Dans une note du mois dernier, je m'étais un peu emporté contre certains - je devrais plutôt dire certaine - de mes collègues dont la pensée vagabonde en permanence bien au-dessous du niveau de l'intelligence d'une huître fatiguée. Leur truc, c'est la référence permanence à un ennemi invisible, dont on connaît l'identité qui se résume à un seul mot : ILS !
Aujourd'hui, la crise de paranoïa a encore provoqué quelques dégâts ! Mais dans sa grande clémence, l'ennem'ILS nous a laissé quelques rarissimes perles dont on ne sait si elles doivent déclencher chez nous crise de fou rire ou larmes de tristesse.
Je vous plante le décor : il est 8h25, j'arrive au bureau et une bonne partie de l'équipe (5 personnes en moyenne à cette heure), pourtant sensée travailler à partir de 8 heures, a encore le derrière vissé dans le petit réduit jaune criard qu'on appelle "la cafét". Chaque matin, sous l'impulsion perverse des plus aigris, un nouveau sujet de conversation convoque ILS à se manifester. On pourrait appeler ce moment de la journée le café du commerce, je préfère néanmoins le baptiser "commerce du café", car c'est bien entendu ce dernier qui est le prétexte à repousser au plus tard le moment de s'avachir devant son bureau, en attendant la pause bien méritée de 10h30.
J'arrive, je salue chacun et, juste au moment où je m'apprête à monter au premier étage, voilà... PAF ! - l'ennemi qui s'avance, même pas masqué : il vient de frapper sur la Place Stanislas, dont la rénovation avance à grands pas et qui va redonner à ce lieu historique toute le lustre qu'il mérite. Voitures chassées, pavage identique à ce qu'il était à l'origine, nettoyage des façades, aménagement de trois rues voisines qui deviennent piétonnes elles aussi. Un vrai bonheur de citoyen, une attraction pour les touristes, un sentiment de réussite pour nous, pétitionneurs de la première heure, qui allons pouvoir enfin flâner en ce lieu magique en toute tranquillité.
Oui mais voilà : ont-ILS vraiment refait la Place à l'identique ? Pas sûr, car ILS disent que c'est faux, d'ailleurs, la preuve, c'est que les pavés sont tellement clairs qu'on en a les yeux éblouis. Et puis, cette légère pente dans le sens de la montée, de l'extérieur vers le centre, là où se trouve la statue du bon roi Stanislas... "Hé, vous vous rendez compte ? Quand on est Rue des Dominicains, on ne voit même plus la Pépinière" (notre parc de centre ville). J'ergote un minimum, étonné de cette vision exceptionnelle : "Ah bon, tu réussissais à voir le Parc depuis le Rue des Dominicains ?"... "Euh, non, enfin, on ne voit plus la façade des Césars" (une pizzeria).
Ouh la la la la, nous y voilà, on touche à l'essentiel ! C'est l'estomac qui parle... Mais comment elle s'y prend pour arriver à ne plus voir cette précieuse façade ? Elle se couche par terre, sur le ventre, en regardant dans l'autre sens ? Franchement, j'ai beau chercher, j'ai du mal à comprendre.
Ou plutôt je comprends trop bien : une nouvelle manifestation de la résistance à tout changement. Ah, où est-il le bon temps de la Place Stanislas plane, formidable mini-circuit automodébile pour les brutes épaisses adeptes du sprint en zone urbaine ? Mieux encore, pourquoi ne pas revenir aux années 60, quand la place était non seulement autorisée à la circulation des engins motorisés mais qu'en outre, elle était un magnifique parking, dégueulant de bagnoles à n'en plus finir, reflet fidèle de cette paresse anti-écologique qui vous interdit d'imaginer qu'au-delà de 100 mètres, un trajet ne puisse plus être piéton ?
Pardon pour cette phrase interminable, mais là... ce matin, j'avais la machine à coups de pied au cul qui me démangeait. J'ai vite quitté le bocal empuanti par la clope et je me suis réfugié dans mon bureau où, histoire de rester en accord avec moi-même, je me suis mis au travail, en rêvant du mois de mai et du jour où je pourrais m'installer au soleil de la Place Stanislas, en sirotant in Ti Punch bien mérité.