Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

WHAT ELSE ? - Page 7

  • Les absents ont raison

    Des centaines de photos rangées, des albums, des cartes postales, des lettres.
    Une multitude d'objets posés ici et là, un peu partout, chargés d'histoire ou pas.
    Des vêtements, des draps, des chaussures, des chapeaux.
    Des cadres aux murs, des souvenirs instantanés.
    Un poste de télévision silencieux, un magnétoscope hors d'usage, des postes de radio muets.
    Des provisions.
    Des journaux, des dictionnaires, des livres en pagaille.
    De petits carnets racontant des histoires brèves, le quotidien.
    Des flacons d'eau de toilette vides.
    Des meubles abandonnés.
    Des lits vides.
    Des armoires pleines, qu'il faut vider.
    Des tapis, des coussins, des draps.
    Des volets fermés.
    Une vie arrêtée.
    Une histoire qui a pris fin.
    Des enfants qui essaient de ranger, de donner, de jeter, sans en avoir la moindre envie.
    Déménager deux vies, le coeur serré.
    L'envie aussi de ne pas terminer la journée sans penser à autre chose.
    Une idée, comme ça, sans réfléchir. Profitons des bons moments quand ils se présentent.
    Retrouvons-nous autour d'une table avant de nous séparer, le temps passe trop vite. Racontons quelques bêtises, laissons le rire venir.
    Ils sont partis, ils sont tellements absents mais ils nous parlent. Ils nous invitent à ne pas les oublier, à ne pas nous oublier. Ils ont tellement raison.
    La vie doit continuer.
    Elle va continuer.

  • Un mois

    Un mois déjà en effet que, jour pour jour, j'ai vu ma mère vivante pour la dernière fois. J'avais bien compris ce jour-là qu'elle se laissait aller à un drôle d'abandon : elle ne mangeait presque pas, elle avait beaucoup maigri d'ailleurs, ses repères temporels se brouillaient dans cet univers gris et mutique du centre de rééducation de l'hôpital où la conversation des voisines de chambre se limitait à un silence à peine zébré des sons émis par une télévision qu'elle ne regardait même plus, elle restait presque sans réaction face à certaines nouvelles qui, trois mois plus tôt, provoquaient encore chez elle un refus catégorique - preuve de sa volonté de s'accrocher un peu à la vie - comme la perspective d'être transférée dans un centre de moyen séjour qui lui rappelait de trop pénibles souvenirs, ceux de la maladie de mon père et de la souffrance. Même l'annonce, sèche, de la nécessité de son placement en maison de retraite, assénée sans trop de ménagement par le médecin chef venu lui rendre visite cet après-midi là, n'avait suscité de sa part aucun commentaire. Elle avait pourtant bien entendu, mais écoutait-elle encore ?
    Nous l'avions trouvée, Madame Maître Chronique et moi, alitée en ce morne début d'après-midi. Pas normal. Parce que, pour ne déranger personne, elle avait essayé de se lever toute seule la nuit, sans allumer, sans appeler personne. Pour ne pas déranger... sa hantise. Une chute, un bleu sur le côté de l'oeil droit. Et l'interdiction, désormais, de dormir sans barrières métalliques. Finie la marche avec les béquilles, désormais mises au placard, retour du déambulateur. Retour en arrière. Cruel échec pour celle qui, peu de temps auparavant, avait passé un mois en la Maison Rose, pour celle qui n'avait pas ménagé ses efforts et s'était appliquée méthodiquement aux exercices donnés par la kinésithérapeute, jusqu'à parvenir à marcher presque normalement, avec une seule béquille, sans pouvoir toutefois masquer la petite grimace de douleur, pour elle qui avait réussi à monter une marche, puis deux, puis l'escalier en entier, puis à le descendre, puis à recommencer. Oui, recommencer.
    Désillusion pour celle qui, en route vers l'hôpital où elle était attendue pour une simple visite de contrôle avant de prendre la route avec sa fille et de passer quelque temps en région parisienne, chantait dans la voiture des chansons d'Edith Piaf avec sa petite-fille. Avant d'apprendre, une heure plus tard, qu'une nouvelle opération de la hanche serait nécessaire. A cet instant précis, son regard a croisé le mien, je lui ai serré la main très fort. J'ai lu dans ses yeux une infinie tristesse, beaucoup de détresse aussi.
    Comme si elle savait déjà que toute cette histoire allait connaître une fin proche, comme si d'une certaine façon, elle avait pris une sombre décision.
    Pourtant, elle restait attentive à certaines choses, à certains gestes : elle m'avait fait remarquer qu'elle n'avait jamais vu mon sac... et elle avait bien raison car je l'avais acheté quelques jours plus tôt. Et lorsque la semaine suivante, je lui avais dit au téléphone que nous ne pourrions lui rendre visite en raison d'un léger malaise provoqué chez moi par une brutale chute de tension, elle avait si bien enregistré et diffusé l'information auprès de ses autres enfants que ceux-ci me téléphonèrent très vite pour prendre de mes nouvelles.
    J'aurais dû toutefois comprendre qu'elle nous délivrait déjà un message.
    Un message que j'avais peut-être partiellement reçu, sans oser toutefois penser plus loin : j'ai le souvenir très précis ce jour-là, après la visite du médecin, d'en avoir fait au téléphone un bref compte-rendu à ma soeur et je me rappelle avoir évoqué avec elle la perspective désagréable de l'appartement qu'il faudrait vider. Probablement parce qu'il avait été question de maison de retraite et donc d'une nouvelle organisation à trouver. J'imaginais déjà les cent-cinq mètres carrés à vider, les meubles à déménager, les objets à conserver, ceux à donner... Une tâche douloureuse qui nous incombe maintenant et dont nous devons nous délivrer dans les prochains jours.
    Sa fin de vie me laisse un goût très amer d'inachevé. Car ce samedi 12 mai 2007, ma mère profita, une des dernière fois pour elle probablement, de la visite du médecin pour lui dire combien, malgré tout, elle se sentait privilégiée d'avoir vécu 55 ans avec son mari, d'avoir eu 4 enfants, 6 petits-enfants, 2 arrières-petites-filles, tous vivants. Elle était fière de nous tous, nous étions sa réussite. Elle ne vivait plus que par nous depuis la mort de mon père. Et dans la conversation, elle raconta, comme elle en avait l'habitude, mon entrée à l'école en 1962. J'avais d'abord été "inscrit" un an auparavant... tout en restant auprès d'elle à la maison car elle semblait peu pressée de me voir partir, moi, son "petit dernier". Alors on pourra comprendre que mon voeu le plus cher aurait été de lui rendre la pareille et de l'accompagner au plus loin, de lui tenir la main jusqu'à la dernière heure. Elle m'avait aidé à entrer dans la vie, j'aurais voulu l'aider à franchir le cap de l'autre monde. Mais la grande roue de son histoire en a décidé autrement et, à peine vingt-quatre heures après son admission dans ce centre de moyen séjour dont elle redoutait tellement qu'il la confronte avec tous ces souvenirs funestes, ce jeudi 24 mai 2007, elle s'envola, en quelques minutes, après avoir dîné. Son coeur l'abandonnait. Malgré un examen cardiaque "normal" quelques heures auparavant, elle fut soudain prise d'un malaise qui l'empêchait de "retenir sa respiration" - ce sont ses propres mots, merveilleusement transmis par sa voisine de chambre qui tint absolument à nous faire part des heures agréables qu'elle avait pu passer avec elle. "Elle était si intelligente, si gentille. Nous étions devenues comme des amies en quelques heures. Je tenais à vous le dire."
    J'avais encore longuement parlé au téléphone le matin même à ma mère, je lui avais comme à chaque fois prodigué des encouragements, pour qu'elle s'accroche et qu'elle revienne vivre parmi nous, je lui avais promis que nous ferions tout notre possible pour qu'elle vive à nos côtés, nous avions même ri une dernière fois quand je lui expliquai qu'elle allait peut-être rencontrer un beau jeune homme... Et ses dernières paroles avaient été pour les miens, qu'il fallait que j'embrasse bien fort. "Salut mon gamin", tels furent ses derniers mots pour moi.
    Elle avait 81 ans et malgré la fatigue des dernières semaines, elle n'avait rien d'un vieillard, elle savait rester digne. Je me plais à imaginer que, consciemment ou non, elle a choisi de partir ce soir-là. Vite. Sans attendre la décrépitude. Pour ne pas déranger.
    Un départ qui lui ressemble beaucoup.

  • L'eau ferri... ferrunig... ferruge... ferrugineuse

    Bon, cette fois, ça y est... Les hommes de la rupture sont au pouvoir pour cinq ans au moins, avec la bénédiction du peuple français. La majorité sortante va très prochainement devenir encore plus majoritaire et sera en mesure d'appliquer le programme qu'elle aurait tout aussi bien pu mettre en oeuvre en 2002 mais... allez savoir pourquoi ? elle s'en était abstenue. Probablement parce qu'entre les tonitruants effets d'annonce électoraux et la réalité du quotidien, il est un gouffre difficile à franchir lorsqu'on n'est plus en campagne.
    Chiffrées à plus de 11 milliards d'euros, les premières mesures auraient fait bondir, que dis-je, hurler, les économistes en chambre chantres du libéralisme de bon ton figarotique ou TF1-esque, si elles avaient été décidées par n'importe quel autre gouvernement. Au lieu de quoi nos journalistes dévots bêlent et se tortillent de bonheur. Tiens, ce matin encore, mon idole Jean-Marc Sylvestre sur France Inter ne savait plus comment s'y prendre pour cacher son plaisir. TOUT VA BIEN MADAME LA MARQUISE ! Ah, quel beau monde dans lequel nous vivons désormais. Dormez bien, on s'occupe de vous et si nécessaire, on vous oindra les zones idioines d'une petite couche de Star Ac, de Droit de Savoir ou de Cauet Machin pour faire passer la pilule.
    Parce que pilule il y aura. On frémit d'avance à l'idée que la première à faire avaler sera celle d'une augmentation de la TVA, ou comment faire payer par tous les "petits avantages" accordés à quelques uns.
    Et puis on s'en fout après tout, l'essentiel n'est pas là... Le plus important n'est-il pas que Notre Dame de Sarkozie puisse, en toute tranquillité, lancer les travaux d'aménagement de sa piscine à Fort Brégançon ? Se trouvera-t-il ici un esprit chagrin pour ne pas considérer qu'il est tout à fait normal qu'un dispositif de surveillance rapprochée, aux frais du contribuable bien sûr, soit déployé pour lui permettre de se consacrer régulièrement à une petite séance de shopping dans les boutiques chic de Saint Trop' ? Shopping et jogging, nos deux nouvelles mamelles.
    Vivons heureux en cette nouvelle république et soyons fiers de notre pays. Un point c'est tout...
    Cela étant dit, je suis inquiet néanmoins.
    Notre altesse sérénissime, le Mahatmah Ghrandi, supportera-t-il durablement le traitement que ses nouvelles fonctions vont lui imposer ? A en juger par les néfastes conséquences, très perceptibles pour un oeil non exercé, de ses premières rencontres au tout récent sommet du G8, on peut effectivement se poser la question.
    Et, soit dit en passant, la télévision Belge a fait preuve à ce sujet de beaucoup plus de sollicitude que nos médias hexagonaux à qui, semble-t-il, cette information a complètement échappé, mystérieusement... Honte sur eux, bandes d'ingrats.
    Je vous laisse juges...

  • Epique Epok

    9f16ad6a41a81a14b983043904a39e0b.jpgJ'ai reçu ce matin le troisième volume de la série de DVD - "Mythes et Légendes 35 ans de musique" - retraçant les quatre semaines de concerts donnés par Magma dans le cadre intime et chaleureux du Triton en mai et juin 2005. Cette "epok 3", pour reprendre une terminolgie dûment estampillée kobaïenne, est passionnante à plus d'un titre. D'une part en raison du répertoire proposé : "Köhntarkösz" (1973) tout d'abord, l'oeuvre majeure du groupe (ce jugement n'engageant que moi il est vrai, mais je sais que nous sommes nombreux à penser ainsi), majestueuse et intemporelle, longue quête de plus de 30 minutes d'un homme qui "plonge en lui-même, gravissant degré après degré les profondeurs de la conscience", ainsi qu'une version au final non achevé de ce qui sera le prochain disque du groupe, "Ëmëhntëht-Rê" (1976), et dont on connaît il est vrai depuis longtemps une grande partie des mouvements qui le composent ; une autre grande suite que Magma a remis sur le métier depuis son concert à l'Olympia en janvier 2005. Sans oublier l'aérien "Lïhns", très peu joué sur scène et deux extraits du disque "Attahk", "Nono" et "The Last Seven Minutes". Avec en bonus une seconde version de cette dernière composition, mais dans un cadrage 100% Vander qui ravira les admirateurs, voire les groupies énamourées, du batteur aux bras et torse velus. Et puis... et puis, je m'autorise un petit clin d'oeil à mon amie Stella pour lui faire savoir ici combien j'apprécie la justesse de sa prestation, en particulier sur "The Last Seven Minutes" ; elle aussi semble goûter tout particulièrement ce répertoire à très haute teneur énergétique.

    Ce qui, par ailleurs, suscite l'intérêt dans cette nouvelle production, ce sont les retrouvailles avec Benoît Widemann, dont le mini-Moog fait merveille. Ce musicien élégant et raffiné apporte à la musique de Christian Vander une coloration unique et chatoyante, toute en subtilité et volubilité (ce que permet l'instrument à condition d'en être un expert, et tel est bien le cas...) comme sur les splendides chorus qu'il donne sur "Köhntarkösz". On est heureux de pouvoir admirer son talent incomparable et je me permets de préciser ici que notre homme aux claviers magiques viendra faire un nouveau petit tour avec Magma dans le cadre de la prochaine édition des Nancy Jazz Pulsations, en octobre prochain, pour un condensé en deux soirées des quatre "epok". Avis aux amateurs donc. D'autant qu'un autre monstre sacré de la galaxie Magma sera de la partie, en la personne de Jannick Top. La scène de "L'Autre Canal" va vite passer dans la quatrième dimension ! Ambiance surchauffée (et pour notre bonheur à tous sans fumée) assurée, les organisateurs peuvent se frotter les mains dès à présent.

    Ce DVD tombe à pic par ailleurs parce qu'il sera disponible dès lundi lors de la nouvelle semaine que Magma va passer au Triton, du 11 au 16 juin. Et j'imagine très aisément que les hordes de fans - dont l'inconditionnalité inaltérable, habillée de noir et décorée d'une menaçante griffe dorée, marque de fabrique du groupe depuis le premier jour, est quasiment sans équivalent dans le monde de la passion musicale au point, pour certains, de tenir Christian Vander pour plus qu'un musicien extraordinaire, ce qu'il est à n'en point douter, mais comme un maître à penser, ce qui est une autre paire de manches... ou de baguettes devrais-je dire - vont se ruer sur le stand de Seventh Records pour en faire l'acquisition. Que les impatients cependant n'espèrent pas se mettre dans les oreilles des nouveautés dans le répertoire que le groupe proposera la semaine prochaine. A priori, la "nouvelle musique" de Christian Vander n'est pas à l'ordre du jour et Magma va continuer, comme il le fait depuis décembre 1996 et à l'exception de quelques trop rares et courtes compositions inédites ("La ballade" par exemple), à revisiter son répertoire, dont la quasi intégralité, faut-il le rappeler, fut composé durant la première moitié des années 70, avec un incroyable prolixité ! N'oublions que le dernier disque studio en date de Magma, "K.A", bien qu'enregistré pour la première fois en 2004, est constitué d'une longue suite composée... en 1973 ! Mais que les magmaphiles de tout poil n'en oublient pas pour autant de savourer les premières parties de cette série de cinq concerts, et en particulier le très beau Ellul Noomi, dont il fut question ici lors de la sortie de son premier disque sur Ex-Tension Records.

    On attendra désormais avec gourmandise le dernier volet de la saga "Mythes et Légendes" avec une "epok 4" où deux jeunes soufflants (Aymeric Avice et Hugues Mayot) seront de la fête pour une interprétation de la dernière grande oeuvre de Magma, "Zëss" (qui sera bientôt certifiée 30 ans d'âge... et qui pourrait être - mais je mets beaucoup de réserve et de conditionnel dans mon propos - le prochain gros chantier en studio lorsque le travail sur "Ëmëhntëht-Rê" sera achevé) et de "K.A". Avec en prime sur cette ultime DVD deux autres belles mais courtes compositions : "Otis" (dédié à Otis Redding bien sûr) et "The night we died".

    Quant à tous ceux d'entre vous qui ne pourront pas se déplacer, il leur reste une manière très simple de se procurer dès lundi ces beaux témoignages en allant naviguer du côté de la boutique de Seventh Records.

    Enfin, pour ce qui est de la suite qui sera donnée à l'épopée Magma, elle reste un mystère typiquement vanderien que l'on résumera par cette phrase présente sur bien des pochettes du groupe : "To be continued..."
    MAGMA :
    - Stella VANDER : chant, percussions
    - Antoine PAGANOTTI : chant
    - Himiko PAGANOTTI : chant, percussions
    - Isabelle FEUILLEBOIS : chant, percussions
    - James MAC GAW : guitare
    - Emmanuel BORGHI : Fender, claviers
    - Benoît WIDEMANN : Fender, claviers
    - Philippe BUSSONNET : basse
    - Christian VANDER : batterie, chant

  • Le Lann Top : le mariage du ciel et de la terre

    Ah qu’il fait du bien ce disque ! Je vous ferai grâce du contexte personnel et des heures difficiles vécues concomitamment à sa découverte même si, peut-être, finalement, il aura été un soutien précieux pendant ces jours de larmes. Je préfère de très loin évoquer ici toutes ses qualités : une belle énergie, le bonheur des retrouvailles avec deux musiciens qui se faisaient décidément trop discrets sur la scène hexagonale, l’idée que la confrontation de deux personnalités qu’on n’attendait pas forcément côte à côte a donné naissance à un vrai projet artistique qu’on voudrait croire durable.

    e79a742050417b6c792b8215975658d3.jpgFaisons rapidement les présentations : ci-devant monsieur Eric Le Lann, trompettiste breton de son état, qui s’est illustré depuis plus de vingt-cinq ans auprès de grands messieurs tels que René Urtreger, Jean-François Jenny-Clarke, Henri Texier, Bernard Lubat, Patrice Caratini sans oublier Martial Solal. Les jazzophiles auront même pu le reconnaître à l’affiche du film de Bertrand Tavernier, « Autour de Minuit ». Eric Le Lann a également eu l’occasion de créer son propre quartet dans les années 80 mais s’était éloigné de la scène depuis une bonne dizaine d’années, donnant la priorité – et on ne saurait le blâmer – à ses deux filles jumelles ainsi qu’à la création d’une école de musique en Bretagne. Le Lann est un musicien lyrique, habité, aérien, qui commençait à nous manquer sérieusement.
     
    Quant à son complice Jannick Top, est-il utile de le présenter, lui qui avait totalement investi l’univers magmaïen de Christian Vander à l’époque de « MDK » ou « Köhntarkösz » dans la première moitié des années 70, avant de se lancer dans une aventure sans lendemain baptisée Vandertop ? Un duo explosif pour une série de concerts en 1976, qui restent encore dans les mémoires de quelques aficionados. Après quoi il décida d’investir le champ de la variété française et de proposer ses services à quelques célébrités dont le moins qu’on puisse dire est qu’elles ne font pas partie de mon univers artistique … Oh, il y eut bien la création du label Utopic Records et l’édition de quelques précieux enregistrements ; il y eut aussi d’épisodiques retrouvailles avec Magma en mai 2005, qui suscitèrent les railleries de quelques fans encore coincés dans leurs vieux souvenirs et qui hurlèrent au blasphème au prétexte que monsieur Top avait eu l’idée saugrenue de glisser une suite de Bach dans un chorus. Une suite de basse en quelque sorte. La rumeur bruissait également d’un possible nouveau disque sur lequel Christian Vander himself serait aux baguettes (information confirmée depuis et même au-delà puisqu’il semble bien que d’autres membres de l’équipage Magma soient venus faire un petit tour en studio). N’étant pas musicien, je ne saurais vous expliquer correctement en quoi le jeu de Top est si particulier ni même vous décrire la puissance de son son (j’aime bien ça, son son !). Les musicologues vous expliqueront qu’il accorde sa basse comme un violoncelle, un octave plus bas. Pour faire beaucoup plus simple, nous dirons que notre Jannick aimé a un son énorme qui vous vrille les tripes à la première mesure. Si Eric Le Lann est le ciel, lui est la Terre et ses entrailles, sa musique gronde et l’on ne rappellera jamais assez à quel point la part qu’il prit dans l’aventure Magma fut déterminante, contribuant pleinement à l’avènement de « Köhntarkösz », qui reste de très loin la plus belle réussite discographique du groupe et dont, par ailleurs, le propos « philosophique » suscite le moins de polémiques. Ici, point de peuple qui s’évanouit dans l’espace sous les injonctions de celui qu’il tenait pour un tyran, point de suspecte dissolution du moi dans la soumission à un être supérieur. Non, plus simplement, le cheminement d’un être pas à pas dans les degrés de la conscience. Ce qui, on en conviendra, est déjà tout un programme.

    C’est bien gentil tout ça, mais je m’éloigne du sujet. Revenons donc à nous gloutons : d’un côté, les chaudes envolées jazzy, quand il ne s’agit pas de cris lancés crânement au vent d’une tempête annoncée, par une trompette dont la sourdine n’est pas sans nous rappeler celle d’un certain Miles ; de l’autre les assauts rageurs d’une basse qui emporte tout sur son passage et propulse tous les musiciens vers les hauteurs stratosphériques d’une musique retrouvée. L’histoire veut que chacun des deux musiciens ait apporté son lot de compositions et qu’après une mise en commun, tous deux aient décidé de les co-signer. Soit. On n’aura néanmoins aucune difficulté à identifier les origines génétiques de chacun des neuf titres, inutile donc d’en appeler à une recherche en paternité ni à un test ADN. Que celui qui osera me dire, par exemple, qu’une composition telle que « Spirit » n’est pas d’une certaine façon la parfaite continuité d’un « Soleil d’Ork » (remember « Üdü Wüdü) me jette sa première corde ! Qu’il essaie de me convaincre que « Mysterious City », après deux premières minutes très clairement inspirées du « Matin des Noire » d’Archie Shepp, ne lui explose pas au visage comme le firent en leur temps des compositions entrées dans la légende kobaïenne ! Non, les parentèles sont bien identifiées et pourtant, leur juxtaposition fonctionne parfaitement. Il y a en effet une surprenante complémentarité entre deux univers qu’on n’aurait pas forcément imaginé voir se marier d’une façon aussi naturelle. Eric Le Lann crée la respiration là où Jannick Top vous prend à la gorge et leurs forces unies tendent vers un équilibre où l’angoisse rôde certes, mais parfaitement stable. Et il serait injuste de ne pas citer les musiciens qui, à leurs côtés, contribuent pleinement à la réussite de ce projet dont on aimerait se convaincre qu’il va durer : Damien Schmitt à la batterie et Lionel Louéké à la guitare et au chant, sans oublier quelques amis de passage comme le guitariste Jean-Marie Ecay.

    « Le Lann Top », disque résolument convaincant, va s’installer durablement en haut de la pile de vos CD de chevet et si, tel ce grand monsieur contrebassiste récemment rencontré, vous n’avez pas l’heur de disposer d’un chevet, débrouillez-vous pour le glisser en bonne place sur votre iPod préféré ou tout autre compagnon de voyage et vous en régaler les écoutilles. Vous vous en sentirez instantanément beaucoup mieux !!!

    A commander d’urgence sur www.nocturne.fr !
    En attendant cet achat hautement recommandé, prenez un vivifiant acompte en écoutant un petit extrait du disque appelé «Middle Access»…
     

  • Misérables…

    J’ai un peu hésité à vous raconter cette histoire navrante, pensant d’abord que le récit de la veulerie et de la médiocrité n’avait pas sa place sur les pages de Maître Chronique. Et puis, non, c’était décidément trop idiot de taire les comportements les plus bas. Alors j’ai choisi d’en parler ici.

    « Quand les cons voleront à midi, il fera nuit. » (Michel Audiard)

    Imaginez quelle put être avant-hier soir la réaction de ma sœur de retour chez elle, après les obsèques de notre mère et une journée chargée en pleurs et tristesse, malgré le plaisir des retrouvailles avec des êtres chers qu’on ne voit, malheureusement, que trop rarement et bien souvent en ces pénibles circonstances. Après aussi un voyage en voiture de plusieurs heures vers la région parisienne, dont on imagine aisément qu’il ne baigna pas dans une ambiance particulièrement légère ni joyeuse. Ouvrant sa boîte aux lettres, elle découvrit une enveloppe matelassée, expédiée par je ne sais plus quel sinistre personnage – neveu, beau-frère, cousin, après tout quelle importance – sorte d’exécuteur des basses œuvres de la propriétaire de la défunte. Une lettre qui avait été postée, semble-t-il, au plus tard le vendredi 25 mai à 15 heures, le cachet de la Poste faisant, comme on dit, foi. Ce courrier, adressé sans le moindre mot qui aurait pu témoigner du minimum de compassion pour la famille endeuillée, n’était rien d’autre qu’un décompte de charges à régler sans attendre pour l’année 2006, selon un calcul qui, depuis des décennies d’ailleurs, était loin d’être au désavantage des propriétaires, trop heureux d’avoir trouvé depuis plus de trente ans des locataires payant rubis sur l’ongle loyers et taxes diverses, sans jamais s’élever vraiment contre une pratique qu’ils auraient pu légitimement contester s’ils avaient été animés d’un esprit un tant soit peu procédurier. Mais ceci est une autre histoire… mes parents étaient pacifiques avant tout, tous ceux qui les ont bien connus pourront vous le confirmer.

    Rétrospectivement, on est donc obligé de comprendre que cette propriétaire, petite femme inexistante, qui a encaissé les loyers de ses locataires depuis septembre 1974, date à laquelle mes parents étaient entrés dans les murs de l’appartement qu’ils lui louaient, n’a pas manqué d’une vraie présence d’esprit et d’une étonnante rapidité dans l’exécution des ses œuvres vénales. Elle qui, depuis le 8 février, le jour où ma mère avait été hospitalisée après sa chute pour ne plus revenir chez elle, ne s’était jamais fendue du plus petit coup de fil pour prendre de ses nouvelles… Car c’est en effet mon propre frère qui lui annonça vendredi matin, vers 10 heures, le décès de notre mère, envolée doucement dans l’autre monde la veille au soir, à 20 heures 45. On oubliera qu’elle n’eut elle-même à ce moment précis pas le moindre mot de réconfort pour lui ni sa famille, personne n’étant parfait il est vrai. On devra en revanche deviner que sa réaction immédiate fut de téléphoner à son je ne sais plus qui (celui qui avait pris le relais d’un mari décédé pour agiter le tiroir caisse à intervalles très réguliers) afin de lui faire part du prévisible manque à gagner mensuel. On imaginera alors ce Thénardier pitoyable exhibant d’un tiroir les précieux documents qu’il allait s’empresser de fourbir et de glisser dans une enveloppe pour réclamer son dû.

    Pauvre type, pauvres gens, misérables êtres vivants et déjà morts depuis si longtemps… recevez ici mon mépris le plus total, sans limite. Nous allons vider l’appartement au plus vite, les larmes aux yeux certes, mais dans les délais les plus brefs possibles ; nous allons régulariser la situation et vous laisser confire dans la médiocrité et la bassesse qui vous personnifient depuis le jour de votre naissance et vous englueront au soir de votre mort. Je ne vous souhaite plus qu’une seule chose désormais : qu’une fois votre dernière heure venue, votre cerveau abruti perçoive enfin, quand défilera le film de ce que vous croyiez être votre vie et qui n’était rien d’autre qu’une trop longue erreur, à quel point votre existence aura été vaine, du début à la fin. Je crois toutefois très peu à cette hypothèse d’un éclair de lucidité qui animerait enfin votre esprit pauvre, mais je vous le souhaite de tout mon cœur, espérant qu’à cette seconde finale, vous ne partirez pas dans l’inconscience de votre absolue crétinerie.

    En attendant ce jour libérateur, nous aurons pu nous remémorer longuement les instants de joie, ces petites humeurs de la vie, tous ces bonheurs qu’avaient modestement réussi à construire notre père et notre mère dans l’amour de leurs enfants. Un trésor d’une valeur inestimable, qu’ils nous ont transmis et auquel vous ne pourrez jamais avoir accès.

  • Resis'Danses II

    Tout ceci n'est pas encore très clair dans ma tête... mais j'ai à l'esprit l'idée de créer un petit portail qui serait une sorte de recensement, non exhaustif bien sûr, de labels de musiques sur les sites Internet desquels il est possible de commander directement des disques.

    Et puis... des éditeurs aussi... car eux aussi doivent se battre. 

    C'est toujours mieux que d'engraisser les actionnaires ventripotents qui se paient des supermarchés de biens culturels et sont avant préoccupés de la hauteur des dividendes qu'ils encaissent sans lever le petit doigt et dont l'ambition culturelle doit être d'un niveau équivalent à celle de la Nouvelle République des Neuilléens.

    Cette idée m'est venue, tout simplement, après avoir commandé et reçu en un temps records le nouveau CD d'Eric Le Lann et Jannick Top sur le site www.nocturne.fr, dont il sera question très prochainement dans ces pages. J'ai trouvé le service rendu tellement chouette qu'il m'est apparu indispensable de contribuer à valoriser le boulot que font tous ces gens, au prix d'un combat quotidien, jamais gagné.

    Ce portail serait une sorte de contribution à la Résis'Danse, à laquelle je convie le plus grand nombre d'entre vous. Dès lors que vos passions vous conduisent vers des univers artistiques - quels qu'ils soient - non pris en compte par les rouleaux compresseurs de la médiocrité médiatique, soyez actifs et parlez-en. N'hésitez pas à intervenir sur mon blog, je pourrai relayer vos propos, car je fais partie de ceux qui pensent que les petits ruisseaux font les grandes rivières et je ne peux me résigner à m'imaginer que les porte-parole du monde culturel vers lequel nous allons soient ceux que l'on a pu voir et entendre plastronner - pour le plus grand malheur de nos yeux et de nos oreilles - tout récemment du côté de la Concorde, collés aux basques du Président de la République de l'UMP et de Notre Dame de Sarkosie enfin réapparue.

    Tout cela ne se fera pas en huit jours, mais se constuira petit à petit.

    Le combat continue. 

  • Lucette, in memoriam

     

    2e1d092d6f7e7094dff75a78e7306805.jpg

    Elle m'a donné la vie.
    Elle a quitté ce monde, ce soir, à 20h45.

    Je la pleure. 

    Je ne t'oublierai jamais.
    Repose en paix aux côtés de celui que tu as si longtemps aimé.

    Lucette (27 juillet 1925 - 24 mai 2007) 

  • Résis'Danses

    Plus que jamais, ce blog – modeste mais tenace – sera dans les temps à venir un espace de résistance à la médiocrité ambiante. Je n’aimerais pas vous laisser l’impression d’être prétentieux, voire un brin grandiloquent, mais j’envisage les années qui s’annoncent non sans un vrai pessimisme. Je me cantonnerai ici à pratiquer ma lutte sous l’angle culturel : musique, littérature, cinéma…, car d’autres le feront beaucoup mieux que moi dans des domaines, essentiels eux aussi, tels que l’économie, la société, la politique, l’écologie, la citoyenneté, pour ne pas prononcer un mot qui pourrait être mal interprété, la morale. Je m’efforcerai à chaque fois que je le pourrai de relayer leurs propres réflexions.

    Lorsque je m’aperçois que les étendards brandis au soir de l’instauration de la Nouvelle République des Neuilléens s’appellent par exemple Doc Gynéco, Steevy machin, Johnny Hallyday, grands gardiens du temple de l’exemplarité citoyenne, ou je ne sais plus trop quel autre prétendu artiste populaire venu bêler les louanges de son nouveau mètre 65 à penser,  lorsque je constate que les machines à communiquer de trois ou quatre grands groupes industriels trop proches du pouvoir en place concentrent un nombre incroyable de forces de notre environnement médiatique – radios, télés, presse écrite…, lorsque je dois me pincer pour être certain que je ne rêve pas à l’annonce du retour du cumul des mandats par un premier ministre qui organise les agapes préélectorales de son groupe politique dans les murs de l’Hôtel Matignon sans que qui ce soit ne trouve rien à redire à cette confusion des rôles, je suis d’abord gagné par une grande lassitude avant de me ressaisir assez vite et d’imaginer qu’il est toujours possible, petit à petit, par touches minuscules et successives, de grappiller ici ou là une parcelle de liberté créative et de la proposer en partage à ceux qui voudront me lire.

    Je ne sais pas exactement comment je procéderai jour après jour pour tenir modestement ce tout petit rôle, mais j’ai la certitude que rien ne me fera dévier de ce cap.

    J’avais envie de le dire.

  • Japon pour le moral

    En cette période post et pré-électorale, où la charge de la brigade très très lourde des communicants de la nouvelle République envahit écrans et ondes diverses pour déverser à flots continus une bonne parole pan pan cucul - on va négocier mais de toutes façons, si on n'y arrive pas, on fera passer une loi au Parlement, bande de méchants français incapables -  au risque de devenir contre productive... quoique, j'ai quand même des doutes, parce que si je me réfère à quelques récents sondages, on dirait que mes compatriotes aiment ça et en redemandent... bref, où en étais-je ? Ah oui, la vidéo... je ne peux donc résister au plaisir de vous soustraire à cet abus de surinformation (oui, je sais, c'est un pléonasme, mais j'ai décidé aujourd'hui de faire ce que je voulais...) en vous proposant un très joli spectacle.

    Je ne vous ai guère habitués jusque là à vous You Tuber, mais je ferai une exception avec cet extrait d'un concert à l'Aqua Stadium Stellarball de Tokyo, le 12 février 2005 donné par le Hiromi Trio (Hiromi Uehara, la jeune pianiste japonaise est ici entourée du bassiste Tony Grey et du batteur  Martin Valihora). Voilà un parfait antidote à toutes les morosités !

    Allez, un petit coup d'oeil à cette pianiste japonaise... et merci à l'ami Kangou qui m'a fait partager ces belles minutes !

    PS : je sais que cela n'a rien à voir mais... je crois comprendre pourquoi j'avais besoin de ce remontant musical. Je me suis réveillé l'autre nuit, d'un seul coup, car je venais de faire un rêve étrange, à défaut d'être pénétrant. Dans ce songe bizarre, on venait d'apprendre la composition d'un nouveau gouvernement et une idée saugrenue avait germé dans la tête de nos responsables politiques en nommant Roselyne Bachelot ministre des sports. J'ai réussi cependant à me rendormir assez vite. Le cerveau est décidément une bien drôle de machine...