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WHAT ELSE ? - Page 12

  • Contrastes

    Chroniques du Nancy Jazz Pulsations 2006 – Episode 5
    Vendredi 20 octobre – Salle Poirel – Nancy


    La Salle Poirel était comble en ce vendredi 20 octobre 2006. Toutes les soirées de cette édition 2006 du Nancy Jazz Pulsations se sont d’ailleurs quasiment jouées à guichet fermé et je me permettrai d’évoquer ce sujet dans une prochaine note. Le public au milieu duquel nous patientons m’étonne un peu. Il ne ressemble pas à celui qu’on voit en règle général fréquenter les festivals de jazz : ici se côtoient d’innombrables mamys et papys sur leur 31, et à glisser son oreille entre deux conversations, on devine aisément qu’il s’agit pour une bonne partie de l’assistance d’un moment inhabituel, ce petit monde va au spectacle et écarquille par avance des yeux émerveillés. Tant mieux, j’aime toujours que mes concitoyens s’extraient de leur chloroforme télévisé pour aller rencontrer la musique vivante. Et puis, alors que nous faisons la queue dehors, passent devant nous et entrent dans la salle toute les cohorte des invités d’une banque partenaire. Le genre de truc qui m’énerve : j’ai payé ma place et j’attends tranquillement ; eux non, et entrent avant l’ouverture des portes. Pas grave, pas grave…

    De toutes façons, il était inutile de s’énerver car le premier concert à venir, celui du quintette de Daniel Mille était plutôt placé sous le signe d’un certain recueillement. Cet accordéoniste, dont on recommandera l’écoute du dernier CD « Après la pluie » possède un sens inné de la mélodie. A ce sujet, je crois qu’il n’est pas inutile de rappeler à quel point justement l’idée même de la mélodie se doit d’être replacée au centre de la musique. On l'oublie parfois. Or, sans esbroufe, sans geste inutile, avec beaucoup de sérénité, Daniel Mille nous a interprété quelques thèmes splendides, au beau milieu desquels les silences ont aussi leur place, ce qui est une énorme qualité. Chez lui, l’urgence n’est pas de mise et l’on ressent une profonde émotion au moment où se font entendre des voix d’enfants qui jouent en introduction de la composition intitulée « Les Minots ». Cette musique est comme suspendue en l’air, un peu au-dessus de nos têtes et semble imprégnée d’une vraie sérénité. En relisant sa biographie, je découvre que Daniel Mille a fait appel pour son dernier disque à des musiciens dont il fut question ici récemment, tels Rémy Vignolo ou Eric Legnini. Je ne suis pas surpris, et je goûte rétrospectivement ces 75 minutes épurées en attendant de me replonger un peu plus tard dans l’univers un peu magique de ce grand monsieur.
     
    http://www.daniel-mille.com/

    Après cette si belle première partie, il allait falloir me convaincre de rester et ce n’est pas sans une certaine appréhension que je vis entrer sur la scène je ne sais combien de guitaristes (cinq je crois) accompagnés d’un contrebassiste : « Les enfants de Django » allaient faire déferler sur nous leurs torrents de notes, en arborant un sourire presque enfantin. Visiblement heureux d’être là, ils nous proposèrent un répertoire de jazz « manouche » dans la plus pure tradition, ce que Mr Monstrueux a l’habitude d’appeler « Les 24 heures du Manche ». Il m’est très difficile de commenter un tel concert : j’ai le plus profond respect pour tous ces musiciens, dont la sincérité et la gentillesse sont désarmantes, dont la virtuosité est flagrante mais… comment vous dire ? Je ne parviens pas à vibrer sur leur musique, il me semble plus honnête de l’écrire ici sans détour. « Minor swing » ou « Nuages » ne font pas partie de mes écoutes de chevet et je préfère laisser le plaisir d’en parler à celui ou celle qui sera mieux placé que moi. Une chose est certaine : le public, qui venait d’entendre exactement ce à quoi il s’attendait, et qui ne fut à aucun moment bousculé dans son confort auditif, a fait un triomphe à ses six musiciens. Ces derniers le méritaient amplement et tout était bien ainsi. Un joli de fête pour eux. Mais bon…

  • John le fou

    Chroniques du Nancy Jazz Pulsations 2006 – Episode 4
    Jeudi 19 octobre – Chapiteau de la Pépinière – Nancy


    Une carte blanche à John Zorn, héros de la scène jazz new yorkaise, c'est un événement hors du commun qui valait à n'en point douter un gros détour si besoin. C'est pourquoi, outre la compagnie de Mr Monstrueux (qui s'apprêtait à vivre 24 heures sans manger ni dormir tout en jouant sur scène, tout en faisant un aller retour à Paris et pour finir l'acquisition d'un canapé), j'eus le plaisir de recevoir à la maison un fan du saxophoniste, l'ami Kangou ! Les faits démontrèrent qu'il eut raison de venir car, de 20h30 à 23h45, nous allions vivre des instants fabuleux !

    Tout a commencé par une prestation en solo : armé de son seul saxophone alto, John Zorn nous a en quelque sorte raconté ses histoires. Derrière les stridences et les sonorités souvent inattendues (incluant celle d'un bec plongé dans un verre d'eau), il fallait entendre des personnages se chamailler, crier parfois quand ils ne pleuraient pas. On imaginait aussi que d'autres s'embrassaient. Mes voisins me firent part de leurs impressions qu'il me faut vous livrer ici : l'un me confia qu'il était abasourdi que, au-delà de cette improvisation presque parlée, il n'y avait dans le propos de John Zorn aucune répétition ; l'autre admirait la maîtrise parfaite de l'instrument, dans toutes ses tonalités. Une vraie performance, physique d'une part et imaginative d'autre part.
     
    Après une courte pause, John Zorn est revenu avec son quartet Masada acoustique : Greg Cohen (contrebasse), Dave Douglas (trompette) et Joey Baron (batterie) : un moment d'anthologie où souffla très fort l'esprit de l'inspirateur, le grand Ornette Coleman et où se mêlent des influences yiddish qui balaient tout sur leur passage. Ce concert fut comme un seul souffle, sans pause, nous étions embarqués avec le quartet vers des sommets dont il fut, avouons-le, très difficile de redescendre. J'ajouterai que je reste encore pétrifié d'admiration après le chorus somptueux de Joey Baron. Depuis qu'un beau jour de 1976, j'ai vu Magma sur scène, je reste en général sur ma faim lorsqu'un batteur nous propose un solo. Or, la prestation de Joey Baron fut si extraordinaire (tout y était : inventivité, musicalité, lui aussi à l'évidence nous contait une histoire) qu'elle va rester pour moi, c'est évident, un moment d'anthologie.
     
    Mais John Zorn avait décidé de nous achever avec un troisième concert, en trio cette fois - Pain Killer - avec le bassiste Bill Laswell et le batteur Tatsuda Yoshida. Est-ce l'effet de Masada ? D'un début de fatigue ? D'une proposition musicale moins étourdissante ? D'une rythmique un tantinet monolithique ? Pain Killer ne nous fit pas grimper vers des sommets aussi élevés que son prédécesseur et, pour débordante d'énergie qu'elle fut, cette dernière partie m'apparut comme en retrait malgré le déluge sonore qui nous était asséné. A réserver aux seuls amateurs de décibels...
     
    Au final, cette carte blanche à John Zorn fut une sorte de soirée OVNI comme j'en souhaite au moins une par vie à chacun d'entre vous. Et je dis un grand merci à John Zorn, qui travaille à notre survie en nous proposant un univers inconfortable certes, mais tellement passionnant. Une musique qui vous remue de l'intérieur et vous maintient en éveil.

  • Ahmad le Terrible

    Chroniques du Nancy Jazz Pulsations 2006 – Episode 3
    Mercredi 18 octobre – Chapiteau de la Pépinière – Nancy


    A l'annonce de la première partie - le trio réunissant André Ceccarelli (batterie), Joey Di Francesco (orgue) et Bireli Lagrene (guitare), Mr Monstrueux m'avait prévenu, surlignant son propos d'une moue un tantinet dubitative : je serais probablement déçu et il me faudrait probablement me contenter d'un super boeuf entre musiciens de grand talent qui nous proposeraient, à n'en pas douter, une série de standards... Hé hé ! Force est de reconnaître que le bougre n'avait pas tort. D'abord pour ce qui concerne le répertoire : ce fut effectivement une succession de standards (Nardis, Sophisticated Lady, Summertime, ...) interprétés avec brio mais sans cette étincelle de folie qui fait qu'un concert reste gravé longtemps dans nos mémoires. On sait où l'on est, on sait par avance où l'on va, mais on attend en vain le virage un peu brusque qui nous fera nous agripper à la portière dans la montée d'un col de haute montagne. Ici, c'est une conduite impeccable, la trajectoire est propre, la tenue de route excellente, mais... c'est conduite pépère tout de même. Et je le répète : ces trois artistes ont beau être de brillants instrumentistes, on est forcément déçu lorsque, happé dans l'ambiance si particulière du festival et plus particulièrement sous le chapiteau, le répertoire proposé n'est pas à la hauteur du moment. Autant on l'aurait volontiers dégusté dans un petit club de jazz en papotant tranquillement avec quelques amis autour d'une table, autant la même prestation dans ce cadre plus solennel semble un peu décalée. Et puis... je dois bien l'avouer, je reste toujours aussi insensible au jeu de guitare de Bireli Lagrene : virtuose oui, intsrumentiste de premier plan, oui encore mais... souvent trop de notes, comme s'il lui fallait impérativement combler tous les silences qui risquent d'interroger l'oreille de l'auditoire ! Ah, les charmes de l'entre notes ! Ici, il n'en fut pas question.
    Par conséquent, lorsque le second trio de la soirée fit son entrée sur scène, nous étions affamés de musique, bien loin d'être rassasiés par ce que nous venions d'écouter. Autant dire qu'avec Ahmad Jamal, nous allions changer de catégorie. Là, c'est un grand coup de piel au cul céleste qui, en quelques minutes, nous propulsa illico par dessus les nuages d'où les sphères musicales sont si belles à contempler. Le jeu de piano de ce grand monsieur (qui a dépassé les 75 ans je crois) est toujours aussi parfaitement identifiable, il martèle les touches avant de s'interrompre brusquement pour les caresser, les syncopes se multiplient, la complicité avec ses deux compères est jubilatoire. James Cammack tisse un énorme tapis de velours rythmique avec sa contrebasse pendant que l'infatigable Idriss Muhammad propulse cette belle machine rythmique avec cymbales et fûts (mention spéciale à sa tenue : béret blanc et lunettes rouges à larges montures qui lui donnaient un petit look façon Michel Serrault dans "La cage aux folles"). Nous avions enfin notre compte de musique. Ce fut un de ces moments de grâce dont on n'est jamais certain qu'on pourra les revivre un jour à nouveau. Et qui, vous vous en doutez, a filé à la vitesse de l'éclair. Comme toujours.

  • Patience sans conscience n'est que ruine de l'âge

    Régulièrement, nos chers programmes télévisés nous servent un reportage sur le thème : "Demain, tous centenaires ?" On nous explique qu'il y a 50 ans, on ne comptait que quelques spécimens du genre en France alors qu'ils sont aujourd'hui 160 000. Le passage obligé des reportages sur le sujet, c'est la mamy ou le papy (ben oui, forcément, puisque, par définition, tout ce petit monde est centenaire) qui nous confie la méthode qui l'a conduit à une telle longévité. Une fois sur deux, voire plus, il nous assène le truc qui tue : "Je bois un verre de vin rouge par jour". Conclusion : il faudrait peut-être que ce nectar soit remboursé par la sécurité sociale, même si sa consommation serait alors totalement proscrite par les caisses de retraite. Enfin, c'est une autre histoire, ça, plus compliquée. On pourrait demander aux candidats debout de trouver le bon compromis...

    Pour une fois, j'ai pu néanmoins observer un drôle de phénomène, totalement inhabituel dans ce genre de reportage : un papy centenaire pas sourd, pas dans un fauteuil roulant, avec de vraies dents et une bonne dose d'humour ! Il était d'abord fort surpris qu'on le félicite d'être parvenu à inscrire un troisième chiffre à son compteur, puisque, selon lui, il n'avait vraiment rien fait de particulier. Puis son oeil malicieux fixa la caméra et, tel un acteur accompli, confia au journaliste qui l'interviewait que devenir centenaire était vraiment à la portée de tout le monde. "Il suffit d'être patient !".
     
    Alors là, chapeau bas, je m'incline, il n'y a rien à répliquer à un tel argument frappé au coin du bon sens. Imparable !
     
    Quelques minutes auparavant, alors que je zappais très méthodiquement d'une chaîne câblée à l'autre, j'avais entraperçu le présentateur d'une émission scientifique qui nous expliquait qu'à partir de l'âge de 20 ans, nous perdions 100 000 neurones par jour. Et d'étayer son propos - déclamé sur un ton presque alarmiste - en nous montrant, comme en direct, la mort de l'un d'entre eux. Finalement, c'est con un neurone, et, c'est prouvé par notre ancêtre philosophe, ce n'est vraiment pas patient comme bestiole.

    Je n'étais néanmoins pas au bout de mes surprises... En me couchant, je commençai à lire "Une veuve de papier" de John Irving, un livre de poche que je venais tout juste d'acheter - un jour, peut-être, je vous parlerai de John Irving, "le monde selon Garp", "Une prière pour Owen" ou "L'oeuvre de Dieu la part du Diable". Moi, j'aime bien commencer un bouquin, je savoure le moment qui précède la lecture des premières lignes, je suis prêt à me laisser embarquer pour de nouvelles aventures. En général, avant d'attaquer vraiment, je lis la quatrième de couverture, histoire de saliver encore un peu plus. Ce que je fis, bien entendu, hier soir... et qui, étrangement, suscita en moi une interrogation profonde : ça me dit quelque chose, cette histoire... elle commence en 1958, elle se termine en 1990 à Amsterdam... Damned ! Mais je l'ai déjà lu ce bouquin. Pire : il est certainement dans un carton, là-haut, dans le Chalet Suisse, juste au-dessus de ma tête... Nom d'un caractère imprimé ! Je viens d'acheter un livre que j'ai déjà... Et j'étais totalement persuadé du contraire... Aucun souvenir jusqu'à ce que je me décide à survoler le résumé.
     
    C'est grave, docteur ? Z'êtes certain que je ne perds QUE 100000 neurones par jour ? Ce serait pas le double, ou le triple par hasard ? Et puis d'abord, j'en avais combien au départ, vous savez, vous ? Je vais tenir longtemps à ce rythme-là, d'après vous ? Parce que je vous rappelle que je dois devenir centenaire, on me l'a dit tout à l'heure. Je suis patient, j'ai toujours été patient (enfin, presque...) et donc, je serai centenaire, c'est prévu.
     
    Pourquoi personne me répond, hein, pourquoi ?
    Vite ! J'ai pas que ça à faire, moi...

  • Donald & Eric

    Chroniques du Nancy Jazz Pulsations 2006 – Episode 2
    Samedi 14 octobre – Le Vertigo – Nancy


    Deuxième rendez-vous avec la musique vivante du NJP. Un concert qui a filé à la vitesse de la lumière, dans le cadre intimiste de la petite salle du Vertigo. Deux trios piano - contrebasse - batterie au menu, deux ambiances finalement assez différentes malgré une instrumentation identique.

    Je ne connaissais pas Donald Brown, j'avoue, j'avoue... Pourtant, sa carte de visite est des plus prestigieuses puisque ce monsieur à joué aux côtés de quelques noms tels que : Donald Byrd, Art Farmer, Freddie Hubbard, Milt Jackson, Toots Thielemans, Eddie Lockjaw Davis, Johny Griffin, ... excusez du peu, sans oublier bien entendu que notre homme s'est fait connaître en tant que membre des Jazz Messengers d'Art Blakey. Nous étions bien là en présence d'une pointure dont le jeu, qui passe des instants les plus mélodiques (en solo, à l'instar d'un Keith Jarrett) à des chorus beaucoup plus torturés et syncopés, est en perpétuel mouvement, presque comme en déséquilibre. Mais c'est sans compter deux acolytes hors pair : Billy Kilson à la batterie et, peut-être le héros de la soirée, Essiet Ekon Essiet à la contrebasse. Alors là, franchement, j'ai du mal à trouver mes mots car ce musicien est absolument ébouriffant ! Quelle présence ! Quelle force continue et quelle musicalité dans ses chorus ! Essiet Ekon Essiet est entré illico dans mon petit panthéon des contrebassistes pour venir y occuper une place de choix (à ses côtés, d'autres gamins comme Dave Holland ou Henri Texier). En me documentant, j'ai découvert sa carte de visite pour me rendre compte à quel point elle était elle aussi impressionnante. Jugez plutôt : Art Blakey et les Jazz Messengers (encore !), Adullah Ibrahim, Don Moye, Benny Golson, Freddie Hubbard, Bobby Hutcherson, Louis Hayes, Cedar Walton, Kenny Barron, Sam Rivers, George Adams, Kenny Garrett, Al Foster, Bobby Watson & Horizon, Kevin Mahogany, Mulgrew Miller, Geri Allen-Ralph Peterson, Blue Note Allstars et encore beaucoup d’autres. Alors comment nous étonner dans ces conditions que la musique qui nous était offerte était à ce point exceptionnelle ?

    Avec Eric Legnini, nous avions affaire à quelqu'un qui nous était d'emblée familier. Non pas parce que ce jeune homme (36 ans, c'est jeune, non ?) a déjà brillé aux côtés de Stefano Di Battista, de Stéphane Belmondo ou d'André Ceccarelli, mais parce qu'on détecte chez lui un sens inné de la mélodie. Quelque chose vous saute aux yeux, ou plutôt aux oreilles, lorsqu'il interprète la plupart des titres de son album ("Miss Soul" - Label Bleu) : tout cela chante incroyablement, notre homme compose des thèmes faussement simples dont le moins qu'on puisse dire est qu'ils pourraient aisément devenir instantanément des standards. Origines italiennes ? Probablement et les influences annoncées comme celle de la musique de Nino Rota ou du gospel ne font que renforcer cette impression heureuse. Eric Legnini nous raconte ses histoires et c'est bien volontiers qu'on le laisse nous entraîner à Rome ou ailleurs. A ses côtés, le solide Mathias Allamane à la contrebasse et les presque régional de l'étape Franck Agulhon à la batterie assurent une mise en couleurs harmonieuse et toute dédiée à l'énergie. Quoi ? Déjà fini ? Il est minuit 10 et le temps a passé bien trop vite.

    Bravo aux organisateurs qui ont eu le talent de nous composer une soirée aussi enthousiasmante et parfaitement harmonieuse.


    PS : mesdames et messieurs les fumeurs, lorsque la personne chargée d'annoncer la soirée demande très poliment de ne pas fumer dans la salle, pourriez-vous, s'il vous plaît, cesser de regarder le public - donc moi - avec vos yeux de merlan frit lorsque, négligemment et au mépris de la politesse la plus élémentaire, vous décidez d'en griller une et d'empuantir l'atmosphère ?

  • Sacré Fred !

    Chroniques du Nancy Jazz Pulsations 2006 – Episode 1
    Jeudi 12 octobre – Salle Poirel – Nancy


    C’est reparti ! Chaque année, nous consacrons plusieurs soirées à la musique vivante dans le cadre du Festival Nancy Jazz Pulsations. L’occasion pour moi de tenter de vous en retracer les grandes lignes et, plus égoïstement, de noter noir sur blanc des souvenirs qui ne demandent pas mieux que de s’effacer avec le temps. Notre épisode 1 s’inscrit d’ores et déjà comme l’une des plus belles soirées de musique qu’il nous ait été donné de connaître depuis un bon bout de temps et les bonheurs qui nous ont été offerts ne sont pas près, eux, de s’évanouir.

    Déjà, ils sont 17 sur scène ! Sous la conduite du bassiste arrangeur Fred Pallem (lunettes noires, costume et… baskets blanches), les musiciens du Sacre du Tympan, au look rétro savamment entretenu, ont tout balayé sur leur passage ! Passons sur la virtuosité de chacun des exécutants et arrêtons-nous plutôt sur la précision diabolique des arrangements, sur l’incroyable diversité des palettes sonores que le chef peut créer en combinant à l’infini les instruments dont il disposent : claviers, guitare, batterie, vibraphone, flûte, saxophones, trompettes, trombones… une invincible armada qui possède cette qualité irremplaçable du talent combiné à un vrai humour et à une belle dose d’imagination. Mais surtout, avec le Sacre du Tympan, je crois que nous étions tous un peu comme des enfants. Imaginez la bande originale d’un drôle de film un peu foutraque où se côtoieraient John Ford, Fellini, James Bond, Louis de Funès, Jacques Tati et même le cirque Pinder. Le Sacre du Tympan, c’est tout cela : une musique jubilatoire, roborative et ébouriffante. Son côté imprévisible fait aussi tout son charme : fermez un instant les yeux, vous êtes le passager d’une voiture des années 50 ou 60 (une grosse américaine, avec banquette à l’avant, des enjoliveurs blancs) qui filerait à un rythme un peu trop rapide sur une route nationale et puis, soudain, alors que son conducteur n’a même pas pris le soin de clignoter, vous voilà maintenant un peu ballotté sur une départementale au revêtement incertain. Ah, ça secoue, croyez-moi ! Vous vous accrochez comme vous le pouvez à la portière, vous jetez un coup d’œil à votre chauffeur qui, lui, est d’un calme olympien et vous regarde avec un sourire entendu. Tout va bien, on avance, on file même, on se laisse guider et on apprécie le paysage qui défile sur le côté. Voilà, vous êtes bien à bord du Sacre du Tympa, un peu assommé mais finalement très consentant. Fred Pallem a gentiment taquiné le public qui lui semblait « studieux » - un public en fait très calme entre les différents morceaux mais qui n’a pas ménagé ses applaudissements et a rappelé le groupe qui, pour l’occasion, a fait appel à un pianiste de luxe en la personne de Bojan Z… qu’on allait retrouver quelques minutes plus tard sur scène en trio. Oui, un public studieux mais surtout et d’abord enchanté !
    Le Sacre du Tympan : un beau moment de musique, un public aux anges, des échos souvent nostalgiques, un frisson garanti pour quiconque a gardé une âme d’enfant.
    J’en redemande !

    Bojan Z, lui, c’est autre chose. Ce pianiste qu’on avait découvert aux côtés du contrebassiste Henri Texier et à plusieurs reprises dans la formation de Julien Lourau est aussi un grand monsieur qui a déjà à son actif six albums sous son nom, dont le dernier, « Xenophonia » est une pure merveille. Avec lui, on entre dans un univers dont l’accès est, a priori, moins immédiat que celui de Fred Pallem, mais la beauté a ses secrets qu’une oreille curieuse a tôt fait de découvrir. On s’émerveille vite des sonorités que Bojan Z extirpe de ses claviers (piano, Fender Rhodes et « xenophone »), on vibre à la complicité qui s’établit en quelques secondes entre les musiciens, les dialogues se multiplient (piano / contrebasse, piano / batterie et contrebasse / batterie). Avec des pointures telles que Rémi Vignolo (contrebasse) et Ari Hoenig (batterie), Bojan Z peut s’exprimer en toute confiance et nous transporte vers de belles contrées dont on imagine qu’elles ne sont jamais très loin de ses terres natales, quelque part du côté de la Bosnie ou de la Serbie. S’il a choisi, pour d’évidentes raisons de commodité, de raccourcir son patronyme (Z pour Zulfikarpasic), monsieur Bojan n’a rien renié de ses origines. Toute cette richesse, il nous l’offre et nous l’acceptons avec joie. Nous étions bien là en présence d’une personnalité de premier plan et il était très important, essentiel même, d’en avoir conscience au moment même où sa musique nous imprégnait. Chapeau bas !

    Ces deux beaux concerts ont parfaitement démontré qu’on pouvait aisément marier exigence et accessibilité. Le public, venu nombreux dans la Salle Poirel, est visiblement ressorti conquis. Avec de tels musiciens, la cause de l’Art ne semble pas définitivement perdue…

    Retrouvez les héros du jour sur :

  • Dans le poste

    Pour une fois, vous me permettrez d'être bref et aussi peu digressif que possible. Mais puisque la télévision française a parlé de moi, je ne puis vous laisser dans l'ignorance.

    Je regarde assez peu la télévision. La plupart du temps, c'est plutôt elle qui me regarde, tranquillement assoupi dans le canapé rouge de la Maison Rose. J'espère que le spectacle que je lui offre lui convient parce que, bien souvent, le contraire est loin d'être vrai. Mais il est néanmoins une émission que j'essaie de regarder aussi souvent que possible, du mardi au vendredi entre 19h40 et 20h20. Elle s'appelle "N'ayons pas peur des mots", elle est animée par le sympathique Samuel Etienne sur iTélé et consiste en un débat autour de thèmes d'actualité, avec la participation de quatre invités, journalistes, écrivains, chefs d'entreprises,... - pour simplifier, deux sont plutôt à gauche, deux plutôt à droite, mais c'est parfois plus subtil. Bref, tout ce petit monde défend ses idées, toujours avec courtoisie, souvent avec humour, il arrive aussi qu'on ne comprenne plus rien parce que tous parlent en même temps. Mais "N'ayons pas peur des mots" s'avère l'une des rares émissions pendant lesquelles il est possible d'aller un peu au-delà de la langue de bois ou du copinage journalistique. Il arrive même que soient invités des hommes (ou femmes politiques) qui n'ont pas peur de se frotter à cet exercice moins simple qu'il n'y paraît. Des fois, ça fonctionne plutôt bien, d'autres pas. Tout dépend de la capacité de l'invité à se sortir de sa carapace et de sa volonté de parler vrai. Quand c'est le ministre délégué à la Sécurité Sociale, c'est toujours piquant ; quand c'est une égérie lorraine et sarkozienne, on reste sur sa faim.
     
    Tant qu'il habitait la Maison Rose, Mr Monstrueux pestait contre moi parce qu'il ne supportait pas cette émission : "C'est toujours pareil !", chougnait-il, la télécommande en main, prête à zapper sur Comédie. Mais j'ai toujours tenu bon. Chacun ses petits travers, moi, j'aime bien ce moment pendant lequel il m'est donné à réfléchir un peu. Depuis la rentrée, les téléspectateurs peuvent aussi envoyer en direct un e-mail aux journalistes présents. Ce que je n'ai pas manqué de faire hier soir en voyant le journaliste Georges-Marc Benhamou arriver en retard, mal rasé, bref comme s'il sortait du lit. Je l'ai gentiment taquiné du clavier en rappelant que si ses analyses socio-poltiques ne nous rasaient jamais, en revanche, lui ferait bien de se raser. Un peu crétin, comme message, mais c'était juste pour faire un petit trait d'humour. Et puis c'était gentil, hein ?

    Et toc ! A 20h22, juste avant que tout le monde ne rentre chez soi et quitte le plateau, Samuel Etienne a lu mon message et a cité mon nom. Fort heureusement, j'avais pris la précaution de ne pas décliner ma véritable identité (Maître Chronique) mais de me présenter sous les prénom et nom derrière lesquels je me cache au quotidien depuis bientôt 49 ans, de peur d'être assailli chaque jour par ces hordes de fanatiques qui hantent mon blog depuis des mois.
     
    Ainsi donc, vous n'aurez pas pu deviner qu'il s'agissait de moi. Mais je peux vous le confirmer, Maître Chronique avait une fois encore avancé ses pions dans la sphère médiatique. Après avoir conquis le courrier des lecteurs de Télérama il y a une dizaine d'années, après être intervenu en direct sur l'antenne d'Europe 1 dans une émission animée par Michel Field, après avoir aussi conquis de haute lutte la Cathédrale d'Amiens, j'aborde maintenant l'univers de la petite lucarne. Je voulais que vous soyiez les premiers à le savoir.
     
    Merci qui ?

  • Ligne chaude...

    En un peu plus de 24 heures, j’ai pu expérimenter les joies d’une « hot line », celle de mon fournisseur d’accès à Internet. Une bonne manière de côtoyer le pire et le meilleur.

    Tout a commencé lundi matin, vers 7h45, au moment où je souhaitais consulter ma messagerie électronique. Pan ! Pas de connexion. Ma ----box (gardons l’anonymat, c’est préférable) décida brutalement de bugger sévèrement lors d’une procédure de mise à jour automatique. Tout ce petit monde clignotait un peu n’importe comment, et surtout pas comme il fallait. Après avoir patienté quelques minutes, je dus me rendre à l’évidence : « Allo, Houston, nous avons un problème ». Je pris donc la décision de briser mon nourrain d’un bon vieux coup de marteau et d’investir sur le champ dans une nouvelle catégorie de dépenses : un numéro de téléphone surtaxé à 0,34€ la minute…

    Et c’est parti, faut que je tape au clavier mon numéro de téléphone (épreuve redoutable quand on n’a pas ses lunettes), que j’appuie sur le 1, puis sur le 2, puis sur le 1 et que je patiente jusqu’à ce qu’une voix féminine m’explique que je ne commencerai à payer que lorsqu’on m’aura mis en contact avec mon correspondant. On m’annonce également une attente comprise entre 3 et 5 minutes puisque, c’est bien naturel, tout le monde est déjà en ligne. Quelle idée, j’aurais dû tomber en panne vers 4 heures du matin…  Ô miracle, un brave jeune homme répond enfin, décline son identité dont je ne parviens pas à saisir la moitié d’une syllabe et me demande de lui expliquer la raison de mon appel, non sans m’avoir, à mon grand étonnement, demandé mon numéro de téléphone que j’avais pourtant consciencieusement saisi quelques minutes plus tôt. Je me demande bien à quoi ça sert... Donc, bêtement, je lui explique. Je vous passe les détails, puisque vous connaissez l’histoire. « Alors c’est simple, monsieur, nous allons remettre à jour le firmware de votre ----box et pour cela, il vous faut brancher directement le câble USB qui vous a été fourni avec votre ----box ». Ouh là ! On se calme ! Tu crois que c’est si simple ? D’abord, pépère, je suis en wi-fi et c’est pour moi vachement pratique parce que je n’ai pas été obligé, justement, de coller mon PC à une prise téléphonique. La prise, elle est au premier étage, j’en ai une autre au rez-de-chaussée, tandis que mon ordinateur, il est au… deuxième étage ! Donc, tu vois, pour brancher le câble, va falloir que je démonte tout, que je descende le matériel et que je construise un campement provisoire. « Ah, oui, bon, ben… il faudra nous rappeler ».
    Jusque-là, rien à dire. Le gars, il n’a pas dit de conneries, c’est juste qu’à ce moment précis, il pouvait pas m’aider. Notez bien que je ne lui reproche rien.

    Me voilà donc, à peine sorti de ma douche, en train de me prendre pour un déménageur et de monter / descendre les deux étages de la maison un nombre de fois suffisant pour me rendre compte qu’il était largement temps de filer au boulot où m’attendait une activité particulièrement rebutante consistant à essayer de recoller deux bases de données qui me donnent un sacré fil à retordre. Mais je m’égare. Tout le monde s’en fout, de mes bases. Remarquez, je ne saurais vous donner tort…

    Il est un peu plus de 13h15, je viens de rentrer à la maison et sans prendre le temps de manger, je compose à nouveau le numéro de cette ligne surtaxée… Oui, je sais, le voilà mon numéro de téléphone, 1 puis 2 puis 1 puis… OK, j’attends de 5 à 8 minutes. Elle est chiante leur musique en plus… Ah ! Bonjour monsieur, voilà, donc, je vous explique… Bon, déjà, il a l’air un peu au courant parce qu’une fois que je lui ai rappelé mon numéro de téléphone (…), il retrouve la trace de ma précédente conversation et commence à me faire faire tout un tas de manipulations qui ne débouchent absolument sur rien… Elle veut plus causer la ----box, ses voyants sont obstinément fixes, même quand on la réinitialise quatre fois de suite. Vacherie de saloperie, y a rien qui veut fonctionner, même mon câble USB ne déclenche aucune action quand je le connecte…

    Bip ! Bip ! Bip ! Ah les salauds, ils ont coupé la communication. Ah oui, c’est vrai, j’oubliais : au bout de 25 minutes, c’est fini !!! Tu crois qu’ils me rappelleraient les sagouins ? Rien du tout, faut que je recommence et me voilà reparti pour 8 minutes d’attente pour, enfin, entendre une voix féminine qui ne manque pas de me demander le numéro de téléphone que je viens de saisir au clavier. Pffff… je désespère ! Elle aussi semble-t-il car toutes les manipulations qu’elle me suggère restent sans effet. La ----box a décidé de nous emmerder, y a pas d’autre mot, et me voici maintenant doté d’un numéro de dossier (pourquoi pas un matricule, pendant que vous y êtes ?) et je raccroche non sans avoir donné mon numéro de téléphone portable : ces braves gens vont me rappeler au plus tôt pour me fournir un bon d’échange afin d’obtenir une nouvelle ----box. Gagné !!! Euh, sauf que là, tout de suite, monsieur, c’est impossible car nous avons un problème informatique. On vous appelle d’ici à ce soir, c’est promis.
     
    Le soir vient. Rien.
    La nuit passe. Rien.
    La matinée s’écoule. Rien.
     
    Devinez quoi ? Hé hé ! Et si j’appelais ma ligne surtaxée préférée que même je pourrais taper mon numéro de téléphone au clavier et patienter 5 à 8 minutes ? Hein, qu’est-ce que vous en pensez ? Eh ben, c’est ce que j’ai fait. Cette fois, je suis tombé sur un gars qui avait plutôt l’air de fumer un pétard que d’être au boulot. Vachement éveillé le type, on devinait l’œil torve rien qu’à l’écouter. Ah elle est belle l’image de marque de l’entreprise. Et en plus, il m’annonce que jamais, eux, ils ne rappellent les clients surtout qu’en ce qui me concerne, la procédure n’est pas complète et que le bon d’échange, je peux toujours m’asseoir dessus tant qu’on n’aura pas essayé de réveiller cette p… de ----box en lui branchant… un câble Ethernet ! Eh, les mecs, franchement, vous y croyez ? Le citoyen lambda qui n’est pas familiarisé avec tout ce jargon, comment il fait ? Ben c’est simple, il passe des heures et des heures à 0,34€ la minute et quelques semaines plus tard, il se réveille avec un facture de téléphone dont le montant équivaut grosso modo à deux semaines dans un hôtel sur le Côte d’Azur en pension complète pour deux personnes. Donc, là, autant vous le dire, je me suis énervé un tout petit peu et l’endormi chichonneux, il en a pris pour son grade. D’ailleurs, il s’en foutait complètement, se réfugiant derrière l’argument qu’il attendait l’autorisation de son supérieur (ben, à vue de nez, c’est pas difficile d’être son supérieur) pour me donner le numéro du bon d’échange. Un mur ce type, une sorte de répondeur humain qui n’en a rien à faire de mes histoires et qui attend que je me calme… Donc, je raccroche…
     
    Bon, phase 5 : j’appelle le service commercial pour me plaindre, expliquer la situation à une dame qui, très sûre d’elle, m’annonce qu’elle va me mettre en relation avec les services compétents afin que je puisse obtenir ce désormais mythique numéro de bon d’échange. Vous me croirez si vous voulez… mais j’ai dû très vite saisir mon numéro de téléphone au clavier et patienter 5 à 8 minutes, non sans avoir tapé deux ou trois fois sur 1 ou 2… Ah ah ! Bonjour les copains, c’est encore moi ! Hein ? Mon numéro de téléphone ? Mon numéro de dossier ? Mon numéro de compte ? Ah, vous pensiez me piéger ? C’est raté ! J’ai tout sous les yeux… On se calme, on se calme… Je suis à nouveau confronté à un répondeur humain qui ne veut pas lâcher le morceau et qui m’explique que je dois absolument brancher ma ----box sur mon PC au moyen d’un câble Ethernet.
     
    12h30, j’essaie de manger paisiblement avec Madame Maître Chronique que j’accompagne jusqu’à son travail avant de regagner la Maison Rose et… de composer les quatre numéros de cette si belle ligne surtaxée… Maintenant, je connais bien, je squeeze les annonces vocales, j’anticipe, 1, puis 1 puis 2 puis mon numéro de téléphone puis… ben, j’attends, comme d’habitude et je reste zen.
     
    Nous attaquons donc la phase 6 et c’est en compagnie d’une charmante dame que je pus, enfin, dialoguer avec une vraie personne, avec des sentiments, une pointe d’humour et, ce qui ne gâte rien, ce minimum de compétence qui faisait tellement défaut aux autres sbires enfumés des étapes précédentes. Pour commencer, en relisant l’historique de mon cas, elle s’aperçoit que ces imbéciles ont dit beaucoup de bêtises, fait des tas de promesses qu’ils ne pouvaient pas tenir. En d’autres mots, ils se sont gentiment débarrassés de moi, espérant ne plus avoir à me secourir et laissant ce soin à d’autres… Je ne vous cache pas que cette ultime phase fut redoutable, émaillée d’un nombre incalculable de « reset », de branchements / débranchement. Ah, tiens, j’y pense : le câble Ethernet, ça servait à rien, c’était le câble USB qu’il fallait utiliser (ben oui, m’dame, mais ça, on l’a déjà fait hier, c’est les deux autres, là, les crétins, qui ont voulu qu’on fasse comme ça, moi j’ai rien demandé…). Oui, mais elle ne panique pas la bougresse, elle la veut sa solution, elle sait que ma ----box n’est pas morte, juste un peu endormie. On va y arriver, monsieur. Y a un truc qui va beaucoup mieux, c’est que les voyants de la ----box ont repris vie, ils clignotent bien, ça fait plaisir, elle reprend des couleurs la bougresse. Le hic, c’est que ma ligne ADSL refuse absolument de se synchroniser. Pourtant, tout le reste est OK. Elle ne trouve pas, ma copine de téléphone, rien à faire. Oooops, c’est là que je m’aperçois qu’avec toutes ces manipulations répétitives, j’ai carrément débranché ma ----box da la prise téléphone alors, « forcément, elle va beaucoup moins bien marcher ». Discrètement, sans rien dire, je rebranche et là…. Je commence à espérer car un message m’annonce (je suis sûr qu’une fumée blanche monte de la cheminée de la Maison Rose) : HABEMUS SYNCHRONISATIONAM !
     
    A la fin, tout à la fin, quand elle voit qu’elle a gagné la partie… ma correspondante m’explique que je ne dois pas hésiter à me plaindre auprès du service clients et qu’un geste commercial est tout à fait possible. Tu parles si je vais me gêner… Ils vont en prendre pour leur grade les deux empaffés du matin. Je vais me régaler…
     
    CA MARCHE !!!!!!!!!!!!!!! Je suis enfin relié au monde… Oui, sauf que là, c’est avec mon câble USB et que moi, je veux du wi-fi, m’dame, rien d’autre !!! Mais c’est simple, monsieur, vous débranchez votre USB, vous appuyez sur le bouton 1 et vous branchez votre adaptateur pour que la ----box vous reconnaisse. Ah, si c’est simple comme ça, je m’incline. Ben oui, c’est simple comme ça. Tout est revenu comme hier matin. Je peux enfin me liquéfier de bonheur.
     
    Le plus rigolo, c’est que la première chose que j’ai faite, comme vous vous en doutez, fut de consulter mes nouveaux messages. Y en avait un qui semblait me narguer : en provenance de mon fournisseur d’accès, il m’annonçait une nouvelle procédure de mise à jour de la ----box à compter du 9 octobre et surtout, vantait tous les avantages de cette technique.
     
    T’as qu’à croire… Et c’est eux qui vont remonter tout le matériel au deuxième étage, peut-être ?

  • Jamais trop tard pour prendre le Trane en marche…

    Jazz Magazine consacre 25 pages de son numéro d’octobre à John Coltrane. Pour les aficionados du saxophoniste, ce n’est que justice rendue à celui qui aurait fêté ses 80 ans le 23 septembre dernier et un bien bon moment de lecture ; pour tous les autres, une excellente occasion d’entrer dans l’univers magique d’un des plus grands musiciens du vingtième siècle...

    medium_jazz_mag_coltrane.jpgUne longue et belle biographie, une sélection discographique intelligente d’une trentaine de disques – soit un exercice très périlleux car la production de John Coltrane fut vraiment foisonnante –, de beaux témoignages de musiciens qui, tous le reconnaissent, doivent quelque chose à Mr JC. Jazz Magazine a bien fait les choses et, bien que non intéressé à son chiffre d’affaires, je me permets de vous encourager à acquérir au plus vite ce numéro, à conserver précieusement.

    Né le 23 septembre 1926, John Coltrane est vraiment apparu sur le devant de la scène quelque trente ans plus tard, après une période d’apprentissage auprès de musiciens tels que John Hodges, et un rôle de sideman de premier plan dans le quintet de Miles Davis (de 1955 à 1960), pour apparaître ensuite aux yeux de tous comme une comète qui, pendant 10 ans – jusqu’à sa mort le 17 juillet 1967 – aura tout balayé sur son passage. Travailleur acharné, en perpétuelle quête d’une musique et d’un son universels, John Coltrane aura lutté jusqu’à son dernier souffle pour nous faire partager sa foi en une musique totale, dont on ne revient pas totalement intact. Pour s’en convaincre, il suffit d’écouter quelques versions successives de «My Favorite Things» – à l’origine une chanson extraite de la comédie musicale «La mélodie du bonheur» – depuis celle qu’il enregistra en octobre sur le disque éponyme et sa version incroyablement étirée (57 minutes) en juillet 1966 lors de sa tournée au Japon, en passant par de nombreuses autres disponibles sur des enregistrements live (cf. les tournées européennes en 1961 et 1962). On peut parler de transfiguration, de quête, de Cri (avec un C majuscule). John Coltrane tutoyait les anges et, pour avoir engagé un dialogue trop serré avec Dieu, l’a probablement rejoint trop vite. Trop vite pour nous en tous les cas.
    Au-delà de ses fulgurances, on retiendra – entre autres – sa somptueuse collaboration avec trois musiciens de 1960 à 1965 : Mc Coy Tyner (piano), Jimmy Garrison (contrebasse), Elvin Jones (batterie). Ce quartet magique enregistra des disques inégalés (citons en quelques uns : «A Love Supreme» (1964), «Crescent» (1964), «First Meditations For Quartet» (1965), «Sun Ship» (1965), «Coltrane» (1962)) et fut souvent augmenté de musiciens habités venus participer à l’aventure (comme Eric Dolphy que l’on retrouve sur «Live at the Village Vanguard» (1961) ou Archie Shepp et Pharoah Sanders sur «Ascension» (1965). Puis vint l’explosion à la fin de l’année 1965 : Elvin Jones supportait mal la concurrence que Coltrane lui imposa avec l’introduction d’un second batteur, Rashied Ali, et Mc Coy Tyner ne semblait plus se reconnaître dans la musique que jouait Coltrane vers la fin de sa vie. Une nouvelle formation se faisait jour, dans laquelle Alice Coltrane (piano, harpe) faisait elle aussi son apparition. Seul Jimmy Garrison resta fidèle jusqu’au dernier jour. On pourra retenir le disque «Offering» comme une sorte de testament discographique et lui adjoindre un enregistrement de la même époque, «Stellar Regions», publié en 1995 seulement !
    J’ai découvert Coltrane, comme on dit, sur le tard. N’ayant pas été «initié» au jazz dans mon enfance et mon adolescence, j’ai abordé l’univers du saxophoniste un beau jour, il y a 25 ans environ, parce que j’avais été très intrigué à la lecture d’interviews de Christian Vander (Magma) qui parlait de John (il en parle toujours ainsi) d’une façon si belle et humble que j’ai fini par vouloir en savoir plus. Pour lui, Coltrane était LA référence absolue. Je me suis acheté le 33 tours « My Favorite Things » et, depuis, j’ai quasiment tout acheté, en m’efforçant de mettre de l’ordre dans une discographie foisonnante et fortement évolutive. Pas évident de s’y retrouver quand on n’est pas spécialiste et je me permets de remercier ici le journaliste François-René Simon qui, en 1991, m’envoya un jour une longue lettre en réponse à une question que je posais à Jazz Magazine (déjà) pour essayer de m’y retrouver un peu. Son courrier était extrêmement documenté, il me suggérait un certain nombre de disques et fut pour moi d’une aide précieuse.
    Curieusement, la paternité que Vander exerça indirectement sur ma découverte de Coltrane s’est aujourd’hui comme inversée. Alors qu’au quotidien, je n’écoute plus la musique de Magma ou d’Offering que de façon assez épisodique, j’en reviens constamment à Coltrane, source inépuisable à laquelle je m’abreuve, mère nourricière à fort potentiel énergétique.
    Bien entendu, on pourra noter que parallèlement à ce travail de qualité produit ce mois-ci par Jazz Magazine, nos télévisions dites de service public ont été totalement muettes au sujet de John Coltrane. Doit-on s’en étonner ? Certainement pas. Elles ont beaucoup mieux à faire et pour avoir récemment zappé un peu au hasard sur France 2 avant-hier soir (« On a tout essayé ») et hier au journal de 13 heures, j’ai bien noté que l’événement culturel du moment était la sortie du nouveau disque d’Axelle Red, objet d’une promotion vraiment frénétique. Quand le conservatisme ambiant atteint un tel niveau de perfection, on ne peut que s’incliner et savoir d’avance que tous les artistes ayant choisi, à un  moment ou à un autre de leur parcours, de sortir des sentiers battus et de déranger sans forcément le vouloir l’ordre établi, seront passés sous silence. N’oublions jamais qu’en 1960, alors qu’il se produisait à l’Olympia avec Miles Davis, une partie du public siffla copieusement Coltrane (un double CD en témoigne sans la moindre ambiguïté…) dont les interventions bousculaient joyeusement les codes de l’époque et qu’en 1966 – soit un an avant sa mort – il fut déprogrammé de plusieurs concerts auxquels il devait participer parce que sa musique sortait trop du cadre un peu étriqué des normes établies par les tenants du « vrai jazz ». Alors la télévision en 2006… vous imaginez bien à quel point elle se contrefout d’un musicien imprévisible et délivré des chaînes, qui nous a quittés voici près de 40 ans maintenant.
    Et merci, une fois encore, à toute l’équipe de Jazz Magazine.

  • Tu me fais Tournier la tête…

    En fouillant dans mes archives, j’ai retrouvé un vieux texte (écrit voici plus de 14 ans maintenant) consacré à Michel Tournier, un écrivain pour lequel j’ai la plus grande admiration. Du « Roi des Aulnes » aux sublimes « Météores », en passant par « La Goutte d’Or » ou ces belles notes le lecture que sont « Le Vol du Vampire » ou bien encore d’autres textes passionnants comme « Célébrations », l’œuvre de ce monsieur est captivante. Je vous livre cette petite note telle que je l’avais écrite, quelques heures après avoir rencontré ce grand monsieur à Nancy.

    Nous avons rencontré Michel Tournier vendredi en fin d’après-midi, à l’occasion de la sortie d’un livre de l’écrivain qui mêle textes et photographies : intitulé “Le crépuscule des masques”, il rassemble un certain nombre de réflexions personnelles de l’auteur dont on sait qu’il vit intensément l’opposition entre l’image et le signe (voir notamment le thème de “La Goutte d’Or” qui reflétait déjà cette contradiction en mettant face à face deux cultures).

    medium_tournier.jpgTournier, qui est maintenant âgé de 68 ans, commence à se parer des rides de la vieillesse, en d’autres mots il se chiffonne, et tout me porte à croire qu’il est atteint d’un début de surdité. J’en veux pour preuve cette façon qu’il a de se pencher en avant sur la table en plaçant sa main en coquillage autour de son oreille pour mieux comprendre le prénom qu’on lui cite avant une dédicace. Un peu iconoclastes les premières impressions ?

    En fait, pas tant que cela : on a envie de parler de Tournier comme d’un ami de longue date, avec ses qualités, ses défauts et ses petits travers. Le personnage n’impressionne pas, il est dans la vie comme dans ses livres : précis, pédagogique, toujours prêt à raconter une anecdote qui viendra illustrer de façon très méthodique les propos qu’il tient. Le cerveau de Tournier est parfaitement structuré, il est garni d’une multitude de petites cases, des greniers magiques, que son propriétaire ouvre à sa guise selon les besoins de la conversation. On peut lui apporter la contradiction, lui reprocher aussi une trop grande sécheresse de ses productions depuis quelques années, il ne s’en offusquera pas, bien au contraire ! Il fera rebondir la discussion, vous expliquera dans un long soupir qu’il vaut mieux ne pas attendre un nouveau roman tel que “Les Météores” et l’on sent chez l’écrivain un besoin de souffler, de vivre à un rythme bien plus calme que ses personnages. Un début de retraite ?

    On peut tout aussi bien lui dire notre admiration, lui expliquer ce que l’on aime dans ses livres : Tournier sait goûter avec délectation aux compliments, c’est certain, mais je suis persuadé qu’il déteste la flatterie. La glorification gratuite ne le touche pas, bien au contraire, il apprécie le commentaire qui lui prouvera que vous l’avez lu - il s’en étonnera, comme surpris du temps que vous lui avez consacré - et saura à son tour vous poser des questions sur un sujet qui le passionne.

    Je connaissais un peu le caractère du personnage et je me suis amusé à le titiller, alors que nous parlions de photographie, en évoquant le cas de ce photographe aveugle, imbu de lui-même, méprisant ses confrères voyants, que Pivot avait invité un beau jour dans son “Bouillon de Culture”. Il fallait voir Tournier bougonner, tempêter contre Pivot : “Je lui en veux à Pivot ! Quand je pense à tous ces photographes de talent que je connais et dont personne ne parle ! Pivot a trop recherché le sensationnel : un photographe aveugle ! Et pourquoi pas un musicien sourd ?” En plein dans le mille…

    Sacré Michel Tournier, personnage insaisissable, qui fond de bonheur lorsqu’un enfant lui dit avoir lu ses bouquins, qu’on sent ivre de plaisir à l’idée de parler, d’être écouté. Il y a du narcissisme chez cet homme là, comme chez bien d’autres.

    En tous cas, une bien agréable demi-heure, non pas au coin du feu dans un ancien presbytère à Choisel, mais derrière la modeste vitrine d’un petit magasin de photographie, Grande Rue, à Nancy.

    A la fin, on est tout surpris en regardant Tournier qui lève le sourcil et vous demande, un peu désappointé : “Vous partez ?”, comme si la situation s’était inversée ; vous étiez venu le voir, un peu intimidé, pour lui poser quelques questions, avec la crainte de paraître idiot et de l’ennuyer. Et c’est lui qui réclame l’échange, c’est lui qui devient le demandeur.

    Attendrissant, il y avait derrière cette question finale comme un peu de désarroi…

    [Note écrite le dimanche 20 septembre 1992]

    Addendum 2006 : depuis ce soir de septembre 1992, j'ai eu l'occasion de rencontrer brièvement Michel Tournier, lors de manifestations littéraires telles que "Le Livre sur la Place" à Nancy. La dernière fois, c'était je crois en 2004 lors de la publication de son essai "Le bonheur en Allemagne". Les années ont passé, le bonhomme est octogénaire mais son esprit toujours aussi vif. Il nous l'a démontré cette année-là lors de la remise du prix de la Ville de Nancy avec un texte sublime consacré à George Sand. Ecriture nerveuse, idées faussement simples, une culture littéraire, historique et philosophique hors du commun, et un humour tonifiant.

    Aujourd'hui, Tournier publie "Les Vertes Lectures", que je vais m'empresser d'acheter. A ce sujet, laissons donc son auteur vous présenter lui-même son dernier livre...

    http://www.academie-goncourt.fr/m_tournier.htm