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  • Je réponds, donc je suis

    Ce questionnaire traîne de blog en blog... Alors comme j'ai un boulot fou avec le défi que j'ai lancé à mon Ô Brother, je cède à la facilité... Désolé !

    La dernière insulte que tu as dite ?
    Boah, j’ai dû traiter quelqu’un de connard, mais qui ? Y en a quelques uns qui peuvent être concernés.

    Ta dernière dispute ?
    Dispute ? Me souviens pas. De toutes façons, j’ai tendance à fuir les conflits.

    La dernière chanson que tu as écoutée ?
    J’ai écouté le deuxième album de Led Zeppelin en bossant sur le site web de Seventh Records, hier après-midi dans mon chalet suisse.

    La dernière personne que tu as eue au téléphone ?
    La Fraise, qui avait besoin des services informatiques de son Maître Chronique de père.

    La dernière chose que tu as bue ?
    Un expresso, calibré par La Fraise d’ailleurs. Il était bon, pas tout à fait autant que le mien, mais très encourageant.

    Ta dernière plus belle rencontre ?
    C’est compliqué comme question. J’ai beaucoup aimé le regard d’enfant de Roger Trigaux, le leader du groupe bruxellois Présent, dont le saxophoniste est Mr Monstrueux. Il parlait de lui avec beaucoup d’émotion et sa femme est venue nous rejoindre pour en rajouter une couche. C’était le 17 juin 2005, au Triton.

    La dernière chose que tu as mangé ?
    Une banane, banane !

    La première chose que tu fais en te levant ?
    J’essaie de sauter à pieds joints dans mon slip ou mon caleçon. J’y arrive toujours pas…

    La dernière personne à qui tu as envoyé un mail ?

    Mon frère.

    La dernière odeur que tu as sentie ?
    Cette saloperie de fuel qui empeste mon bureau depuis que la cuve a été remplie.

    Ton dernier fou rire et avec qui ?
    Ben, je crois bien que c’était à midi en famille, quand Madame Maître Chronique et moi-même avons regardé l’œil torve de La Fraise et de Mr Monstrueux en leur disant qu’ils nous avaient promis de nous offrir le resto quand nous serons en vacances au Cap d’Agde. Pour une fois qu’on arrivait à les piéger…

    Ton tout premier coup de foudre ?
    1963. Y avait une fille de ma classe, vieille d’ailleurs, elle avait 7 ans. Elle voulait se marier avec moi. Mes parents ne semblaient pas d’accord. En fait, je ne sais pas si c’était un coup de foudre, je pense que j’étais content de lui faire plaisir.

    Ton dernier achat ?
    « Arcoluz », le CD/DVD de Renaud Garcia-Fons. Ah, non, je me trompe, j’ai acheté depuis un pain de campagne.

    Ta dernière crise de nerf et pourquoi ?

    Je ne fais jamais de crise de nerfs. C’est pas un truc de filles, ça ?

    Le dernier mot que tu as sorti de ta bouche ?

    "RIEN !" Je répondais à mon collègue de bureau qui me demandait ce que je disais… Oui, ça paraît compliqué, mais c’est la vérité.

    Le dernier mot que tu as écrit sur ton ordi ?
    Vérité. J’aime bien d’ailleurs que ce soit celui-là, d’ailleurs, j’ai arrangé la réponse à la question précédente pour que ça tombe pile dessus !!!

    La dernière chose que tu fais avant de dormir ?

    Très simple, c'est une mécanique implacable : je pose mon bouquin sur la table de chevet, je mets le traversin par terre, je range mes lunettes Dolce & Gabbana dans leur étui, je vérifie que le réveil est prêt, j'éteins la lumière, un p'tit bisou dans le cou à Madame Maître Chronique et ensuite, je cherche à dormir en écoutant le moindre bruit dans la Maison Rose et j’essaie de l’identifier. Cette dernière étape est en général la plus longue...

    Ton dernier rêve ?
    Je me souviens rarement de mes rêves et pourtant, l’autre jour, je rêvais que je conduisais la nuit dans une ville (inconnue) et j’avais un mal fou à traverser une rue où la circulation était très dense. Une fois passé de l’autre côté, j’ai dû éviter un gars (ou une fille, je ne sais plus) qui faisait du Tai-Shi au beau milieu des voitures. Et moi de lui dire : "tu peux pas aller tai-shier ailleurs ?".

    Le dernier CD que tu as acheté ?
    Ho ! Hé ! J’ai déjà répondu.

    Le dernier coup de gueule que tu aies poussé ?
    Il a dû être intérieur, mais certainement consécutif à un reportage où je voyais la tête de Sarkosy. En règle générale, je ne pousse pas de coup de gueule, ça me fatigue. Et pis on est toujours très moche quand on est en colère.

  • Faut que je m'y mette...

    Je viens de faire le point avec Stella et nous sommes tombés d'accord pour dire qu'il était largement temps de commencer le rafraîchissement du site Internet de Magma. D'autant que le premier DVD d'une série de quatre enregistrés l'année dernière dans l'ambiance chaleureuse du Triton, aux Lilas, n'est pas loin de voir le jour. Cette tétralogie sera intitulée "Mythes et légendes" et déclinée en quatre époques correspondant aux quatre semaines de concerts donnés par le groupe, chacune proposant un répertoire différent. L'ensemble se veut donc un magnifique passage en revue des grandes compositions de Christian Vander depuis les origines jusqu'à nos jours. En attendant que commence l'enregistrement du prochain disque, le très attendu "Emëhntëht-Rê".

    J'ai la chance de travailler en très bonne entente avec celle qui est la voix féminine du groupe depuis maintenant plus de trente ans et d'avoir toute sa confiance. Nous sommes progressivement devenus amis grâce au travail que j'ai entrepris avec le Press Book Magma en 1999 - un peu en sommeil actuellement car on ne peut être au four et au moulin - et aussi parce que je crois n'avoir jamais cherché à revendiquer quoi que ce soit vis-à-vis du groupe. Je ne fais partie d'aucun rassemblement de "courtisans", je n'arbore jamais la tenue des "kobaïens" (habillé de noir et portant la griffe Magma autour du cou), je ne défends pas d'autre cause que celle de la musique de Magma et je pense compter parmi les quelques personnes qui savent ne pas adopter la posture consistant à révérer un peu béatement un musicien sans prendre un minimum de recul. Je ne prends pas chaque mot de Christian Vander pour parole d'évangile, car s'il a une vision du monde assez tragique que l'on peut comprendre assez aisément en ce début de XXIe siècle, il vit aussi dans une sorte de déchirement permanent entre ce désespoir "face à l'incompréhension entre les hommes" et un amour sans bornes pour la musique de John Coltrane dont il se nourrit depuis sa plus tendre enfance. Christian Vander vit sa propre histoire, j'ai la mienne, ce n'est pas plus compliqué que cela. Et par conséquent, je ne me sens pas forcément en phase avec toute une mythologie qu'il a créée - dont le symbole est la planète Kobaïa - qui l'a parfois poussé à des attitudes et des propos assez intransigeants vis-à-vis de ceux qui l'entourent ou qui le questionnent. Je respecte cette philosophie, mais elle n'est pas mienne. Il m'est arrivé d'ailleurs d'avoir avec lui quelques conversations - houleuses parfois - à ce sujet et nous nous en sommes toujours tenus là, dans le respect mutuel de nos personnalités. Ce qui m'est essentiel est la petite pierre que je peux apporter à l'édifice bâti jour après jour par un musicien à nul autre pareil (je suis tombé dans la musique de Magma voici bien longtemps déjà, il y a plus de trente ans), compositeur habité (qui d'ailleurs ne revendique pas pour lui-même la musique qu'il compose mais considère qu'il en est le récepteur et qu'il a pour mission de l'offrir) et batteur absolument exceptionnel. J'irai même jusqu'à dire qu'il est pour moi le meilleur batteur actuellement en exercice et je suis toujours tenté de conseiller à ceux qui ne l'ont jamais vu sur scène d'aller le voir au moins une fois, même si la musique de Magma ne les passionne pas a priori. Surtout que l'homme a 58 ans aujourd'hui et que le temps passe très vite. Alors n'hésitez pas ! J'ai la chance de l'avoir vu plusieurs dizaines de fois à l'oeuvre en concert et à chaque fois, le résultat fut le même : cette sensation d'avoir reçu une dose vitale d'énergie qui vous plonge ensuite pendant longtemps dans une sorte d'apathie, comme si vous aviez été vidé, lessivé de l'intérieur. Un drôle de nettoyage neuronal en fait...

    Alors autant dire que la perspective de ma contribution me réjouit au plus haut point. Je n'en tire aucune fierté, uniquement un plaisir. Mon après-midi à la maison sera donc studieux, je vais jongler entre code HTML, traitement des images pour le Web, feuilles de style en cascade et les premiers résultats seront bientôt en ligne.

    Et merci à toi Stella pour ta "carte blanche".

    Pour en savoir plus, voyez ici : www.seventhrecords.com

  • Renaud Garcia-Fons : épilogue provisoire

    Je n'avais pas initialement prévu de rédiger un complément à ma note consacrée au contrebassiste Renaud Garcia-Fons mais la lecture toute récente - postérieure à mon texte - du dernier numéro de Jazzman (mars 2006) appelle de ma part un rapide commentaire.

    Sous la plume de Pascal Crozat, qui dit tout de même pas mal de bien de la dernière production live de Renaud Garcia-Fons («Arcoluz», une édition composée d'un CD audio et d'un DVD audio pour la somme raisonnable de 19 €), je lis le propos suivant (pardonnez-moi, je cite de mémoire) : «Pour intenses qu'elles soient, les performances du contrebassiste ne sont pas dénuées de ce caractère démonstratif qui rappellerait les dérives sportives d'un jazz-rock d'antan».
    Ah bon ? Outre le fait que ce genre de phrase me ramène plus de trente ans en arrière et me rappelle les attaques frontales et totalement stériles menées contre la virtuosité de certains musiciens – tel John McLaughlin et son Mahavishnu Orchestra – dont on s'aperçoit aujourd'hui que leur contribution à l'évolution de la musique du XXe siècle fut déterminante, dans la foulée de la période électrique de Miles Davis, je reste un peu surpris de constater à quel point cette remarque me semble en décalage avec mon propre ressenti à l'écoute d'«Arcoluz» ! On peut être plus ou moins sensible à la démarche artistique de Renaud Garcia-Fons et ses complices et à leur volonté de fusionner musique classique, jazz et flamenco, mais comment ne pas percevoir la sensibilité, la retenue et la concision de leur propos ! Oui, Renaud Garcia-Fons et ses deux complices Kiko Ruiz et Negrito Trasante sont des virtuoses, mais non, leur musique n'est ni démonstrative ni sportive ! C'est tout le contraire ! Et du point de vue humain, nous sommes là en présence de personnes d'une grande sensibilité et d'une vraie simplicité, dont les interviews disponibles sur le DVD nous donnent un aperçu éloquent.
    On dirait que notre journaliste a été obligé de tenir un étrange pari et de glisser dans l'une de ses chroniques une phrase obligatoire très surchargée en clichés éculés !!! Charge à ses collègues de la débusquer... Dérives sportives, je t'en foutrai des dérives sportives... Tiens, à un moment, je crois me souvenir qu'il dit aussi qu'il y a quelque chose de «prévisible» dans cette musique... Pfff...
    Pour vous convaincre, je m'autorise un second extrait de la musique de Renaud Garcia-Fons. Vous pouvez ici l'écouter dans extrait de «Berimbass», extrait d'«Arcoluz», avec un chorus joué à l'archet qui fait merveille. Et si après cela vous n'avez pas envie de vous précipiter chez votre disquaire favori ou sur le site www.enjarecords.com pour vous procurer cette belle double galette, c'est à n'y rien comprendre. J'imagine que Renaud Garcia-Fons ne m'en voudra pas de cette diffusion, il comprendra aisément que je me propose ici de jouer fugitivement le rôle d'un modeste attaché de presse ! Ce que je fais avec le plus grand plaisir, nul n'en aura douté un instant...

  • Que se passe-t-il ? De menthe !

    Voici maintenant près de 50 ans - non non, inutile de me rappeler que je ne fais pas mon âge... A ce sujet, c'est Pierre Dac qui disait, je crois, à propos de quelqu'un qu'il était tellement paresseux qu'il ne faisait même pas son âge - que je me trouve confronté à un grave problème que je ne suis jamais parvenu à surmonter.

    Je vous l'expose brièvement - vous savez que j'apprécie la concision et les textes courts - et, au besoin, je vous demande de m'aider à trouver la solution.

    Voici donc ce qui m'amène : le suçage de bonbon. Une énigme qui concerne tous les parfums - citron, orange, cerise ou menthe - à condition que les friandises soient dures et qu'il faille les sucer tranquillement.

    En effet, dès que mû par la gourmandise ou par le besoin de rafraîchir mon haleine ou bien encore afin de partager charitablement la souffrance d'un collègue de bureau désireux de faire oublier à son retour chez lui les relents puissants et coordonnés du café, de la clope et de la pizza aux fruits de mer, j'avale l'une de ces friandises, je me fais la promesse - promis, juré, craché, si je mens je vais en enfer - que je tiendrai bon et que je devrai absolument le déguster jusqu'au bout sans le croquer. Je m'auto-promets un quart d'heure de douceur, de sensations acidulées et j'en salive deux fois plus. Et ça commence toujours bien, je sens la bestiole qui, petit à petit, fond et rétrécit tranquillement dans ma bouche. Je mesure les effets immédiats du travail méticuleux ainsi accompli. Bref, je me félicite intérieurement, certain, enfin, de parvenir au résultat tellement souhaité depuis ma plus tendre enfance.

    CRAC ! CRIC ! CROC ! BORDEL DE MERDE !

    Encore raté, saperlipopette, je n'ai pas tenu jusqu'au bout. Tiens, ça vient encore de m'arriver alors que j'étais super concentré sur mon boulot, virevoltant entre deux feuilles de calcul et comparant avec maestria les statistiques de l'insertion professionnelle des jeunes sortis de lycée professionnel au niveau V à celle de leurs homogues du niveau IV en Lorraine. Une seconde d'inattention et paf ! le bonbon est réduit en miettes, il faut maintenant le finir au plus vite dans ce magma gluant, mélange des douces saveurs fruitées et de l'amertume du combat perdu.

    Jamais je n'y arriverai, je crois - pour toujours - que nous vivons dans un monde décidément bien cruel qui n'accordera jamais de place aux faibles.

  • Renaud GARCIA-FONS ou la musique élégante

    C'est en regardant l'émission « Séquences jazz » sur la chaîne Mezzo en début de semaine – merci à toi, Mr Monstrueux d'avoir allumé le téléviseur au bon moment et d'avoir fait ce bon choix, c'est tout de même mieux que Comédie, non ? – qu'après avoir pu constater avec étonnement que le batteur jouant « Impressions » de John Coltrane aux côtés d'un Didier Lockwood pas très inspiré, à Vienne au mois d'août 2004, n'était autre qu'un certain Christian Vander, qu'une musique familière est venue chatouiller mes oreilles, celle d'un grand monsieur, le contrebassiste Renaud Garcia-Fons jouant avec les deux complices de son actuel trio, Kiko Ruiz (guitare) et Negrito Trasante (percussions).

    Avec cette note, je souhaite aussi adresser un clin d'oeil à mon ami Michel V., dont la passion pour la Musique (j'écris volontairement ce mot avec une majuscule) est intacte et toujours aussi débordante. C'est lui qui, voici pas mal d'années maintenant, m'a guidé sur les pas de nombreux artistes que je connaissais peu, voire pas du tout et qui tous, sans exception, se sont avérés pour moi de nouveaux compagnons de route. Je lui dois mes rencontres, entre autres, avec Henri Texier, Louis Sclavis ou le très grand Michel Portal. Renaud Garcia-Fons fut un beau jour l'objet d'une de nos conversations toujours enflammées...

    Il faut tout de même que vous imaginiez un peu la scène... Avec Michel V., on est dans une autre dimension, car la musique n'entre pas chez lui dans le cadre d'une simple distraction, c'est un univers dans lequel il faut pénétrer avec respect, c'est un art majeur. Pas étonnant que nous soyons faits pour nous entendre ; avec lui, il faudrait, en quelques minutes, pouvoir tout écouter d'un seul coup, car le temps nous semble toujours compté, alors on met un premier disque sur la platine, on s'en délecte, puis, forcément, on pense à un autre et on change, et ainsi de suite, jusqu'à en avoir comme un tournis sonore assez unique ! Ça n'arrête pas, le feu d'artifice a commencé. Mais ces enchaînements frénétiques sont encore moins redoutables que les batailles de « blind tests » que nous nous livrons de temps à autre, dont le principe très simple consiste à faire deviner à l'autre ce qu'il donne à écouter, en souhaitant sans le dire le piéger, bien sûr ! Ou bien, c'est le contraire et un certain recueillement est de mise : Michel V. nous convie chez lui, ordre nous est donné de nous asseoir sur le canapé, à la place centrale positionnée rigoureusement à mi-chemin entre les deux hauts-parleurs et là, après un minutieux réglage des basses et des aigus... on ne bouge plus, on écoute ! C'est exactement de cette façon que j'ai pu entendre pour la première fois Renaud Garcia-Fons, c'était le disque « Oriental Bass », pour être précis.

    Vous m'aurez pardonné, j'en suis certain, cette nouvelle parenthèse digressive, mais je la crois nécessaire pour vous faire vivre à mes côtés cette fièvre qui vous gagne dans ces instants de découverte. Oreilles grandes ouvertes, vous êtes disponible pour connaître – ce que j'oppose à reconnaître – et vous apprenez, vous ajoutez un nouveau livre à votre bibliothèque intérieure, s'il le faut, vous devez même créer un nouveau rayonnage. Vous mesurez avec bonheur l'étendue de votre ignorance, certes, mais vous avancez un peu, ces quelques pas vous aident à rester debout et vivant.

    Concernant Renaud Garcia-Fons, parlons de lui tout de même puisqu'il est le sujet de ce texte, je serais bien en peine de vous proposer une quelconque classification musicale. La manie des étiquettes, sport franco-français, n'est pas mon fort et je ne saurais vous fournir ici que quelques indications géographiques ! D'origine ibérique, notre contrebassiste à cinq cordes puise une très grande partie de son inspiration du côté des rivages de la Méditerranée. L'Espagne forcément, mais aussi le Maghreb et le reste de l'Afrique. A travers tous les voyages qu'il nous propose – et à cet égard l'album « Navigatore » publié en 2001 est une bonne initiation puisque Renaud Garcia-Fons nous emmène avec lui pour un tour du monde à bord de sa Caravelle et nous donne aussi à entendre des musiques d'origine celtique ou d'Amérique du Sud – nous sommes conviés à l'ouverture vers l'Autre, sans restriction. Nous sommes là au coeur d'une démarche artistique universelle, peut-être même sommes-nous en présence de ce que l'on devrait considérer comme cette « world music », ouverte à tous les brassages, dont on nous rebat les oreilles dès lors qu'un chanteur ou musicien occidental s'empare d'un instrument un tant soit peu exotique à nos tympans formatés. Il est toutefois une condition nécessaire à la musique de Renaud Garcia-Fons : il faut que le soleil brille ! Méditerranée, quand tu nous tiens...

    Mais le plus remarquable est ce sentiment qui vous gagne et vous fait croire que la musique de Renaud Garcia-Fons est accessible à toutes les oreilles, qu'elle ne nécessite aucune « initiation » particulière. Elle coule d'évidence, de simplicité et d'élégance, sans pour autant être dénuée d'une bonne dose de virtuosité. Un heureux mariage entre simplicité et créativité, sans complexe. Peut-être aussi une certaine définition de l'exigence.

    Il y a quelques années, j'avais eu la chance d'assister à un concert de Renaud Garcia-Fons dans la magnifique salle de l'Arsenal à Metz. Entouré de cinq ou six musiciens – ma mémoire me fait défaut, je me souviens seulement de la présence des deux actuels membres de son trio à la guitare et aux percussions – le contrebassiste avait déroulé son magnifique tapis musical durant 90 minutes qui sont passées à la vitesse de l'éclair. Sa présence physique discrète contrastait étrangement avec la force du propos et une certaine manière de se tenir bien droit, un peu fièrement – tel le toréador ? – et nous étions sortis comme hébétés après avoir reçu ce que j'appelle un peu religieusement une offrande. Pas une seconde de tricherie, un talent fou et toujours ce brassage harmonieux, partant d'une introduction en solo aux intonations classiques pour aller jusqu'aux sonorités rock d'une contrebasse électrifiée et gémissant un magnifique chorus à l'archet. Renaud Garcia-Fons, encore un passeur, un de ces artistes trans-courants dont nous avons tant besoin.

    Il n'y a rien à jeter dans la discographie de Renaud Garcia-Fons, c'est un parcours jusque-là sans faute et c'est avec bonheur que l'année 2006 a vu la publication d'un beau disque live, « Arcoluz », doublé d'un DVD. Peut-être pourrais-je vous recommander de commencer votre voyage avec lui en écoutant « Oriental Bass » ou « Navigatore » ? Mais si vous vous prenez au jeu, vous constaterez bien vite chez vous monter le besoin pressant d'en écouter un peu plus, et un peu plus encore.

    C'est donc le moment de commencer...

    Discographie :
    - Légendes (1993)
    - Alborea (1995)
    - Oriental Bass (1997)
    - Fuera (1999)
    - Navigatore(2001)
    - Entremundo (2004)
    - Arcoluz (2006)

    On peut se procurer directement tous ces beaux disques sur le label Enja

    On écoute ?
    Un petit bonus avec cet extrait de "Navigatore", que l'on trouve sur l'album éponyme.

  • Paraît que c'est à la mode dans la blogosphère...

    Des autoportraits façon South Park - à ce sujet, je ne supporte pas ce dessin animé, mais tout le monde s'en moque, n'est-ce pas ? -, on commence à en voir fleurir ici ou là...

    Donc, je cède à cette mode stupide et... voici le résultat :

    medium_dd_south_park.jpg

    Moi, j'ai trouvé cette adresse pour le faire : http://spstudio.linda.hosting-friends.de/spstudio.html, parce que les copains, ils friment tous avec leur joli minois, mais vous pensez qu'ils vous diraient où ils l'ont trouvée leur page magique ? Ben non...

    Petite précision supplémentaire : pour récupérer votre image, faites une impression d'écran et collez-la dans un logiciel de retouche d'images.

  • Deux minutes !

    Allez, j'avais envie de vous faire un petit cadeau puisqu'hier soir vers 19h30, nous sommes passés de l'hiver au printemps, et j'espère que Mr Monstrueux ne m'en voudra pas de vous proposer d'écouter deux minutes d'une petite session d'enregistrement qu'il avait faite à la fin de l'année 2004 avec l'un de ses amis. Un duo Fender Rhodes et saxophone soprano tout en nuances et surtout, la reprise d'un thème que vous connaissez tous, forcément. Mais il est ici complètement transfiguré. Personnellement, je pourrais l'écouter en boucle !

     

  • Has'Art ?

    medium_tableau.jpg

    Je suis tombé tout récemment sur le tableau d'un jeune peintre lorrain - attention, hein, ce n'est pas mon Babar, lui il est unique et pas à vendre ! - et je suis resté très intrigué, et séduit néanmoins... Il y a cette étrange correspondance des couleurs avec celles que nous venons d'installer dans notre salle de séjour (le rouge évoque le canapé, on retrouve également deux verts proches de ceux des murs...).

    On aime, on n'aime pas ! Et comme je le dis souvent, les ragoûts et les couleuvres, ça ne se discute pas. Moi, j'aurais plutôt tendance à bien aimer. D'autant que la chose, de surface respectable, est vendue à un prix très raisonnable. Ceci me fait d'ailleurs penser à un autre tableau, vu tout récemment dans une galerie du Boulevard Saint-Germain à Paris : imaginez une toile d'environ 80 centimètres de large sur une hauteur d'un peu plus d'un mètre. C'est bon, vous visualisez ? Le tableau était noir, intégralement. On y voyait juste un petit rectangle rouge, en bas à droite. Jusque-là, pas de problème, je suis ouvert à toutes les créations et personne n'est obligé d'aimer. Seulement, en me rapprochant du tableau, j'ai vu une petite étiquette sur laquelle était indiqué le prix : 4.000 € ! Nom de Dieu ! Faut oser quand même. A ce prix-là, je veux bien m'y mettre tout de suite, j'en peins deux ou trois par semaine, je laisse 30% à un galeriste à catogan, j'en prête de temps à autre quelques uns à des architectes d'intérieur qui les disposeront avec talent dans un beau loft parisien dont ils nous proposeront la visite dans l'émission "Question Maison" et, tope-là, le tour est joué. J'arrête de bosser, je me repose, je voyage et en plus... je m'auto-proclamerai artiste. Ouais, la vie est belle !!! Comment n'y avais-je pas pensé plus tôt ?

    Trève de rêverie, mon tableau lorrain, je le verrais bien au-dessus du buffet de l'espace salle à manger, je l'imagine déjà éclairé par le soleil du matin, puis celui de midi et se déclinant lui-même en teintes variables... Raah, j'ai bien envie de me laisser tenter...

    Dommage qu'avant je doive changer ce satané Vélux du deuxième étage qui condense et qui fuit. Les premiers devis sont assez déprimants et je dois choisir entre modèle simple et modèle super confort. Si j'ai bien compris, ce dernier laisse entrer la chaleur du soleil en hiver mais la repousse en été, c'est super non ? Il doit y avoir une espèce de Patrice Drevet intégré... Il est là le Drevet en réalité - c'est sûrement pour ça que c'est si cher ces bestiaux - , tapi entre les deux vitrages, il guette avec son costume rayé, son gilet boudiné et son pantalon en jean et HOP ! Taratata, soleil d'été, on ne rentre pas, soleil d'hiver, je vous en prie, bienvenue à la Maison Rose ! M'est avis néanmoins que son boulot ne sera pas épuisant pour lui en Lorraine, parce que les jours de soleil sont assez rares par chez nous..., mais dans tous les cas, je crois que mon budget va encore subir une sévère secousse. Au train où c'est parti, je crois qu'on peut sans se tromper diganostiquer une maladie de Parkinson du porte-monnaie.

    Mais je crois vraiment que je vais me laisser tenter. De toutes façons, plus le temps passe, moins je crois au hasard et ce tableau, je subodore qu'il a été peint pour nous. Sa place est ici, et nulle part ailleurs. Je vous tiendrai au courant, de toutes façons.

  • Haut et fort... en couleurs !

    Il me faut vous raconter, en quelques lignes comme d'habitude, avec la brièveté et le style direct qui me caractérisent, sans parenthèses ni digressions, mes récentes aventures en compagnie d'un personnage haut en couleurs, mon peintre ! Je tiens également à préciser qu'à l'exception d'une chronologie légèrement remaniée et d'une transformation des noms propres, les dialogues et les faits de cette note reproduisent au mieux la réalité. Rien n'a été inventé, promis, juré, craché.

    Mais au risque de vous décevoir et en guise de préambule, je suis dans l'impossibilité de vous révéler l'identité de celui qui depuis deux semaines manie avec dextérité pinceaux, brosses, ciseaux, colle et pots de peinture dans notre belle Maison Rose. Même sous la torture, je ne parlerai pas ! Un bon peintre, c'est comme un chewing-gum, ça ne se partage pas, on le garde pour soi, s'il le faut, on le colle sous la table de chevet pour le retrouver le lendemain, mais jamais on ne dévoile son nom. On n'a pas envie de le savoir indisponible le jour où on a besoin de lui. Néanmoins, il me faut lui trouver une appellation pour la commodité de mon récit... Nous l'appellerons Babar, non pas en raison d'une quelconque ressemblance avec ce beau petit éléphant, ni même parce qu'il arborerait de belles et grandes oreilles ou qu'une excroissance nasale ou génitale prêterait à confusion. Non, rien de tout cela, Babar, c'est bien, c'est un nom qui lui convient et ceux qui le connaissent comprendront les raisons de mon choix.

    Pour commencer, je dois aussi vous faire part d'une difficulté à laquelle notre ami Babar se trouve très souvent confronté : la prononciation du nom de ses clients ! J'ai beau le connaître depuis de nombreuses années, rien n'y fait, il ne parvient toujours pas à dire correctement mon patronyme. Pour vous donner une idée du résultat, imaginez un tirage du mot le plus long, pendant les 45 secondes de réflexion du candidat. Essayez de prononcer les lettres qui se présentent, sans chercher à les ordonner. Vous savez maintenant de quoi je parle. Mais le plus spectaculaire, c'est aussi cette fraction de seconde, ce moment d'indicible vertige, juste avant le temps de l'épreuve fatidique, où l'on perçoit chez Babar, comme en déséquilibre au bord du gouffre, une montée d'angoisse quand il doit aborder le franchissement de ce redoutable obstacle, votre nom. Va-t-il y parvenir ? Oui ? Non ? Oui ? Ben... non, toujours pas, encore tombé à côté. Raah, c'est rageant, on voudrait l'encourager, lui dire de recommencer mais c'est un peu gênant aussi, on ne voudrait pas être blessant. Parce que Babar, c'est quelqu'un qu'on aime bien, avant tout, c'est un gentil peintre. Euh, à ce sujet... je me permets de vous rappeler que si je garde jalousement mon peintre pour moi, il va de soi que j'ai toujours en stock un chauffagiste « Défaut Brûleur » disponible à tout instant pour vous dépanner. En cas de nécessité, n'hésitez pas à me contacter, je serai heureux de vous venir en aide.

    La situation de ces derniers jours n'était pas simple, cependant, pour Babar ! Elle allait même le plonger dans de vrais moments d'angoisse, source d'insomnies à répétition. Car il avait affaire à des clients – Madame Maître Chronique et moi-même – qui avaient décidé de... comment dire, conceptualiser la mise en couleurs de la vaste pièce composée d'un salon, d'une salle à manger et d'un bureau depuis lequel s'élève avec élégance un bel escalier en frêne aux parements de métal et de verre. Une idée en effet nous avait traversé l'esprit : puisque nous habitons la ville qui a vu la naissance de ce beau mouvement pictural qu'on appelle « L'école de Nancy », pourquoi ne pas revenir aux fondamentaux de cette dernière et nous inspirer de ce que nous offre à voir Dame Nature ? Raisonnement imparable et très gratifiant pour nous qui, derechef, nous auto-transformions en architectes d'intérieur et qui nous conduisit illico à considérer que nos tommettes de couleur marron tirant vers le rouge symbolisaient la terre, le sol, l'humus. Et que nos meubles, ainsi que notre escalier, jouaient alors le rôle des arbres, puisque de bois ! Nous étions donc mis en demeure de trouver à nos murs un rôle complémentaire, en belle harmonie avec ces fonctions naturelles : sachant que l'exposition sud de la pièce offre une belle vision du bleu du ciel (gris de temps à autre, je vous l'accorde, mais jamais plus de sept jours sur six...), nous pouvions oublier cette couleur omniprésente et offerte comme un don de Dieu. Alors pourquoi ne pas les envisager comme notre feuillage et opter pour un camaïeu de vert ? Aussitôt dit, nous nous ruâmes sur quelques feuilles issues de notre jardin de poche et les observâmes avec minutie. Nous étions fort séduits par cette alliance d'un vert pâle ici, là, niché au creux des nervures et d'un vert beaucoup plus soutenu, assez foncé même, qu'on voyait mieux en considérant ces fruits de la nature de plus loin. Pas de doute, l'idée était là, très bonne même, excellente ajouterais-je, et nous décidâmes d'une couleur foncée pour trois pans de murs (dont les deux sur lesquels est fixé notre escalier, celui-ci devenant comme un bel arbre ceint d'une printanière verdure) et d'un vert très pâle pour tous les autres. Quant à notre canapé tout de cuir rouge, il était – comment ne pas l'avoir imaginé plus tôt – une sorte de cerise sur le gâteau, ou plus exactement une grappe de cerises nichée au milieu des feuilles de  leur cerisier. Oh la la... qu'est-ce que ça fait du bien d'être intelligent et de se sentir artiste... Oui, en effet... mais c'est là que les difficultés commencèrent...

    Babar nous parut illico très dubitatif. Je crois même que notre génial concept lui échappait totalement, ce qui à l'évidence le faisait souffrir, lui qui, comme tout bon peintre, s'investit à ce point dans son travail qu'il souhaite participer au choix des teintes avec ses clients.
    « - Monsieur Trique Mornette, vous pensez vraiment peindre votre pièce en vert ?
    - Oui oui, monsieur Babar, nous y avons beaucoup réfléchi, ma femme et moi et nous pensons que le rendu sera très beau et que les couleurs vont venir comme dialoguer entre elles et créer des jeux de lumières quand il y aura du soleil. Vous verrez, ce sera magnifique ! Nous y avons longtemps réfléchi et, pour ne rien vous cacher, tout cela nous paraît tellement lumineux que le doute n'est plus permis !
    - Rooh, monsieur Morne Triquette, franchement, je ne suis pas convaincu, vous savez... Oh, ça m'embête, je ne voudrais pas rater mon coup... mais je veux bien essayer quand même. Je mettrai d'abord une couche vert pâle sur tous les murs et ensuite, on verra pour la partie plus foncée.
    Parfait monsieur Babar, on fait comme ça et demain matin, on en discute. A vous de jouer ! »

    Après une très pénible journée de travail – initiée par une réunion d'anthologie dont le thème général fut ainsi présenté par notre chef : « C'est pas compliqué, ça va aller vite, je n'ai rien à dire ! » – je regagnai la maison rose, impatient de découvrir la première transformation du centre névralgique de notre nid douillet. Ooooops ! Où es-tu Babar ? Mais qu'as-tu donc fait ? Instantanément, j'étais comme revenu un mois en arrière, j'en étais même à chercher des yeux mon Docteur D. ! Notre peintrounet nous avait reproduit très exactement les murs d'une clinique ! Un beau vert fortement teinté de bleu, bien glacial, que je qualifierais paradoxalement d'inhospitalier ! J'essayai alors de me convaincre : oui, c'est bien, c'est vert, c'est ce que nous voulons... Un petit tour dans la cuisine et hop, retour sur les lieux du massacre : nom de Dieu, c'est 'achement vert comme ambiance. Je me regardai dans le miroir de la salle de bains, pour m'apercevoir que moi aussi, j'avais viré au vert pas très engageant. Pffff, j'aime pas ce genre de situations, j'aime pas... Bon, pas de panique, attendons l'avis de Madame Maître Chronique, qui ne va pas tarder à rentrer du boulot...
    « - Alors, chère Madame, votre avis ?
    - Euh, c'est pas un peu trop vert, on se croirait à l'hôpital, non ?
    - Ben si, c'est exact ! Je crois que la négociation sera rude demain matin, parce que je connais un peu Babar, je le soupçonne même de trouver le résultat joli. Tu sais, notre idée « Ecole de Nancy », je crois que ça ne l'a pas convaincu... »

    Le lendemain matin, dès 8h30, notre Babar préféré fit son entrée, presque triomphale, en la Maison Rose pour parachever son oeuvre. Il avait le sourire.

    « - Bonjour monsieur Monique Traître ! Alors, c'est pas mal, hein ? me demanda notre artisan.
    - Ben... c'est-à-dire... euh... pfff... vous savez... bon... en fait... ma femme et moi, on aime pas du tout, on se croirait dans une clinique, lui répondis-je, un peu gêné, en tortillant compulsivement mes orteils dans mes espadrilles rouges achetées pour la modique somme de 9 Euros à Biarritz.
    - Ah ? Bon, vous savez quoi, Monsieur Chrono Métrique, c'était juste une base... la couleur, il faut que nous la fassions ensemble... On va repartir de zéro et on fera des essais avant que vous ne partiez au travail. Et puis, pour le vert foncé, il faut que vous choisissiez sur le nuancier !
    - Bonne idée monsieur Babar ! On y va ! »

    Et voilà mon Babar en action, heureux de me montrer tout son savoir-faire, persuadé qu'il était de me faire changer d'avis et de me rallier à sa cause vert de glace !
    « - Attention, monsieur Mine Croquette, on va commencer par un pot de peinture blanche et ensuite, on ajoute les couleurs. Ce sera à vous de me donner vos instructions !
    - Sans problème monsieur Babar, comptez sur moi, je suis tout émoustillé à l'idée de jouer au petit chimiste. Faites gaffe quand même à tourner votre brosse aussi vite dans le seau, je porte des vêtements normaux, moi ! Bon... euh, une larme de vert pour commencer, tout de même ? »
    Babar empoigne une première fiole et, avec une délicatesse insoupçonnée de la part de ses papattes rondouillardes, laisse tomber dans le seau un petit filet vert tirant sur le noir. Pas trop sombre ce machin ?
    « - Ne vous inquiétez pas, monsieur Croque Minette ! On va déjà en mettre un peu sur le mur d'en face pour que vous voyiez mieux. Mais attention ! Le résultat final sera plus foncé ! Faut en tenir compte...
    - Bon, ben ça m'arrange pas votre histoire, là... M'enfin, ça reste froid comme teinte, c'est mieux qu'avant parce que c'est beaucoup plus clair, mais ça manque d'une nuance imperceptible de jaune ou de brun.
    - Alors, dans ce cas, monsieur Mitre Croquet, je me permets de vous suggérer une pointe de Terre de Sienne et un peu d'ocre.
    - Ah, oui, c'est bien ça, la couleur sera plus chaude, hein ? »
    C'était reparti pour un nouveau mélange, la brosse tournant frénétiquement en vrille dans le seau sous l'impulsion d'un Babar visiblement inspiré et heureux de se sentir un peu le papa de mes couleurs. Parce que ces couleurs, je les voyais en fermant les yeux, je savais exactement ce que je voulais, mais je finissais par avoir peur d'être victime de je ne sais quel maléfice chimique, un peu comme si mon peintre devenait un envoûteur du pinceau, cherchant à m'hypnotiser pour m'imposer ses choix.

    « - Ah ! Oui ! Parfait ! Topez-là monsieur Babar ! La voilà ma couleur, on ne change plus rien. Voyez donc ce petit reflet anisé qui donne à la teinte toute la chaleur qui manquait !
    - On y va comme ça, monsieur Morte Cranique ? Pas de regret ?
    - Non, c'est impeccable, je sais que nous y sommes. »

    Quel soulagement ! J'avais atteint mon but, j'avais même convaincu monsieur Babar qui semblait en effet rallié à ma cause. Sauf que le bestiau, jamais en manque d'un nouveau tour dans son sac, exhiba un horrible nuancier épais d'au moins dix centimètres, dans lequel il me demanda de choisir sans attendre la couleur complémentaire, mon vert plus foncé, celui qui allait donner au beau volume de la pièce toute la profondeur et l'élégance qu'il attendait. Mais comment veux-tu que je choisisse, m'sieur Babar, y en a beaucoup trop des couleurs... Bon, on élimine toute cette série, celle-là aussi, le bleu on a dit que c'était pas nécessaire puisqu'on a le ciel dehors... alors les verts... tu parles, y en a au moins deux cents... hum hum hum... VERT FLAMBOYANT ! C'est celui-là, je le veux ! Alors on ne change plus rien, on fait le mélange ?

    « - Ah non, monsieur Métro Nique (NDLR : oui, pour une fois, il arrivait presque à prononcer mon nom...), ce n'est pas moi qui fait le mélange, c'est l'ORDINATEUR !
    - Ah ben si c'est l'ordinateur... monsieur Babar, je m'incline, laissons-le mélanger avec ses petits doigts informatiques, il fera ça mieux que nous, c'est certain !!!  Bon, je vous aime bien, mais moi aussi j'ai un travail, je vous laisse. On fait le point demain ! »

    Rentrant le soir chez moi, je dus bien constater avec émerveillement que la négociation, âpre j'en conviens, avait porté ses fruits : j'avais exactement sous les yeux les deux teintes que Madame Maître Chronique et moi-même avions imaginées. Chapeau mon Babar ! Quelque chose me dit que tu dois être content du résultat. Et ce n'est pas sans une certaine fièvre que j'attendis le lendemain matin pour entendre mon peintre s'enthousiasmer sur l'harmonie qui régnait désormais la pièce...

    « - Ah, monsieur Trique Mornette, si vous saviez... je n'en ai pas dormi de la nuit ! Quand j'ai vu ce vert foncé, je me suis dit : faut que je l'appelle, ça ne va pas lui plaire !
    - M'enfin, monsieur Babar, mais c'est magnifique, c'est exactement ce que nous voulions !
    - Ah mais quand j'ai vu ce vert Empire, j'ai eu peur...
    - Mais non, monsieur Babar, regardez nos fauteuils, c'est le même vert, c'est fait exprès ! Non... détendez-vous ! Tout va bien.
    - Mais vous verrez, ce sera encore plus beau après la deuxième couche..
    - Hein ? La deuxième couche ? C'est pas fini, je trouvais ça très beau.
    - Mais enfin, monsieur Corne Miquette, et le pouvoir couvrant ? Vous avez pensé au pouvoir couvrant ? Vous voyez bien qu'on aperçoit encore la sous-couche !
    - Ah ben oui, j'suis con moi ! J'avais rien vu, ah je suis bête tout de même ! Ah monsieur Babar, chacun son métier, n'est-ce pas ? Moi, je suis un intello, tandis que vous, vous couvrez ! »

    Ouais... autant vous dire que le pouvoir couvrant de cette peinture miracle fut à l'origine d'un début de catastrophe ! Une fois posée la deuxième couche, nous fûmes victimes d'une attaque de traces et taches en tous genre : on voyait les mouvements du rouleau, les raccords dans les coins, tiens, c'est bien simple, on aurait un mur tel qu'il est fini quand c'est moi qui le repeins ! Mon pauvre Babar était effondré, mais il allait trouver la solution, rencontrer des spécialistes, donner des coups de téléphone au laboratoire, pour savoir de quoi il retournait. Bref, il voulait une explication, ce mystère ne pouvait demeurer non résolu. Tel le limier des pots de peintures et des pinceaux multicolores, il mena l'enquête et apprit finalement que la dégradation avait pour origine une réaction chimique des colorants et que rien ne serait arrivé si nous avions opté pour une peinture mate et non laquée. Comment ça, opté pour une peinture mate ? Mais j'ai rien choisi, moi, j'ai choisi une couleur, un point c'est tout ! Et comment on fait maintenant, avec nos taches ?

    « Ne vous inquiétez pas, monsieur Morte Croquis, je vais rajouter une couche et tout ira bien. »

    Ainsi donc se termina l'aventure de la mise en couleurs d'une belle pièce à vivre dans laquelle il ne nous resterait plus qu'à faire un petit ménage et y rapatrier le mobilier temporairement en exil au deuxième étage. Madame Maître Chronique s'extasiait devant le résultat, visiblement heureuse d'avoir pu concrétiser un projet tel que nous l'avions imaginé. De mon côté, j'avais le sentiment qu'une atmosphère de paix allait régner dans cet espace que nous nous promettions de ne pas surcharger inutilement d'objets décoratifs et ramasse-poussière. Mais je voyais bien que monsieur Babar, qui avait déjà entrepris la rénovation du plafond de notre cuisine, aurait volontiers mis un bémol à notre joie commune. Oh, certes, il nous donnait raison en tous points : nos deux verts se mariaient parfaitement, l'équilibre entre les deux teintes, bien que fragile, relevait du miracle et nous ne nous lassions pas de nous déplacer d'un point à l'autre de la pièce pour constater que les changements de point de vue provoquaient des variations dans la perception des couleurs. Un bonheur ! Sauf que...

    « - Monsieur Croque Matine, vous voyez les deux portes ? Elles sont blanches, nous sommes bien d'accord. Vous m'avez demandé de peindre autour de la vitre une petite bordure vert pâle, n'est-ce pas ?
    - Oui oui... Ah, monsieur Babar, je vous devance : vous trouvez ça pâlichon ? Vous êtes en train de me suggérer l'autre vert. Je ne me trompe pas ?
    - C'est que je n'osais pas vous le dire. On ne la voit pas votre bordure, c'est tristounet. Fade même. Il faudrait essayer l'autre vert.
    - Essayons monsieur Babar, essayons, je crois que nous sommes bien d'accord aussi sur ce point. »

    D'un geste délicat d'une main guidant comme par magie les mouvements de son pinceau, mon Babar mit la touche finale à son oeuvre en donnant aux deux portes le relief qui leur manquait. Il recula, passa de l'une à l'autre, il jubilait. On y était. Voilà pourquoi il ne parvenait pas à s'enthousiasmer jusqu'à présent. Mais là, on frisait la perfection, Babar, l'amiral enfin aux commandes du paquebot dont jusqu'à présent je n'avais pas voulu lui laisser le gouvernail, était comme seul maître à bord. Cette pièce, c'était sa création, encore un peu, j'aurais dû le remercier d'avoir choisi de si belles couleurs. Il avait – c'est là tout le talent du professionnel – rétabli une situation menacée d'enlisement.

    « Franchement, monsieur Craque Mitonne, c'est très beau, vous ne trouvez pas ? »

    Si, si mon Babar, je me tue à te le dire depuis le début. Et tu sais bien qu'à la prochaine occasion, je te téléphonerai pour un nouveau chantier, nous aurons nos idées, tu auras les tiennes, nous discuterons tranquillement, nous regarderons le bébé venir à la vie sous nos yeux et le monde nous semblera merveilleux... On a tous besoin d'un Babar chez soi, j'ai compris cela depuis longtemps.

    PS : je ne suis pas chien, je devine à votre impatience que vous aimeriez avoir une petite idée du résultat, alors, rien que pour vous, une petite photo !

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  • Le voyageur sédentaire

    Je ne dois pas avoir l'âme d'un baroudeur ou d'un aventurier. Aucun doute à ce sujet. Quand je pense à tous ceux que je connais, de près ou de loin, amis, parents, qui ont déjà sillonné notre planète bleue en tous sens, en avion, par bateau, en train, en voiture même... Quand je pense à ma progéniture qui connaît je ne sais combien de pays, dont certains finalement assez lointains... je me dis que, par comparaison, je fais vraiment figure d'amateur, moi le touriste vacancier dont les expéditions les plus lointaines m'ont conduit, assez récemment de surcroît, quelque part du côté de la Toscane ou de la côte Basque !

    Je peux me trouver néanmoins quelques circonstances atténuantes : il y a d'abord le fait que le corps médical qui m'entoure reste assez réservé quant à l'opportunité pour moi de monter dans un avion – ce que je n'ai encore jamais fait, du reste –, surtout s'il s'agit d'envisager un long trajet. Pour parler clair, personne ne sait exactement ce qu'il adviendrait de ma personne une fois celle-ci embarquée dans les hautes altitudes et soumise à la pressurisation... Parce que je présente, reconnaissons-le, quelques inconvénients qui pourraient me valoir d'imploser de l'intérieur ou, hypothèse plus plausible, de gonfler un peu et de me mettre ici où là à dégouliner comme une bonne vieille tartine de confiture à la fraise ou, encore plus réjouissant, comme un délicieux coulis de framboise. C'est ennuyeux, je l'admets, et salissant. Alors j'hésite un peu tout de même, chacun ici sera en mesure de me comprendre.

    Je pourrais également me réfugier derrière l'argument d'une certaine sagesse m'ayant conduit à dépenser mon argent à d'autres fins que la seule découverte de pâturages inédits et lointains, l'assouvissement d'une soif de connaissance et d'échange avec d'autres humains supposés enrichir mon histoire personnelle, ce dont je ne doute pas un seul instant, même si je reste dubitatif quant à la possibilité pour eux d'approfondir leur savoir sur la nature humaine rien qu'à me fréquenter. Un motif de « raison » visant en particulier à assurer à mon quotidien de père / mari cette dose minimale de confort qui assure à votre entourage une illusoire sécurité que notre vie matérielle et incertaine peut rendre nécessaire. J'entends par là qu'il faut parfois faire des choix et que pour tout une série de raisons liées à la gestion économique du quotidien, j'aurais ainsi préféré repousser à plus tard les projets de voyage.
    Je crois également que parmi toutes les raisons possibles, je ne suis attiré – a priori, ce qui est une erreur, je le sais – que par un nombre limité de pays. Je ressens des bouffées de Rome, d'Irlande, d'Algarve, de fjords, de Vienne, de San Francisco ou New York... mais je ne respire guère l'atmosphère de la Thaïlande, des îles enchantées nichées quelque part dans l'Océan Indien, de la République Dominicaine ou encore de la Turquie.

    Tous les motifs que je viens d'exposer sont probablement valables, chacun à sa manière. Mais personne n'est parfait, il n'y a aucune raison que je fasse exception à cette règle. J'aimerais être doté d'une curiosité universelle, d'une soif inextinguible de découverte, jusqu'à mon dernier jour et guidé toujours par un besoin d'ailleurs. Ce n'est pas exactement le cas. En réalité, j'en viens enfin à la raison profonde de cette chronique qui confine à la justification, car je sais que je présente une forme de handicap dont j'aimerais vous dessiner en quelques lignes les contours. Je ne saurais le nommer, je peux juste tenter de vous en décrire les symptômes. Il s'apparente à une drôle de sentiment d'enracinement qui me gagne alors que je découvre un lieu que j'ignorais jusque là. Et qui explique que, jusqu'à présent, j'ai privilégié des destinations plutôt proches pour me persuader que, si le besoin devenait un jour trop pressant, je pourrais facilement les rejoindre et trouver la paix intérieure supposée me gagner en m'y installant. Oui, je sais, tout cela peut paraître un peu étrange, mais j'essaie vraiment d'écrire le plus clairement possible ce qui, jusqu'à présent, demeurait un peu confus dans mon esprit.

    Comment vous faire comprendre ? Comment vous convaincre que, le plus sincèrement du monde, j'ai souvent voulu arrêter le temps et :
    - poser mes valises quelque part dans les environs de Sarlat, afin de disposer de tout le temps nécessaire à la visite d'innombrables châteaux et de villages perchés, surplombant un paysage charmeur, afin aussi de gambader comme un enfant parmi les troupeaux d'oies et de canards ;
    - vivre en altitude, devenir un randonneur permanent et ne jamais redescendre respirer l'air vicié de nos villes, habiter un chalet tout en bois et m'habiller d'une grosse chemise à carreaux rouges et d'un pantalon de velours et confectionner en quelques secondes un feu de bois qui ne s'éteindrait pas au bout de trois ou quatre minutes ;
    - m'installer pour toujours dans ce beau village de Castellina in Chianti, d'où les collines toscanes couvertes d'oliviers distillent le poison de leur beauté printanière et intemporelle, puis devenir Italien et maîtriser enfin cette langue apprise voici plus de 30 ans ;
    - contempler pour toujours l'Océan Atlantique, à Biarritz, Pornichet ou à Roscanvel, et me noyer dans le silence de sa tourmente, me sentir humble ;
    - me retirer définitivement dans le Berry, du côté d'une petite ville préservée des attaques de la modernité, où la vie semble s'être arrêtée et les habitants vivre plus lentement.

    Je pourrais ainsi multiplier les exemples, car j'ai vraiment toujours souhaité m'arrêter, m'enraciner là où des choix de vacances nous guidaient pour quelques jours seulement.

    Et puis... et puis... je m'imagine aussi, à défaut d'être doué de ce don d'ubiquité dont je rêve, sautillant de lieu en lieu, au gré de mes humeurs, pilotant je ne sais quel petit avion magique : un jour assis sur un rocher, respirant l'air du large et contemplant le spectacle de l'océan, du côté de Saint-Jean de Luz ou de la Presqu'Île de Crozon ; le lendemain, perdu au beau milieu de la campagne creusoise ou périgourdine, niché dans une maison à l'abri des regards indiscrets, revenant d'une longue promenade et lisant au coin du feu ; un autre jour, faisant une pause en altitude sous la protection bienveillante d'un sommet alpin m'invitant au silence après une randonnée propice à la méditation...

    Ici donc, dans la quiétude d'une maison rose que nous continuons à apprivoiser, je me laisse parfois bercer par cette drôle de navigation, cet appel que nous lancent nos souvenirs lointains ou proches et je m'efforce de graver en moi des lieux que, probablement, je n'aurai pas le temps de visiter une seconde fois. Je ferme les yeux et me déplace sans bouger, j'emprunte mes propres pas et me laisse guider sur ces chemins du passé, pour ne pas oublier. Je garde à l'esprit cependant que ma Lorraine natale peut très vite me manquer, qu'il me tarde d'y revenir dès lors que je m'en suis éloigné... pour mieux la retrouver puis repartir et inscrire en moi de nouveaux futurs voyages intérieurs.