masquer la petite grimace de douleur, pour elle qui avait réussi à monter une marche, puis deux, puis l'escalier en entier, puis à le descendre, puis à recommencer. Oui, recommencer.
    Désillusion pour celle qui, en route vers l'hôpital où elle était attendue pour une simple visite de contrôle avant de prendre la route avec sa fille et de passer quelque temps en région parisienne, chantait dans la voiture des chansons d'Edith Piaf avec sa petite-fille. Avant d'apprendre, une heure plus tard, qu'une nouvelle opération de la hanche serait nécessaire. A cet instant précis, son regard a croisé le mien, je lui ai serré la main très fort. J'ai lu dans ses yeux une infinie tristesse, beaucoup de détresse aussi.
    Comme si elle savait déjà que toute cette histoire allait connaître une fin proche, comme si d'une certaine façon, elle avait pris une sombre décision.
    Pourtant, elle restait attentive à certaines choses, à certains gestes : elle m'avait fait remarquer qu'elle n'avait jamais vu mon sac... et elle avait bien raison car je l'avais acheté quelques jours plus tôt. Et lorsque la semaine suivante, je lui avais dit au téléphone que nous ne pourrions lui rendre visite en raison d'un léger malaise provoqué chez moi par une brutale chute de tension, elle avait si bien enregistré et diffusé l'information auprès de ses autres enfants que ceux-ci me téléphonèrent très vite pour prendre de mes nouvelles.
    J'aurais dû toutefois comprendre qu'elle nous délivrait déjà un message.
    Un message que j'avais peut-être partiellement reçu, sans oser toutefois penser plus loin : j'ai le souvenir très précis ce jour-là, après la visite du médecin, d'en avoir fait au téléphone un bref compte-rendu à ma soeur et je me rappelle avoir évoqué avec elle la perspective désagréable de l'appartement qu'il faudrait vider. Probablement parce qu'il avait été question de maison de retraite et donc d'une nouvelle organisation à trouver. J'imaginais déjà les cent-cinq mètres carrés à vider, les meubles à déménager, les objets à conserver, ceux à donner... Une tâche douloureuse qui nous incombe maintenant et dont nous devons nous délivrer dans les prochains jours.
    Sa fin de vie me laisse un goût très amer d'inachevé. Car ce samedi 12 mai 2007, ma mère profita, une des dernière fois pour elle probablement, de la visite du médecin pour lui dire combien, malgré tout, elle se sentait privilégiée d'avoir vécu 55 ans avec son mari, d'avoir eu 4 enfants, 6 petits-enfants, 2 arrières-petites-filles, tous vivants. Elle était fière de nous tous, nous étions sa réussite. Elle ne vivait plus que par nous depuis la mort de mon père. Et dans la conversation, elle raconta, comme elle en avait l'habitude, mon entrée à l'école en 1962. J'avais d'abord été "inscrit" un an auparavant... tout en restant auprès d'elle à la maison car elle semblait peu pressée de me voir partir, moi, son "petit dernier". Alors on pourra comprendre que mon voeu le plus cher aurait été de lui rendre la pareille et de l'accompagner au plus loin, de lui tenir la main jusqu'à la dernière heure. Elle m'avait aidé à entrer dans la vie, j'aurais voulu l'aider à franchir le cap de l'autre monde. Mais la grande roue de son histoire en a décidé autrement et, à peine vingt-quatre heures après son admission dans ce centre de moyen séjour dont elle redoutait tellement qu'il la confronte avec tous ces souvenirs funestes, ce jeudi 24 mai 2007, elle s'envola, en quelques minutes, après avoir dîné. Son coeur l'abandonnait. Malgré un examen cardiaque "normal" quelques heures auparavant, elle fut soudain prise d'un malaise qui l'empêchait de "retenir sa respiration" - ce sont ses propres mots, merveilleusement transmis par sa voisine de chambre qui tint absolument à nous faire part des heures agréables qu'elle avait pu passer avec elle. "Elle était si intelligente, si gentille. Nous étions devenues comme des amies en quelques heures. Je tenais à vous le dire."
    J'avais encore longuement parlé au téléphone le matin même à ma mère, je lui avais comme à chaque fois prodigué des encouragements, pour qu'elle s'accroche et qu'elle revienne vivre parmi nous, je lui avais promis que nous ferions tout notre possible pour qu'elle vive à nos côtés, nous avions même ri une dernière fois quand je lui expliquai qu'elle allait peut-être rencontrer un beau jeune homme... Et ses dernières paroles avaient été pour les miens, qu'il fallait que j'embrasse bien fort. "Salut mon gamin", tels furent ses derniers mots pour moi.
    Elle avait 81 ans et malgré la fatigue des dernières semaines, elle n'avait rien d'un vieillard, elle savait rester digne. Je me plais à imaginer que, consciemment ou non, elle a choisi de partir ce soir-là. Vite. Sans attendre la décrépitude. Pour ne pas déranger.
    Un départ qui lui ressemble beaucoup.

  • L'eau ferri... ferrunig... ferruge... ferrugineuse

    Bon, cette fois, ça y est... Les hommes de la rupture sont au pouvoir pour cinq ans au moins, avec la bénédiction du peuple français. La majorité sortante va très prochainement devenir encore plus majoritaire et sera en mesure d'appliquer le programme qu'elle aurait tout aussi bien pu mettre en oeuvre en 2002 mais... allez savoir pourquoi ? elle s'en était abstenue. Probablement parce qu'entre les tonitruants effets d'annonce électoraux et la réalité du quotidien, il est un gouffre difficile à franchir lorsqu'on n'est plus en campagne.
    Chiffrées à plus de 11 milliards d'euros, les premières mesures auraient fait bondir, que dis-je, hurler, les économistes en chambre chantres du libéralisme de bon ton figarotique ou TF1-esque, si elles avaient été décidées par n'importe quel autre gouvernement. Au lieu de quoi nos journalistes dévots bêlent et se tortillent de bonheur. Tiens, ce matin encore, mon idole Jean-Marc Sylvestre sur France Inter ne savait plus comment s'y prendre pour cacher son plaisir. TOUT VA BIEN MADAME LA MARQUISE ! Ah, quel beau monde dans lequel nous vivons désormais. Dormez bien, on s'occupe de vous et si nécessaire, on vous oindra les zones idioines d'une petite couche de Star Ac, de Droit de Savoir ou de Cauet Machin pour faire passer la pilule.
    Parce que pilule il y aura. On frémit d'avance à l'idée que la première à faire avaler sera celle d'une augmentation de la TVA, ou comment faire payer par tous les "petits avantages" accordés à quelques uns.
    Et puis on s'en fout après tout, l'essentiel n'est pas là... Le plus important n'est-il pas que Notre Dame de Sarkozie puisse, en toute tranquillité, lancer les travaux d'aménagement de sa piscine à Fort Brégançon ? Se trouvera-t-il ici un esprit chagrin pour ne pas considérer qu'il est tout à fait normal qu'un dispositif de surveillance rapprochée, aux frais du contribuable bien sûr, soit déployé pour lui permettre de se consacrer régulièrement à une petite séance de shopping dans les boutiques chic de Saint Trop' ? Shopping et jogging, nos deux nouvelles mamelles.
    Vivons heureux en cette nouvelle république et soyons fiers de notre pays. Un point c'est tout...
    Cela étant dit, je suis inquiet néanmoins.
    Notre altesse sérénissime, le Mahatmah Ghrandi, supportera-t-il durablement le traitement que ses nouvelles fonctions vont lui imposer ? A en juger par les néfastes conséquences, très perceptibles pour un oeil non exercé, de ses premières rencontres au tout récent sommet du G8, on peut effectivement se poser la question.
    Et, soit dit en passant, la télévision Belge a fait preuve à ce sujet de beaucoup plus de sollicitude que nos médias hexagonaux à qui, semble-t-il, cette information a complètement échappé, mystérieusement... Honte sur eux, bandes d'ingrats.
    Je vous laisse juges...

  • Epique Epok

    9f16ad6a41a81a14b983043904a39e0b.jpgJ'ai reçu ce matin le troisième volume de la série de DVD - "Mythes et Légendes 35 ans de musique" - retraçant les quatre semaines de concerts donnés par Magma dans le cadre intime et chaleureux du Triton en mai et juin 2005. Cette "epok 3", pour reprendre une terminolgie dûment estampillée kobaïenne, est passionnante à plus d'un titre. D'une part en raison du répertoire proposé : "Köhntarkösz" (1973) tout d'abord, l'oeuvre majeure du groupe (ce jugement n'engageant que moi il est vrai, mais je sais que nous sommes nombreux à penser ainsi), majestueuse et intemporelle, longue quête de plus de 30 minutes d'un homme qui "plonge en lui-même, gravissant degré après degré les profondeurs de la conscience", ainsi qu'une version au final non achevé de ce qui sera le prochain disque du groupe, "Ëmëhntëht-Rê" (1976), et dont on connaît il est vrai depuis longtemps une grande partie des mouvements qui le composent ; une autre grande suite que Magma a remis sur le métier depuis son concert à l'Olympia en janvier 2005. Sans oublier l'aérien "Lïhns", très peu joué sur scène et deux extraits du disque "Attahk", "Nono" et "The Last Seven Minutes". Avec en bonus une seconde version de cette dernière composition, mais dans un cadrage 100% Vander qui ravira les admirateurs, voire les groupies énamourées, du batteur aux bras et torse velus. Et puis... et puis, je m'autorise un petit clin d'oeil à mon amie Stella pour lui faire savoir ici combien j'apprécie la justesse de sa prestation, en particulier sur "The Last Seven Minutes" ; elle aussi semble goûter tout particulièrement ce répertoire à très haute teneur énergétique.

    Ce qui, par ailleurs, suscite l'intérêt dans cette nouvelle production, ce sont les retrouvailles avec Benoît Widemann, dont le mini-Moog fait merveille. Ce musicien élégant et raffiné apporte à la musique de Christian Vander une coloration unique et chatoyante, toute en subtilité et volubilité (ce que permet l'instrument à condition d'en être un expert, et tel est bien le cas...) comme sur les splendides chorus qu'il donne sur "Köhntarkösz". On est heureux de pouvoir admirer son talent incomparable et je me permets de préciser ici que notre homme aux claviers magiques viendra faire un nouveau petit tour avec Magma dans le cadre de la prochaine édition des Nancy Jazz Pulsations, en octobre prochain, pour un condensé en deux soirées des quatre "epok". Avis aux amateurs donc. D'autant qu'un autre monstre sacré de la galaxie Magma sera de la partie, en la personne de Jannick Top. La scène de "L'Autre Canal" va vite passer dans la quatrième dimension ! Ambiance surchauffée (et pour notre bonheur à tous sans fumée) assurée, les organisateurs peuvent se frotter les mains dès à présent.

    Ce DVD tombe à pic par ailleurs parce qu'il sera disponible dès lundi lors de la nouvelle semaine que Magma va passer au Triton, du 11 au 16 juin. Et j'imagine très aisément que les hordes de fans - dont l'inconditionnalité inaltérable, habillée de noir et décorée d'une menaçante griffe dorée, marque de fabrique du groupe depuis le premier jour, est quasiment sans équivalent dans le monde de la passion musicale au point, pour certains, de tenir Christian Vander pour plus qu'un musicien extraordinaire, ce qu'il est à n'en point douter, mais comme un maître à penser, ce qui est une autre paire de manches... ou de baguettes devrais-je dire - vont se ruer sur le stand de Seventh Records pour en faire l'acquisition. Que les impatients cependant n'espèrent pas se mettre dans les oreilles des nouveautés dans le répertoire que le groupe proposera la semaine prochaine. A priori, la "nouvelle musique" de Christian Vander n'est pas à l'ordre du jour et Magma va continuer, comme il le fait depuis décembre 1996 et à l'exception de quelques trop rares et courtes compositions inédites ("La ballade" par exemple), à revisiter son répertoire, dont la quasi intégralité, faut-il le rappeler, fut composé durant la première moitié des années 70, avec un incroyable prolixité ! N'oublions que le dernier disque studio en date de Magma, "K.A", bien qu'enregistré pour la première fois en 2004, est constitué d'une longue suite composée... en 1973 ! Mais que les magmaphiles de tout poil n'en oublient pas pour autant de savourer les premières parties de cette série de cinq concerts, et en particulier le très beau Ellul Noomi, dont il fut question ici lors de la sortie de son premier disque sur Ex-Tension Records.

    On attendra désormais avec gourmandise le dernier volet de la saga "Mythes et Légendes" avec une "epok 4" où deux jeunes soufflants (Aymeric Avice et Hugues Mayot) seront de la fête pour une interprétation de la dernière grande oeuvre de Magma, "Zëss" (qui sera bientôt certifiée 30 ans d'âge... et qui pourrait être - mais je mets beaucoup de réserve et de conditionnel dans mon propos - le prochain gros chantier en studio lorsque le travail sur "Ëmëhntëht-Rê" sera achevé) et de "K.A". Avec en prime sur cette ultime DVD deux autres belles mais courtes compositions : "Otis" (dédié à Otis Redding bien sûr) et "The night we died".

    Quant à tous ceux d'entre vous qui ne pourront pas se déplacer, il leur reste une manière très simple de se procurer dès lundi ces beaux témoignages en allant naviguer du côté de la boutique de Seventh Records.

    Enfin, pour ce qui est de la suite qui sera donnée à l'épopée Magma, elle reste un mystère typiquement vanderien que l'on résumera par cette phrase présente sur bien des pochettes du groupe : "To be continued..."
    MAGMA :
    - Stella VANDER : chant, percussions
    - Antoine PAGANOTTI : chant
    - Himiko PAGANOTTI : chant, percussions
    - Isabelle FEUILLEBOIS : chant, percussions
    - James MAC GAW : guitare
    - Emmanuel BORGHI : Fender, claviers
    - Benoît WIDEMANN : Fender, claviers
    - Philippe BUSSONNET : basse
    - Christian VANDER : batterie, chant

  • Le Lann Top : le mariage du ciel et de la terre

    Ah qu’il fait du bien ce disque ! Je vous ferai grâce du contexte personnel et des heures difficiles vécues concomitamment à sa découverte même si, peut-être, finalement, il aura été un soutien précieux pendant ces jours de larmes. Je préfère de très loin évoquer ici toutes ses qualités : une belle énergie, le bonheur des retrouvailles avec deux musiciens qui se faisaient décidément trop discrets sur la scène hexagonale, l’idée que la confrontation de deux personnalités qu’on n’attendait pas forcément côte à côte a donné naissance à un vrai projet artistique qu’on voudrait croire durable.

    e79a742050417b6c792b8215975658d3.jpgFaisons rapidement les présentations : ci-devant monsieur Eric Le Lann, trompettiste breton de son état, qui s’est illustré depuis plus de vingt-cinq ans auprès de grands messieurs tels que René Urtreger, Jean-François Jenny-Clarke, Henri Texier, Bernard Lubat, Patrice Caratini sans oublier Martial Solal. Les jazzophiles auront même pu le reconnaître à l’affiche du film de Bertrand Tavernier, « Autour de Minuit ». Eric Le Lann a également eu l’occasion de créer son propre quartet dans les années 80 mais s’était éloigné de la scène depuis une bonne dizaine d’années, donnant la priorité – et on ne saurait le blâmer – à ses deux filles jumelles ainsi qu’à la création d’une école de musique en Bretagne. Le Lann est un musicien lyrique, habité, aérien, qui commençait à nous manquer sérieusement.
     
    Quant à son complice Jannick Top, est-il utile de le présenter, lui qui avait totalement investi l’univers magmaïen de Christian Vander à l’époque de « MDK » ou « Köhntarkösz » dans la première moitié des années 70, avant de se lancer dans une aventure sans lendemain baptisée Vandertop ? Un duo explosif pour une série de concerts en 1976, qui restent encore dans les mémoires de quelques aficionados. Après quoi il décida d’investir le champ de la variété française et de proposer ses services à quelques célébrités dont le moins qu’on puisse dire est qu’elles ne font pas partie de mon univers artistique … Oh, il y eut bien la création du label Utopic Records et l’édition de quelques précieux enregistrements ; il y eut aussi d’épisodiques retrouvailles avec Magma en mai 2005, qui suscitèrent les railleries de quelques fans encore coincés dans leurs vieux souvenirs et qui hurlèrent au blasphème au prétexte que monsieur Top avait eu l’idée saugrenue de glisser une suite de Bach dans un chorus. Une suite de basse en quelque sorte. La rumeur bruissait également d’un possible nouveau disque sur lequel Christian Vander himself serait aux baguettes (information confirmée depuis et même au-delà puisqu’il semble bien que d’autres membres de l’équipage Magma soient venus faire un petit tour en studio). N’étant pas musicien, je ne saurais vous expliquer correctement en quoi le jeu de Top est si particulier ni même vous décrire la puissance de son son (j’aime bien ça, son son !). Les musicologues vous expliqueront qu’il accorde sa basse comme un violoncelle, un octave plus bas. Pour faire beaucoup plus simple, nous dirons que notre Jannick aimé a un son énorme qui vous vrille les tripes à la première mesure. Si Eric Le Lann est le ciel, lui est la Terre et ses entrailles, sa musique gronde et l’on ne rappellera jamais assez à quel point la part qu’il prit dans l’aventure Magma fut déterminante, contribuant pleinement à l’avènement de « Köhntarkösz », qui reste de très loin la plus belle réussite discographique du groupe et dont, par ailleurs, le propos « philosophique » suscite le moins de polémiques. Ici, point de peuple qui s’évanouit dans l’espace sous les injonctions de celui qu’il tenait pour un tyran, point de suspecte dissolution du moi dans la soumission à un être supérieur. Non, plus simplement, le cheminement d’un être pas à pas dans les degrés de la conscience. Ce qui, on en conviendra, est déjà tout un programme.

    C’est bien gentil tout ça, mais je m’éloigne du sujet. Revenons donc à nous gloutons : d’un côté, les chaudes envolées jazzy, quand il ne s’agit pas de cris lancés crânement au vent d’une tempête annoncée, par une trompette dont la sourdine n’est pas sans nous rappeler celle d’un certain Miles ; de l’autre les assauts rageurs d’une basse qui emporte tout sur son passage et propulse tous les musiciens vers les hauteurs stratosphériques d’une musique retrouvée. L’histoire veut que chacun des deux musiciens ait apporté son lot de compositions et qu’après une mise en commun, tous deux aient décidé de les co-signer. Soit. On n’aura néanmoins aucune difficulté à identifier les origines génétiques de chacun des neuf titres, inutile donc d’en appeler à une recherche en paternité ni à un test ADN. Que celui qui osera me dire, par exemple, qu’une composition telle que « Spirit » n’est pas d’une certaine façon la parfaite continuité d’un « Soleil d’Ork » (remember « Üdü Wüdü) me jette sa première corde ! Qu’il essaie de me convaincre que « Mysterious City », après deux premières minutes très clairement inspirées du « Matin des Noire » d’Archie Shepp, ne lui explose pas au visage comme le firent en leur temps des compositions entrées dans la légende kobaïenne ! Non, les parentèles sont bien identifiées et pourtant, leur juxtaposition fonctionne parfaitement. Il y a en effet une surprenante complémentarité entre deux univers qu’on n’aurait pas forcément imaginé voir se marier d’une façon aussi naturelle. Eric Le Lann crée la respiration là où Jannick Top vous prend à la gorge et leurs forces unies tendent vers un équilibre où l’angoisse rôde certes, mais parfaitement stable. Et il serait injuste de ne pas citer les musiciens qui, à leurs côtés, contribuent pleinement à la réussite de ce projet dont on aimerait se convaincre qu’il va durer : Damien Schmitt à la batterie et Lionel Louéké à la guitare et au chant, sans oublier quelques amis de passage comme le guitariste Jean-Marie Ecay.

    « Le Lann Top », disque résolument convaincant, va s’installer durablement en haut de la pile de vos CD de chevet et si, tel ce grand monsieur contrebassiste récemment rencontré, vous n’avez pas l’heur de disposer d’un chevet, débrouillez-vous pour le glisser en bonne place sur votre iPod préféré ou tout autre compagnon de voyage et vous en régaler les écoutilles. Vous vous en sentirez instantanément beaucoup mieux !!!

    A commander d’urgence sur www.nocturne.fr !
    En attendant cet achat hautement recommandé, prenez un vivifiant acompte en écoutant un petit extrait du disque appelé «Middle Access»…