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  • Misérables…

    J’ai un peu hésité à vous raconter cette histoire navrante, pensant d’abord que le récit de la veulerie et de la médiocrité n’avait pas sa place sur les pages de Maître Chronique. Et puis, non, c’était décidément trop idiot de taire les comportements les plus bas. Alors j’ai choisi d’en parler ici.

    « Quand les cons voleront à midi, il fera nuit. » (Michel Audiard)

    Imaginez quelle put être avant-hier soir la réaction de ma sœur de retour chez elle, après les obsèques de notre mère et une journée chargée en pleurs et tristesse, malgré le plaisir des retrouvailles avec des êtres chers qu’on ne voit, malheureusement, que trop rarement et bien souvent en ces pénibles circonstances. Après aussi un voyage en voiture de plusieurs heures vers la région parisienne, dont on imagine aisément qu’il ne baigna pas dans une ambiance particulièrement légère ni joyeuse. Ouvrant sa boîte aux lettres, elle découvrit une enveloppe matelassée, expédiée par je ne sais plus quel sinistre personnage – neveu, beau-frère, cousin, après tout quelle importance – sorte d’exécuteur des basses œuvres de la propriétaire de la défunte. Une lettre qui avait été postée, semble-t-il, au plus tard le vendredi 25 mai à 15 heures, le cachet de la Poste faisant, comme on dit, foi. Ce courrier, adressé sans le moindre mot qui aurait pu témoigner du minimum de compassion pour la famille endeuillée, n’était rien d’autre qu’un décompte de charges à régler sans attendre pour l’année 2006, selon un calcul qui, depuis des décennies d’ailleurs, était loin d’être au désavantage des propriétaires, trop heureux d’avoir trouvé depuis plus de trente ans des locataires payant rubis sur l’ongle loyers et taxes diverses, sans jamais s’élever vraiment contre une pratique qu’ils auraient pu légitimement contester s’ils avaient été animés d’un esprit un tant soit peu procédurier. Mais ceci est une autre histoire… mes parents étaient pacifiques avant tout, tous ceux qui les ont bien connus pourront vous le confirmer.

    Rétrospectivement, on est donc obligé de comprendre que cette propriétaire, petite femme inexistante, qui a encaissé les loyers de ses locataires depuis septembre 1974, date à laquelle mes parents étaient entrés dans les murs de l’appartement qu’ils lui louaient, n’a pas manqué d’une vraie présence d’esprit et d’une étonnante rapidité dans l’exécution des ses œuvres vénales. Elle qui, depuis le 8 février, le jour où ma mère avait été hospitalisée après sa chute pour ne plus revenir chez elle, ne s’était jamais fendue du plus petit coup de fil pour prendre de ses nouvelles… Car c’est en effet mon propre frère qui lui annonça vendredi matin, vers 10 heures, le décès de notre mère, envolée doucement dans l’autre monde la veille au soir, à 20 heures 45. On oubliera qu’elle n’eut elle-même à ce moment précis pas le moindre mot de réconfort pour lui ni sa famille, personne n’étant parfait il est vrai. On devra en revanche deviner que sa réaction immédiate fut de téléphoner à son je ne sais plus qui (celui qui avait pris le relais d’un mari décédé pour agiter le tiroir caisse à intervalles très réguliers) afin de lui faire part du prévisible manque à gagner mensuel. On imaginera alors ce Thénardier pitoyable exhibant d’un tiroir les précieux documents qu’il allait s’empresser de fourbir et de glisser dans une enveloppe pour réclamer son dû.

    Pauvre type, pauvres gens, misérables êtres vivants et déjà morts depuis si longtemps… recevez ici mon mépris le plus total, sans limite. Nous allons vider l’appartement au plus vite, les larmes aux yeux certes, mais dans les délais les plus brefs possibles ; nous allons régulariser la situation et vous laisser confire dans la médiocrité et la bassesse qui vous personnifient depuis le jour de votre naissance et vous englueront au soir de votre mort. Je ne vous souhaite plus qu’une seule chose désormais : qu’une fois votre dernière heure venue, votre cerveau abruti perçoive enfin, quand défilera le film de ce que vous croyiez être votre vie et qui n’était rien d’autre qu’une trop longue erreur, à quel point votre existence aura été vaine, du début à la fin. Je crois toutefois très peu à cette hypothèse d’un éclair de lucidité qui animerait enfin votre esprit pauvre, mais je vous le souhaite de tout mon cœur, espérant qu’à cette seconde finale, vous ne partirez pas dans l’inconscience de votre absolue crétinerie.

    En attendant ce jour libérateur, nous aurons pu nous remémorer longuement les instants de joie, ces petites humeurs de la vie, tous ces bonheurs qu’avaient modestement réussi à construire notre père et notre mère dans l’amour de leurs enfants. Un trésor d’une valeur inestimable, qu’ils nous ont transmis et auquel vous ne pourrez jamais avoir accès.

  • Resis'Danses II

    Tout ceci n'est pas encore très clair dans ma tête... mais j'ai à l'esprit l'idée de créer un petit portail qui serait une sorte de recensement, non exhaustif bien sûr, de labels de musiques sur les sites Internet desquels il est possible de commander directement des disques.

    Et puis... des éditeurs aussi... car eux aussi doivent se battre. 

    C'est toujours mieux que d'engraisser les actionnaires ventripotents qui se paient des supermarchés de biens culturels et sont avant préoccupés de la hauteur des dividendes qu'ils encaissent sans lever le petit doigt et dont l'ambition culturelle doit être d'un niveau équivalent à celle de la Nouvelle République des Neuilléens.

    Cette idée m'est venue, tout simplement, après avoir commandé et reçu en un temps records le nouveau CD d'Eric Le Lann et Jannick Top sur le site www.nocturne.fr, dont il sera question très prochainement dans ces pages. J'ai trouvé le service rendu tellement chouette qu'il m'est apparu indispensable de contribuer à valoriser le boulot que font tous ces gens, au prix d'un combat quotidien, jamais gagné.

    Ce portail serait une sorte de contribution à la Résis'Danse, à laquelle je convie le plus grand nombre d'entre vous. Dès lors que vos passions vous conduisent vers des univers artistiques - quels qu'ils soient - non pris en compte par les rouleaux compresseurs de la médiocrité médiatique, soyez actifs et parlez-en. N'hésitez pas à intervenir sur mon blog, je pourrai relayer vos propos, car je fais partie de ceux qui pensent que les petits ruisseaux font les grandes rivières et je ne peux me résigner à m'imaginer que les porte-parole du monde culturel vers lequel nous allons soient ceux que l'on a pu voir et entendre plastronner - pour le plus grand malheur de nos yeux et de nos oreilles - tout récemment du côté de la Concorde, collés aux basques du Président de la République de l'UMP et de Notre Dame de Sarkosie enfin réapparue.

    Tout cela ne se fera pas en huit jours, mais se constuira petit à petit.

    Le combat continue. 

  • Lucette, in memoriam

     

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    Elle m'a donné la vie.
    Elle a quitté ce monde, ce soir, à 20h45.

    Je la pleure. 

    Je ne t'oublierai jamais.
    Repose en paix aux côtés de celui que tu as si longtemps aimé.

    Lucette (27 juillet 1925 - 24 mai 2007) 

  • Résis'Danses

    Plus que jamais, ce blog – modeste mais tenace – sera dans les temps à venir un espace de résistance à la médiocrité ambiante. Je n’aimerais pas vous laisser l’impression d’être prétentieux, voire un brin grandiloquent, mais j’envisage les années qui s’annoncent non sans un vrai pessimisme. Je me cantonnerai ici à pratiquer ma lutte sous l’angle culturel : musique, littérature, cinéma…, car d’autres le feront beaucoup mieux que moi dans des domaines, essentiels eux aussi, tels que l’économie, la société, la politique, l’écologie, la citoyenneté, pour ne pas prononcer un mot qui pourrait être mal interprété, la morale. Je m’efforcerai à chaque fois que je le pourrai de relayer leurs propres réflexions.

    Lorsque je m’aperçois que les étendards brandis au soir de l’instauration de la Nouvelle République des Neuilléens s’appellent par exemple Doc Gynéco, Steevy machin, Johnny Hallyday, grands gardiens du temple de l’exemplarité citoyenne, ou je ne sais plus trop quel autre prétendu artiste populaire venu bêler les louanges de son nouveau mètre 65 à penser,  lorsque je constate que les machines à communiquer de trois ou quatre grands groupes industriels trop proches du pouvoir en place concentrent un nombre incroyable de forces de notre environnement médiatique – radios, télés, presse écrite…, lorsque je dois me pincer pour être certain que je ne rêve pas à l’annonce du retour du cumul des mandats par un premier ministre qui organise les agapes préélectorales de son groupe politique dans les murs de l’Hôtel Matignon sans que qui ce soit ne trouve rien à redire à cette confusion des rôles, je suis d’abord gagné par une grande lassitude avant de me ressaisir assez vite et d’imaginer qu’il est toujours possible, petit à petit, par touches minuscules et successives, de grappiller ici ou là une parcelle de liberté créative et de la proposer en partage à ceux qui voudront me lire.

    Je ne sais pas exactement comment je procéderai jour après jour pour tenir modestement ce tout petit rôle, mais j’ai la certitude que rien ne me fera dévier de ce cap.

    J’avais envie de le dire.

  • Japon pour le moral

    En cette période post et pré-électorale, où la charge de la brigade très très lourde des communicants de la nouvelle République envahit écrans et ondes diverses pour déverser à flots continus une bonne parole pan pan cucul - on va négocier mais de toutes façons, si on n'y arrive pas, on fera passer une loi au Parlement, bande de méchants français incapables -  au risque de devenir contre productive... quoique, j'ai quand même des doutes, parce que si je me réfère à quelques récents sondages, on dirait que mes compatriotes aiment ça et en redemandent... bref, où en étais-je ? Ah oui, la vidéo... je ne peux donc résister au plaisir de vous soustraire à cet abus de surinformation (oui, je sais, c'est un pléonasme, mais j'ai décidé aujourd'hui de faire ce que je voulais...) en vous proposant un très joli spectacle.

    Je ne vous ai guère habitués jusque là à vous You Tuber, mais je ferai une exception avec cet extrait d'un concert à l'Aqua Stadium Stellarball de Tokyo, le 12 février 2005 donné par le Hiromi Trio (Hiromi Uehara, la jeune pianiste japonaise est ici entourée du bassiste Tony Grey et du batteur  Martin Valihora). Voilà un parfait antidote à toutes les morosités !

    Allez, un petit coup d'oeil à cette pianiste japonaise... et merci à l'ami Kangou qui m'a fait partager ces belles minutes !

    PS : je sais que cela n'a rien à voir mais... je crois comprendre pourquoi j'avais besoin de ce remontant musical. Je me suis réveillé l'autre nuit, d'un seul coup, car je venais de faire un rêve étrange, à défaut d'être pénétrant. Dans ce songe bizarre, on venait d'apprendre la composition d'un nouveau gouvernement et une idée saugrenue avait germé dans la tête de nos responsables politiques en nommant Roselyne Bachelot ministre des sports. J'ai réussi cependant à me rendormir assez vite. Le cerveau est décidément une bien drôle de machine...

  • frogNstein : le batracien est à l'air libre

    a4cec419f872c3ae713eb2c94ac7889b.jpgJ'avais évoqué ici-même au mois de décembre la parution programmée du premier CD de frogNstein, "Electrify My Soul". Le projet a mis un peu plus de temps que prévu à voir le jour, c'est-à-dire à être disponible dans les bacs. Mais cette fois, ça y est, vous pouvez enfin vous procurer cette belle galette aux accents "électro - groove - jazz", pour reprendre la définition donnée par les deux leaders du groupe, Bertrand Béruard et Cédric Hanriot.

    Tous deux étaient hier en effet dans la Maison Rose où je les avais invités pour une interview qui sera prochainement en lecture sur l'indispensable site www.citizenjazz.com. Dont, bien sûr, je ne vous livre rien d'autre car je sais que vous irez flâner sur ce bel espace dédié au jazz. Etant associé à sa rédaction, vous comprendrez que j'ai un tant soit peu le sens de l'exclusivité ! C'est normal...

    Néanmoins, je ne peux résister au plaisir de vous dire qu'une écoute attentive de cette production, ce matin, me confirme dans mes premières impressions hivernales : "Electrify My Soul" est vraiment une excellente surprise, pleine de culot et de pistes nouvelles qui ne demandent qu'à être explorées dans un proche avenir ; il devrait quoi qu'il en soit séduire pas mal d'oreilles ouvertes aux formes actuelles de la musique. Il a tous les atouts pour attirer les amateurs de jazz, parce que les notions de thème et d'improvisation lui sont intrinsèques, mais aussi bien d'autres publics parce qu'avec frogNstein, il est beaucoup question de rhythme et de pulsion. Surtout, la paire Béruard / Hanriot n'hésite jamais à marier les couleurs sonores sans que jamais le résultat n'en paraisse artificiel. Et l'on est presque étonné de constater à quel point la cohabitation d'une rythmique très funk avec des samples et un quatuor à cordes fonctionne naturellement.

    Enfin, ce disque est l'occasion pour quelques musiciens amis de venir faire un petit tour et d'ajouter à la qualité existante leur propre talent : Franck Agulhon à la batterie, 2TH ou bien Coco Zhao au chant... pour n'en citer que quelques uns.

    Voici pour vous donner un avant goût et surtout l'envie d'en savoir plus (et donc d'acheter le disque, please mes amis, pas de téléchargement sauvage, ces musiciens sont passionnés et tentent de vivre de leur art, alors aidez-les !), je vous propose un extrait du disque, "Funky Booster" où toute la bonne énergie du groupe est immédiatement perceptible.

    Vous pouvez vous procurer ce disque soit sur le site www.fnac.com, soit - et c'est encore mieux directement auprès du label, Cristal Records

  • Pour une provisoire conclusion

    medium_htsunset_070420.jpgBon, cette fois, ça y est... Je vous ai narré tout récemment avec ma trilogie printanière les conditions dans lesquelles j'avais préparé, réalisé et détruit puis reconstitué une interview du contrebassiste Henri Texier pour le magazine Citizen Jazz. Après un certain nombre d'heures passées au téléphone avec ce musicien hors du commun, le texte est en ligne depuis ce matin !!!

    Vous pouvez le lire en suivant ce lien :
    http://www.citizenjazz.com/article3459587.html

  • Monsieur Météo

    C'est pas normal... Voici des semaines qu'il règne en Lorraine un temps quasi estival : un grand soleil, un ciel bleu comme on voit rarement en cette région, de très douces températures. Ou comment le réchauffement de la planète va transformer l'est de la France en un eldorado météorologique que tous les sudistes de l'Hexagone - et même ceux de l'Ile de Malte - nous envieront bientôt, surtout à partir du jour où ils viendront nous manger dans la main, ou plutôt nous boire, pour quémander quelques litres d'une eau qui leur fera cruellement défaut. D'autant que nous, septentrionaux patentés, seront à l'abri d'une montée des eaux qui détruira leurs marinas et coulera inexorablement leurs yachts.

    Ah... est-ce vraiment le moment d'évoquer ce type de bateaux ?

    Oui, mille fois oui ! Parce que le retour à la grisaille coïncide étrangement avec le résultat de l'élection présidentielle et je me permets de lancer ce cri : "J'accuse !" le nouveau Président d'être à l'origine de cette première remise en ordre céleste ! Il ne sait pas à quel point cette décision de nous faire entrer à nouveau dans une zone nuageuse risque d'avoir de terribles conséquences au plan économique. J'avais par exemple envisagé tout récemment de faire appel à un artisan pour l'aménagement de mon jardin en une terrasse en bois - du mélèze - à deux niveaux entourée d'un joli gazon et de pas japonais, sans compter quelques subtils et discrets éclairages. Un budget de 3500 à 4000 €, soit l'équivalent d'environ 3 heures de location du bateau de son ami Bolloré. Vais-je laisser ce projet aboutir si j'ai la certitude de rester confiné en les murs de la Maison Rose pour cause de grisaille perpétuelle ? Par conséquent, cette première mesure de rétorsion ne risque-t-elle pas de nuire au développement d'une entreprise qui se réjouissait, comme des dizaines de milliers d'autres, depuis des mois, des nombreuses promesses électorales dont, tous, nous fumes abreuvés depuis des mois ? Et qui n'engagent, on le sait, que ceux qui les croient...

    J'en appelle donc à sa responsabilité : monsieur le néo-Président, veuillez s'il vous plaît quitter votre somptueuse embarcation et revenir au plus vite parmi nous. Il en va de la santé de notre économie et, comme vous l'avez souvent proclamé, du tissu essentiel que forment toutes ces petites entreprises seules vraies créatrices d'emploi. Dites à vos chanteurs favoris d'arrêter de bêler et de provoquer les nuages qui n'ont pas manqué de se déverser sur nous depuis qu'ils ont entonné tous ces hymnes à votre gloire.

    Non mais... euh, Johnny, pourrais-tu rester en Suisse s'il te plaît ? Tu ne nous manquais pas du tout, tu sais... Et si tu pouvais demander à quelques uns de tes petits camarades de te rejoindre, tu sais, ceux de la Place de la Concorde, dimanche soir, je n'y verrais aucun inconvénient non plus...

  • Modèle social

    Ah, ça commence bien ! Les premiers gestes du futur président de la République me paraissent fortement chargés du point de vue de leur symbolique : une soirée au Fouquet's - petite cantine populaire bon marché - pour fêter sa victoire, suivie d'une croisière de trois jours au large de l'Ile de Malte sur un yacht de 60 mètres appartenant à un groupe médiatique "ami", et dont le prix de location hebdomadaire est, dit-on, de 193000 €. Voilà qui nous fournit quelques précieuses indications sur le modèle social que Minicolas entend nous proposer. Pendant ce temps-là, le Baron Machintruc, ancien président du MEDEF et ci-devant patron des patrons européens (oui, ça existe...) nous apprend que le milieu des affaires se réjouit du résultat des élections. Je vais pouvoir dormir tranquille à l'annonce d'une si bonne nouvelle, c'est certain. Tiens, et puis, tant qu'on y est, réjouissons-nous de savoir que Johnny Smet, finalement, va rentrer en France. C'est vrai qu'il nous manquait celui-là.

    Je vais sans attendre me fabriquer une petite compil avec des chansons de Faudel, Gilbert Montagné, Mireille Mathieu, Enrico Macias et je ne sais plus qui d'autre, je l'écouterai en boucle, histoire de me décrasser les oreilles de toutes les pollutions dont je les ai gavées depuis des décennies à force d'écouter des musiques bizarroïdes et pas toujours consensuelles, je vais regarder des films avec Jean Reno et Christian Clavier exclusivement et je me préparerai ainsi psychologiquement à ma nouvelle et ambitieuse vie culturelle. Celle que je gardais secrètement en moi depuis la nuit de mes temps.

    Je sens que je vais passer cinq années absolument passionnantes. Tiens, du coup, voilà que je viens d'écrire un texte court.... Pas normal tout ça.

  • Le retour du jeudi

    A quelque chose malheur est bon, dit-on... Après "La traque au trac" et "Mini-disc et maxi poisse", j'aimerais conclure sous la forme du troisième volet d'une humble trilogie l'épisode initialement navrant de mon interview envolée...

    J'en étais donc resté au vertige de la solitude que je connus subitement au moment où je me rendis compte que pas un seul mot du long entretien que m'avait accordé Henri Texier n'avait été finalement enregistré. Soutenu par le duo qui, à ce moment précis, était à mes côtés - me femme m'expliquant qu'on allait retrouver l'essentiel à condition de s'adonner à un bel exercice de mémoire, Kangou voulant me faire penser à autre chose et me certifiant que mon fils avait accompli une belle performance lors du dernier concert du groupe Présent au Festival RIO de Carmaux - je réussis  à me convaincre que, oui finalement, il fallait bien opter pour une solution qui aboutisse à la production d'un texte pour le compte du magazine Citizen Jazz. Me croirez-vous ou pas, mais dix jours plus tard, je me rends compte que cet aléa technique m'a permis de connaître des instants passionnants sur lesquels j'aimerais revenir... rapidement, comme il se doit !

    Il y eut tout d'abord notre retour rue de Grenelle après le concert du Strada Quartet. Il était deux heures du matin et nous contemplions le spectacle vraiment désolant de tous ces jeunes, bouteille à la main, à la dérive. Ils semblaient tous errer à la recherche d'un alleurs perdu, les yeux hagards ou, pour les plus en forme, éructant quelques propos inintelligibles. Même la cohorte des adeptes du Pont des Arts, en route pour une nuit à la belle étoile, ne semblait pas animée d'une énergie positive. Ils étaient là, assis, en attente... Une désolation sur laquelle nous échangions, madame Maître Chronique et moi, quelques propos un peu amers par dessus lesquels venaient se fracasser comme de drôles d'éclairs mentaux les souvenirs tout récents de l'interview : "Ah oui, et puis il a dit ça...", "Tu te souviens, ce qui l'avait touché chez Isabelle Carré, c'est qu'elle aimait son travail mais c'est parce qu'il trouve que c'est une actrice vraiment bien, sérieuse...", "Il ne faut pas oublier le mot zapperie qu'il a employé", "Le dernier disque de Bashung"... Tous ces fragments complètement éparpillés commençaient à dessiner un tout dont je parvins à délimiter les premiers contours en notant fiévreusement sur une feuille tous les mots qui me venaient à l'esprit dès le retour dans notre chambre. Je cochai également les questions que j'avais pu poser (j'en avais près de 40 au total...) et tentai d'y raccorder les idées qu'Henri Texier avaient expliqué... Et je pus, contrairement à ce que j'aurais volontiers parié, m'engouffrer très vite dans une longue nuit de quatre heures.

    Le lendemain, alors que nous rentrions par le train en Lorraine et tout en achevant la lecture du gros bouquin de Ken Follett, "Les piliers de la terre", je décidai que mon texte serait une trilogie dont le titre m'était venu la veille : "Henri Texier à cordes ouvertes", les cordes étant celles de sa contrebasse bien sûr mais aussi celles de sa voix, très présente sur scène ainsi que dans l'idée de chant, essentielle à son oeuvre. Je consacrerais le premier volet à une rapide chronique de son dernier disque, le second à l'interview et le troisième au concert du Sunset. J'étais stimulé aussi en me rappelant cet instant délicieux où, juste avant la reprise du second set, Henri Texier était venu me rassurer en me disant qu'on trouverait bien un moyen de "boucher les trous" par téléphone. Ce type est vraiment épatant !

    J'en restai là, avec ce schéma en tête et les incessants appels de ma mémoire qui travaillait malgré moi à la reconstitution de l'interview, tout le temps, à la moindre occasion, avec les idées qui fusent, les phrases qui dansent, les propos qui ressurgissent. Vous n'imaginez pas à quel point cet exercice involontaire peut être éprouvant. J'eus d'ailleurs la conviction que le métier d'écrivain doit parfois être difficile à vivre. C'est vrai que quand j'étais gamin, j'écrivais fiévreusement des tas d'histoires policières, sur des cahiers Cathédrale à gros carreaux, avec un stylo plume et une encre bleu des mers du sud et je rêvais, un jour, de vivre de ma passion, assis devant un bureau de bois sur lequel aurait été posé un sous-main de cuir vert foncé, depuis lequel j'aurais aperçu un paysage de moyenne montagne avec, peut-être, juste derrière, une étendue d'eau, mer ou lac... Fort heureusement pour nous tous, et vous en particulier, je n'en suis jamais arrivé là et lorsque je perçois à quel point l'écriture d'un simple article peut me hanter jusqu'au moment de son aboutissement, j'imagine bien volontiers que le quotidien d'un écrivain doit être la plupart du temps insupportable. Comme s'il était impossible de se libérer d'un travail en cours et de penser à autre chose. Comme si la fin prévisible d'un bouquin devait engendrer mécaniquement le travail de réflexion sur le suivant, dans un implacable engrenage tournant sans fin. Une espèce de prison mentale dont il est bien difficile de s'évader. Mais ceci est une autre histoire.
     
    L'un de mes collègues eut la bonne idée de me convier à une réunion en région parisienne en milieu de semaine. Ainsi, j'allais pouvoir mettre à profit un aller retour en train (l'un des derniers à vitesse réduite avant l'arrivée du TGV au mois de juin, chance pour moi) pour parachever mon travail. C'est donc sans attendre - nous avions à peine franchi la gare de Champigneulles - que mercredi, confortablement installé dans mon wagon, côté couloir pour pouvoir étendre mes jambes, je commençai par une écoute attentive de "Alerte à l'eau", le dernier CD d'Henri Texier. Bien au chaud sous mes petits écouteurs Bose, je notais fiévreusement tout ce qui me passait par la tête, sans oublier tous les chorus et l'ordre dans lequel ils intervenaient. Très vite, je trouvai un angle d'attaque pour écrire ma chronique et dès la fin du CD, je commençai à rédiger, quasiment sans rature, le texte auquel je pensais. Ma main notait méthodiquement tout ce que j'avais stocké dans ma mémoire vive et je pus conclure au bout d'une heure d'écriture quasiment sans pause. Une première relecture m'indiqua que j'étais sur la bonne voie et je décidai d'interrompre l'exercice.
     
    Tard le soir, dans ma chambre d'hôtel, pendant qu'une candidate à l'élection présidentielle nous expliquait tout ce qu'elle allait entreprendre durant les cinq années à venir, je mis un peu d'ordre dans mes idées toujours embrouillées et réussis à trouver un ordre logique à la fausse retranscription de mon interview. Ce n'est que le lendemain jeudi qu'une fois assis tranquillement dans le train qui me remmenait en Lorraine, je m'attaquai à la rédaction de ce long texte qui n'aurait jamais dû exister. Enfin, pas sous cette forme reconstituée. Sous mes yeux, je voyais les pages se noircir, je réussissais toujours à écrire d'un seul jet et je sentais un vrai soulagement me gagner au fur et à mesure de l'avancée du travail, comme dans un phénomène de vases communiquants. Je vidais ma tête et remplissais du même coup les feuilles qui semblaient attendre cette écriture décidément fiévreuse. Leur papier en devenait craquant sous les assauts de mon stylo à bille...

    Par chance, dès mon arrivée dans la Maison Rose, le premier commentaire de Madame Maître Chronique fut encourageant : elle trouvait en effet que l'atmosphère de l'interview était correctement restituée, elle me fit part de quelques oublis que je m'empressai de rajouter. Le lendemain, Henri Texier m'adressa un petit message dans lequel il me prodiguait encouragements et se disait prêt à la relecture. Ouf ! Il ne me restait plus qu'à "mettre tous ces écrits au propre" et à rédiger le troisième volet. J'avais enfin réussi à déjouer le piège que m'avait tendu mon magnétophone six jours plus tôt... Et qui, dès le lendemain, s'avérerait totalement opérationnel à l'occasion d'un concert du magnifique pianiste Eric Legnini. Allez comprendre. Est-ce que, par hasard, mon mini-disc manifesterait une légère aversion pour Henri Texier ? Je tâcherai d'en savoir plus prochainement et je peux vous garantir qu'à la moindre récidive de sa part, il sera mis au chômage technique et illico remplacé par un petit dictaphone numérique qui, lui, sera acquis à ma cause. Il faut savoir être impitoyable.

    A quelque chose malheur est bon, disais-je un peu plus haut ! Oui, en effet. Car j'ai pris le temps de réfléchir à toute cette mésaventure qui, j'en conviens, n'est rien d'autre qu'un pépin mineur sur l'échelle des malheurs qui incendient notre monde : aurais-je vraiment connu le charme si particulier de ces heures fiévreuses s'il ne métait resté qu'un fastidieux travail de retranscription d'un enregistrement ? Rien n'est moins sûr. Aurais-je pu percevoir tous ces signaux, ces encouragements venus de mon entourage ? Encore moins. Aurais éprouvé le même plaisir d'écriture ? Pas forcément.

    Alors voilà... encore un peu de patience et je vous laisserai les clés de mon travail, vous pourrez me donner votre point de vue, me dire si tout cela en valait la peine. En attendant, il me faut attaquer mon article suivant...