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WHAT ELSE ? - Page 11

  • Petits bonheurs en direct...

    Je m'aperçois, à la relecture de quelques unes de mes notes, qu'il est souvent question de ces moments privilégiés dont on n'a pas forcément conscience au moment où on les vit. Rétrospectivement, on éprouve une sensation de nostalgie, voire de regret lorsqu'on se rend compte qu'on n'a pas forcément vécu ces instants avec toute l'intensité qu'ils méritaient. Et l'on est parfois saisi de ce drôle de vertige né de la perception du temps qui passe, qui passe... Fort heureusement, je viens - à 48 heures d'intervalle - de faire l'expérience inverse, c'est-à-dire vivre des petits moments d'intimité familiale dont j'ai compris au moment même où j'en étais l'un des acteurs / spectateurs qu'ils resteraient inscrits dans ma mémoire. Ils n'ont rien d'extraordinaire en ce sens que leur évocation ne vous sera pas forcément passionnante mais ils étaient, conjugaison du verbe être, tout simplement. Et c'est un cadeau d'une valeur inestimable.

    Mardi 2 janvier 2006
    : nos enfants (respectivement 25 et 22 ans, je tiens à la rappeler, car à leur évocation, vous pourriez penser parfois qu'ils en ont quinze de moins) ont décidé leurs parents - enfin, après des mois d'une lutte acharnée - à découvrir cet incroyable univers qu'on appelle IKEA (entreprise mondiale d'origine suédoise dont le patron, richissime, a pris l'élémentaire précaution de réfugier ses avoirs en Suisse et dont tous les articles sont fabriqués en Chine, au Viet-Nam, en Turquie, en Roumanie, au Portugal, mais semble-t-il rarement en Suède, contrairement à ce que pensent bon nombre de personnes. Si la paternité de cette enseigne est nordique, sa philosophie est, elle, purement mercantile et désireuse de bichonner ses rentiers actionnaires). Faut dire que Madame Maître Chronique et moi-même ne prisons guère ces hyper-méga-marchés impersonnels et monotones où la foule peut passer des journées entières à farfouiller dans les moindres recoins d'un énorme hangar, où chacun de vos pas est méthodiquement dirigé grâce à un fléchage au sol vous indiquant la pertinence de votre trajet, vous confirmant que vous vous dirigez inexorablement vers le stade ultime des achats en nombre. Attention mes amis : pas question de marcher à l'envers, suivez les flèches, respectez les consignes et arrangez-vous pour qu'au fil de votre déambulation, vous ayez acquis suffisamment de besoins spontanés pour qu'au stade final - un énorme entrepôt au niveau inférieur, juste avant les caisses - vous libériez tous vos instincts acheteurs et remplissiez un hétéroclite caddy composé de verres de tables, de housses de couettes, de tapis, de balais à cabinet, de boîtes à outils et autres babioles auxquelles vous n'aviez pas accordé l'esquisse d'un début de pensée une heure auparavant. Et en plus, il tombe des cordes en Lorraine, comme chaque année, la grisaille a installé ses quartiers d'hiver pour une bonne douzaine de mois. Un bonus magnifique pour couronner votre expédition car vous mettrez un terme à cette dernière en sprintant sur le parking, drivant votre caddy avec une maestria que vous envierait n'importe quel pilote de rallye.
    Et pourtant... moi j'étais là, durant ces trois heures, un peu hébété, je n'avais besoin de rien en réalité mais je jouissais du petit bonheur que je vivais : j'avais ma petite tribu autour de moi, ma progéniture avait l'air de passer un bon moment, chacun de nos enfants invita même l'un de ses parents au restaurant local (une sorte de cantine pour clients, où la nourriture n'était pas si mauvaise que ça, reconnaissons-le), et lorsque nous étions attablés, sur nos chaises hautes, à contempler le paysage lorrain gris et un peu sinistre, j'aurais voulu que le temps s'arrête. J'étais bien dans ce drôle d'endroit, pourtant radicalement opposé à ma géographie intérieure. Allez comprendre...

    Jeudi 4 janvier 2006
    : petit repas de famille au deuxième étage de notre maison. Dans la cheminée, un feu de bois nous apporte chaleur et lumière, tout doucement, la température ambiante atteint 20 degrés et beaucoup plus à côté du foyer, une bonne bouteille de vin d'Arbois fait monter le rose aux joues des convives. Et ce vieux rhum de Cuba, 15 ans d'âge... sympa, non ? Un peu plus loin dans la grande pièce aux murs de pierre et aux poutres de chêne massif, les hauts parleurs de l'ordinateur réconfortent nos oreilles avec un vieux disque de Pink Floyd ou des Beatles, avant les mélopées indiennes de Shakti. Puis c'est le tour de Brad Meldhau en solo à Tokyo. La qualité est là, c'est important, même en ces circonstances, de ne pas oublier qu'une exigence minimale ne peut pas nuire. On s'amuse d'un jeu de société ou d'un jeu de cartes. Le temps s'est arrêté pendant quelques heures. La grisaille et la pluie du dehors sont loin de nous.

    Je n'ai aucune prédisposition au bonheur : je ne parviens pas en effet à me glisser dans la peau de celui qui, quelque part dans sa maison ou dans un coin ombragé de son jardin, contemplerait ce qui l'entoure en se disant : "Je suis heureux !". Le monde va trop mal pour que je puisse, ne serait-ce qu'un instant, avancer vers cet état que, pourtant, nous cherchons tous plus ou moins. Mais il faut une sacrée dose d'égoïsme pour parvenir à s'extraire ainsi de son environnement et n'en plus percevoir toutes les violences au point d'envisager le bonheur comme une possibilité. Ou bien faudrait-il être totalement ignorant...
     
    Je crois vraiment en revanche à la quête de ces instants fugaces, tous ces petits bonheurs que l'on parvient - ou non - à attraper au vol en se disant que la vie est trop courte pour ne pas rester conscient en permanence des cadeaux qui nous sont faits. Carpe diem. Je viens d'en recevoir quelques uns, tout récemment, et c'était bien ainsi. Je guette dès à présent l'apparition des prochains !

  • Je me souviens -- 1

    Je me souviens de l'été 1973. Les vacances d'été en famille étaient plutôt rares pour nous et cette année-là, fait qui rétrospectivement me semble encore totalement exceptionnel, mon père - qui était inspecteur des impôts - me proposa de travailler avec lui durant quelques semaines. Ce fut, je crois, l'occasion unique de découvrir un versant de sa personnalité que le quotidien ne m'avait pas permis de connaître, tant il était finalement peu loquace sur ses activités professionnelles. Trente-trois ans plus tard, je me dis qu'il me fit là un bien beau cadeau, même si, sur le moment, je n'en appréciai pas forcément la saveur.

    Une partie du travail de mon père consistait à procéder, dans les communes avoisinantes et sur un rayon d'une bonne quarantaine de kilomètres, à un recensement des habitations et de leurs occupants. Pour dire les choses simplement, il s'agissait de vérifier que chacun occupait bien la place déclarée aux services fiscaux et, éventuellement, de régulariser les situations qui auraient connu d'une année à l'autre des modifications. Dit comme cela, la chose ne vous paraitra guère passionnante et il est vrai que l'entreprise avait quelque chose de fastidieux. Mais c'est ailleurs que résidait le charme de ces micro-expéditions à l'assaut des petits villages voisins de la ville de Verdun. Tout d'abord, il nous fallait rassembler un aréopage composé du maire de la commune et de quelques conseillers municipaux qui connaissaient tout de la vie de leur commune. Ensuite, réunis autour d'une table, nous entamions le relevé avec méthode : mon père énonçait les noms des habitants et moi, fiévreusement, je cherchais dans un grand registre les coordonnées de l'individu (vous savez, un peu comme lorsque vous allez voter, il y a ce type un peu sourd qui, à l'appel de votre numéro, chausse ses lunettes et débusque votre nom dans une liste, essaie vainement de le prononcer correctement et vous demande de signer à l'envers dans une case bien trop petite pour votre paraphe) et nous confrontions alors la situation écrite avec ce que pouvaient nous confirmer ou non les administrés présents. Et ainsi de suite, d'habitant en habitant, de village en village.

    Oh, bien sûr, certains villages étaient expédiés en peu de temps, eu égard au nombre de leurs habitants ; d'autres nécessitaient plus de temps. Là n'était pas la question pour moi. Et puis, c'était aussi mon premier travail salarié.

    Pour la première fois, je pouvais contempler mon père sous un jour nouveau : il était connu de tous ces gens qui le saluaient, respectaient son travail, louaient son esprit de méthode et sa courtoisie. Il avait en quelque sorte creusé son petit trou et affirmé une personnalité qu'il n'importait pas forcément à l'intérieur des murs familiaux où il préférait visiblement se nicher dans le confort et une forme de sécurité créés par ma mère qui prenait en charge tous les aspects domestiques de la vie quotidienne. Et je pense que, sans le dire, il était content de m'avoir montré cette "face cachée", comme s'il avait voulu me dire : "Tu vois, je fais bien mon travail". Lorsqu'il était en activité dans sa sphère professionnelle, il était comme au centre de quelque chose, il devait probablement se sentir acteur de ses heures. Et ceux qui travaillaient avec lui semblaient toujours élogieux à son sujet.

    Pour finir sur cet été 1973, l'été de mes 15 ans, je me souviens aussi de ces moments très particuliers où, n'ayant pas le temps de rentrer déjeuner à la maison, nous devions nous arrêter dans un restaurant. Là aussi, il était accueilli comme quelqu'un que l'on connaissait, une sorte d'habitué qui aurait eu sa serviette et une bouteille entamée, nous mangions en tête à tête, sans échanger beaucoup de paroles. J'étais aux côtés d'un autre père, plus autonome, pas plus bavard qu'à l'habitude mais légèrement différent.

    Comme s'il avait voulu me montrer ce qu'il ne se sentait pas capable de dire. 

  • Flamme

    Allez, un symbole : que ce feu qui brûlait hier soir et cette nuit dans la cheminée de la Maison Rose, là-haut, tout là-haut dans ce refuge que nous avons appelé le Chalet Suisse (sans que, pour autant, Madame Maître Chronique et moi-même ne demandions la nationalité helvétique...) soit un peu le reflet de l'énergie qui nous habite.

    medium_feu_063112.jpg
     
    Chaleur et lumière ! 

     

  • On continue ?

    medium_mc_061229jpg.jpgIl paraît que nous sommes au moment des bilans et des bonnes résolutions. Pourquoi maintenant et pas hier ? Je l'ignore. Nous avons changé d'année, certes, mais quand je regarde par la fenêtre, j'ai bien l'impression que mon ciel d'aujourd'hui est très voisin de celui d'hier. D'ailleurs, je me sens totalement incapable d'avoir une position originale sur ce genre de sujet et vous ne devrez pas compter sur moi pour vous proposer un panorama rétrospectif de ce monde chaque jour plus compliqué et des conséquences concrètes de nos habitudes de vie sur l'évolution climatique de la planète. Je ne pense pas que nous vivions en 2007 dans un univers plus violent ou cruel qu'autrefois et je suis toujours très intrigué par les bouffées de nostalgie un peu niaise qui laissent certains penser qu'avant c'était mieux... J'ai même lu quelque part - mais où, je ne me souviens plus - un commentaire évoquant une époque où les êtres humains auraient été "intacts"... Que je sache, l'histoire de l'humanité n'est que violence, sauvagerie et cruautés depuis ses origines. Avec de belles avancées dans la connaissance et la réflexion, celles-ci étant probablement les seules armes dont l'être humain dispose pour se défendre et avancer sur son propre chemin. Des armes très redoutées de toutes les dictatures (religieuses, politiques ou économiques) qui, lorsqu'elles s'instaurent, cherchent en premier lieu à les éradiquer.

    Mais aujourd'hui, notre monde est devenu tout petit, tout petit et le moindre soubresaut à l'autre bout de la planète nous est aussi familier que s'il se produisait au coin de notre rue. Et les images nous sont assénées jusqu'à plus soif. C'est peut-être cela qui nous laisse cette idée d'une violence accrue.

    Euh... j'arrête, je vais finir par devenir sérieux !

    Ah si, quand même, je voulais tout de même remercier les principaux acteurs de la campagne électorale française qui nous ont permis d'apprendre, enfin, que la Terre se réchauffait, qu'il y avait plein de sans abri et aussi beaucoup de gens sans travail ou très pauvres même lorsqu'ils en ont. Je suis heureux de constater que nos élus ou souhaitant l'être ont pris sur leur temps personnel à des fins de recherche et, ayant trouvé toutes ces informations inédites, ont eu la délicatesse de nous faire partager leurs trouvailles... Merci à eux donc !

    Pour le reste, c'est-à-dire la vie de ce blog, je retiens de cette année 2006 qu'elle ne fut probablement pas aussi prolixe que je l'aurais souhaitée même si, panne de pace maker aidant, j'ai pu à certains moments disposer de suffisamment de temps pour raconter deux ou trois choses un peu originales (enfin, c'est ce que je pense...). Cela dit, l'année écoulée m'a permis de rencontrer tout de même de vaillants et passionnants interlocuteurs dont je lis régulièrement les textes. Je ne cite personne et ajouterai petit à petit les liens ici même vers leurs espaces. De toutes façons, ils se reconnaitront. Rien que pour ces échanges, ces rencontres pour l'instant écrites uniquement et peut-être un jour réelles, je suis heureux d'être aujourd'hui membre d'une petite communauté qui privilégie le signe à l'image et cherche l'enrichissement mutuel par la confrontation des idées et des évocations. Mon pessimisme naturel s'en trouve un peu adouci et je me donne l'illusion, ainsi, de combattre un peu la vulgarité ambiante. En toute modestie, bien sûr... mais acte de résistance néanmoins.

    Il y a eu aussi la naissance du blog de mon Quiet Man de frère avec toutes ses chroniques musicales, ses souvenirs et aussi ce défi que nous nous étions lancé au printemps : écrire à deux voix, chacun de notre côté, un texte évoquant les mêmes souvenirs. Bel exercice, très stimulant, qu'au final j'ai regroupé en un seul petit livret que nous avons offert à notre mère. Qui en aurait eu les larmes aux yeux, si j'ai bien compris ce qu'elle m'a dit. A ce sujet, j'en appelle dès maintenant à la plume fraternelle : recommençons ! Et, sans en dire plus car je sais qu'il comprendra très vite de quoi je parle, je propose la rédaction d'une note dont le thème sera une date très précise : le 1er mai 1971 !!! Et je nous donne un mois pour écrire ce texte, ce qui signifie que nous mettrons en ligne ce travail le 1er février 2007. Pari tenu ? Monsieur Quiet Man, RSVP !

    J'ai aussi tout un tas de choses à vous raconter : autour de la musique bien sûr, car j'aimerais essayer de mettre noir sur blanc l'histoire de mes amours musicales, depuis le début. Faire comprendre ses trajectoires, ses évolutions, ses enrichissements. Et m'apercevoir qu'à peu de choses près, les reniements n'existent pas même si certaines passions ne sont plus aussi vives qu'avant, pendant que d'autres sont apparues et s'avèrent durables. Un peu comme un arbre dont on évalue l'âge en comptant les couches successives de son écorce. Il y aussi ce texte - commencé mais pas totalement abouti - consacré à "Rock Bottom", le chef d'oeuvre de Robert Wyatt, que je considère comme l'un des disques majeurs de la seconde moitié du XXe siècle. Et plein d'autres...

    J'ai aussi en tête une série de textes sur le thème, non de la "méditronique" mais de la "thrombochronique", parce que c'est une partie de mon histoire dont les enseignements méritent à mon sens d'être partagés. Je réfléchis aussi à un nouvelle rubrique (absolument pas inédite, je n'aurais pas cette prétention) appelée "Je me souviens" : de courts textes (ça vous changera, hein ?), parfois de simples phrases, comme l'avait fait le grand Georges Pérec (attention, je ne me compare pas... je ne suis pas fou et je m'autoriserai ponctuation ainsi que la lettre "e"...).

    Voilà, elles sont là mes résolutions. Modestes mais écrites, ce qui est pour moi une forme d'engagement. Et accompagnées de mes voeux pour l'année 2007. Pour conclure, je reprendrai ici la formule qu'avait employée un beau jour un ami musicien : Pain, Santé, Amour et Fantaisie.

  • La grenouille est enfumée

    Tiens, c'est bientôt Noël, et pendant que certains d'entre vous galopent d'un magasin à l'autre pour garnir leur sapin clignotant, pendant que d'autres aussi aimeraient bien avoir un sapin à garnir et cherchent un coin pour l'abriter, je m'en vais - très égoïstement - pousser un petit coup de gueule. Pour une fois... Reconnaissez que je n'ai pas abusé des emportements et que, comme on dit, une fois n'est pas coutume. Et je dédie cette note à Patrick Gauthier qui, depuis peu, a entrepris une nouvelle aventure : arrêter de fumer ! Courage Patrick, si tu n'y arrives pas, relis cette chronique, je suis certain qu'elle t'aidera !

    Je vous plante le décor : hier soir, à Nancy, vers 21 heures, dans un club appelé le Blue Note où les musiciens de frogNstein nous avaient convié à un concert auquel participaient quelques invités, dont notre Mr Monstrueux de fils au saxophone. Il s'agissait de finir l'année en beauté et d'annoncer la sortie, au premier semestre prochain, du premier disque du groupe, "Electrify My Soul". Or donc, imaginez que, pour une fois, je ne vais pas vous parler de musique (ben oui... chacun ses moments de faiblesse) car même si ces deux bonnes heures de concert furent bien chargées en énergie et en talents multiples, malgré une sonorisation parfois agressive (mention spéciale la caisse claire qui m'a brutalisé le tympan gauche au point que j'ai passé les trois quarts de la soirée avec un doigt occultant mon oreille gauche), la difficulté était ailleurs et c'est le souffle court que nous quittâmes les lieux vers minuit et quelque... pressés de respirer, enfin !

    Le Blue Note, c'est une cave, avec ses voûtes, son ambiance tamisée, ses tabourets bas inconfortables (pour nos lombaires de quinquagénaires en tous cas...), sa scène riquiqui, ses spectateurs qui ont parfois du mal à se taire lorsque les musiciens sont sur scène, c'est un lieu où la plupart des gens se connaissent : musiciens, amis des musiciens, parents des musiciens, amis des amis, amis des parents, parents des amis... C'est ainsi qu'on peut facilement remplir le caveau à tel point que la plupart des gens sont obligés rester debout. Et c'est aussi une étuve où la circulation de l'air ne semble pas répondre aux exigences les plus élémentaires. Fort heureusement, il n'y avait pas de commission de sécurité dans tout ce gentil aréopage...

    Alors, arrivés en premier avec quelques amis parce que nous voulions être assis, débarrassés illico de notre première couche (le manteau), c'est assez vite que nous dûmes poursuivre l'exercice en quittant écharpe puis pull-over. Très bien, la chemise blanche (devenue bleu fluo pour une raison optique qui m'échappe) n'avait plus qu'à bien se tenir et au prix d'un ultime retournement de manches, j'arborais enfin la tenue adéquate lorsque les musiciens montèrent sur scène en entamèrent le premier des deux sets.

    Adéquate ? Pas si sûr... Car je crois qu'il me manquait l'arme fatale, l'outil indispensable en ce genre de moments : un bon vieux masque à gaz ! Car figurez-vous que notre public, bien dense, bien tassé, bien debout, un verre à la main et malgré l'exigüité des lieux, trouva une solution ingénieuse et à la limite de l'acrobatie pour confier une mission particulièrement pénible à la seconde main : la clope ! Et ça fume, et ça refume... Avec de ma part un merci tout particulier aux deux pétasses, debout jusque-là, qui sont subitement venues se poser juste devant moi et m'ont fait largement profiter de leurs essences nicotiniennes répétées. C'est quand même bizarre ce machin là : tu ne demandes rien, t'es bien tranquille à écouter de la musique et tu vois le nuage bleuté ennemi foncer directement vers tes narines qui n'en veulent pas. Etrangement, les deux fumeuses, elles ont pas l'air gênées du tout par le produit de leurs très méthodiques expirations (mais bordel, vous pouvez pas vous la garder à 100% à l'intérieur de vos poumons, votre fumée ? Z'êtes vraiment obligées de souffler comme ça ? Comme ça, tout le monde serait content : les fumeurs seraient fumeurs intégraux et les non fumeurs pourraient... le rester. Oui, parce qu'il est bien là le problème : moi, j'oblige pas les fumeurs à devenir non fumeurs, je m'en fous de leurs poumons noircis, je veux juste que les non fumeurs puissent le rester, c'est tout de même pas compliqué...).

    Alors, très vite, on se serait crû dans un bouquin de Lucky Luke, vous savez, quand il est au saloon et - flip flap, il ouvre la porte - pour découvrir un épais nuage rasant le plafond avant qu'il ne retombe au moment du refroidissement sur les naseaux des piliers du comptoir. Ben là, c'était la même chose sauf que les piliers, c'étaient des gens comme nous - et en plus on picolait même pas - dont certains durent abandonner la partie à mi-parcours parce que l'atmosphère devenait vraiment irrespirable.

    Franchement, je n'aurai qu'un mot : c'est dégueulasse ! Je veux pas jouer les vieux cons (m'enfin, de toutes façons, j'assume et puis c'est bien parfois d'être un vieux con) mais je trouve que la ligne jaune était largement franchie hier soir et c'était une pitié d'entendre les musiciens eux-mêmes se plaindre de l'enfumage avant de revenir sur scène pour le final. Et qu'on ne vienne pas me miauler dans les trompes d'Eustache le jour où les mesures prises seront beaucoup plus coercitives. Fallait pas commencer et abuser à ce point. Surtout que toute cette moiteur tabagique avait sur nous une conséquence extrêmement désagréable : oui, mes amis, dans la voiture qui nous ramenait chez nous, ça schlinguait sévère, on aurait dit que je conduisais un cendrier refroidi. Beurk !

    Quant au final, croyez-moi, il fut épique : à peine entrés dans la Maison Rose, pas question de propager plus loin la puanteur et c'est sans attendre que nous mîmes la main sur un flacon de Fébrèze afin de tuer les odeurs néfastes. Pschiiit, pschiiit, pschiiit, pschiiit... ah, je te jure ! La moitié du machin y est passée, sur l'écharpe italienne toute neuve cadeau de ma soeur, sur le gilet noir, sur les manteaux, et vas-y que je  t'accroche tout ça dans la buanderie. Et pour finir, voilà que je me retrouve comme un con en slip dans l'entrée, et en plus je me les gèle parce que la porte d'entrée est partiellement vitrée et qu'il fait un froid de canard dehors. Donc, ça fait un peu frigo. Cette fois, c'est bon, y a plus rien à désodoriser (enfin, j'espère...) et on grimpe l'escalier en se débarrassant des ultimes oripeaux avant de poser le premier pied sur la moquette de la chambre parce qu'il nous paraît vital de préserver cet ultime sanctuaire olfactif. Tu parles d'un final poétique...

    Et puis, histoire de bien dormir, on empoigne le bouquin en cours dont on sait qu'on ne lira pas plus de cinq pages avant de vaciller. Pas de bol, j'en suis juste au moment où le personnage principal, malade comme un chien, nous expose avec force détails la chronique de sa diarrhée.

    C'était pas le jour des parfums subtils...

  • Ah si j'étais Reich !

    Je vous l'avais promis : voilà maintenant un mois jour pour jour que j'ai assisté au concert donné par Steve Reich et ses musiciens à Châlons-en-Champagne. Un concert magnifique dans une salle élégante à l'acoustique impeccable. Mon plus beau concert ? Pas impossible…

    J'avais évoqué depuis longtemps la perspective de cette soirée avec Quiet Man – qui habite au pied de la cathédrale de Châlons-en-Champagne – et ce n'est pas sans surprise qu'il me téléphona très rapidement pour m'informer qu'il avait non seulement acheté la place que je lui avais demandé d'acquérir pour moi mais qu'en outre il viendrait avec moi. J'allais donc pouvoir, peut-être, faire découvrir un environnement musical nouveau à celui qui, voici plusieurs décennies maintenant, m'en avait fait connaître tellement ! Et ce n'est pas sans un réel plaisir que je pus débarquer du train peu avant 19h30, attendu par mon frère et son amie JaPal. Le temps d'engloutir en quatrième vitesse un sandwich, nous étions déjà repartis en direction de la salle de concert où quelques grappes de spectateurs attendaient déjà, alors que nous étions à plus de 30 minutes du début de cette soirée.

    Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais j'adore arriver un peu à l'avance. J'observe, je savoure, éventuellement je bavarde si je ne suis pas seul. C'est un peu comme une mise en condition, il faut que je m'imprègne de l'atmosphère des lieux avant de m'engouffrer et de m'installer, si possible en bonne place !

    Donc tout va bien : la salle est belle (une sorte d'amphithéâtre tout de bois vêtu), les fauteuils sont confortables et les rangées suffisamment espacées pour que nos jambes génétiquement programmées dans le sens de la longueur puissent y trouver leurs aises. Et puis, sur scène, il y déjà de quoi observer : quatre pianos, des marimbas, des vibraphones et des xylophones. On devine la place qu'occuperont les quatre chanteurs ainsi que le quatuor à cordes, là, devant nous, au centre de la scène. En observant les coulisses, on entrevoit de nombreuses chemises blanches qui s'affairent, on ne peut pas à proprement parler d'uniforme, mais il y a, semble-t-il, une tenue des musiciens. J'ai beau chercher, je ne vois pas Steve Reich mais c'est normal, certainement, il fera son apparition au dernier moment.

    C'est parti, tout le monde est sur scène et le chef d'orchestre arrive au pas de charge, il salue très brièvement le public et installe le silence avant le début de la création qu'on nous a annoncée, "Daniel Variations", en hommage au journaliste américain Daniel Pearl assassiné en Afghanistan voici quelques années. C'est bizarre tout de même : ce mec debout devant nous, même si nous ne le voyons que de dos, ne ressemble guère à Steve Reich et là… franchement, même si la musique interprétée est belle (dans la droite ligne de "You are"), je commence à m'inquiéter. Un peu tout de même. C'est magnifique d'écouter une si belle création mais je voulais tellement le voir, lui, diriger ses musiciens. Alors je consulte le programme, il y a bien écrit le nom du chef d'orchestre (désolé, j'ai oublié) mais aussi la mention "Steve Reich & Musicians". Au bout de 30 minutes, j'ai fait le maximum d'efforts pour que cette absence ne parasite pas trop mon écoute mais je reste un peu perplexe. On m'aurait menti ? J'aurais pris le train de 17h42 pour ne voir qu'un clone ?

    Mais non, je suis en train de me raconter des histoires car notre chef d'orchestre, sous les applaudissements, désigne d'un bras confraternel un homme qui se tient derrière la console de mixage. Et là, pas le moindre doute : la casquette me dévoile instantanément son identité, Steve Reich est bien parmi nous et va monter sur scène pour prendre part à l'interprétation de l'une de ses œuvres majeures : "Music for 18 musicians". Il faut le voir, d'une discrétion et d'une simplicité exemplaires, installer lui-même les instruments : il déplace les pianos, les percussions, on devine que rien ne sera laissé au hasard et que nous sommes bien en présence d'un grand monsieur. J'allais dire un grand jeune homme car il est bien difficile de deviner qu'il vient tout juste de fêter ses 70 printemps. Si j'ai l'espoir de me tenir comme lui au même âge, alors là, mes amis, je signe tout de suite des deux mains et j'envisagerai même une prolongation si possible.

    Quiet Man et JaPal, bien qu'a priori assez étrangers à la musique qu'ils viennent d'écouter, ont les oreilles suffisamment ouvertes et curieuses pour apprécier la création et ils semblent visiblement contents d'être là. C'est une découverte artistique dont le caractère hypnotique leur plaît et j'en suis fort content. Au moins, je sais désormais que j'aurai pu rendre une toute petite partie de la monnaie discographique que mon frère m'avait offerte en son temps !

    Deuxième longue et belle ligne droite – une heure environ – qui nous mène vers des espaces magiques, ceux de "Music for 18 musicians"  où chacun occupe une place qui semble stratégique : les voix, les cordes et les clarinettes sont les respirations – jusqu'au bout du souffle – sur un canevas percussif et rythmique assez démoniaque. Les trames s'entrecroisent, les décalages infimes montrent la complexité de la composition qui, malgré tout, ne présente aucune difficulté à l'écoute. C'est comme un torrent de montagne qui s'écoule paisiblement en ricochant sur les pierres millénaires, imperturbable, ancestral même (il y a là une influence très nette des gamelans balinais), créant un climat totalement intemporel, dégagé de toutes les modes.

    Steve Reich marquera l'histoire de la musique du XXe siècle (rappelons que ses premières œuvres remontent aux années 1960), j'en ai toujours été convaincu. Et son attitude sur scène, exemplaire, nous apporte la preuve – s'il en était besoin – qu'il est aussi un grand monsieur. Il est aux côtés de ses musiciens, il partage leur travail (il faut avoir les vus au moins une fois se relayer aux marimbas sans que votre oreille soit en mesure de déceler le changement d'interprète ; il faut avoir admiré le travail titanesque de cette pianiste qui, une heure durant, aura répété le même motif rythmique avec une précision quasi-surhumaine ; il faut avoir deviné ces échanges de regards, à peine esquissés, à travers lesquels Steve Reich transmet des informations), rien ne le distingue de l'un d'entre eux.

    A ce moment précis du concert, quelques minutes avant la fin, je suis sous le charme, j'ai peur aussi que tout cela se termine bientôt.
    Et la salle réservera à ces artistes l'ovation qu'ils méritent amplement, avec quatre rappels je crois. Je ne suis pas peu fier, d'ailleurs, d'avoir fait lever tout le monde pour un ultime hommage.
    Et pour répondre à la question que je me posais en introduction, il est fort probable que je venais d'assister là à l'une de mes plus belles soirées de musique.

    Quiet Man et JaPal n'ont pas regretté cette exploration d'un univers inédit. Alors pour moi, tout était bien, à ceci près que l'emploi du temps avait empêché Madame Maître Chronique d'être de la fête. Et que je suis plus que certain qu'elle aurait adoré. Et puis, passer une soirée à Châlons-en-Champagne, c'était aussi l'occasion de nous retrouver autour d'une bonne bouteille, vous savez, ce vin local avec des bulles ?

    Monsieur Reich : MERCI !

  • Grenouille électro

    En attendant ce beau jour de mars 2007 qui verra la publication officielle de "Electrify My Soul", premier CD du projet frogNstein, j'ai la chance de m'en régaler à l'avance puisque Mr Monstrueux, qui participe au projet, m'en a rapporté un exemplaire.
    Autant vous le dire, cette aventure initiée par Cédric Hanriot (piano, claviers, machines) et Bertrand Beruard (basse, contrebasse) s'avère des plus réjouissantes ! Voilà un disque dont la tonicité va faire du bien, d'autant qu'elle s'applique à une véritable ambition musicale où inventivité et virtuosité confèrent à l'ensemble un cachet particulièrement efficace.
    "Akoustik Way", "Funky Booster", "Hip N Hop", "Igwana"... et quelques autres compositions originales dont on qualifiera l'inspiration d'électro-funky-jazz... vous attendent pour bientôt et c'est avec un grand plaisir que je vous en rappellerai la sortie au moment opportun.

  • Drôle de chemin

    La vie est curieuse parfois… Aujourd'hui, un soleil hivernal brille sur la ville et je contemple le ciel bleu. La température est plus que fraîche mais il règne ici comme une sorte de sourire météorologique. Je m'y sens plus à l'aise que lors de ces étranges et récentes périodes où le mercure restait bloqué à un niveau largement supérieur à celui qu'il aurait dû respecter compte tenu du calendrier.
    Le quotidien est rythmé par le boulot qui s'accumule. C'est bien d'avoir du travail, et c'est encore mieux d'avoir conscience de la chance qu'on a d'en exercer un.
    Ma machine à stimuler le cœur fonctionne parfaitement : ses ultimes réglages, au mois de juillet, ont fait disparaître les alertes désagréables qu'il me lançait, provoquant parfois comme de petits étouffements. Finalement, les dernières évolutions technologiques ne m'étaient pas si nécessaires que ça.
    Il y a des disques magnifiques qui sortent en ce moment, d'autres – bien plus anciens – font l'objet de réédition à des prix fort séduisants. De beaux bouquins aussi, certains vous prennent à la gorge d'ailleurs.
    Alors on sait qu'on est un privilégié dans ce monde qui, tout autour, tout près, plus loin, va mal et nous offre la démonstration de la barbarie humaine et de la veulerie appliquée à la satisfaction des égoïsmes les plus invraisemblables.
    Donc, on se dit que l'on a de la chance.
    Oui mais…
    Mais savoir que l'un de ses enfants se sent mal, ça fait mal, très mal. Surtout lorsque l'on se trouve désarmé au point de se demander à chaque fois quel sera le bon geste, quelle sera la bonne parole. On envoie des petits ballons dans l'air, avec dedans – on l'espère – une petite dose d'oxygène à partager. Mais on n'est jamais certain que cette assistance respiratoire arrive à bon port.
    Et puis, comme tout papa, comme toute maman, on est maladroit, la bonne parole n'arrive pas exactement au bon moment, on hésite, on regrette une attitude pas assez réfléchie, on craint d'avoir produit l'effet inverse à celui que l'on désirait obtenir.
    On a la certitude des erreurs commises et la volonté farouche de ne jamais les reproduire, mais on n'efface pas si vite le passé et l'avenir est souvent bien difficile à dessiner.
    On est fragile, prêt à donner, à recevoir aussi. On a la volonté d'être comme neuf à chaque instant.
    Mais quel chemin ardu !

  • Encore quelques jours...

    Oui, encore quelques jours et je sortirai de ce long tunnel qui m'empêche de nourrir correctement ce blog chéri. Décidément, le mois de novembre aura été pour lui d'une bien cruelle aridité...
    Mais je suis là, bien là, et je vais revenir avec plein de choses à vous raconter. Je crois que vous n'échapperez pas à ma chronique d'une soirée champenoise en compagnie de Quiet Man et JaPal. Un moment de musique magique en compagnie d'un grand monsieur pour qui j'ai depuis belle lurette la plus totale admiration : Steve Reich. Oui mes amis, j'ai pu - enfin ! - assister à l'un de ses concerts avec ses 18 musiciens et pour ne rien au monde je ne voudrais vous priver de l'évocation de ce bonheur.
    Ce sera pour bientôt. En attendant, je m'engloutis à nouveau dans le boulot pour attaquer une semaine de 60 heures et je savoure à l'avance le plaisir des lignes futures.
    medium_Steve_Reich.jpgNéanmoins, je vous fais cadeau d'un cliché pris à la volée de son téléphone par Quiet Man : où l'on voit Steve Reich, tout en discrétion et modestie, installer lui-même pianos, marimbas et autres xylophones avant l'interprétation du sublime "Music for 18 musicians".
    A très bientôt ! Et merci à mes deux compagnons champenois pour cette si belle soirée !

  • 50 !

    Madame Maître Chronique fête aujourd'hui même son cinquantième anniversaire, ce que ses airs de jeune dame ne laisseraient pas forcément deviner. Prise par ses habituelles occupations, elle ne m'a pas laissé d'autre choix, tout à l'heure, que de fêter dignement cet événement en invitant Mr Monstrueux à manger au restaurant. Puisque les femmes de la maison délaissent leurs hommes (rappelons que La Fraise est en exil à l'Eglise des Dunes et qu'à la faveur de quelques rares retours en sa Lorraine natale, elle nous préfère la compagnie so British de son Lad), ces derniers n'ont pas d'autre choix que de se serrer les coudes. Pas vrai ?
    Alors qu'est-ce qu'on dit ? Happy birthday, Madame Maître Chronique !