Faut dire que le docteur D., il avait bien bossé, et même encore dans le train, vérifiant son diaporama jusqu’au dernier moment. Ce type là, c’est un perfectionniste, un artisan, que dis-je, un compagnon du stimulateur, un mitonneur du diagnostic, un fou furieux de la cardiologie assistée. Autant de qualités essentielles qui ne l’empêchent pas d’oublier stupidement le cordon d’alimentation de son ordinateur quand il voyage…
StimuloChronique
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Les Pieds Nickelés électroniques (3)
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Les Pieds Nickelés électroniques (2)
Je n’ai rien, mais absolument rien contre cette fraction discutée de l’espèce humaine qu’on appelle les chauffeurs de taxi. Je n’ai rien pour non plus d’ailleurs, car je ne vois pas pourquoi je devrais éprouver une sympathie particulière pour une corporation plus que pour une autre. Autant apporter d’emblée cette précision afin de pas susciter de malentendu.
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Les Pieds Nickelés électroniques (1)
Attention, mesdames et messieurs, vous vous apprêtez à lire le compte-rendu d’une singulière journée au cours de laquelle rien n’aura été épargné à Maître Chronique, malgré la protection bienveillante de son légendaire bienfaiteur, le docteur D. Avant d’entrer plus avant dans le cœur (oui, je sais, c’est facile…) de cette histoire, laissez-moi vous allécher en vous disant qu’il sera question – entre autres et en plusieurs épisodes – d’une fusion absolue entre ma chemise et mon train, d’un chauffeur de taxi plus économe de son carburant que de sa voiture, des balbutiements involontaires d’un père fondateur, du one man show d’un cardiologue à la chorégraphie chaloupée, d’un étonnant déballage de cadeaux made in China et, pour finir, d’une révélation faite au Docteur D. qui eut, en toute fin de journée, le privilège d’accéder à la connaissance ultime, celle que je lui enseignai nonchalamment juste avant notre retour à Nancy. Examinons donc tout cela de plus près…
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Stimulons-nous les uns les autres
« Pourquoi il stimule le ventricule, ce con ? » Ah ben, mon vieux, moi je n’en ai pas la moindre idée… C’est d’ailleurs un peu pour cette raison que j’abandonne la mécanique de mon cœur à un spécialiste patenté tel que le Docteur D. Alors si lui-même commence à se répandre en interrogations sans réponse, comment voulez-vous que je vive sereinement ?
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Stimulochronique, le retour ?
Longtemps je me suis stimulé de bonne heure et ceux d'entre vous qui connaissent mon petit laboratoire d'écriture depuis sa création en mars 2005 savent qu'il m'est arrivé à plusieurs reprises de pondre des textes très bavards vous narrant les relations très particulières et exclusives que j'entretiens avec mon pace maker ainsi qu'avec ce bon Docteur D., grand spécialiste de la chose électronique implantée subdermiquement et néanmoins savamment reliée à mes oreillettes et autres ventricules au moyen d'interminables branchements dont le contrôle régulier s'effectue aujourd'hui grâce à une technologie faisant appel aux outils informatiques de dernière génération.
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On ne change pas une équipe qui stimule !
Décidément, mon bon docteur D. est un personnage vraiment à part. Car, non content d'assurer ma maintenance électronique avec brio (« Ah ! Avec brio !... », ça me rappelle quelque chose...) et de faire de moi un sujet d'étude pour une revue spécialisée dans la stimulation cardiaque (à ce sujet, cher Docteur D., vous écrivez au sujet de mon pace maker, dans l'article qui est consacré à mon cas que, je vous cite, « le patient n'a pas souhaité changer de marque » ! C'est un comble ! Comme si, quelque part, ça vous arrangeait de me prêter ces intentions... mais bon, passons, si une telle attitude de ma part vous est utile, j'accepte de jouer le rôle du malade psycho-rigide...), une étude dont je ne me lasse pas depuis que j'y ai appris que je souffrais d'une « dysfonction sinusale avec insuffisance chronotrope sévère », ce qui, on en conviendra, a de la gueule et fait de moi un cas médical précieux, beaucoup plus finalement que l'objet qu'on vient de m'implanter. Oui, parce que je viens de recevoir une copie de la facture de mon hospitalisation et, après lecture attentive, je me suis aperçu que mon nouveau stimulateur n'était, finalement, pas si cher que ça, le prix affiché étant à peine supérieur à 3.000 € ! Bof... je suis déçu parce que je me rappelle qu'en 1991, le modèle qu'on m'avait choisi valait plus de 35.000 francs. J'espérais donc une belle poussée inflationniste, je m'étais déjà imaginé que – à l'instar de la folie immobilière – je serais équipé d'une électronique de dernière génération certes, mais dont le prix aurait honteusement flambé, pour abriter finalement un bel objet avoisinant les 10.000 €. Ben non, rien de tout cela en fait, c'est à se demander si la main d'oeuvre ne provient pas de Chine, d'Inde ou de Corée... Je me sens un peu victime d'une mondialisation sauvage qui va désormais se nicher au plus intime de moi-même, mon espace privé subdermique.
Oh là ! C'est parti dans tous les sens, je viens d'être à nouveau victime d'une attaque de parenthèses digressives... Pardonnez-moi ! J'en étais à – je résume – non content de s'occuper de mes affaires cardiaques et des les raconter dans une revue spécialisée, mon cher Docteur D. entretient désormais avec moi des relations très automobiles ! Vous avez appris grâce à moi qu'il circulait régulièrement dans une vieille Panhard dont la carte grise est datée du 16 décembre 1957. Mais vous ne savez pas encore qu'il a voulu m'aider à trouver un client pour mon ancienne voiture, un jeune médecin roumain avec lequel je suis entré en contact par e-mail. Manque de chance, ce potentiel acheteur a été attiré par les charmes d'une vieille Ford sous le fallacieux prétexte que, contrairement à ma Renault, elle disposait d'un système de climatisation. Pfff... sont fous ces roumains ! Le docteur D., qui m'a annoncé cette piteuse décision, était presque plus ennuyé que moi, d'autant que je n'avais pas eu la moindre difficulté à revendre mon véhicule au garage voisin de ma maison rose, celui qui m'a vendu une belle navette spatiale, avec plein de trucs automatiques, des informations qui s'affichent en transparence sur le tableau de bord, des boutons partout et même une sixième vitesse... Tant pis pour mon « roumain difficile » (je cite une fois encore le docteur D.), il ne sait pas ce qu'il a perdu, c'est son problème ! Mais vous ignorez aussi que non content de rouler dans une antiquité à la direction hasardeuse, mon bienfaiteur stimulant s'est entiché d'une vieille Jaguar à la conduite anglaise, repérée quelque part du côté de Luxembourg ! Et qu'il se l'est offerte, en allant la chercher par temps de verglas au volant de sa Panhard ! Vous imaginez un peu le spectacle ? Sept heures pour une trajet de deux fois 110 kilomètres, une nouvelle version de la croisière jaune, aux ambitions plus modestes j'en conviens, mais au résultat tout aussi incertain. Raah, je l'imagine agrippé à son nouveau volant, se tordant le cou pour tenter un dépassement, sur ce maudit axe routier infesté de milliards de camions pilotés par des chauffeurs dont on se demande s'ils ne sont pas aveugles, lorsqu'on les observe attentivement, déboîtant brutalement comme si vous n'existiez pas. Vous rigolez ? Essayez un jour le trajet Metz-Nancy en pleine semaine... vous m'en direz des nouvelles...
Non, vraiment, j'ai de la chance d'avoir pour protecteur un personnage aussi atypique ! Que je soupçonne désormais d'être venu faire un petit tour sur ce blog, parce que... quand il m'écrit : « Je pense à vous en relisant vos aventures frappantes », peut-être fait-il allusion à une énième version de l'article qu'il rédige à mon sujet, mais peut-être évoque-t-il mes propres comptes-rendus ici même ? Du coup, je viens de relire rapidement les notes que j'ai rédigées autour de mes aventures cardio-stimulantes, afin de m'assurer que je n'avais pas écrit trop de stupidités... Ouf, non, ça va... Je trouve même qu'il s'en tire avec un portrait finalement assez flatteur, n'est-ce pas ? Il faut dire aussi que le bonhomme est bien loin de l'image stéréotypée du médecin hospitalier, blouse blanche ouverte, stéthoscope arboré à la façon de la cravate lors de la campagne du RPR dans les années 80, petites infirmières émerveillées, enfin, vous voyez le genre, ... Quoique... pour avoir vécu de longues, bien longues semaines à l'hôpital voici maintenant 27 ans, je ne suis pas si certain que cette image véhicule autant de stéréotypes qu'on l'imagine... Mais je digresse encore ! Non, le docteur D., c'est un autre univers, à lui tout seul : pas de blouse blanche, pas de rôle surjoué, de la compétence de la simplicité et puis, surtout, un zeste de ce quelque chose qui rend le personnage si attachant, on sent chez lui comme une part d'irrationnel, on devine très vite que l'enfant n'est pas totalement éteint en lui (oui, au fait, pourquoi, sous prétexte que nous sommes adultes, devrions-nous oublier que nous avons été et que nous sommes toujours des enfants ? Je ramasse les copies dans deux heures, merci, on travaille en silence...). Et puis chez lui, on bosse en famille : c'est madame Docteur D. qui est son assistante et quand elle n'est pas là, on utilise la main d'oeuvre disponible, y compris madame Maître Chronique que l'on invite à jouer les presse boutons !
Y a juste un truc qui me gêne, c'est cette phrase que le docteur D. a glissée discrètement l'autre jour, quand il m'a dit qu'il cesserait son activité dans deux ans. Alors là, pas drôle ! J'ai toute confiance en ce médecin qu'il m'a présenté l'autre jour comme son successeur mais... taratata ! Je ne mange pas de ce pain là. Et je veux croire que lorsqu'il me racontait l'histoire de ce chirurgien qui continuait, très très vieux, à opérer chez lui, il me suggérait qu'il ferait une exception pour moi. Qu'il continuerait à veiller sur moi avec toute l'attention que je mérite. Ben oui, j'ai bien compté, il me reste au moins deux pace maker à vivre et depuis quinze ans, j'ai pris des habitudes : alors OK, j'accepte de dire que je ne veux pas changer de marque, je suis prêt à me compromettre avec un gros mensonge, mais en échange, je ne change pas non plus de médecin. Non mais ! A bon entendeur... -
Carnet Rose
Oh, je vous vois venir... Constatant la modification apportée au sous-titre de mon blog et l'apparition d'une phrase sentant bon l'autosatisfaction – Les parenthèses digressives de Maître Chronique – vous êtes déjà gagnés par la certitude que mes chevilles ont enflé, ou que, comme l'aurait dit mon grand-père dans ce langage fleuri qui parfois le submergeait, « je ne me sens plus pisser ». Maître Chronique... pourquoi pas « Chevalier de l'écrit », « Prince des Paragraphes » ou bien encore « Seigneur des Annotations », pendant que j'y suis ? C'est bien ce que vous pensez, n'est-ce pas ? Rassurez-vous, amis lecteurs, je ne fais qu'appliquer la vérité glaciale émise par un logiciel de reconnaissance vocale... Et je m'en vais vous expliquer d'où me vient ce nouveau titre de noblesse qui va, c'est un scoop, prendre la succession du désormais célèbre Y a K.A.Avant de commencer mon explication, je me dois de répondre aux nombreux courriers de mes milliers de lecteurs – qui me pardonneront de ne pas leur répondre individuellement, j'en suis certain, mais comment trouver le temps d'écrire à chacun ? – qui m'ont demandé de leur expliquer l'origine de mon nom : Y a K.A. La raison en est des plus simples : à l'automne 2004, le groupe Magma publiait pour la première fois depuis 20 ans un disque enregistré en studio appelé « Köhntarkösz Anteria » ou, plus simplement « K.A ». En tant que webmestre d'un site consacré à la planète Kobaïa, j'avais, comme beaucoup d'autres, pour mission de colporter la bonne nouvelle : Y a K.A ! Y a K.A ! Une invitation à l'achat et à la découverte de cette si belle musique, pas vraiment nouvelle toutefois puisque cette oeuvre fut en réalité composée en 1973 mais jamais enregistrée pour des raisons qu'il serait trop long d'expliquer ici. L'événement était là cependant ! Nous tenions là le premier disque studio de Magma depuis le très beau « Merci » en 1985 ! Il fallait bien l'annoncer et, à force d'incantations, cet appel m'est resté collé à l'identité pour de longs mois. Or nous sommes en février 2006, « K.A » est maintenant loin derrière nous et, en attendant son successeur « Emëhntëht-Rê », que l'on espère en 2007, il me faut désormais me réfugier sous une autre appellation. Partant de l'idée que « Y aura E.R » sonne plutôt mal, j'ai commencé mes recherches et j'ai failli adopter celle qu'a récemment inventée pour moi mon frère : Flying Stimulo Brother. Les initiés mélomanes comprendront l'allusion... Mais quelque chose me gêne dans ce nouveau nom : il est anglo-saxon ! Je n'ai rien contre la langue anglaise, loin s'en faut mais tout de même, tels les poulets de Bresse, confinons-nous en un espace protégé qui s'appelle France et optons pour un titre qui fleure bon notre terroir. Encore faut-il le trouver... Mais grâce à celui dont je vous fais partager les stimulantes aventures, mon Docteur D., la dénomination « Maître Chronique » m'est comme tombée du ciel. Laissez-moi vous expliquer, brièvement, comme d'habitude !
J'ai compris maintenant que je suis pour le Docteur D. un vrai sujet d'études et qu'en m'implantant un pace maker de dernière génération, « intelligent » pour reprendre ses propres termes, il avait trouvé en moi le patient idéal, très atypique par comparaison avec sa clientèle habituelle, fort âgée et peu encline à lui fournir un compte-rendu détaillé de tous les symptômes observés à des fins d'études. Il est vrai que lorsque l'on a 90 ans, il est peu probable que les rafales de questions précises posées par le cardiologue trouvent souvent une réponse appropriée. Or, je suis un gamin, j'ai 48 ans, une espérance de vie de plusieurs pace maker devant moi, je suis donc à moi tout seul une inépuisable source d'informations. Ce que je vous explique est si vrai que mon cher Docteur D. m'a envoyé hier la première mouture d'un article consacré à mon cas et qui sera publié dans la revue spécialisée au nom très évocateur : « Stimucoeur ». La lecture de ces pages, écrites dans un style alerte malgré le nombre de détails techniques qui les parsèment, m'a notamment permis d'apprendre que je souffrais à l'origine d'une dysfonction sinusale avec insuffisance chronotrope sévère ! Vous m'en direz tant ! Depuis que je le sais, je me sens mieux. Mais je digresse, une fois encore. Or donc, j'étais ce matin une fois de plus à la clinique pour un énième réglage de ce miraculeux stimulateur, après avoir constaté que malgré la désactivation de tous les tests d'impédance deux jours plus tôt (c'est une façon de rendre le stimulateur plus bête qu'il n'est, comme dirait le Docteur D.), l'appareil avait une fois encore fait des siennes et s'était mis à tester comme un malade à 2h23 : 95 coups portés de l'intérieur et un réveil assuré en une fraction de seconde. Il m'avait déjà fait un gros clin d'oeil trois heures plus tôt en cognant 14 fois, une façon de me dire : « Tu vas voir mon gars, je vais bien m'amuser, je suis moins con que vous ne voulez l'admettre ».
Ce matin donc, alors que le docteur D. m'avait relié à sa batterie bariolée de câbles électriques non sans avoir demandé à madame Y a K.A (qui ne savait pas qu'elle allait bientôt changer de nom et s'appeler très vite Madame Maître Chronique) de jouer les opératrices assistantes en lui confiant le soin d'appuyer sur un bouton vert puis un bouton rouge, nous évoquâmes cet article dont j'étais le héros (un peu involontaire quand même, hein ?) et qui n'en était qu'à sa version provisoire (au fait, on y verra ma belle radio, celle que je vous ai montrée avant-hier). Le docteur D. m'expliqua alors qu'il utilisait pour gagner du temps un logiciel de reconnaissance vocale et que, par conséquent, il lui suffisait de dicter nonchalamment à la machine un texte qui passait, miraculeusement, du stade oral au stade écrit... avec quelques surprises néanmoins ! Evidemment, on se doutera bien que les noms propres posent dans ce genre de situation quelques problèmes au logiciel qui va, très vite, s'égarer dans le monde merveilleux des propositions un peu absurdes. Ainsi en va-t-il de Medtronic, la marque de mon pace maker ! Mais oui, vous avez compris ! Quand le docteur D. dicte le mot « Medtronic » à son ordinateur, le logiciel s'obstine à écrire « Maître Chronique » ! Bingo ! Tope-là ! Adjugé ! Vendu ! C'est pour moi !
Comment ne pas voir l'évidence ? Comment ne pas être frappé par l'intelligence de ce programme informatique qui, comme par magie, venait de relier mon cas médical rarissime et riche en surprises avec l'écriture de ce blog ? Le doute n'était plus permis, j'allais devenir instantanément pour la blogosphère internationale celui qui, désormais, s'appelle : Maître Chronique ! Il ne faut jamais refuser les signes que la providence vous envoie.
Bon ben, voilà, vous savez tout ! Vous voyez bien que j'ai fait court pour une fois. -
Medtronic... ta mère !
Aujourd'hui est jour de repos, après tous les efforts que je vous ai laborieusement décrits hier. Néanmoins, je ne pouvais laisser passer l'occasion de vous faire un petit cadeau. Enfin, sous vos yeux, l'objet mystérieux...
Voici donc, mesdames et messieurs, photographié deux fois la semaine dernière, celui qui m'a soutenu chaque jour depuis 15 ans maintenant et dont je vous ai - trop ? - longuement parlé : non non non, ce n'est pas une clé USB, vous avez bel et bien devant vous el señor Stimulo I, niché quelque part sous ma peau et dont vous admirerez, j'en suis certain, la belle ramification appelée sonde qui me stimule ventricule et oreillettes.
Je n'ai malheureusement pas pour l'heure le droit de vous présenter Stimulo II, fruit des plus récentes recherches de la technologie médicale et dont les ressources électroniques internes sont toujours classées "Secret Défense" par les plus hautes autorités nationales dont je suis le cobaye consentant. Il n'est pas impossible que d'ici à une dizaine d'années, on me donne l'autorisation de vous en proposer une reproduction, bien que rien ne soit sûr à l'heure actuelle. Les pourparlers sont en cours, mais la négociation est âpre. D'autant qu'un phénomène mystérieux continue à se présenter sous la forme de 3 coups frappés toutes les heures, signifiant peut-être - oui, j'y crois vraiment - qu'en réalité, ce pace maker de dernière génération a déjà été implanté chez un acteur de théâtre qui serait brutalement décédé et qui souhaiterait ainsi se venger. Malgré les dénégations des ingénieurs de Medtronic, je reste convaincu de la forte probabilité de cette hypothèse.
On vit vraiment une drôle d'époque...
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Digressions... onze au grand maximum !
Vivement que je reprenne le boulot. Ma convalescence est épuisante et je compte bien l'enchaîner avec une semaine de vacances durant laquelle le repos ne sera pas de mise... Je mène une vie harassante.Voilà plusieurs jours que je suis taraudé par l'idée de vous expliquer en quoi les heures que je vis actuellement sont, à mon grand désespoir, la source d'une fatigue que seule une reprise durable de mes activités professionnelles pourra peut-être éteindre. Prenons l'exemple de ce mardi 21 février 2006.
Tout d'abord, un lever en pleine nuit, à 8 heures du matin, avec tout juste assez de forces pour ramper jusqu'à la cuisine et m'écrouler sur une chaise, face à un petit déjeuner préparé par madame Y a K.A. Ben oui, je l'aurais bien fait moi-même mais pour cela, il aurait fallu que je prenne la décision de me lever en premier et donc, risquer de réveiller brutalement la même madame Y a K.A. Inconcevable...
Les événements se sont ensuite enchaînés avec une brutalité que seule un vrai temps de repos en début d'après-midi me permet de vous faire partager. Il y a ces deux menuisiers, qui suent sang et eau – enfin, n'exagérons pas, de l'eau seulement – pour mettre en place un escalier intérieur que nous appelons de tous nos voeux depuis des semaines. Pendant qu'ils triment, je dois les encourager, mais aussi leur poser d'insidieuses questions pour savoir s'ils auront assez de leur journée de travail pour mener à bien cette tâche ingrate. Oui, parce que je me vois difficilement renouveler cette expérience demain, hein ? Trop fatigant... Surtout que lorsque je les sens faiblir, je m'empresse de leur préparer un café, dont on connaît les vertus stimulantes. Ils ne connaissent pas leur chance d'être ainsi assistés, bichonnés tandis que moi, je m'inquiète pour eux et m'épuise à petit feu.
Je n'étais pas au bout de mon calvaire, loin s'en faut car il m'a fallu me faire conduire à la clinique pour un contrôle général du pace maker dont vous connaissez désormais les aventures depuis une semaine. Là encore, on n'imagine pas quelles ressources il faut mobiliser pour que le docteur D. – dont la Panhard noire de décembre 1957 trônait fièrement devant l'entrée, même que madame Y a K.A l'a prise en photo avec son téléphone et que, si je parviens à rapatrier la chose sur mon ordinateur, je vous la montrerai. La Panhard, pas madame Y a K.A ! – parvienne au réglage optimum. Il faut rester allonger, bavarder nonchalamment (allez savoir pourquoi je me sens moins idiot depuis que mon médecin préféré m'a appris pourquoi les têtes pensantes de Renault, avaient baptisé Vel Satis leur voiture « haut de gamme ». Je serais bien tenté de vous en expliquer la raison si vous l'ignorez, mais ce serait hors sujet, non ?), répondre à des questions sans bouger, surtout ne pas s'agiter. Le plus éprouvant étant de parvenir à un haut niveau d'abstraction dans la discussion et d'atteindre un stade de concentration que m'envieraient les champions français du biathlon (cf. plus loin):
« - Ca vous fait mal comment ?
- Beuh, 'fin, comme ça quoi... »,
« - Le test d'impédance, c'était souvent ? La nuit ? Le jour ?
- Oarf... oui, assez... même qu'hier soir, j'ai compté 86 secousses à 23h23... et 14 ce matin à 5h23».
« - L'ingénieur de chez Medtronic, il dit que ça ne doit pas vous gêner la nuit...
- Oh l'aut ! Même qu'une fois, vers 5 heures du matin, ça tapait tellement fort que ça a réveillé ma femme et il croit qu'on sent rien. L'a qu'à s'en faire implanter un s'il veut vérifier... De toutes façons, çui-là, il me plaît pas, même que mardi dernier, il a pas dit bonjour quand je suis arrivé ici pour le premier réglage».
Tout cela en fait pour qu'au final, le docteur D. décide de désactiver la plupart des tests automatisés et, semble-t-il, parfaitement inutiles, puis décide de me priver d'une « stimulation ventriculaire superflue ». J'ai pas tout compris, mais c'est pas grave... Bon, vous voyez bien en quoi ce fut pénible, ce genre de choses... dont on attend qu'elles se terminent avec impatience. Trop d'engagement personnel, en fait...
Mais aujourd'hui, je crois qu'une mauvaise étoile me narguait, malgré l'épaisseur des nuages lorrains (nuages lorrains, nuages lorrains... c'est peut-être un pléonasme, faut que je vérifie). Parce qu'à peine rentré chez moi, dans la désormais célèbre petite maison rose, madame Y a K.A, encore elle, se rua en cuisine pour me priver du plaisir de préparer le repas et me contraindre à allumer le poste de télévision et à encourager l'équipe de France de biathlon qui visait une possible médaille au relais 4 X 7,5 km. Je ne recommencerai jamais, ça je peux vous le jurer... Non mais sont complètement fous ces skieurs ! Ils tournent comme des malades sur une piste avec des côtes qui ont l'air assez raides, d'un seul coup, ils se couchent par terre et – bingo ! – ils visent à 50 mètres dans des cibles minuscules... Moi, à ce rythme-là, je ne tiens pas... Complètement crispé dans le canapé, hésitant même à déguster l'excellent plat de poisson qui m'était servi, haletant jusqu'à la dernière seconde. Oui, j'ai bien dit à la dernière seconde parce que justement, le français a arraché la médaille de bronze avec une avance d'environ un quart de demi-bout de spatule. J'ai vraiment cru que mon pace maker allait lâcher prise et que j'allais devoir rendre une deuxième visite à Panhardoman !!!
Et pour finir, il y avait ce courrier glissé sous la porte... Raah... j'avais oublié... Deux places pour le théâtre Marigny, pour voir une pièce de Strindberg (va savoir pourquoi, quand j'écris ce mot, mon correcteur d'orthographe me propose : d'aubergines ! Il va pas s'y mettre aussi lui... à me fatiguer), « Mademoiselle Julie », le vendredi 2 mars. En plein pendant mes vacances et 24 heures seulement avant l'Olympia où j'ai promis d'emmener Madame qui n'a jamais vu cette salle.
Franchement, je ne sais pas si je vais tenir le coup. Il va falloir que je fasse un break, et un sérieux. Je pense même que je vais renoncer à regarder cette semaine la saison 2 des « Brigades du Tigre », je peux difficilement puiser dans mes réserves et prendre le risque de prolonger cette inactivité dont j'ai de plus en plus de mal à m'extraire. C'est un peu contradictoire avec mon mot d'ordre d'hier, mais j'ai décidé, pour une fois, de m'adonner aux bienfaits de la procrastination ! -
Circuits parallèles
Je viens de constater que la maison que j'habite avait subi cette semaine un sort très proche du mien, au moment où les spécialistes de la médecine moderne ont décidé de remplacer mon stimulateur cardiaque, vieux de 15 ans et depuis peu hors d'usage. Analyse comparée.Ayant récemment acheté une demeure, j'ai rapidement – comme tout propriétaire raisonnable – fait avec ma femme le tour des nécessaires aménagements à envisager dans un avenir proche. Parmi ceux-ci, citons : la création d'un escalier intérieur pour faciliter l'accès au second étage, la pose de grilles de sécurité devant les fenêtres du rez-de-chaussée et la rénovation progressive du circuit électrique dont l'état nous laissait deviner qu'un investissement assez important allait s'imposer d'emblée. Avec ses fils de coton tressé certifiés 50 ans d'âge, nous pensions sans trop nous tromper que l'état de l'installation de la demeure justifiait une vraie rénovation. Ce que nous décidâmes sans trop réfléchir... Devis en poche, planification des travaux, priorités à établir entre le travail des menuisiers, du peintre et des électriciens... ou comment assembler les pièces d'un petit puzzle dont on a hâte qu'il soit un jour terminé... avant d'attaquer la phase suivante ! Qu'elle est difficile la vie des possédants...
Alors que lundi, j'étais en train de mollement remplir mon sac avant de me rendre en clinique, mes deux électriciens firent leur apparition chez moi. Au menu : mise aux normes de l'installation de la vaste pièce qui sera notre salon – séjour – bureau ! Autant dire qu'après une demi-journée de réflexion et d'analyse du système existant, preuve que les compères ne sont tout de même pas les brutes qu'ils souhaitent paraître, le chantier était lancé... En quelques minutes, des lés complets du vieux papier peint orné d'oiseaux (en ces temps de grippe aviaire, je n'y vais pas par quatre chemins, je ne confine pas, j'éradique) étaient sacrifiés, pendouillant tristement en attendant leur arrachage complet, de nombreuses saignées avaient fait leur apparition sur la plupart des murs, une bonne dizaine d'orifices étaient créés en vue de l'installation de nouvelles prises. On entendait d'étranges dialogues entre les deux professionnels : « Tu l'as ? », « Tu m'entends ? », « C'est bon, là ? »... Je comprenais que ma maison avait un peu mal, mais qu'elle souffrait en silence, elle savait qu'on la violentait pour son bien, sa sécurité. Quatre ou cinq jours plus tard, abandonnée à son triste sort, je la retrouvai là, un peu fatiguée par tant de coups assénés sans ménagement, mais avec un professionnalisme de bon aloi, comme l'aurait dit Maître Capello. Nous lui prodiguâmes les premiers soins dès que possible : dépoussiérage, lavage, bref, ce que l'on appelle l'entretien courant. Elle ne dit rien, mais retrouva très vite l'esquisse d'un sourire. Elle savait qu'elle allait retrouver une bonne forme, bien qu'il lui faille subir prochainement de nouveaux assauts, ceux de notre peintre... Nous, en bons parents, lui promîmes une récompense et lui achetèrent de jolis rideaux blancs qui seront un peu à ses fenêtres ce qu'une injection de botox est au visage d'un(e) sexagénaire fripé(e). Les boiseries n'en seront pas rajeunies, mais elles seront masquées, l'illusion sera créée pour quelque temps.
La maison... Un peu comme moi en fait ? Jusqu'à lundi, je vivais normalement, bien qu'un peu au ralenti. Et puis on est venu me chercher, le docteur D. a pris lui aussi le temps de réfléchir à la bonne décision à prendre, il a envisagé différentes hypothèses avant de trancher, puis il a commencé son boulot. Il n'a pas arraché le papier peint, mais a demandé qu'on me rase. Il n'a pas fait de saignée, mais une belle incision tout de même. Et pendant que les électriciens installaient des boîtiers de dérivation et faisaient glisser des gaines et des câbles multicolores d'une pièce à l'autre, lui, raccordait un boîtier électronique à une sonde elle-même identifiée par différents fils. Et si personne n'est venu me dépoussiérer ni même me laver, il a tout de même bien fallu qu'on nettoie ma blessure et qu'on la protège d'un gros pansement.
Aujourd'hui, ma maison et moi sommes tous les deux convalescents. Pour elle comme pour moi, ce n'est plus qu'une question de temps. Quelque chose nous dit que le printemps arrive !