Je ne peux me priver du plaisir de partager avec vous cette citation de Ségolène Royal lors de son voyage au Chili, une stupidité repérée par l'AFP et mise en évidence dans le numéro 137 du magazine Jazzman.
MusiChronique - Page 4
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Bévue royale
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Je me sens très reconnaissant...
J'ai déjà expliqué dans ces pages à quel point la musique du Grateful Dead comptait pour moi depuis les tendres années de mon adolescence. A quel point le groupe fut ma première vraie escapade dans l'univers de la musique. J'ai découvert ce groupe californien à l'automne 1971, je n'avais pas encore 14 ans et depuis... sa musique ne m'a jamais vraiment quitté. Après avoir engouffré une bonne partie de mes économies et de mon argent de poche de l'année 1972 dans l'acquisition de tous les disques du groupe, je l'ai suivi, année après année, me régalant de toutes ses productions. Sans jamais chercher à m'adonner à je ne sais quel classement pour savoir s'il était un disque, plus que tout autre, que j'emporterais avec moi sur une île déserte. J'aime tout, sans restriction.
Et je fus gagné d'une infinie tristesse en ce 9 août 1995, jour où disparut Jerry Garcia, le leader, l'inspirateur, celui sans lequel plus rien ne pourrait être comme avant. J'avais perdu un compagnon de route, celui de "Candyman", "China Cat Sunflower" ou "Row Jimmy"...
Le Dead est probablement le meilleur exemple de ce que pourrait être le fil conducteur de ma vie. Quand j'écoute sa musique, je suis gagné par un drôle de sentiment, celui du temps qui s'arrête et qui me protège de toutes les agressions de l'âge qui ne s'avance même pas masqué. Avec Jerry et ses amis, je quitte des yeux l'horloge maudite qui décompte les années, les mois, les semaines et les jours. Cette sale épée de Damoclès qui, forcément, va se fracasser un beau jour sur ma tête. Une cure de jouvence permanente, en quelque sorte...
C'est idiot, je le sais bien.
Alors vous imaginerez facilement mon bonheur lorsque, découvrant la nouvelle mouture du site Internet du Grateful Dead, je me suis rendu compte tout récemment qu'un somptueux cadeau était proposé à tous les "Dead heads", dont je pense faire partie depuis tout ce temps : les 40 années de l'histoire du groupe racontées sous la forme d'innombrables heures de musiques offertes - oui offertes - en téléchargement. Chaque lundi, David Lemieux nous propose sa sélection commentée et embrasse ces quatre décennies avec la joie du partage qui, depuis longtemps, caractérise le groupe. Mieux encore, ces longues suites musicales, pour la plupart inédites, nous permettent de découvrir toute la personnalité scénique du groupe, plus encore que ne le firent de magnifiques disques comme "Skull and Roses" ou "Europe '72", en raison d'une volonté de transparence clairement affichée : ici, on ne censure pas, on propose la musique telle qu'elle fut jouée, avec ses moments magiques mais aussi ses défauts. C'est un bonheur immense, par exemple, d'écouter Jerry Garcia chanter parfois d'une voie eraillée, on le devine fatigué, usé même. Quel magnifique cadeau que tous ces enchaînements parfois inédits de titres qu'on connaissait déjà, mais intégrés ici à de nouveaux contextes.
J'ignore combien de temps durera ce Noël hebdomadaire. Qu'importe, il y a là de quoi se nourrir, se rassasier pour une éternité.
Pour une petite visite : http://dead.net -
Epique Epok
J'ai reçu ce matin le troisième volume de la série de DVD - "Mythes et Légendes 35 ans de musique" - retraçant les quatre semaines de concerts donnés par Magma dans le cadre intime et chaleureux du Triton en mai et juin 2005. Cette "epok 3", pour reprendre une terminolgie dûment estampillée kobaïenne, est passionnante à plus d'un titre. D'une part en raison du répertoire proposé : "Köhntarkösz" (1973) tout d'abord, l'oeuvre majeure du groupe (ce jugement n'engageant que moi il est vrai, mais je sais que nous sommes nombreux à penser ainsi), majestueuse et intemporelle, longue quête de plus de 30 minutes d'un homme qui "plonge en lui-même, gravissant degré après degré les profondeurs de la conscience", ainsi qu'une version au final non achevé de ce qui sera le prochain disque du groupe, "Ëmëhntëht-Rê" (1976), et dont on connaît il est vrai depuis longtemps une grande partie des mouvements qui le composent ; une autre grande suite que Magma a remis sur le métier depuis son concert à l'Olympia en janvier 2005. Sans oublier l'aérien "Lïhns", très peu joué sur scène et deux extraits du disque "Attahk", "Nono" et "The Last Seven Minutes". Avec en bonus une seconde version de cette dernière composition, mais dans un cadrage 100% Vander qui ravira les admirateurs, voire les groupies énamourées, du batteur aux bras et torse velus. Et puis... et puis, je m'autorise un petit clin d'oeil à mon amie Stella pour lui faire savoir ici combien j'apprécie la justesse de sa prestation, en particulier sur "The Last Seven Minutes" ; elle aussi semble goûter tout particulièrement ce répertoire à très haute teneur énergétique.
Ce qui, par ailleurs, suscite l'intérêt dans cette nouvelle production, ce sont les retrouvailles avec Benoît Widemann, dont le mini-Moog fait merveille. Ce musicien élégant et raffiné apporte à la musique de Christian Vander une coloration unique et chatoyante, toute en subtilité et volubilité (ce que permet l'instrument à condition d'en être un expert, et tel est bien le cas...) comme sur les splendides chorus qu'il donne sur "Köhntarkösz". On est heureux de pouvoir admirer son talent incomparable et je me permets de préciser ici que notre homme aux claviers magiques viendra faire un nouveau petit tour avec Magma dans le cadre de la prochaine édition des Nancy Jazz Pulsations, en octobre prochain, pour un condensé en deux soirées des quatre "epok". Avis aux amateurs donc. D'autant qu'un autre monstre sacré de la galaxie Magma sera de la partie, en la personne de Jannick Top. La scène de "L'Autre Canal" va vite passer dans la quatrième dimension ! Ambiance surchauffée (et pour notre bonheur à tous sans fumée) assurée, les organisateurs peuvent se frotter les mains dès à présent.
Ce DVD tombe à pic par ailleurs parce qu'il sera disponible dès lundi lors de la nouvelle semaine que Magma va passer au Triton, du 11 au 16 juin. Et j'imagine très aisément que les hordes de fans - dont l'inconditionnalité inaltérable, habillée de noir et décorée d'une menaçante griffe dorée, marque de fabrique du groupe depuis le premier jour, est quasiment sans équivalent dans le monde de la passion musicale au point, pour certains, de tenir Christian Vander pour plus qu'un musicien extraordinaire, ce qu'il est à n'en point douter, mais comme un maître à penser, ce qui est une autre paire de manches... ou de baguettes devrais-je dire - vont se ruer sur le stand de Seventh Records pour en faire l'acquisition. Que les impatients cependant n'espèrent pas se mettre dans les oreilles des nouveautés dans le répertoire que le groupe proposera la semaine prochaine. A priori, la "nouvelle musique" de Christian Vander n'est pas à l'ordre du jour et Magma va continuer, comme il le fait depuis décembre 1996 et à l'exception de quelques trop rares et courtes compositions inédites ("La ballade" par exemple), à revisiter son répertoire, dont la quasi intégralité, faut-il le rappeler, fut composé durant la première moitié des années 70, avec un incroyable prolixité ! N'oublions que le dernier disque studio en date de Magma, "K.A", bien qu'enregistré pour la première fois en 2004, est constitué d'une longue suite composée... en 1973 ! Mais que les magmaphiles de tout poil n'en oublient pas pour autant de savourer les premières parties de cette série de cinq concerts, et en particulier le très beau Ellul Noomi, dont il fut question ici lors de la sortie de son premier disque sur Ex-Tension Records.
On attendra désormais avec gourmandise le dernier volet de la saga "Mythes et Légendes" avec une "epok 4" où deux jeunes soufflants (Aymeric Avice et Hugues Mayot) seront de la fête pour une interprétation de la dernière grande oeuvre de Magma, "Zëss" (qui sera bientôt certifiée 30 ans d'âge... et qui pourrait être - mais je mets beaucoup de réserve et de conditionnel dans mon propos - le prochain gros chantier en studio lorsque le travail sur "Ëmëhntëht-Rê" sera achevé) et de "K.A". Avec en prime sur cette ultime DVD deux autres belles mais courtes compositions : "Otis" (dédié à Otis Redding bien sûr) et "The night we died".
Quant à tous ceux d'entre vous qui ne pourront pas se déplacer, il leur reste une manière très simple de se procurer dès lundi ces beaux témoignages en allant naviguer du côté de la boutique de Seventh Records.
Enfin, pour ce qui est de la suite qui sera donnée à l'épopée Magma, elle reste un mystère typiquement vanderien que l'on résumera par cette phrase présente sur bien des pochettes du groupe : "To be continued..."MAGMA :
- Stella VANDER : chant, percussions
- Antoine PAGANOTTI : chant
- Himiko PAGANOTTI : chant, percussions
- Isabelle FEUILLEBOIS : chant, percussions
- James MAC GAW : guitare
- Emmanuel BORGHI : Fender, claviers
- Benoît WIDEMANN : Fender, claviers
- Philippe BUSSONNET : basse
- Christian VANDER : batterie, chant -
Le Lann Top : le mariage du ciel et de la terre
Ah qu’il fait du bien ce disque ! Je vous ferai grâce du contexte personnel et des heures difficiles vécues concomitamment à sa découverte même si, peut-être, finalement, il aura été un soutien précieux pendant ces jours de larmes. Je préfère de très loin évoquer ici toutes ses qualités : une belle énergie, le bonheur des retrouvailles avec deux musiciens qui se faisaient décidément trop discrets sur la scène hexagonale, l’idée que la confrontation de deux personnalités qu’on n’attendait pas forcément côte à côte a donné naissance à un vrai projet artistique qu’on voudrait croire durable.
Faisons rapidement les présentations : ci-devant monsieur Eric Le Lann, trompettiste breton de son état, qui s’est illustré depuis plus de vingt-cinq ans auprès de grands messieurs tels que René Urtreger, Jean-François Jenny-Clarke, Henri Texier, Bernard Lubat, Patrice Caratini sans oublier Martial Solal. Les jazzophiles auront même pu le reconnaître à l’affiche du film de Bertrand Tavernier, « Autour de Minuit ». Eric Le Lann a également eu l’occasion de créer son propre quartet dans les années 80 mais s’était éloigné de la scène depuis une bonne dizaine d’années, donnant la priorité – et on ne saurait le blâmer – à ses deux filles jumelles ainsi qu’à la création d’une école de musique en Bretagne. Le Lann est un musicien lyrique, habité, aérien, qui commençait à nous manquer sérieusement.Quant à son complice Jannick Top, est-il utile de le présenter, lui qui avait totalement investi l’univers magmaïen de Christian Vander à l’époque de « MDK » ou « Köhntarkösz » dans la première moitié des années 70, avant de se lancer dans une aventure sans lendemain baptisée Vandertop ? Un duo explosif pour une série de concerts en 1976, qui restent encore dans les mémoires de quelques aficionados. Après quoi il décida d’investir le champ de la variété française et de proposer ses services à quelques célébrités dont le moins qu’on puisse dire est qu’elles ne font pas partie de mon univers artistique … Oh, il y eut bien la création du label Utopic Records et l’édition de quelques précieux enregistrements ; il y eut aussi d’épisodiques retrouvailles avec Magma en mai 2005, qui suscitèrent les railleries de quelques fans encore coincés dans leurs vieux souvenirs et qui hurlèrent au blasphème au prétexte que monsieur Top avait eu l’idée saugrenue de glisser une suite de Bach dans un chorus. Une suite de basse en quelque sorte. La rumeur bruissait également d’un possible nouveau disque sur lequel Christian Vander himself serait aux baguettes (information confirmée depuis et même au-delà puisqu’il semble bien que d’autres membres de l’équipage Magma soient venus faire un petit tour en studio). N’étant pas musicien, je ne saurais vous expliquer correctement en quoi le jeu de Top est si particulier ni même vous décrire la puissance de son son (j’aime bien ça, son son !). Les musicologues vous expliqueront qu’il accorde sa basse comme un violoncelle, un octave plus bas. Pour faire beaucoup plus simple, nous dirons que notre Jannick aimé a un son énorme qui vous vrille les tripes à la première mesure. Si Eric Le Lann est le ciel, lui est la Terre et ses entrailles, sa musique gronde et l’on ne rappellera jamais assez à quel point la part qu’il prit dans l’aventure Magma fut déterminante, contribuant pleinement à l’avènement de « Köhntarkösz », qui reste de très loin la plus belle réussite discographique du groupe et dont, par ailleurs, le propos « philosophique » suscite le moins de polémiques. Ici, point de peuple qui s’évanouit dans l’espace sous les injonctions de celui qu’il tenait pour un tyran, point de suspecte dissolution du moi dans la soumission à un être supérieur. Non, plus simplement, le cheminement d’un être pas à pas dans les degrés de la conscience. Ce qui, on en conviendra, est déjà tout un programme.
C’est bien gentil tout ça, mais je m’éloigne du sujet. Revenons donc à nous gloutons : d’un côté, les chaudes envolées jazzy, quand il ne s’agit pas de cris lancés crânement au vent d’une tempête annoncée, par une trompette dont la sourdine n’est pas sans nous rappeler celle d’un certain Miles ; de l’autre les assauts rageurs d’une basse qui emporte tout sur son passage et propulse tous les musiciens vers les hauteurs stratosphériques d’une musique retrouvée. L’histoire veut que chacun des deux musiciens ait apporté son lot de compositions et qu’après une mise en commun, tous deux aient décidé de les co-signer. Soit. On n’aura néanmoins aucune difficulté à identifier les origines génétiques de chacun des neuf titres, inutile donc d’en appeler à une recherche en paternité ni à un test ADN. Que celui qui osera me dire, par exemple, qu’une composition telle que « Spirit » n’est pas d’une certaine façon la parfaite continuité d’un « Soleil d’Ork » (remember « Üdü Wüdü) me jette sa première corde ! Qu’il essaie de me convaincre que « Mysterious City », après deux premières minutes très clairement inspirées du « Matin des Noire » d’Archie Shepp, ne lui explose pas au visage comme le firent en leur temps des compositions entrées dans la légende kobaïenne ! Non, les parentèles sont bien identifiées et pourtant, leur juxtaposition fonctionne parfaitement. Il y a en effet une surprenante complémentarité entre deux univers qu’on n’aurait pas forcément imaginé voir se marier d’une façon aussi naturelle. Eric Le Lann crée la respiration là où Jannick Top vous prend à la gorge et leurs forces unies tendent vers un équilibre où l’angoisse rôde certes, mais parfaitement stable. Et il serait injuste de ne pas citer les musiciens qui, à leurs côtés, contribuent pleinement à la réussite de ce projet dont on aimerait se convaincre qu’il va durer : Damien Schmitt à la batterie et Lionel Louéké à la guitare et au chant, sans oublier quelques amis de passage comme le guitariste Jean-Marie Ecay.
« Le Lann Top », disque résolument convaincant, va s’installer durablement en haut de la pile de vos CD de chevet et si, tel ce grand monsieur contrebassiste récemment rencontré, vous n’avez pas l’heur de disposer d’un chevet, débrouillez-vous pour le glisser en bonne place sur votre iPod préféré ou tout autre compagnon de voyage et vous en régaler les écoutilles. Vous vous en sentirez instantanément beaucoup mieux !!!
A commander d’urgence sur www.nocturne.fr !
En attendant cet achat hautement recommandé, prenez un vivifiant acompte en écoutant un petit extrait du disque appelé «Middle Access»… -
Resis'Danses II
Tout ceci n'est pas encore très clair dans ma tête... mais j'ai à l'esprit l'idée de créer un petit portail qui serait une sorte de recensement, non exhaustif bien sûr, de labels de musiques sur les sites Internet desquels il est possible de commander directement des disques.
Et puis... des éditeurs aussi... car eux aussi doivent se battre.
C'est toujours mieux que d'engraisser les actionnaires ventripotents qui se paient des supermarchés de biens culturels et sont avant préoccupés de la hauteur des dividendes qu'ils encaissent sans lever le petit doigt et dont l'ambition culturelle doit être d'un niveau équivalent à celle de la Nouvelle République des Neuilléens.
Cette idée m'est venue, tout simplement, après avoir commandé et reçu en un temps records le nouveau CD d'Eric Le Lann et Jannick Top sur le site www.nocturne.fr, dont il sera question très prochainement dans ces pages. J'ai trouvé le service rendu tellement chouette qu'il m'est apparu indispensable de contribuer à valoriser le boulot que font tous ces gens, au prix d'un combat quotidien, jamais gagné.
Ce portail serait une sorte de contribution à la Résis'Danse, à laquelle je convie le plus grand nombre d'entre vous. Dès lors que vos passions vous conduisent vers des univers artistiques - quels qu'ils soient - non pris en compte par les rouleaux compresseurs de la médiocrité médiatique, soyez actifs et parlez-en. N'hésitez pas à intervenir sur mon blog, je pourrai relayer vos propos, car je fais partie de ceux qui pensent que les petits ruisseaux font les grandes rivières et je ne peux me résigner à m'imaginer que les porte-parole du monde culturel vers lequel nous allons soient ceux que l'on a pu voir et entendre plastronner - pour le plus grand malheur de nos yeux et de nos oreilles - tout récemment du côté de la Concorde, collés aux basques du Président de la République de l'UMP et de Notre Dame de Sarkosie enfin réapparue.
Tout cela ne se fera pas en huit jours, mais se constuira petit à petit.
Le combat continue.
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Japon pour le moral
En cette période post et pré-électorale, où la charge de la brigade très très lourde des communicants de la nouvelle République envahit écrans et ondes diverses pour déverser à flots continus une bonne parole pan pan cucul - on va négocier mais de toutes façons, si on n'y arrive pas, on fera passer une loi au Parlement, bande de méchants français incapables - au risque de devenir contre productive... quoique, j'ai quand même des doutes, parce que si je me réfère à quelques récents sondages, on dirait que mes compatriotes aiment ça et en redemandent... bref, où en étais-je ? Ah oui, la vidéo... je ne peux donc résister au plaisir de vous soustraire à cet abus de surinformation (oui, je sais, c'est un pléonasme, mais j'ai décidé aujourd'hui de faire ce que je voulais...) en vous proposant un très joli spectacle.
Je ne vous ai guère habitués jusque là à vous You Tuber, mais je ferai une exception avec cet extrait d'un concert à l'Aqua Stadium Stellarball de Tokyo, le 12 février 2005 donné par le Hiromi Trio (Hiromi Uehara, la jeune pianiste japonaise est ici entourée du bassiste Tony Grey et du batteur Martin Valihora). Voilà un parfait antidote à toutes les morosités !
Allez, un petit coup d'oeil à cette pianiste japonaise... et merci à l'ami Kangou qui m'a fait partager ces belles minutes !
PS : je sais que cela n'a rien à voir mais... je crois comprendre pourquoi j'avais besoin de ce remontant musical. Je me suis réveillé l'autre nuit, d'un seul coup, car je venais de faire un rêve étrange, à défaut d'être pénétrant. Dans ce songe bizarre, on venait d'apprendre la composition d'un nouveau gouvernement et une idée saugrenue avait germé dans la tête de nos responsables politiques en nommant Roselyne Bachelot ministre des sports. J'ai réussi cependant à me rendormir assez vite. Le cerveau est décidément une bien drôle de machine...
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frogNstein : le batracien est à l'air libre
J'avais évoqué ici-même au mois de décembre la parution programmée du premier CD de frogNstein, "Electrify My Soul". Le projet a mis un peu plus de temps que prévu à voir le jour, c'est-à-dire à être disponible dans les bacs. Mais cette fois, ça y est, vous pouvez enfin vous procurer cette belle galette aux accents "électro - groove - jazz", pour reprendre la définition donnée par les deux leaders du groupe, Bertrand Béruard et Cédric Hanriot.
Tous deux étaient hier en effet dans la Maison Rose où je les avais invités pour une interview qui sera prochainement en lecture sur l'indispensable site www.citizenjazz.com. Dont, bien sûr, je ne vous livre rien d'autre car je sais que vous irez flâner sur ce bel espace dédié au jazz. Etant associé à sa rédaction, vous comprendrez que j'ai un tant soit peu le sens de l'exclusivité ! C'est normal...
Néanmoins, je ne peux résister au plaisir de vous dire qu'une écoute attentive de cette production, ce matin, me confirme dans mes premières impressions hivernales : "Electrify My Soul" est vraiment une excellente surprise, pleine de culot et de pistes nouvelles qui ne demandent qu'à être explorées dans un proche avenir ; il devrait quoi qu'il en soit séduire pas mal d'oreilles ouvertes aux formes actuelles de la musique. Il a tous les atouts pour attirer les amateurs de jazz, parce que les notions de thème et d'improvisation lui sont intrinsèques, mais aussi bien d'autres publics parce qu'avec frogNstein, il est beaucoup question de rhythme et de pulsion. Surtout, la paire Béruard / Hanriot n'hésite jamais à marier les couleurs sonores sans que jamais le résultat n'en paraisse artificiel. Et l'on est presque étonné de constater à quel point la cohabitation d'une rythmique très funk avec des samples et un quatuor à cordes fonctionne naturellement.
Enfin, ce disque est l'occasion pour quelques musiciens amis de venir faire un petit tour et d'ajouter à la qualité existante leur propre talent : Franck Agulhon à la batterie, 2TH ou bien Coco Zhao au chant... pour n'en citer que quelques uns.
Voici pour vous donner un avant goût et surtout l'envie d'en savoir plus (et donc d'acheter le disque, please mes amis, pas de téléchargement sauvage, ces musiciens sont passionnés et tentent de vivre de leur art, alors aidez-les !), je vous propose un extrait du disque, "Funky Booster" où toute la bonne énergie du groupe est immédiatement perceptible.Vous pouvez vous procurer ce disque soit sur le site www.fnac.com, soit - et c'est encore mieux directement auprès du label, Cristal Records.
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Pour une provisoire conclusion
Bon, cette fois, ça y est... Je vous ai narré tout récemment avec ma trilogie printanière les conditions dans lesquelles j'avais préparé, réalisé et détruit puis reconstitué une interview du contrebassiste Henri Texier pour le magazine Citizen Jazz. Après un certain nombre d'heures passées au téléphone avec ce musicien hors du commun, le texte est en ligne depuis ce matin !!!
Vous pouvez le lire en suivant ce lien :
http://www.citizenjazz.com/article3459587.html -
Le retour du jeudi
A quelque chose malheur est bon, dit-on... Après "La traque au trac" et "Mini-disc et maxi poisse", j'aimerais conclure sous la forme du troisième volet d'une humble trilogie l'épisode initialement navrant de mon interview envolée...
J'en étais donc resté au vertige de la solitude que je connus subitement au moment où je me rendis compte que pas un seul mot du long entretien que m'avait accordé Henri Texier n'avait été finalement enregistré. Soutenu par le duo qui, à ce moment précis, était à mes côtés - me femme m'expliquant qu'on allait retrouver l'essentiel à condition de s'adonner à un bel exercice de mémoire, Kangou voulant me faire penser à autre chose et me certifiant que mon fils avait accompli une belle performance lors du dernier concert du groupe Présent au Festival RIO de Carmaux - je réussis à me convaincre que, oui finalement, il fallait bien opter pour une solution qui aboutisse à la production d'un texte pour le compte du magazine Citizen Jazz. Me croirez-vous ou pas, mais dix jours plus tard, je me rends compte que cet aléa technique m'a permis de connaître des instants passionnants sur lesquels j'aimerais revenir... rapidement, comme il se doit !
Il y eut tout d'abord notre retour rue de Grenelle après le concert du Strada Quartet. Il était deux heures du matin et nous contemplions le spectacle vraiment désolant de tous ces jeunes, bouteille à la main, à la dérive. Ils semblaient tous errer à la recherche d'un alleurs perdu, les yeux hagards ou, pour les plus en forme, éructant quelques propos inintelligibles. Même la cohorte des adeptes du Pont des Arts, en route pour une nuit à la belle étoile, ne semblait pas animée d'une énergie positive. Ils étaient là, assis, en attente... Une désolation sur laquelle nous échangions, madame Maître Chronique et moi, quelques propos un peu amers par dessus lesquels venaient se fracasser comme de drôles d'éclairs mentaux les souvenirs tout récents de l'interview : "Ah oui, et puis il a dit ça...", "Tu te souviens, ce qui l'avait touché chez Isabelle Carré, c'est qu'elle aimait son travail mais c'est parce qu'il trouve que c'est une actrice vraiment bien, sérieuse...", "Il ne faut pas oublier le mot zapperie qu'il a employé", "Le dernier disque de Bashung"... Tous ces fragments complètement éparpillés commençaient à dessiner un tout dont je parvins à délimiter les premiers contours en notant fiévreusement sur une feuille tous les mots qui me venaient à l'esprit dès le retour dans notre chambre. Je cochai également les questions que j'avais pu poser (j'en avais près de 40 au total...) et tentai d'y raccorder les idées qu'Henri Texier avaient expliqué... Et je pus, contrairement à ce que j'aurais volontiers parié, m'engouffrer très vite dans une longue nuit de quatre heures.
Le lendemain, alors que nous rentrions par le train en Lorraine et tout en achevant la lecture du gros bouquin de Ken Follett, "Les piliers de la terre", je décidai que mon texte serait une trilogie dont le titre m'était venu la veille : "Henri Texier à cordes ouvertes", les cordes étant celles de sa contrebasse bien sûr mais aussi celles de sa voix, très présente sur scène ainsi que dans l'idée de chant, essentielle à son oeuvre. Je consacrerais le premier volet à une rapide chronique de son dernier disque, le second à l'interview et le troisième au concert du Sunset. J'étais stimulé aussi en me rappelant cet instant délicieux où, juste avant la reprise du second set, Henri Texier était venu me rassurer en me disant qu'on trouverait bien un moyen de "boucher les trous" par téléphone. Ce type est vraiment épatant !
J'en restai là, avec ce schéma en tête et les incessants appels de ma mémoire qui travaillait malgré moi à la reconstitution de l'interview, tout le temps, à la moindre occasion, avec les idées qui fusent, les phrases qui dansent, les propos qui ressurgissent. Vous n'imaginez pas à quel point cet exercice involontaire peut être éprouvant. J'eus d'ailleurs la conviction que le métier d'écrivain doit parfois être difficile à vivre. C'est vrai que quand j'étais gamin, j'écrivais fiévreusement des tas d'histoires policières, sur des cahiers Cathédrale à gros carreaux, avec un stylo plume et une encre bleu des mers du sud et je rêvais, un jour, de vivre de ma passion, assis devant un bureau de bois sur lequel aurait été posé un sous-main de cuir vert foncé, depuis lequel j'aurais aperçu un paysage de moyenne montagne avec, peut-être, juste derrière, une étendue d'eau, mer ou lac... Fort heureusement pour nous tous, et vous en particulier, je n'en suis jamais arrivé là et lorsque je perçois à quel point l'écriture d'un simple article peut me hanter jusqu'au moment de son aboutissement, j'imagine bien volontiers que le quotidien d'un écrivain doit être la plupart du temps insupportable. Comme s'il était impossible de se libérer d'un travail en cours et de penser à autre chose. Comme si la fin prévisible d'un bouquin devait engendrer mécaniquement le travail de réflexion sur le suivant, dans un implacable engrenage tournant sans fin. Une espèce de prison mentale dont il est bien difficile de s'évader. Mais ceci est une autre histoire.L'un de mes collègues eut la bonne idée de me convier à une réunion en région parisienne en milieu de semaine. Ainsi, j'allais pouvoir mettre à profit un aller retour en train (l'un des derniers à vitesse réduite avant l'arrivée du TGV au mois de juin, chance pour moi) pour parachever mon travail. C'est donc sans attendre - nous avions à peine franchi la gare de Champigneulles - que mercredi, confortablement installé dans mon wagon, côté couloir pour pouvoir étendre mes jambes, je commençai par une écoute attentive de "Alerte à l'eau", le dernier CD d'Henri Texier. Bien au chaud sous mes petits écouteurs Bose, je notais fiévreusement tout ce qui me passait par la tête, sans oublier tous les chorus et l'ordre dans lequel ils intervenaient. Très vite, je trouvai un angle d'attaque pour écrire ma chronique et dès la fin du CD, je commençai à rédiger, quasiment sans rature, le texte auquel je pensais. Ma main notait méthodiquement tout ce que j'avais stocké dans ma mémoire vive et je pus conclure au bout d'une heure d'écriture quasiment sans pause. Une première relecture m'indiqua que j'étais sur la bonne voie et je décidai d'interrompre l'exercice.Tard le soir, dans ma chambre d'hôtel, pendant qu'une candidate à l'élection présidentielle nous expliquait tout ce qu'elle allait entreprendre durant les cinq années à venir, je mis un peu d'ordre dans mes idées toujours embrouillées et réussis à trouver un ordre logique à la fausse retranscription de mon interview. Ce n'est que le lendemain jeudi qu'une fois assis tranquillement dans le train qui me remmenait en Lorraine, je m'attaquai à la rédaction de ce long texte qui n'aurait jamais dû exister. Enfin, pas sous cette forme reconstituée. Sous mes yeux, je voyais les pages se noircir, je réussissais toujours à écrire d'un seul jet et je sentais un vrai soulagement me gagner au fur et à mesure de l'avancée du travail, comme dans un phénomène de vases communiquants. Je vidais ma tête et remplissais du même coup les feuilles qui semblaient attendre cette écriture décidément fiévreuse. Leur papier en devenait craquant sous les assauts de mon stylo à bille...
Par chance, dès mon arrivée dans la Maison Rose, le premier commentaire de Madame Maître Chronique fut encourageant : elle trouvait en effet que l'atmosphère de l'interview était correctement restituée, elle me fit part de quelques oublis que je m'empressai de rajouter. Le lendemain, Henri Texier m'adressa un petit message dans lequel il me prodiguait encouragements et se disait prêt à la relecture. Ouf ! Il ne me restait plus qu'à "mettre tous ces écrits au propre" et à rédiger le troisième volet. J'avais enfin réussi à déjouer le piège que m'avait tendu mon magnétophone six jours plus tôt... Et qui, dès le lendemain, s'avérerait totalement opérationnel à l'occasion d'un concert du magnifique pianiste Eric Legnini. Allez comprendre. Est-ce que, par hasard, mon mini-disc manifesterait une légère aversion pour Henri Texier ? Je tâcherai d'en savoir plus prochainement et je peux vous garantir qu'à la moindre récidive de sa part, il sera mis au chômage technique et illico remplacé par un petit dictaphone numérique qui, lui, sera acquis à ma cause. Il faut savoir être impitoyable.
A quelque chose malheur est bon, disais-je un peu plus haut ! Oui, en effet. Car j'ai pris le temps de réfléchir à toute cette mésaventure qui, j'en conviens, n'est rien d'autre qu'un pépin mineur sur l'échelle des malheurs qui incendient notre monde : aurais-je vraiment connu le charme si particulier de ces heures fiévreuses s'il ne métait resté qu'un fastidieux travail de retranscription d'un enregistrement ? Rien n'est moins sûr. Aurais-je pu percevoir tous ces signaux, ces encouragements venus de mon entourage ? Encore moins. Aurais éprouvé le même plaisir d'écriture ? Pas forcément.
Alors voilà... encore un peu de patience et je vous laisserai les clés de mon travail, vous pourrez me donner votre point de vue, me dire si tout cela en valait la peine. En attendant, il me faut attaquer mon article suivant... -
Mini disc et maxi poisse
Je pense que je vais probablement me reconvertir. Ma nouvelle voie est toute tracée, je serai bientôt médium ! J’ai encore un peu de boulot pour affiner mes compétences, mais je constate que désormais, démonstration aura été faite de mon possible don de prémonition et que vous en aurez été les témoins, sans qu’aucune contestation ne puisse être opposée à mes affirmations. Oui, oui, j’ai bien dit prémonition vérifiable et si vous ne me croyez pas, jetez donc un petit coup d’œil à ma récente «Traque au trac». Je vous y faisais part de la panique naissante qui commençait à me gagner à quelques heures d’un rendez-vous pris, pour une interview, avec ce grand monsieur qu’est le contrebassiste Henri Texier. J’y expliquais le luxe de précautions prises pour parer à tout pépin majeur. Le dernier soir encore, toujours angoissé, j’avais multiplié les tests d’enregistrements pour m’assurer que le disque numérique que j’avais choisi n’était pas défectueux. Tout était prêt, il ne restait plus qu’à prendre le train en compagnie de Madame Maître Chronique, de poser nos bagages dans notre refuge de la rue de Grenelle et de rallier le Sunset, rue des Lombards, où l’ami Kangou devait nous rejoindre. J’étais toujours gagné par le trac, hanté par la peur de ne pas être au niveau de celui qui m’accordait une heure de son précieux temps, mais au moins, j’avais mis en œuvre tellement de procédures de sécurité que je pouvais, tout doucement, souffler et attendre ce bon moment.
Tout s’est merveilleusement passé ! Un ciel printanier, un soleil quasi estival qui nous servait de guide céleste, une longue balade à pied dans les rues de la capitale, une petite pause gourmande rue du Bac – excellente, cette petite gaufre au chocolat –, pas trop de parisiens en bagnole (enfin, si, quand même quelques uns, mais moins que d’habitude pour cause de vacances), un synchronisme parfait entre Henri Texier et nous-mêmes qui arrivâmes pile poil en même temps à l’endroit convenu, un petit coin au sous-sol, près du bar, tranquille, nous étions entre nous et après l’installation du précieux matériel, c’était parti pour une heure de discussion à bâtons rompus.
Car il faut dire que si le musicien est exceptionnel, l’homme est passionnant aussi, toujours sur la brèche, en révolte constante – il faut imaginer son regard qui brille dès lors qu’on lui le laisse le temps de s’exprimer, fourmillant de projets, lançant quelques phrases inquiètes à deux jours d’une échéance politique de premier plan. Un type habité, en quelque sorte.
Top là mes amis ! Je ne vous en dirai pas plus sur cet entretien, j’en réserve la primeur, et c’est normal, au magazine Citizen Jazz pour le compte duquel j’avais ménagé cette rencontre du vendredi 20 avril 2007.
Laissez-moi vous dire que lorsque j’ai appuyé sur le bouton Stop de mon petit magnétophone numérique, le compteur affichait 60 minutes et 15 secondes. La retranscription s’annonçait particulièrement longue et je ne pouvais m’empêcher d’avoir une pensée pour ma fille qui était censée en assurer l’essentiel. Beau boulot ! Et je n’étais pas peu fier de mes questions qui, toutes, avaient suscité des propos enflammés la plupart du temps.
Ah, si, tout de même, je peux bien vous le dire parce qu’a priori, les dernières minutes de la conversation étaient hors sujet (enfin, pas tant que ça finalement) et, comme on dit, off the record : ce fut un bonheur d’entendre Henri Texier fulminer, déjà rhabillé et attendu par sa femme Josie venue nous rejoindre quelques minutes plus tôt, contre certains critiques de jazz qui émettent des avis définitifs sur un concert alors qu’ils n’ont pris le temps d’en écouter la musique que pendant une très courte durée. « Et nous, nous jouons trois heures, nous jouons pour ceux qui restent du début à la fin, il y en a même qui viennent plusieurs soirs de suite, de loin parfois. Un concert, c’est un tout ».
C’est donc en toute sérénité que nous pûmes nous installer tranquillement en compagnie d’une succulente côte de veau en croûte de tomme d’Auvergne, juste à côté, dans un restaurant appelé de la rue des Lavandières Sainte Opportune (à ce sujet, j’ai l’impression que les prix y ont bien flambé depuis deux ans, faut payer les travaux de rénovation, on dirait… mais bon, c’est pas le sujet), encore sous le charme de ce monsieur pas comme les autres. Moi, j’étais super content parce qu’il me semblait bien qu’Henri Texier avait lui aussi apprécié cette heure de conversation, d’autant que l’ami Kangou en avait rajouté une couche en lui disant que c’était toujours agréable pour un musicien d’être questionné par quelqu’un qui, visiblement connaît son sujet.
Oui. Bon ? C’est quoi le problème alors ? Parce que tu ne vas peut-être pas passer des semaines à nous raconter que tu as fait du bon boulot, que c’était vachement réussi, que tout le monde il est beau tout le monde il est gentil content. Tu crois que c’est avec ce genre de prose que tu vas capter plus que tes trois lecteurs quotidiens ?
Oh ! Hé ! Non mais ça va pas ? On n’est pas aux pièces, j’y viens… Car vous avez compris depuis longtemps, je n’en doute pas, qu’il y a eu un petit problème, une «couille dans le potage», comme dirait je ne sais plus qui (on s’en fout de toutes façons), dont j’ai pour l’instant omis de vous parler. Parce que tout au bonheur de l’heure passée et du bon plat qui m’attendait, arrosé d’un sympathique petit verre de Gaillac, je ne pus résister au plaisir de ré-écouter les premières secondes de mon précieux enregistrement.
Et là, ce fut le drame !
Saloperie de foutue connerie de bordel de merde d’appareil à la con ! Vous savez quoi ? Je glisse le petit disque dans le magnétophone, j’attends qu’il soit prêt à la lecture et que vois-je ? «Blank MD» ! Comment ça, blank MD ? Mais y a une heure de conversation dans mon mini disc ? Elle est où ? «Attends, pas de panique, me dit Kangou, c’est peut-être pas le bon disque.» Mais si, c’est le bon disque, j’en avais sorti qu’un seul de son emballage, ça peut pas être un autre. «Bon, tu sais quoi, me susurre Madame Maître Chronique, visiblement impressionnée par ma mine déconfite, on va tous essayer de rassembler nos souvenirs et tu vas écrire un texte autrement. C’est que les choses devaient se passer ainsi, c’est un signe. Je vais t’aider…» Je pense que je vais canoniser mon épouse dans un avenir proche. Plutôt que de se laisser aller à la soudaine et très brutale morosité qui m’avait gagné – je vous laisse imaginer quelle fut l’intensité du grand moment de solitude que j’ai connu pendant plusieurs minutes – elle possède en une fraction de seconde une solution de rechange, elle y croit dur comme fer, elle va me donner un coup de main, on se débrouillera autrement. Kangou n’est pas mal non plus dans le genre restons zen : « Bon, parlons plutôt de ton fils samedi dernier à Carmaux, il a été excellent ! Le concert de Présent fut vraiment le grand moment du Festival RIO. » Ah oui, mon fils, c’est vrai que ça avait l’air d’être bien pour lui ce soir là. Entouré de la bande des américano-belges de ce drôle de groupe dont j’avais acheté le premier disque bien avant qu’il ne soit né, j’ai cru comprendre que le concert s’était terminé par une longue ovation debout. Ben oui, vous avez raison tous les deux… Vous avez raison. Mais j’avais une heure d’enregistrement, j’avais déjà en tête tout l’enchaînement de mon travail d’écriture. Fait suer tout ça, en plus, je vais passer pour un branquignole, le mec qui paume une interview exclusive. Mais c’est pas de ma faute non plus, hein ? C’est le disque qui était défectueux, y avait un secteur endommagé, quelque part et quand la procédure d’écriture s’est enclenchée, ben elle a planté. Je vois pas d’autre explication.Qui c’est qui avait raison ? C’est Maître Chronique ! Je vous avais bien prévenus avec ma traque au trac. C’était pas normal d’être angoissé de la sorte, y avait un truc maléfique qui planait au-dessus de ma tête. J’étais guetté par une force qui me voulait du mal, à moi et à personne d’autre ! Et ben voilà, en plein dans le mille : elle m’a flingué tout mon boulot, j’avais bossé comme un malade pour que tout soit nickel et eux, au-dessus, les malfaisants, ils claquent des doigts et tout disparaît. La suite… Ben, le concert fut chouette, avec ses trois sets qui nous ont emmenés jusqu’à 1h30 du matin, nous proposant de larges extraits du dernier album «Water Alert», mais aussi de «(V)Ivre» ou de «Holy Lola» ; Henri Texier, adorable, me disant qu’on pourrait s’arranger au téléphone, ; sa femme Josie venue bavarder avec nous, pour parler de ses enfants, de l’étonnante complicité entre son mari et son fils – Sébastien, saxophoniste et membre du Strada Quartet de son popa. Des gens extraordinaires et humbles tout à la fois. Tiens, pourquoi ne pas aller visiter tranquillement l’album photo en ligne de Kangou et découvrir de magnifiques portraits pris sur le vif durant cette soirée ?Ensuite, ce fut le retour rue de Grenelle, tous ces jeunes alcoolisés dérivant dans les rues de Paris, canettes de bière ou bouteilles d’alcool à la main, un drôle de calme troublé de temps à autre par une sinistre auto-engueulade d’une jeune femme ivre, rue des Saint-Pères ou bien encore cette démarche vacillante d’un drôle de type, complètement saoul et écoutant de la musique avec son baladeur tout en chantant «Alegria ! Alegria ! Alegria !». A peine posé dans ma chambre, je pris les quelques notes d’urgence qui s’imposaient, histoire de fixer sur les papier les indispensables points de repères dont j’aurais besoin pour écrire mon texte. Il était 3 heures du matin.Nous avions tout de même passé une sacrée soirée ! Mais c’est juré, promis, craché ! On ne m’y reprendra plus et j’ai déjà mis en place mon dispositif de sauvegarde le plus absolu, l’arme fatale, la baguette magique de la mémoire que le monde entier m’enviera très vite : un carnet et un stylo, que je confierai à Madame Maître Chronique, qui sera déléguée à la prise de notes. Au moins, elle, elle ne me fera pas le coup du «Blank Wife», elle a une mémoire d’éléphant, elle capte tout à la vitesse de l’éclair et je serai bien tranquille.Connard de mini disc !