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MusiChronique - Page 6

  • Ah si j'étais Reich !

    Je vous l'avais promis : voilà maintenant un mois jour pour jour que j'ai assisté au concert donné par Steve Reich et ses musiciens à Châlons-en-Champagne. Un concert magnifique dans une salle élégante à l'acoustique impeccable. Mon plus beau concert ? Pas impossible…

    J'avais évoqué depuis longtemps la perspective de cette soirée avec Quiet Man – qui habite au pied de la cathédrale de Châlons-en-Champagne – et ce n'est pas sans surprise qu'il me téléphona très rapidement pour m'informer qu'il avait non seulement acheté la place que je lui avais demandé d'acquérir pour moi mais qu'en outre il viendrait avec moi. J'allais donc pouvoir, peut-être, faire découvrir un environnement musical nouveau à celui qui, voici plusieurs décennies maintenant, m'en avait fait connaître tellement ! Et ce n'est pas sans un réel plaisir que je pus débarquer du train peu avant 19h30, attendu par mon frère et son amie JaPal. Le temps d'engloutir en quatrième vitesse un sandwich, nous étions déjà repartis en direction de la salle de concert où quelques grappes de spectateurs attendaient déjà, alors que nous étions à plus de 30 minutes du début de cette soirée.

    Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais j'adore arriver un peu à l'avance. J'observe, je savoure, éventuellement je bavarde si je ne suis pas seul. C'est un peu comme une mise en condition, il faut que je m'imprègne de l'atmosphère des lieux avant de m'engouffrer et de m'installer, si possible en bonne place !

    Donc tout va bien : la salle est belle (une sorte d'amphithéâtre tout de bois vêtu), les fauteuils sont confortables et les rangées suffisamment espacées pour que nos jambes génétiquement programmées dans le sens de la longueur puissent y trouver leurs aises. Et puis, sur scène, il y déjà de quoi observer : quatre pianos, des marimbas, des vibraphones et des xylophones. On devine la place qu'occuperont les quatre chanteurs ainsi que le quatuor à cordes, là, devant nous, au centre de la scène. En observant les coulisses, on entrevoit de nombreuses chemises blanches qui s'affairent, on ne peut pas à proprement parler d'uniforme, mais il y a, semble-t-il, une tenue des musiciens. J'ai beau chercher, je ne vois pas Steve Reich mais c'est normal, certainement, il fera son apparition au dernier moment.

    C'est parti, tout le monde est sur scène et le chef d'orchestre arrive au pas de charge, il salue très brièvement le public et installe le silence avant le début de la création qu'on nous a annoncée, "Daniel Variations", en hommage au journaliste américain Daniel Pearl assassiné en Afghanistan voici quelques années. C'est bizarre tout de même : ce mec debout devant nous, même si nous ne le voyons que de dos, ne ressemble guère à Steve Reich et là… franchement, même si la musique interprétée est belle (dans la droite ligne de "You are"), je commence à m'inquiéter. Un peu tout de même. C'est magnifique d'écouter une si belle création mais je voulais tellement le voir, lui, diriger ses musiciens. Alors je consulte le programme, il y a bien écrit le nom du chef d'orchestre (désolé, j'ai oublié) mais aussi la mention "Steve Reich & Musicians". Au bout de 30 minutes, j'ai fait le maximum d'efforts pour que cette absence ne parasite pas trop mon écoute mais je reste un peu perplexe. On m'aurait menti ? J'aurais pris le train de 17h42 pour ne voir qu'un clone ?

    Mais non, je suis en train de me raconter des histoires car notre chef d'orchestre, sous les applaudissements, désigne d'un bras confraternel un homme qui se tient derrière la console de mixage. Et là, pas le moindre doute : la casquette me dévoile instantanément son identité, Steve Reich est bien parmi nous et va monter sur scène pour prendre part à l'interprétation de l'une de ses œuvres majeures : "Music for 18 musicians". Il faut le voir, d'une discrétion et d'une simplicité exemplaires, installer lui-même les instruments : il déplace les pianos, les percussions, on devine que rien ne sera laissé au hasard et que nous sommes bien en présence d'un grand monsieur. J'allais dire un grand jeune homme car il est bien difficile de deviner qu'il vient tout juste de fêter ses 70 printemps. Si j'ai l'espoir de me tenir comme lui au même âge, alors là, mes amis, je signe tout de suite des deux mains et j'envisagerai même une prolongation si possible.

    Quiet Man et JaPal, bien qu'a priori assez étrangers à la musique qu'ils viennent d'écouter, ont les oreilles suffisamment ouvertes et curieuses pour apprécier la création et ils semblent visiblement contents d'être là. C'est une découverte artistique dont le caractère hypnotique leur plaît et j'en suis fort content. Au moins, je sais désormais que j'aurai pu rendre une toute petite partie de la monnaie discographique que mon frère m'avait offerte en son temps !

    Deuxième longue et belle ligne droite – une heure environ – qui nous mène vers des espaces magiques, ceux de "Music for 18 musicians"  où chacun occupe une place qui semble stratégique : les voix, les cordes et les clarinettes sont les respirations – jusqu'au bout du souffle – sur un canevas percussif et rythmique assez démoniaque. Les trames s'entrecroisent, les décalages infimes montrent la complexité de la composition qui, malgré tout, ne présente aucune difficulté à l'écoute. C'est comme un torrent de montagne qui s'écoule paisiblement en ricochant sur les pierres millénaires, imperturbable, ancestral même (il y a là une influence très nette des gamelans balinais), créant un climat totalement intemporel, dégagé de toutes les modes.

    Steve Reich marquera l'histoire de la musique du XXe siècle (rappelons que ses premières œuvres remontent aux années 1960), j'en ai toujours été convaincu. Et son attitude sur scène, exemplaire, nous apporte la preuve – s'il en était besoin – qu'il est aussi un grand monsieur. Il est aux côtés de ses musiciens, il partage leur travail (il faut avoir les vus au moins une fois se relayer aux marimbas sans que votre oreille soit en mesure de déceler le changement d'interprète ; il faut avoir admiré le travail titanesque de cette pianiste qui, une heure durant, aura répété le même motif rythmique avec une précision quasi-surhumaine ; il faut avoir deviné ces échanges de regards, à peine esquissés, à travers lesquels Steve Reich transmet des informations), rien ne le distingue de l'un d'entre eux.

    A ce moment précis du concert, quelques minutes avant la fin, je suis sous le charme, j'ai peur aussi que tout cela se termine bientôt.
    Et la salle réservera à ces artistes l'ovation qu'ils méritent amplement, avec quatre rappels je crois. Je ne suis pas peu fier, d'ailleurs, d'avoir fait lever tout le monde pour un ultime hommage.
    Et pour répondre à la question que je me posais en introduction, il est fort probable que je venais d'assister là à l'une de mes plus belles soirées de musique.

    Quiet Man et JaPal n'ont pas regretté cette exploration d'un univers inédit. Alors pour moi, tout était bien, à ceci près que l'emploi du temps avait empêché Madame Maître Chronique d'être de la fête. Et que je suis plus que certain qu'elle aurait adoré. Et puis, passer une soirée à Châlons-en-Champagne, c'était aussi l'occasion de nous retrouver autour d'une bonne bouteille, vous savez, ce vin local avec des bulles ?

    Monsieur Reich : MERCI !

  • Grenouille électro

    En attendant ce beau jour de mars 2007 qui verra la publication officielle de "Electrify My Soul", premier CD du projet frogNstein, j'ai la chance de m'en régaler à l'avance puisque Mr Monstrueux, qui participe au projet, m'en a rapporté un exemplaire.
    Autant vous le dire, cette aventure initiée par Cédric Hanriot (piano, claviers, machines) et Bertrand Beruard (basse, contrebasse) s'avère des plus réjouissantes ! Voilà un disque dont la tonicité va faire du bien, d'autant qu'elle s'applique à une véritable ambition musicale où inventivité et virtuosité confèrent à l'ensemble un cachet particulièrement efficace.
    "Akoustik Way", "Funky Booster", "Hip N Hop", "Igwana"... et quelques autres compositions originales dont on qualifiera l'inspiration d'électro-funky-jazz... vous attendent pour bientôt et c'est avec un grand plaisir que je vous en rappellerai la sortie au moment opportun.

  • Encore quelques jours...

    Oui, encore quelques jours et je sortirai de ce long tunnel qui m'empêche de nourrir correctement ce blog chéri. Décidément, le mois de novembre aura été pour lui d'une bien cruelle aridité...
    Mais je suis là, bien là, et je vais revenir avec plein de choses à vous raconter. Je crois que vous n'échapperez pas à ma chronique d'une soirée champenoise en compagnie de Quiet Man et JaPal. Un moment de musique magique en compagnie d'un grand monsieur pour qui j'ai depuis belle lurette la plus totale admiration : Steve Reich. Oui mes amis, j'ai pu - enfin ! - assister à l'un de ses concerts avec ses 18 musiciens et pour ne rien au monde je ne voudrais vous priver de l'évocation de ce bonheur.
    Ce sera pour bientôt. En attendant, je m'engloutis à nouveau dans le boulot pour attaquer une semaine de 60 heures et je savoure à l'avance le plaisir des lignes futures.
    medium_Steve_Reich.jpgNéanmoins, je vous fais cadeau d'un cliché pris à la volée de son téléphone par Quiet Man : où l'on voit Steve Reich, tout en discrétion et modestie, installer lui-même pianos, marimbas et autres xylophones avant l'interprétation du sublime "Music for 18 musicians".
    A très bientôt ! Et merci à mes deux compagnons champenois pour cette si belle soirée !

  • Contrastes

    Chroniques du Nancy Jazz Pulsations 2006 – Episode 5
    Vendredi 20 octobre – Salle Poirel – Nancy


    La Salle Poirel était comble en ce vendredi 20 octobre 2006. Toutes les soirées de cette édition 2006 du Nancy Jazz Pulsations se sont d’ailleurs quasiment jouées à guichet fermé et je me permettrai d’évoquer ce sujet dans une prochaine note. Le public au milieu duquel nous patientons m’étonne un peu. Il ne ressemble pas à celui qu’on voit en règle général fréquenter les festivals de jazz : ici se côtoient d’innombrables mamys et papys sur leur 31, et à glisser son oreille entre deux conversations, on devine aisément qu’il s’agit pour une bonne partie de l’assistance d’un moment inhabituel, ce petit monde va au spectacle et écarquille par avance des yeux émerveillés. Tant mieux, j’aime toujours que mes concitoyens s’extraient de leur chloroforme télévisé pour aller rencontrer la musique vivante. Et puis, alors que nous faisons la queue dehors, passent devant nous et entrent dans la salle toute les cohorte des invités d’une banque partenaire. Le genre de truc qui m’énerve : j’ai payé ma place et j’attends tranquillement ; eux non, et entrent avant l’ouverture des portes. Pas grave, pas grave…

    De toutes façons, il était inutile de s’énerver car le premier concert à venir, celui du quintette de Daniel Mille était plutôt placé sous le signe d’un certain recueillement. Cet accordéoniste, dont on recommandera l’écoute du dernier CD « Après la pluie » possède un sens inné de la mélodie. A ce sujet, je crois qu’il n’est pas inutile de rappeler à quel point justement l’idée même de la mélodie se doit d’être replacée au centre de la musique. On l'oublie parfois. Or, sans esbroufe, sans geste inutile, avec beaucoup de sérénité, Daniel Mille nous a interprété quelques thèmes splendides, au beau milieu desquels les silences ont aussi leur place, ce qui est une énorme qualité. Chez lui, l’urgence n’est pas de mise et l’on ressent une profonde émotion au moment où se font entendre des voix d’enfants qui jouent en introduction de la composition intitulée « Les Minots ». Cette musique est comme suspendue en l’air, un peu au-dessus de nos têtes et semble imprégnée d’une vraie sérénité. En relisant sa biographie, je découvre que Daniel Mille a fait appel pour son dernier disque à des musiciens dont il fut question ici récemment, tels Rémy Vignolo ou Eric Legnini. Je ne suis pas surpris, et je goûte rétrospectivement ces 75 minutes épurées en attendant de me replonger un peu plus tard dans l’univers un peu magique de ce grand monsieur.
     
    http://www.daniel-mille.com/

    Après cette si belle première partie, il allait falloir me convaincre de rester et ce n’est pas sans une certaine appréhension que je vis entrer sur la scène je ne sais combien de guitaristes (cinq je crois) accompagnés d’un contrebassiste : « Les enfants de Django » allaient faire déferler sur nous leurs torrents de notes, en arborant un sourire presque enfantin. Visiblement heureux d’être là, ils nous proposèrent un répertoire de jazz « manouche » dans la plus pure tradition, ce que Mr Monstrueux a l’habitude d’appeler « Les 24 heures du Manche ». Il m’est très difficile de commenter un tel concert : j’ai le plus profond respect pour tous ces musiciens, dont la sincérité et la gentillesse sont désarmantes, dont la virtuosité est flagrante mais… comment vous dire ? Je ne parviens pas à vibrer sur leur musique, il me semble plus honnête de l’écrire ici sans détour. « Minor swing » ou « Nuages » ne font pas partie de mes écoutes de chevet et je préfère laisser le plaisir d’en parler à celui ou celle qui sera mieux placé que moi. Une chose est certaine : le public, qui venait d’entendre exactement ce à quoi il s’attendait, et qui ne fut à aucun moment bousculé dans son confort auditif, a fait un triomphe à ses six musiciens. Ces derniers le méritaient amplement et tout était bien ainsi. Un joli de fête pour eux. Mais bon…

  • John le fou

    Chroniques du Nancy Jazz Pulsations 2006 – Episode 4
    Jeudi 19 octobre – Chapiteau de la Pépinière – Nancy


    Une carte blanche à John Zorn, héros de la scène jazz new yorkaise, c'est un événement hors du commun qui valait à n'en point douter un gros détour si besoin. C'est pourquoi, outre la compagnie de Mr Monstrueux (qui s'apprêtait à vivre 24 heures sans manger ni dormir tout en jouant sur scène, tout en faisant un aller retour à Paris et pour finir l'acquisition d'un canapé), j'eus le plaisir de recevoir à la maison un fan du saxophoniste, l'ami Kangou ! Les faits démontrèrent qu'il eut raison de venir car, de 20h30 à 23h45, nous allions vivre des instants fabuleux !

    Tout a commencé par une prestation en solo : armé de son seul saxophone alto, John Zorn nous a en quelque sorte raconté ses histoires. Derrière les stridences et les sonorités souvent inattendues (incluant celle d'un bec plongé dans un verre d'eau), il fallait entendre des personnages se chamailler, crier parfois quand ils ne pleuraient pas. On imaginait aussi que d'autres s'embrassaient. Mes voisins me firent part de leurs impressions qu'il me faut vous livrer ici : l'un me confia qu'il était abasourdi que, au-delà de cette improvisation presque parlée, il n'y avait dans le propos de John Zorn aucune répétition ; l'autre admirait la maîtrise parfaite de l'instrument, dans toutes ses tonalités. Une vraie performance, physique d'une part et imaginative d'autre part.
     
    Après une courte pause, John Zorn est revenu avec son quartet Masada acoustique : Greg Cohen (contrebasse), Dave Douglas (trompette) et Joey Baron (batterie) : un moment d'anthologie où souffla très fort l'esprit de l'inspirateur, le grand Ornette Coleman et où se mêlent des influences yiddish qui balaient tout sur leur passage. Ce concert fut comme un seul souffle, sans pause, nous étions embarqués avec le quartet vers des sommets dont il fut, avouons-le, très difficile de redescendre. J'ajouterai que je reste encore pétrifié d'admiration après le chorus somptueux de Joey Baron. Depuis qu'un beau jour de 1976, j'ai vu Magma sur scène, je reste en général sur ma faim lorsqu'un batteur nous propose un solo. Or, la prestation de Joey Baron fut si extraordinaire (tout y était : inventivité, musicalité, lui aussi à l'évidence nous contait une histoire) qu'elle va rester pour moi, c'est évident, un moment d'anthologie.
     
    Mais John Zorn avait décidé de nous achever avec un troisième concert, en trio cette fois - Pain Killer - avec le bassiste Bill Laswell et le batteur Tatsuda Yoshida. Est-ce l'effet de Masada ? D'un début de fatigue ? D'une proposition musicale moins étourdissante ? D'une rythmique un tantinet monolithique ? Pain Killer ne nous fit pas grimper vers des sommets aussi élevés que son prédécesseur et, pour débordante d'énergie qu'elle fut, cette dernière partie m'apparut comme en retrait malgré le déluge sonore qui nous était asséné. A réserver aux seuls amateurs de décibels...
     
    Au final, cette carte blanche à John Zorn fut une sorte de soirée OVNI comme j'en souhaite au moins une par vie à chacun d'entre vous. Et je dis un grand merci à John Zorn, qui travaille à notre survie en nous proposant un univers inconfortable certes, mais tellement passionnant. Une musique qui vous remue de l'intérieur et vous maintient en éveil.

  • Ahmad le Terrible

    Chroniques du Nancy Jazz Pulsations 2006 – Episode 3
    Mercredi 18 octobre – Chapiteau de la Pépinière – Nancy


    A l'annonce de la première partie - le trio réunissant André Ceccarelli (batterie), Joey Di Francesco (orgue) et Bireli Lagrene (guitare), Mr Monstrueux m'avait prévenu, surlignant son propos d'une moue un tantinet dubitative : je serais probablement déçu et il me faudrait probablement me contenter d'un super boeuf entre musiciens de grand talent qui nous proposeraient, à n'en pas douter, une série de standards... Hé hé ! Force est de reconnaître que le bougre n'avait pas tort. D'abord pour ce qui concerne le répertoire : ce fut effectivement une succession de standards (Nardis, Sophisticated Lady, Summertime, ...) interprétés avec brio mais sans cette étincelle de folie qui fait qu'un concert reste gravé longtemps dans nos mémoires. On sait où l'on est, on sait par avance où l'on va, mais on attend en vain le virage un peu brusque qui nous fera nous agripper à la portière dans la montée d'un col de haute montagne. Ici, c'est une conduite impeccable, la trajectoire est propre, la tenue de route excellente, mais... c'est conduite pépère tout de même. Et je le répète : ces trois artistes ont beau être de brillants instrumentistes, on est forcément déçu lorsque, happé dans l'ambiance si particulière du festival et plus particulièrement sous le chapiteau, le répertoire proposé n'est pas à la hauteur du moment. Autant on l'aurait volontiers dégusté dans un petit club de jazz en papotant tranquillement avec quelques amis autour d'une table, autant la même prestation dans ce cadre plus solennel semble un peu décalée. Et puis... je dois bien l'avouer, je reste toujours aussi insensible au jeu de guitare de Bireli Lagrene : virtuose oui, intsrumentiste de premier plan, oui encore mais... souvent trop de notes, comme s'il lui fallait impérativement combler tous les silences qui risquent d'interroger l'oreille de l'auditoire ! Ah, les charmes de l'entre notes ! Ici, il n'en fut pas question.
    Par conséquent, lorsque le second trio de la soirée fit son entrée sur scène, nous étions affamés de musique, bien loin d'être rassasiés par ce que nous venions d'écouter. Autant dire qu'avec Ahmad Jamal, nous allions changer de catégorie. Là, c'est un grand coup de piel au cul céleste qui, en quelques minutes, nous propulsa illico par dessus les nuages d'où les sphères musicales sont si belles à contempler. Le jeu de piano de ce grand monsieur (qui a dépassé les 75 ans je crois) est toujours aussi parfaitement identifiable, il martèle les touches avant de s'interrompre brusquement pour les caresser, les syncopes se multiplient, la complicité avec ses deux compères est jubilatoire. James Cammack tisse un énorme tapis de velours rythmique avec sa contrebasse pendant que l'infatigable Idriss Muhammad propulse cette belle machine rythmique avec cymbales et fûts (mention spéciale à sa tenue : béret blanc et lunettes rouges à larges montures qui lui donnaient un petit look façon Michel Serrault dans "La cage aux folles"). Nous avions enfin notre compte de musique. Ce fut un de ces moments de grâce dont on n'est jamais certain qu'on pourra les revivre un jour à nouveau. Et qui, vous vous en doutez, a filé à la vitesse de l'éclair. Comme toujours.

  • Donald & Eric

    Chroniques du Nancy Jazz Pulsations 2006 – Episode 2
    Samedi 14 octobre – Le Vertigo – Nancy


    Deuxième rendez-vous avec la musique vivante du NJP. Un concert qui a filé à la vitesse de la lumière, dans le cadre intimiste de la petite salle du Vertigo. Deux trios piano - contrebasse - batterie au menu, deux ambiances finalement assez différentes malgré une instrumentation identique.

    Je ne connaissais pas Donald Brown, j'avoue, j'avoue... Pourtant, sa carte de visite est des plus prestigieuses puisque ce monsieur à joué aux côtés de quelques noms tels que : Donald Byrd, Art Farmer, Freddie Hubbard, Milt Jackson, Toots Thielemans, Eddie Lockjaw Davis, Johny Griffin, ... excusez du peu, sans oublier bien entendu que notre homme s'est fait connaître en tant que membre des Jazz Messengers d'Art Blakey. Nous étions bien là en présence d'une pointure dont le jeu, qui passe des instants les plus mélodiques (en solo, à l'instar d'un Keith Jarrett) à des chorus beaucoup plus torturés et syncopés, est en perpétuel mouvement, presque comme en déséquilibre. Mais c'est sans compter deux acolytes hors pair : Billy Kilson à la batterie et, peut-être le héros de la soirée, Essiet Ekon Essiet à la contrebasse. Alors là, franchement, j'ai du mal à trouver mes mots car ce musicien est absolument ébouriffant ! Quelle présence ! Quelle force continue et quelle musicalité dans ses chorus ! Essiet Ekon Essiet est entré illico dans mon petit panthéon des contrebassistes pour venir y occuper une place de choix (à ses côtés, d'autres gamins comme Dave Holland ou Henri Texier). En me documentant, j'ai découvert sa carte de visite pour me rendre compte à quel point elle était elle aussi impressionnante. Jugez plutôt : Art Blakey et les Jazz Messengers (encore !), Adullah Ibrahim, Don Moye, Benny Golson, Freddie Hubbard, Bobby Hutcherson, Louis Hayes, Cedar Walton, Kenny Barron, Sam Rivers, George Adams, Kenny Garrett, Al Foster, Bobby Watson & Horizon, Kevin Mahogany, Mulgrew Miller, Geri Allen-Ralph Peterson, Blue Note Allstars et encore beaucoup d’autres. Alors comment nous étonner dans ces conditions que la musique qui nous était offerte était à ce point exceptionnelle ?

    Avec Eric Legnini, nous avions affaire à quelqu'un qui nous était d'emblée familier. Non pas parce que ce jeune homme (36 ans, c'est jeune, non ?) a déjà brillé aux côtés de Stefano Di Battista, de Stéphane Belmondo ou d'André Ceccarelli, mais parce qu'on détecte chez lui un sens inné de la mélodie. Quelque chose vous saute aux yeux, ou plutôt aux oreilles, lorsqu'il interprète la plupart des titres de son album ("Miss Soul" - Label Bleu) : tout cela chante incroyablement, notre homme compose des thèmes faussement simples dont le moins qu'on puisse dire est qu'ils pourraient aisément devenir instantanément des standards. Origines italiennes ? Probablement et les influences annoncées comme celle de la musique de Nino Rota ou du gospel ne font que renforcer cette impression heureuse. Eric Legnini nous raconte ses histoires et c'est bien volontiers qu'on le laisse nous entraîner à Rome ou ailleurs. A ses côtés, le solide Mathias Allamane à la contrebasse et les presque régional de l'étape Franck Agulhon à la batterie assurent une mise en couleurs harmonieuse et toute dédiée à l'énergie. Quoi ? Déjà fini ? Il est minuit 10 et le temps a passé bien trop vite.

    Bravo aux organisateurs qui ont eu le talent de nous composer une soirée aussi enthousiasmante et parfaitement harmonieuse.


    PS : mesdames et messieurs les fumeurs, lorsque la personne chargée d'annoncer la soirée demande très poliment de ne pas fumer dans la salle, pourriez-vous, s'il vous plaît, cesser de regarder le public - donc moi - avec vos yeux de merlan frit lorsque, négligemment et au mépris de la politesse la plus élémentaire, vous décidez d'en griller une et d'empuantir l'atmosphère ?

  • Sacré Fred !

    Chroniques du Nancy Jazz Pulsations 2006 – Episode 1
    Jeudi 12 octobre – Salle Poirel – Nancy


    C’est reparti ! Chaque année, nous consacrons plusieurs soirées à la musique vivante dans le cadre du Festival Nancy Jazz Pulsations. L’occasion pour moi de tenter de vous en retracer les grandes lignes et, plus égoïstement, de noter noir sur blanc des souvenirs qui ne demandent pas mieux que de s’effacer avec le temps. Notre épisode 1 s’inscrit d’ores et déjà comme l’une des plus belles soirées de musique qu’il nous ait été donné de connaître depuis un bon bout de temps et les bonheurs qui nous ont été offerts ne sont pas près, eux, de s’évanouir.

    Déjà, ils sont 17 sur scène ! Sous la conduite du bassiste arrangeur Fred Pallem (lunettes noires, costume et… baskets blanches), les musiciens du Sacre du Tympan, au look rétro savamment entretenu, ont tout balayé sur leur passage ! Passons sur la virtuosité de chacun des exécutants et arrêtons-nous plutôt sur la précision diabolique des arrangements, sur l’incroyable diversité des palettes sonores que le chef peut créer en combinant à l’infini les instruments dont il disposent : claviers, guitare, batterie, vibraphone, flûte, saxophones, trompettes, trombones… une invincible armada qui possède cette qualité irremplaçable du talent combiné à un vrai humour et à une belle dose d’imagination. Mais surtout, avec le Sacre du Tympan, je crois que nous étions tous un peu comme des enfants. Imaginez la bande originale d’un drôle de film un peu foutraque où se côtoieraient John Ford, Fellini, James Bond, Louis de Funès, Jacques Tati et même le cirque Pinder. Le Sacre du Tympan, c’est tout cela : une musique jubilatoire, roborative et ébouriffante. Son côté imprévisible fait aussi tout son charme : fermez un instant les yeux, vous êtes le passager d’une voiture des années 50 ou 60 (une grosse américaine, avec banquette à l’avant, des enjoliveurs blancs) qui filerait à un rythme un peu trop rapide sur une route nationale et puis, soudain, alors que son conducteur n’a même pas pris le soin de clignoter, vous voilà maintenant un peu ballotté sur une départementale au revêtement incertain. Ah, ça secoue, croyez-moi ! Vous vous accrochez comme vous le pouvez à la portière, vous jetez un coup d’œil à votre chauffeur qui, lui, est d’un calme olympien et vous regarde avec un sourire entendu. Tout va bien, on avance, on file même, on se laisse guider et on apprécie le paysage qui défile sur le côté. Voilà, vous êtes bien à bord du Sacre du Tympa, un peu assommé mais finalement très consentant. Fred Pallem a gentiment taquiné le public qui lui semblait « studieux » - un public en fait très calme entre les différents morceaux mais qui n’a pas ménagé ses applaudissements et a rappelé le groupe qui, pour l’occasion, a fait appel à un pianiste de luxe en la personne de Bojan Z… qu’on allait retrouver quelques minutes plus tard sur scène en trio. Oui, un public studieux mais surtout et d’abord enchanté !
    Le Sacre du Tympan : un beau moment de musique, un public aux anges, des échos souvent nostalgiques, un frisson garanti pour quiconque a gardé une âme d’enfant.
    J’en redemande !

    Bojan Z, lui, c’est autre chose. Ce pianiste qu’on avait découvert aux côtés du contrebassiste Henri Texier et à plusieurs reprises dans la formation de Julien Lourau est aussi un grand monsieur qui a déjà à son actif six albums sous son nom, dont le dernier, « Xenophonia » est une pure merveille. Avec lui, on entre dans un univers dont l’accès est, a priori, moins immédiat que celui de Fred Pallem, mais la beauté a ses secrets qu’une oreille curieuse a tôt fait de découvrir. On s’émerveille vite des sonorités que Bojan Z extirpe de ses claviers (piano, Fender Rhodes et « xenophone »), on vibre à la complicité qui s’établit en quelques secondes entre les musiciens, les dialogues se multiplient (piano / contrebasse, piano / batterie et contrebasse / batterie). Avec des pointures telles que Rémi Vignolo (contrebasse) et Ari Hoenig (batterie), Bojan Z peut s’exprimer en toute confiance et nous transporte vers de belles contrées dont on imagine qu’elles ne sont jamais très loin de ses terres natales, quelque part du côté de la Bosnie ou de la Serbie. S’il a choisi, pour d’évidentes raisons de commodité, de raccourcir son patronyme (Z pour Zulfikarpasic), monsieur Bojan n’a rien renié de ses origines. Toute cette richesse, il nous l’offre et nous l’acceptons avec joie. Nous étions bien là en présence d’une personnalité de premier plan et il était très important, essentiel même, d’en avoir conscience au moment même où sa musique nous imprégnait. Chapeau bas !

    Ces deux beaux concerts ont parfaitement démontré qu’on pouvait aisément marier exigence et accessibilité. Le public, venu nombreux dans la Salle Poirel, est visiblement ressorti conquis. Avec de tels musiciens, la cause de l’Art ne semble pas définitivement perdue…

    Retrouvez les héros du jour sur :

  • Jamais trop tard pour prendre le Trane en marche…

    Jazz Magazine consacre 25 pages de son numéro d’octobre à John Coltrane. Pour les aficionados du saxophoniste, ce n’est que justice rendue à celui qui aurait fêté ses 80 ans le 23 septembre dernier et un bien bon moment de lecture ; pour tous les autres, une excellente occasion d’entrer dans l’univers magique d’un des plus grands musiciens du vingtième siècle...

    medium_jazz_mag_coltrane.jpgUne longue et belle biographie, une sélection discographique intelligente d’une trentaine de disques – soit un exercice très périlleux car la production de John Coltrane fut vraiment foisonnante –, de beaux témoignages de musiciens qui, tous le reconnaissent, doivent quelque chose à Mr JC. Jazz Magazine a bien fait les choses et, bien que non intéressé à son chiffre d’affaires, je me permets de vous encourager à acquérir au plus vite ce numéro, à conserver précieusement.

    Né le 23 septembre 1926, John Coltrane est vraiment apparu sur le devant de la scène quelque trente ans plus tard, après une période d’apprentissage auprès de musiciens tels que John Hodges, et un rôle de sideman de premier plan dans le quintet de Miles Davis (de 1955 à 1960), pour apparaître ensuite aux yeux de tous comme une comète qui, pendant 10 ans – jusqu’à sa mort le 17 juillet 1967 – aura tout balayé sur son passage. Travailleur acharné, en perpétuelle quête d’une musique et d’un son universels, John Coltrane aura lutté jusqu’à son dernier souffle pour nous faire partager sa foi en une musique totale, dont on ne revient pas totalement intact. Pour s’en convaincre, il suffit d’écouter quelques versions successives de «My Favorite Things» – à l’origine une chanson extraite de la comédie musicale «La mélodie du bonheur» – depuis celle qu’il enregistra en octobre sur le disque éponyme et sa version incroyablement étirée (57 minutes) en juillet 1966 lors de sa tournée au Japon, en passant par de nombreuses autres disponibles sur des enregistrements live (cf. les tournées européennes en 1961 et 1962). On peut parler de transfiguration, de quête, de Cri (avec un C majuscule). John Coltrane tutoyait les anges et, pour avoir engagé un dialogue trop serré avec Dieu, l’a probablement rejoint trop vite. Trop vite pour nous en tous les cas.
    Au-delà de ses fulgurances, on retiendra – entre autres – sa somptueuse collaboration avec trois musiciens de 1960 à 1965 : Mc Coy Tyner (piano), Jimmy Garrison (contrebasse), Elvin Jones (batterie). Ce quartet magique enregistra des disques inégalés (citons en quelques uns : «A Love Supreme» (1964), «Crescent» (1964), «First Meditations For Quartet» (1965), «Sun Ship» (1965), «Coltrane» (1962)) et fut souvent augmenté de musiciens habités venus participer à l’aventure (comme Eric Dolphy que l’on retrouve sur «Live at the Village Vanguard» (1961) ou Archie Shepp et Pharoah Sanders sur «Ascension» (1965). Puis vint l’explosion à la fin de l’année 1965 : Elvin Jones supportait mal la concurrence que Coltrane lui imposa avec l’introduction d’un second batteur, Rashied Ali, et Mc Coy Tyner ne semblait plus se reconnaître dans la musique que jouait Coltrane vers la fin de sa vie. Une nouvelle formation se faisait jour, dans laquelle Alice Coltrane (piano, harpe) faisait elle aussi son apparition. Seul Jimmy Garrison resta fidèle jusqu’au dernier jour. On pourra retenir le disque «Offering» comme une sorte de testament discographique et lui adjoindre un enregistrement de la même époque, «Stellar Regions», publié en 1995 seulement !
    J’ai découvert Coltrane, comme on dit, sur le tard. N’ayant pas été «initié» au jazz dans mon enfance et mon adolescence, j’ai abordé l’univers du saxophoniste un beau jour, il y a 25 ans environ, parce que j’avais été très intrigué à la lecture d’interviews de Christian Vander (Magma) qui parlait de John (il en parle toujours ainsi) d’une façon si belle et humble que j’ai fini par vouloir en savoir plus. Pour lui, Coltrane était LA référence absolue. Je me suis acheté le 33 tours « My Favorite Things » et, depuis, j’ai quasiment tout acheté, en m’efforçant de mettre de l’ordre dans une discographie foisonnante et fortement évolutive. Pas évident de s’y retrouver quand on n’est pas spécialiste et je me permets de remercier ici le journaliste François-René Simon qui, en 1991, m’envoya un jour une longue lettre en réponse à une question que je posais à Jazz Magazine (déjà) pour essayer de m’y retrouver un peu. Son courrier était extrêmement documenté, il me suggérait un certain nombre de disques et fut pour moi d’une aide précieuse.
    Curieusement, la paternité que Vander exerça indirectement sur ma découverte de Coltrane s’est aujourd’hui comme inversée. Alors qu’au quotidien, je n’écoute plus la musique de Magma ou d’Offering que de façon assez épisodique, j’en reviens constamment à Coltrane, source inépuisable à laquelle je m’abreuve, mère nourricière à fort potentiel énergétique.
    Bien entendu, on pourra noter que parallèlement à ce travail de qualité produit ce mois-ci par Jazz Magazine, nos télévisions dites de service public ont été totalement muettes au sujet de John Coltrane. Doit-on s’en étonner ? Certainement pas. Elles ont beaucoup mieux à faire et pour avoir récemment zappé un peu au hasard sur France 2 avant-hier soir (« On a tout essayé ») et hier au journal de 13 heures, j’ai bien noté que l’événement culturel du moment était la sortie du nouveau disque d’Axelle Red, objet d’une promotion vraiment frénétique. Quand le conservatisme ambiant atteint un tel niveau de perfection, on ne peut que s’incliner et savoir d’avance que tous les artistes ayant choisi, à un  moment ou à un autre de leur parcours, de sortir des sentiers battus et de déranger sans forcément le vouloir l’ordre établi, seront passés sous silence. N’oublions jamais qu’en 1960, alors qu’il se produisait à l’Olympia avec Miles Davis, une partie du public siffla copieusement Coltrane (un double CD en témoigne sans la moindre ambiguïté…) dont les interventions bousculaient joyeusement les codes de l’époque et qu’en 1966 – soit un an avant sa mort – il fut déprogrammé de plusieurs concerts auxquels il devait participer parce que sa musique sortait trop du cadre un peu étriqué des normes établies par les tenants du « vrai jazz ». Alors la télévision en 2006… vous imaginez bien à quel point elle se contrefout d’un musicien imprévisible et délivré des chaînes, qui nous a quittés voici près de 40 ans maintenant.
    Et merci, une fois encore, à toute l’équipe de Jazz Magazine.

  • Happy birthday, Mr Reich !

    C'est un événement artistique majeur ! Durant le mois de novembre, le compositeur américain Steve Reich sera en France pour une très brève série de concerts avec ses musiciens. Après Paris le 14, il passera dès le lendemain par Chalons-en-Champagne avant de rallier Caen puis Grenoble. Quatre concerts, qui se joueront très probablement à guichets fermés compte-tenu de la notoriété de ce musicien majeur et du nombre très limité de ses apparitions sur scène. Un événment, vous dis-je !

    Cette mini tournée 2006 sera l'occasion pour Steve Reich d'interpréter en avant-première sa nouvelle oeuvre, "Daniel Variations", en hommage au journaliste américain Daniel Pearl, assassiné en 2002 au Pakistan. Cette création sera suivie par une interprétation de "Music For 18 Musicians", l'une des compositions phares de Steve Reich, et dont la genèse remonte aux années 1974 à 1976.
     
    J'écris cette note aujourd'hui car en ce 3 octobre 2006, Steve Reich fête ses 70 ans.
     
    Définir la musique de Steve Reich est une entreprise plutôt ardue : les spécialistes aiment à le ranger dans la "boîte" des compositeurs dits minimalistes, et l'on pourra également le trouver rattaché au mouvement de la musique sérielle ou répétitive. Mais cette manière de le classer est forcément réductrice. Une résumé plutôt fidèle nous est donné sur le site Internet de Néosphères :

    "Steve Reich est l'un des chefs de file du courant minimaliste en musique. Au tournant des années 60, il transpose ses recherches sur le déphasage de bandes enregistrées pour des compositions acoustiques. Il explore ainsi la répétition de motifs mélodiques et rythmiques. Ses recherches continuelles l'amènent à s'intéresser aux musiques traditionnelles (ghanéennes, balinaises et hébraïques notamment) et à adopter les nouvellestechnologies musicales (synthétiseur, sampler...). De Sonic Youth à Bang on a Can de DJ Spooky à Coldcut, beaucoup reconnaissent en Steve Reich une influence majeure."
     
    "Music for 18 musicians" est certainement l'un des plus beaux exemples de ses études sur les gamelans balinais et c'est une chance inouie de pouvoir s'en régaler très prochainement en présence du compositeur.
     
    Pour avoir pris le temps d'écouter l'essentiel de sa discographie, qui se trouve concentrée dans un magnifique coffret de 10 CD : "Works 1965-1995", et plutôt que de présenter la musique de Steve Reich sous l'angle de ses nombreuses sources d'inspiration, j'en viendrais plutôt à mettre en avant l'idée de "couleurs sonores" qui vous hypnotisent très vite et dont les motifs proviennent de la fusion née du mariage d'instruments tels que le piano, les percussions (marimbas, xylophones, vibraphone), le violon et le violoncelle ainsi que les clarinettes, auxquels viennent souvent se superposer les voix humaines. Steve Reich peut aussi utiliser des sons de la vie quotidienne qu'il sample pour les réinjecter ensuite dans sa musique, comme ce fut le cas il y a une dizaine d'années avec le très beau "City Life". L'univers créé par Steve Reich est absolument unique, il peut parfois dérouter si l'on n'accepte pas l'idée que le déroulement d'une oeuvre nécessite répétition de motifs et enchevêtrements de rythmes parfois complexes. Oui, on peut être totalement hermétique à la musique de Steve Reich. Comme à toute autre. Mais celui qui abordera son univers avec l'envie de se laisser embarquer sans la moindre appréhension sera très vite récompensé. Un peu plus haut dans cette note, j'ai employé à dessein le verbe hypnotiser car je pense qu'il traduit au plus près l'effet produit par la rencontre avec sa musique.
     
    J'ai reçu ce choc voici quelques années grâce à la complicité d'un ami qui m'a fait découvrir la musique de Steve Reich. Inutile de dire que je me suis empressé de lui faire part de la bonne nouvelle et qu'il y a fort à parier que nous nous retrouverons dans moins d'un mois et demi, quelque part du côté de Chalons-en-Champagne... ville où réside un certain Ô Brother... et que j'ai incité à faire connaissance avec cet incroyable aventure musicale. D'ici là, je vais patienter, spéculer, imaginer, essayer de deviner la fièvre qui nous gagnera petit à petit, à l'approche d'un moment rare que nous dégusterons en conscience, sachant dès à présent que nous serons en train de vivre des instants probablement uniques.
     
    Pour en savoir un peu plus : le site officiel de Steve Reich
     
    Bonus... un petit extrait de "Music For 18 Musicians", qui devrait forcément vous donner envie de tout écouter !