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DiaChronique - Page 4

  • Y a des écologifles qui se perdent...

    La scène se passe en fin d'après-midi, voici quelques jours, en ma belle ville de Nancy. Alors que je rentrais chez moi en voiture – un véhicule que j'utilise avec la plus extrême des parcimonies, lui ayant toujours préféré la marche urbaine – j'aperçus, venant dans l'autre sens et piaffant d'un moteur impatient au feu rouge, une voiture italienne arborant un petit cheval, flambant neuve, décapotable, conduite par un superbe prototype de "kéké" qui eut tôt fait de démarrer dans un rugissement de tous ses canassons moteurs, donnant l'impression à ses voisins de file d'attente l'impression d'être comme scotchés au bitume. J'eus à peine le temps d'apercevoir l'individu qui pilotait l'engin mais durant un instant, je fus gagné par un certain découragement.

    Oh, je vous arrête tout de suite… Je ne suis pas envieux, mais alors là, pas du tout ! Le type, là, avec ses lunettes de soleil collées au front, sa barbe de trois jours et sa chemise blanche au col grand ouvert sur une chaîne en or – si si, je vous assure, le mec, il était comme ça, si j'avais eu le temps de le voir plus longtemps, je pense que j'aurais débusqué un téléphone portable collé à son oreille – il peut se payer tout ce qu'il veut avec son argent, je m'en tamponne le coquillard ! Qu'il s'achète une voiture coûtant 100.000, voire 200.000 euros si ça lui chante, je n'en concevrai pas la moindre esquisse de début de commencement de soupçon de jalousie, loin s'en faut. C'est pas mon style.

    Non, le problème est ailleurs. Allez, puisqu'on en est au stade des confidences, je vais vous expliquer. Voici en effet des années et des années que, comme le plus couillon de tous les couillons, je ne fais pas couler l'eau du robinet pendant que je me brosse les dents ou que je me savonne les mains, je ne prends que des douches et jamais de bain, je règle la température de ma chaudière à un niveau raisonnable, inférieur même aux préconisations de tous les chasseurs de gaspi, j'éteins la lumière quand je quitte une pièce, je me méfie comme la peste des lampes halogènes, j'achète petit à petit des ampoules basse consommation, je laisse en veille le strict minimum d'appareils électroménagers, je trie mes déchets, j'ai même un bac à compost, je n'utilise ma voiture que lorsqu'il m'est impossible de faire autrement – il faut que le distance ne soit pas inférieure à deux ou trois kilomètres pour que je me convainque de ne pas la parcourir à pied, je ne conduis que des véhicules à très raisonnable consommation d'essence, j'évite quand je le peux les autoroutes où l'on roule trop vite – de toutes façons, les chauffeurs de camions du monde entier ont définitivement rendu ces axes infréquentables et plus que dangereux… bref, je suis le mec le plus discipliné qui soit et je n'ai pas attendu que la Terre se réchauffe dangereusement pour appliquer consciencieusement  quelques règles de bon sens à mon quotidien. Tiens, c'est même encore plus élaboré et subtil chez moi : ma santé ne m'a jusqu'à présent pas autorisé les longs voyages en avion, ce qui fait qu'on ne peut même pas me compter au nombre de tous ces touristes qui vont chercher le soleil à l'autre bout du monde et pour cela, brûlent des quantités phénoménales de kérosène et contribuent eux-mêmes à l'effet de serre qu'ils dénonceront avec la plus grande fermeté. Je ne fais même pas partie des touristes skieurs qui pestent quand la neige encombre les routes qui les mènent jusqu'aux pistes des stations et râlent quand elle n'est pas tombée suffisamment pour leur permettre de jouer. Alors qu'ils pourraient être traversés par l'idée que, peut-être, la montagne en hiver, c'est un univers qui aurait besoin de se régénérer et se dispenserait volontiers de leur manège désenchanté. Je suis un marcheur alpin estival, tout bêtement, et j'ai dû me résigner à ne plus compter les engins de chantiers qui défigurent le paysage pour préparer encore et encore de nouvelles pistes destinées à nos champions d'une semaine. Vous voyez bien, je suis un type qui mène une vie quasi ascétique et sait souvent se contenter de plaisirs simples.
     
    N'empêche. Ce connard, là, au volant de son attentat écologique, en quelques mètres il aura brûlé autant d'essence que moi en plusieurs kilomètres et je suis certain qu'en plus, il est fier de ses exploits. C'est comme le type, là, qui se gare souvent dans ma rue. Vous savez quoi ? Il conduit un Hummer, oui oui, le gros truc que l'armée américaine utilisait pendant la première guerre du Golfe. Déjà qu'il est pas fichu de se garer correctement et qu'il se sent obligé de stationner à moitié à cheval sur le trottoir – ce qui, j'en suis certain, le convainc de la nécessité de piloter une telle chose – il faut en plus qu'en une semaine à lui tout seul, il pompe toute l'essence d'une station.
     
    Faut vraiment être motivé parfois face à l'insouciance et à la stupidité d'une partie de nos concitoyens. Il y a des jours où je me demande à quoi ça sert, tous ces petits efforts qu'on accumule, tous ces petits gestes qu'on effectue avec l'idée que "les petits ruisseaux font les grandes rivières". Surtout que je me demande souvent ce que je pourrais faire de plus pour être un bon citoyen. Et pendant ce temps-là, les crétins à moteur paradent et pétaradent, confondant visiblement leur levier de vitesse avec leur quéquette.
     
    Pfff… j'arrête, je sens que je deviens un vieux con. Ah mais qu'est-ce que ça fait du bien !

  • Ce monde n'est pas encore beau...

    Ce blog serait-il, lui aussi, victime de la tyrannie de l'Audimat ? Je constate en effet que les notes que je consacre à la musique – oui, je le confesse, il m'arrive d'évoquer certains artistes pas toujours très connus de cette entité mystérieuse qu'on appelle le grand public, celui qui s'amassait sur les gradins du chapiteau dressé récemment sur notre belle Place Stanislas à l'occasion de la venue de l'animateur préféré de ces dames qui, toutes, si j'en crois les spécialistes, veulent en faire leur gendre, ce qui est étonnant au regard de son âge – suscitent peu de visites et encore moins de commentaires. Notez bien que je ne suis pas particulièrement en attente de ces derniers, même s'ils font toujours plaisir à lire, à l'exception de ceux en provenance de quelques scribouillards anonymes qu'en tant que modérateur de cet espace, je me plais à éradiquer avec une joie non dissimulée. Je ne suis pas un spécialiste de l'évolution des espèces, mais il est toujours amusant d'observer que le développement des blogs et des forums sur Internet va de pair avec la croissance exponentielle du cheptel des corbeaux. Ah, la douce et couarde protection de l'anonymat !
     
    Tandis que la mise en ligne d'une note à vocation plus humoristique déclenche beaucoup plus naturellement une floppée de passages en ce modeste lieu, pendant que les commentaires se mettent à fleurir.

    Alors que faire ? Abandonner toute idée d'évoquer les musiciens et / ou les disques qui comptent pour moi ? Chercher à tout prix la bêtise qui fera naître, peut-être, un début de sourire chez mes lecteurs ? Me laisser guider par l'inspiration du jour et parler de ce qui, le plus sincèrement du monde, me donne envie d'écrire ? Un jour il peut s'agir de musique, un autre une tentative d'observation du monde bigarré de nos contemporains. Allez, vous avez trouvé : c'est la troisième réponse  qui est la bonne ! Je n'ai pas la moindre envie de me laisser imposer quoi que ce soit et si, tel matin, je me lève avec l'idée que je resterai muet quelque temps, je ne forcerai pas non plus mon naturel – qui, de toutes façons, reviendra au galop.

    Donc, c'est dit : vous pouvez snober mes textes à orientation musicale, je ne vous en voudrai pas et j'aurai la faiblesse de ne pas me considérer comme la victime expiatoire d'un complot des forces médiatiques. Si l'on choisit d'emprunter une voie que l'on pense – en toute humilité – sortie des sentiers battus de la norme de l'époque (j'entends ici le mot norme au sens statistique, c'est-à-dire sous son acception quantitative), alors il faut accepter de n'être suivi que par une infime minorité de nos contemporains. Il faut même, éventuellement, s'en réjouir et être fier de rester en accord avec soi-même.

    Prenons le cas d'aujourd'hui : en chemin vers le boulot, je suis passé sous la voie ferrée, empruntant le petit passage "télécran" que j'ai déjà évoqué ici même il y a quelque temps. Tout seul, je m'amusais en constatant que nos grapheurs / taggers anonymes (ah… décidément, nous sommes poursuivis par de menaçants anonymes, tout le temps… Je dis cela en riant un peu jaune car il m'est arrivé un jour de recevoir une vraie lettre de menaces, non signée bien évidemment, et que je garde au chaud précieusement car elle est manuscrite et donc pas totalement dépourvue d'une certaine dose de singularité qui pourrait permettre, on ne sait jamais, d'identifier son lâche auteur… tout cela parce que, justement, j'avais commis l'erreur impardonnable de ne pas "penser" selon la norme du lieu dans lequel je m'exprimais. Mais ceci est une autre histoire que je raconterai, un jour, lorsque le temps aura fait son œuvre et dissous l'existence même de ces sujets de conversation) avaient encore frappé. Il y a ce jeune homme qui passe une annonce pour demander qu'on lui fasse subir quotidiennement les pires outrages. On peut y lire son adresse et son numéro de téléphone. Certes, je ne doute pas un instant du caractère fantaisiste des informations pratiques qui nous sont livrées mais il y a tout de même de quoi s'interroger, non, vous ne trouvez pas ? Moi, ça me serre le cœur de lire toute cette misère personnelle ainsi affichée qui en dit long sur le malaise du monde dans lequel nous vivons. Ce n'est pas comme mon anarchiste de service qui vient encore de nous livrer le fond de sa pensée : la résignation est un suicide au quotidien. Tiens, ce con, il livre même le pistolet qui va avec, pour le cas où nous, pauvres lecteurs abrutis, n'aurions pas tout compris. Ce que j'aime dans ses impératifs muraux, c'est surtout qu'il nous prend tous pour des billes ; il prétend défendre notre cause mais en réalité, on devine sous ses slogans préfabriqués qu'il pense pour nous parce que nous sommes incapables de mettre en branle notre pauvre cerveau de consommateurs à l'esprit disponible pour toutes les turpitudes mercantiles. Et, petit à petit, on entrevoit qu'un monde géré par ces penseurs autoritaires deviendrait vite aussi dictatorial que celui de l'ultralibéralisme échevelé qui règne depuis des décennies. L'essentiel est, chers lecteurs, que nous ne pensions pas ! Obéissons, consommons, soyons dociles et tout ira bien.
     
    Mais il se passe des phénomènes encore plus étranges dans mon petit passage. Figurez-vous qu'hier soir, en rentrant du travail – j'effectuais donc le trajet dans l'autre sens – j'ai croisé une demoiselle pleurant à chaudes larmes derrière ses lunettes de myope tout embuées. Rien d'extraordinaire : chacun a le droit d'exprimer ses sentiments, même les plus tristes, selon le mode qui lui convient, c'est notre liberté. En marchant, je tentai d'imaginer les raisons qui avaient pu l'amener ainsi à larmoyer aussi ostentatoirement (fallait bien que je le place ce mot…) : une peine de cœur, une mauvaise note à un partiel, un redressement fiscal, un cambriolage, que sais-je ?… Ma liste s'allongeait très vite, mais bien sûr, je ne trouvais pas la réponse pour autant. Je n'allais tout de même pas faire demi-tour, allonger ma foulée et interpeler cette personne en détresse pour lui demander : "Hé, ho, pourquoi pleurez-vous ?" – notez que contrairement à la quasi-totalité des journalistes, j'utilise la forme interrogative quand je pose une question. Avez-vous remarqué ? A la radio ou à la télévision, vous auriez entendu : "Hé, ho, pourquoi vous pleurez ?" Fin de la parenthèse, mais cette remarque me tenait à cœur. On a les soucis qu'on peut, n'est-ce pas ? Bref, bref… Je ne saurais jamais pourquoi j'avais croisé ces larmes sur pieds. Surtout que ce matin, exactement au même endroit… mais non, vous ne vous trompez pas, j'ai croisé à nouveau cette demoiselle qui pleurait toujours aussi fort ! Même manteau noir, mêmes lunettes à montures épaisses, même yeux rouges derrière leur voile opaque… Incroyable ! Vraiment, elle doit être dans une vraie détresse cette pauvre jeune fille pour pleurer autant. Je ne l'ai pas interrogée pour autant, ce n'est pas mon style mais elle a vraiment suscité chez moi une question de première importance : aurait-elle passé toute la nuit en cet étroit boyau ? aurait-elle consacré toutes ces heures à déchiffrer les pensées placardées par mes écrivains nocturnes ? serait-elle en réalité la victime des écrits qui recouvrent ses murs ? aurait-elle pris au premier degré tous les ordres qui y sont imprimés ? Impossible de vous le dire.
     
    Alors je souhaite exposer ma requête aux anonymes qui écrivent ainsi sans mesurer les conséquences de leurs actes : assumez ! Faites-vous connaître ! Sachez qu'à cause de vous, il est des innocents qui pleurent après avoir pris vos graffitis pour de vraies pensées.

    Promis, la prochaine fois, je vous parlerai de musique.

  • Cauchemar logomoteur ou le poulet alcoolique de l'Eglise des Dunes

    En règle générale, au moment du réveil, je ne me rappelle pas mes rêves. Ah, tiens, permettez… une première parenthèse digressive : juste pour vous dire qu'on se rappelle quelqu'un ou quelque chose et qu'on se souvient de quelqu'un. Vous avez remarqué le nombre de personnes qui "s'en rappellent" ? Moi, ça m'énerve… Tiens, c'est comme tous ces hommes politiques qui "tirent les conséquences"… Je leur filerais des baffes, si j'en avais le pouvoir. Messieurs, on tire les conclusions, pas les conséquences ! Les conséquences, comme dirait je ne sais plus qui, elles se tirent toutes seules !!! Oh, je continuerais volontiers en évoquant cet usage du double relatif redondant et inélégant, vous savez, les phrases du genre : "c'est de cela dont il s'agit". Ben non, faut choisir son camp et économiser les relatifs : c'est de cela qu'il s'agit ou bien c'est cela dont il s'agit… Tsss… Je vais devenir intégriste si ça continue. C'est comme quand j'entends quelqu'un dire : "elle n'est pas prête de s'en aller". Là, encore c'est tout faux et je me crispe facilement quand j'entends proférer une telle horreur, car il faut dire, vous le savez tous : elle n'est pas près de s'en aller, ce qui signifie que son départ n'est pas pour demain et que, d'une certaine manière, elle n'est pas prête à s'en aller. Bon, euh… j'en étais où ? Ah oui, mes rêves dont je ne me souviens que de manière exceptionnelle. Il y a juste une catégorie d'aventures nocturnes qui me revient souvent en mémoire : je suis quelque part, n'importe où, et j'ai envie de faire pipi. Et là, je dois toujours trouver une solution pour me soulager, c'est vital. Je crois même me souvenir qu'une fois, j'ai vidé ma vessie… dans un four ! Et je ne vous cacherai pas que dans ces moments pressants, j'ai vachement intérêt à me réveiller illico, sinon gare à la catastrophe. Bon… mais où voulais-je donc en venir ? Attendez… Les rêves… Oui, oui… le dernier, je m'en souviens parfaitement, il est étrange et pénétrant et j'ai décidé de vous le conter, même si je vais pour cela vous infliger un récit qui, de temps à autre, pourra vous sembler incohérent et un tantinet sinistre.

    I had a dream !

    Toute cette drôle d'histoire se déroulait le temps d'un court week-end. Ma fille, celle que d'aucuns peuvent connaître sous l'appellation de La Fraise, nous avait conviés, Madame Maître Chronique et moi-même, à un bien drôle d'exercice, une angoissante course contre la montre. Il nous fallait, en un temps record – un peu plus de vingt-quatre heures – rallier son petit appartement distant de 500 kilomètres, quelque part tout en haut de la France en un lieu que nous appellerons l'Eglise des Dunes, le vider intégralement, emplir de son contenu deux voitures (la nôtre – que certains d'entre vous connaissent sous le nom de Navette Spatiale –  et la sienne, garée là-bas depuis de longues semaines et qu'elle s'imaginait trouver à sa place, bien sagement, prête à démarrer…) et revenir à notre point de départ dans les plus brefs délais. Pour quelle raison ? Allez le lui demander, j'imagine qu'elle ne se plaisait guère en cette région qu'un employeur indélicat lui avait proposé de découvrir, certainement pour la punir d'avoir obtenu de brillants résultats à un concours quelques mois plus tôt. Le monde du travail est … impitoyable !

    Je n'ai que des souvenirs épars du voyage aller : de l'autoroute, de l'autoroute, de l'autoroute, des camions partout, conduits par de gros individus en survêtement parlant une langue inconnue, celle de quelque pays de l'Est. Depuis que nos frontières sont ouvertes aux transporteurs de Hongrie, Roumanie, Slovaquie ou de Pologne, je vous prie de croire que nos nouveaux amis en profitent autant qu'ils peuvent !!!  Ah, les vaches… Même que pendant que vous vous arrêtez pour une légitime pause pipi – désolé pour la récurrence urinaire – vous les trouvez installés devant les lavabos en train de se raser. Je me rappelle également un sandwich un peu mou avec, dedans, une sorte de pâte au thon avec une rondelle de tomate pour faire joli.

    Et puis, quelque six heures plus tard – je vous arrête tout de suite : il n'y a pas de faute à quelque qui ne s'écrit pas quelques, ici c'est la tournure adverbiale qui signifie environ, fin de la seconde parenthèse –  nous sommes arrivés devant la maison où nous attendait, bien sagement, la voiture de notre fille, une petite Honda Logo un peu cabossée quelques mois plus tôt après que sa néo-propriétaire ait vainement tenté de la faire entrer dans le garage de la Maison Rose. J'ai crû comprendre qu'au moment exact de la fatidique manœuvre, la porte du garage incriminé avait opéré un mouvement subit pour venir se gratter le mur contra l'aile droite du véhicule. C'est injuste… Mais revenons à notre histoire car le plus incroyable, c'est que la petite grise était toujours là ! Pas de doute, il s'agissait bien d'un rêve d'autant que quelques minutes plus tard, notre fille, exagérément optimiste, fut prise elle aussi d'une envie pressante :  la faire démarrer pour vérifier que ses projets de déménagement ne seraient pas contrariés par un moteur récalcitrant. Et là… mais oui, je rêvais toujours, la petite japonaise ronronna comme au jour de sa sortie d'usine, au quart de tour ! Ah si l'en allait toujours ainsi dans la vraie vie…

    Tout avait trop bien commencé… mais c'est par la suite que les choses se gâtèrent ! Comment nous retrouvâmes-nous dans les rues désertes d'une ville grise endormie dès 17h30 ? Je l'ignore. Nous marchions, le long d'une digue, dans la pénombre de laquelle nous devinions une étendue maritime un tantinet hostile et froide. Les passants étaient bien rares et nous fûmes intrigués par leur apparence : ils étaient déguisés ! Tous pareils, ou presque ! Des hommes transformés en femmes, avec des minijupes et des collants rayés multicolores, perchés sur de hauts talons et surmaquillés à la façon de clowns grotesques. Tous semblaient rallier une destination inconuue, incertaine, leurs mines sombres masquant mal une détresse assez facilement perceptible. En continuant ainsi notre chemin, nous pûmes scruter l'intérieur d'un bar où d'autres travestis commençaient avec beaucoup d'assiduité le long et pénible chemin de croix d'une inexorable alcoolisation, but ultime et probable de leur pathétique rassemblement. Il y avait même parmi les participants de cette course frénétique ce que je crus deviner comme étant un poulet humain ! Oui, vous m'avez bien lu : un monsieur habillé en poulet – ou en coq, mon souvenir est un peu vague, je l'avoue – qui buvait au milieu des autres, tout aussi avinés. En nous retournant, nous vîmes déambuler sur le trottoir des dizaines d'autres hommes femmes tristes marchant vers cet angoissant nulle part. Je me rappelle également une longue pause dans un restaurant où, entre deux bouchées d'une excellente choucroute aux trois poissons, je ne cessai de lorgner du côté de la fenêtre où j'entrevoyais, encore et encore, ces êtres étranges, maquillés à outrance, arborant des perruques bouclées bleues, jaunes, orange, rouges. Brrr…

    Le problème des rêves, surtout quand ils virent tout doucement au cauchemar comme ce fut le cas, c'est qu'il est bien difficile de s'en extraire et d'en contrôler le cours. Je me sentais comme piégé, prisonnier des ces personnages improbables qui nous auraient bien fait rire dans la vraie vie. Encore que tellement de tristesse se dégageait de leur procession ininterrompue…

    Je ne peux, une fois encore, vous expliquer comment je me retrouvai passager de la voiture de ma fille à la recherche d'une station de gonflage… A quelques centaines de mètres d'une raffinerie, il nous était quasiment impossible de localiser un point de ravitaillement en essence ! Tout cela tournait dans ma tête, les rues, un coup à droite, un coup à gauche et ainsi de suite, défilaient et je ne sentais perdu lorsqu'apparut une enseigne qui fit renaître en nous l'espoir. Peine perdue ! Un fou furieux avait retiré tous les tuyaux et, après une petite hésitation, nous consultâmes deux autochtones matutino-dominicaux pour leur demander s'il serait, éventuellement, possible de dénicher une station service munie de pompes à essence et de gonfleurs avec leurs tuyaux. Nouvel effet pervers de la perception floue des protagonistes au travers du filtre de mon rêve : plus leurs explications étaient fournies en détails, moins je comprenais où ils voulaient nous diriger. Vous allez tout droit, puis vous tournez, vous traversez le canal et vous revenez sur vos pas, c'est tout droit… enfin, un truc dans le genre, incompréhensible mais détaillé et souligné par un sourire désarmant… qui nous changeait beaucoup de tous ces faciès sinistres et bariolés qui continuaient à arpenter les rues de la ville, parfois surmontés d'un parapluie un peu désuet, porté très haut au-dessus de leur tête. Un peu déboussolés, nous reprîmes notre chemin et, prise d'une soudaine inspiration, ma fille décida de trouver l'emplacement d'un supermarché qu'elle n'avait jamais, jusque là, réussi à rallier en plusieurs mois de villégiature nordique. Nonobstant les limitations de vitesse, sa petite voiture filait telle l'éclair jusqu'au moment où – Ô miracle ! – nous aperçûmes une enseigne qui s'avéra être celle d'une station service où trônait un gonfleur en état de fonctionnement…

    Là, j'ai encore comme un grand flou… Me reviennent à l'esprit quelques propos désobligeants sur les hommes qui, selon ma progéniture, feraient toute une histoire de la vérification de la pression des pneus alors qu'il n'y aurait vraiment pas de quoi fouetter une jante… Passons donc à la suite.

    Madame Maître Chronique et sa fille rangeaient, empaquetaient, lavaient, prises d'une frénésie dont je parvenais tout juste à absorber les excédents en chargeant nos deux véhicules à ras bords, non sans les avoir transformées en camionnettes en en rabattant les banquettes arrière. Voilà où mon rêve m'emporta après l'épisode des pompes à essence. Les événements connaissaient une brutale accélération : ces deux-là, visiblement, avaient décidé de mettre fin à notre séjour dans les délais les plus brefs ! Il est bien vrai que très vite, nous fûmes prêts à affronter 500 nouveaux kilomètres. En adoptant une technique particulière toutefois car notre fille avait décidé, la mutine, de piloter sa miniature asiatique du début à la fin, mais toujours accompagnée d'un passager. Une exigence de dernière minute, en quelque sorte. Vous voyez le genre ? Il me fallut d'abord être ce passager et Madame Maître Chronique dut accepter de jouer le rôle de la conductrice solitaire de la puissante navette, obligée de subir je ne sais quelle radio flamande ésotérique pendant que nous, devant, par la force du nombre, avions suffisamment de mains pour trouver, au bout d'une bonne heure de manipulations hasardeuses, un programme écoutable, à base d'opéra. Puis il y eut échange de pilotes et ce fut mon tour de conduire le bolide que je sonorisai à grands coups d'un jazz portalien ou de type texieriste. Fait étrange, je dois confesser qu'il me fallut beaucoup d'ingéniosité pour ne pas me laisser distancer par ma fille qui avait opté pour la formule "je double tout ce qui est devant moi" ; dans mon rêve cauchemar, je fus même obliger d'appuyer fort sur le champignon et de monter la régime de mon moteur alors même que j'avais enclenché depuis longtemps ma sixième vitesse. Et je ne pouvais m'empêcher d'avoir une pensée pour Madame Maître Chronique qui, quelques dizaines de mètres devant moi, était probablement en train de s'accrocher à tout ce qui était à portée de ses mains, priant Saint Dominique pour que leur frêle embarcation ne décolle pas au sommet d'une côte. Je la connais, Madame Maître Chronique, la conduite sportive, c'est pas son truc. Elle aime pas.

    Je me rappelle également le phare anti-brouillard arrière que ma fille décida d'allumer pour une raison qui lui appartient, certainement parce qu'elle aime les signaux clignotants des autres conducteurs éblouis, ça doit être un peu comme une fête pour elle. Et puis, vers la fin, il y eut cette drôle de station service dont tout un côté est constitué en réalité d'un entrepôt de cartouches de cigarettes vendues beaucoup moins cher qu'en France. C'est pire qu'un supermarché du tabac, il y a plein de caissières qui vous attendent, même lorsque vous êtes, comme moi, non fumeur. On y trouve aussi des CD et DVD vierges à des prix imbattables. Il y a un monde fou là-dedans, ça grouille, ça dépense. Moi-même, dans mon rêve, je n'ai pu résister à un achat impulsion d'une bonne centaine de disques à graver pour quelques menus euros. Ne me demandez pas le prix, faut pas exagérer tout de même.

    La nuit est tombée, nous sommes arrivés, nous avons vidé tout l'appartement de notre fille dans la chambre de son frère parti cohabiter avec des congénères musiciens depuis le mois de septembre.

    Et là, je me suis réveillé, un peu assommé, toutes ces épreuves nocturnes m'avaient complètement épuisé malgré une nuit de sommeil.

    Il reste un mystère que je n'ai pas élucidé : j'ai raconté minutieusement mon songe à mes complices de déménagement virtuel. Pour une fois que je me rappelais tant de détails et que j'avais gardée intacte la chronologie des événements, j'étais heureux de les en faire profiter, espérant même les amuser. Je n'eus même pas le temps de profiter du plaisir de mon histoire bizarre ! Toutes deux avaient fait le même rêve, le départ vers l'Eglise des Dunes, les poulets travestis alcooliques avec des parapluies, leurs regards perdus, le vidage complet de l'appartement, retour sur les chapeaux de roues dans une nuit clignotante et le supermarché aux cigarettes. Même que ma fille a donné sa version des faits dans son propre blog !

    Voilà pourquoi j'ai choisi de vous la raconter, cette histoire, parce que si vous me dites que vous aussi, vous l'avez vécue… je rends mon tablier et je vais me déguiser en poulet !

  • Chasse nocturne

    Je me dois de vous confesser mon inquiétude... Imaginez qu'au sortir du très beau concert des frères Moutin que j'évoquais l'autre jour, je me suis trouvé fort dépourvu lorsque je me rendis compte que nos chers amis musiciens avaient oublié d'emporter avec eux leur petit stock de CD destiné à la vente et, pourquoi pas, à la dédicace. Zut, moi qui avais attendu ce soir-là pour acheter "Something Like Now", je n'avais plus qu'à me faire voir ailleurs. C'est là que de drôles de phénomènes, a priori sans rapport les uns avec les autres, ont commencé à se manifester. Récit de 48 heures un peu spéciales.

    A peine avais-je quitté mon bureau lundi dernier que je me précipitai chez l'un des principaux disquaires de ma chère cité. Je ne dois pas le nommer, disons qu'il est une institution, en particulier du fait de son ouverture dominicale qui en fait un véritable lieu de promenade et un salon de lecture où il est de bon ton de s'installer tout en feignant d'ignorer les  clients qui aimeraient se frayer un passage. Le seul hic, c'est que le magasin a récemment été racheté par un groupe plus puissant dont le moins que l'on puisse dire est qu'il ne laisse guère espérer de sa part une forte propension à nous proposer des articles culturels un tant soit peu hors des sentiers battus. Wait and see... C'est donc un peu le foutoir dans ce vaste espace, y a des bouquins partout, sur plusieurs étages, une salle entière consacrée aux DVD et un rayon disques plutôt bien fourni au sous-sol. Sauf que... parmi les milliers de galettes rangées selon un ordre dont la logique peut parfois échapper aux esprits trop cartésiens, y a pas mon disque ! Mais c'est fou, ça ! Des musiciens viennent ici, tout près, pour donner un concert magnifique et c'est un complot pour que personne n'achète le disque dont ils ont joué une grande partie deux jours plus tôt.
     
    Puisqu'il en est ainsi, je fis abstraction de toutes mes habituelles réserves et me rendis vers une autre destination, un vaste supermarché de la culture qui, il y a bien longtemps, se prétendait un agitateur. Qui ne semble plus agiter grand chose, sinon le chiffon rouge de régulières restructurations économiques visant à s'attirer la clémence de je ne sais quelle caisse de retraite pour milliardaires de Floride, dont on dit régulièrement qu'elle pourrait en faire l'acquisition, à condition toutefois que l'agitateur en question veuille bien se décarcasser pour agiter au minimum ses dividendes. A moins que l'acheteur supposé ne soit une banque internationale. Inutile de vous laisser plus longtemps dans une insupportable attente : chez l'agité, y a pas de Moutin non plus ! Un peu déçu tout de même et espérant n'avoir pas vu le CD pourtant présent dans les bacs, j'avisai un vendeur et lui fis part de mon problème : "Euh... le dernier disques du Moutin Réunion Quartet", vous ne l'avez plus ?" Notez que je dis "plus", ce qui signifie que, dans ma grande innocence, j'espérais à ce moment précis qu'il eût pu (bien le subjonctif passé, bien...) auparavant l'avoir en stock. Mine désappointée du responsable du responsable du rayon, qui me dit (attention, c'est un grand moment) : "Oaaaarf... Naaaan... On n'en a pas, on en commande plus, ça se vend pas..." Vous pouvez répéter ? On n'en a pas, parce que ça ne se vend pas ! Ah oui, c'est vachement logique comme truc : on le met pas dans le magasin, comme ça on n'est sûr de pas en vendre. C'est grosso modo ce que je répondis à notre homme qui, j'en suis persuadé, n'a pas décelé à ce moment précis chez moi la moindre esquisse de soupçon de début de trace d'ironie. Et je fais comment, moi, pour m'acheter le disque des Moutin, moi, je fais comment ? "Ben... euarh... si vous voulez, on vous le commande !". C'est sûr, tu m'as bien regardé. T'es pas bien toi, tu viens de me dire que tu les commandais pas et tu veux bien maintenant ? Rien du tout, j'agiterai pas les dividendes de ton patron encore breton pour l'instant et j'irai me faire voir ailleurs. Non mais des fois...
     
    Il me restait alors une ultime solution : la commande en ligne. Je renonçai à mon fournisseur favori (ah ! ma zone !), qui m'annonçait je ne sais combien de semaines de délai. Pas le temps d'attendre, une Moutinite aiguë, faut la soigner assez vite, sinon, ça vous démange de partout. Donc là, c'est pas possible, désolé. Alors je me rendis sur le site de mes musiciens chouchous (www.moutin.com) et je pris connaissance du nom de leur label, en l'occurrence Nocturne. Ni une ni deux, je claviotais www.nocturne.fr et, en quelques clics, mis la main (enfin, pas exactement la main, c'est une image, arrêtez de croire tout ce que je vous dis) sur le disque tellement convoité : DISPONIBLE ! Et pour un prix tout à fait correct, frais de port inclus. Je n'avais plus qu'à accéder à la boutique en ligne et valider mon achat. Sauf que... gagné par l'impatience qu'avaient fait naître en moi tous ces virages commerciaux, je fus pour ainsi dire victime d'une glissade de souris et bouclai mon achat avant même d'avoir spécifié mon moyen de paiement. Un complot vous dis-je ! Il y a quelqu'un qui ne veut pas que j'achète le disque des frères Moutin, je le sais ! Il me fallut subir les assauts de mon client de messagerie qui m'expliqua que ma commande était bien validée... Comment ça, validée ? J'ai pas payé !!! Pfff... Là, je ne vous le cache pas, j'ai failli tout abandonner. Je n'étais même plus certain d'avoir bien assisté au concert dont je vous ai proposé le compte rendu voici quelques jours. Durant quelques instants, j'eus même quelques doutes quant à ma propre identité, c'est vous dire...
     
    Alors, mon général, on fait quoi maintenant ? Ben, on prend ses petits doigts, caporal, et on écrit à Monsieur Nocturne pour lui expliquer le problème et lui demander comment procéder ! A vos ordres mon général ! J'ai donc écrit à Monsieur Nocturne, qui s'est avérée dans un premier temps être une madame Nocturne, ce qui, vous en serez d'accord, ne change absolument rien. Voici sa réponse, très exactement :
     
    "Bonjour. Il faut procéder au paiement par carte bancaire pour que votre commande soit validée. La commande est envoyée automatiquement à nos clients, même si cette dernière n’est pas payée. Quand une commande n’est pas réglée par carte bancaire, elle est automatiquement annulée.
    Question PERSO : Êtes-vous gendarme ?? Si oui , quelqu’un de notre société souhaite vous parler.
    Très cordialement
    Nocturne."

    J'avais donc ma réponse puisque Madame Nocturne me conseillait finalement de renouveler ma commande et de ne pas me mélanger les crayons informatiques à nouveau. Mais la suite du message, vous y comprenez quelque chose, vous ? "Êtes-vous gendarme ?" A ce moment précis, j'ai commencé à avoir très peur : aurais-je mis le pied dans une boutique obscure dont les responsables auraient craint de ma part, enfin, la révélation de leurs activités illégales ? Pourquoi moi ? Je veux acheter le disque des frères Moutin, un point c'est tout ! Je ne suis pas gendarme, je ne l'ai jamais été et à supposer que j'ai envie de le devenir un jour, ça ne m'arrivera jamais, je suis bien trop vieux pour ça ! Alors pourquoi toutes ces questions ? Et puis, cette façon de me dire "question PERSO" écrit en majuscules, au cas où je comprendrais mal. Je respirai un grand coup et répondis avec ce ton affable (à fables ?) qui me caractérise : "Non, je ne suis pas gendarme, désolé !". Je ne sais même pas pour quoi je tins à leur faire savoir que j'étais désolé, parce qu'en réalité je ne l'étais pas. Intrigué, oui, désolé, non !

    La réponse à tout ce mystère ne se fit pas attendre, car deux heures plus tard, je reçus cet ultime message, accompagné de la validation de ma commande qui, cette fois, n'avait donné lieu à aucun ratage : " Un ami que je n’ai pas vu depuis longtemps est Gendarme, il se nomme Maître Chronique, voilà la raison de ma question."

    QUOI ? Un autre Maître Chronique ici-bas ? On se moque de qui ? Il n'a qu'un seul Maître Chronique sur Terre et c'est moi. Cet autre n'est qu'un usurpateur. J'écrivis donc une ultime réponse par laquelle je fis savoir que je n'étais pas ce Maître Chronique là et paraphai mon message d'un "Maître Chronique, le seul, l'unique, le vrai", vengeur.

    Depuis, Monsieur Nocturne ne m'a jamais plus donné de nouvelles, je crois qu'il a compris son erreur et se morfond dans la pénombre de la pièce où sont entreposés tous les disques dont ne veulent plus les grandes surfaces de la culture.

    Ah si, tout de même : dès le lendemain, un petit paquet m'attendait en la Maison Rose. Avec une remarquable célérité, Monsieur Nocturne m'avait fait parvenir ce disque Graal qui m'avait, durant toute une soirée, valu tant d'aventures.

    Mais je suis certain, certain, toutefois, qu'il s'agit d'un complot !

    NB : en réalité, Monsieur Nocturne n'évoquait pas Maître Chronique dans son message mais les prénom et nom sous lesquels je me cache au quotidien. Que je ne peux vous dévoiler, malheureusement. Ce qui ne change absolument rien à l'histoire, vous l'admettrez.

  • COgitations

    « Mais qu’est-ce qui leur arrive ? Hé ? Ho ? Ca va pas la tête ? Z’êtes devenus fous ? » Non, mais, attendez que je vous explique ce qui m’arrive. Je suis là, dans ma chambre, tranquillement allongé, je viens seulement de me réveiller et je me rends compte que mon frère est en train de m’embrasser à pleine bouche – jamais je n’aurais pensé ça de lui… Notez bien, je ne juge pas, c’est sa vie, il est libre… – pendant que ma mère, livide comme un ciel lorrain pluvieux au mois de novembre, me conjure de prononcer le nom des Bee Gees ! Non non, vous ne rêvez pas : les Bee Gees ! Je ne voudrais pas être désagréable, mais ça aurait pu attendre un peu, laissez-moi émerger les amis, on est samedi, y a pas collège aujourd’hui, rien ne presse et cet après-midi, c’est Intervilles à Verdun, avec Guy Lux en vrai ! Nous sommes le premier mai, c’est la fête du travail, on va pas s’exciter comme ça sur le nom des frères Gibb ! C’est peut-être parce qu’ils ont une chanson qui s’appelle « First Of May » que ma mère y tient tellement. Mais d’un autre côté, ça m’étonne quand même parce que je ne la connaissais pas sous cet angle, ma mère, je savais pas que ça l’intéressait la musique anglo-saxonne, j’en étais resté aux Compagnons de la Chanson, Fred Mella, Jean-Louis Jaubert, Jean Broussolle… Quant à mon frère, ce serait bien qu’il arrête un peu parce que, sans vouloir être oiseau de mauvais augure, y a juste derrière lui un type en uniforme qui va l’enfermer au poste de police s’il continue à me malaxer les lèvres !!! Enfin, quand je dis police, je suis pas certain, je ne reconnais pas bien la tenue et puis il y a ce casque un peu inhabituel. Oui. Et puis je trouve que mon lit est un peu dur ce matin… Mais c’est bizarre tout de même, j’ai l’impression d’être allongé par terre parce que ma tête est à la hauteur des pieds de ma mère, alors à moins de supposer qu’elle ne soit parvenue à un état de lévitation suite à sa découverte des mélodies des Bee Gees, j’explique pas, mais vraiment pas. Et je suis en slip. D’habitude, je ne dors jamais en slip. Je porte un pyjama.

    Je crois que je commence à comprendre tout doucement…

    Tout à l’heure, j’étais déjà levé. J’ai même pris mon petit-déjeuner. Et puis je me souviens que j’ai voulu prendre un bain. On peut pas dire que j’étais sale, mais aujourd’hui, c’est un samedi qui compte comme un dimanche : oui, c’est ça, nous sommes le samedi 1er mai 1971 ! Alors, on va pas attendre dimanche pour le bain, on se débarrasse du lavage aujourd’hui. Surtout que cet après-midi, il paraît qu’on ira tous au Parc de Londres – c’est le stade qui s’appelle comme ça, à Verdun – pour voir Intervilles avec Guy Lux. C’est pas que ça me passionne vraiment, mais ça changera un peu.

    Donc, je suis monté à la salle de bains. Ce qui a installé ma mère dans un état d’inquiétude maximale, parce qu’elle crève de trouille à chaque fois qu’on va dans cette pièce et qu’on met en route le chauffe-eau, une machinerie qui présente une caractéristique vachement sonore : bien souvent, sa mise en marche déclenche une sorte de déflagration pas vraiment rassurante. Ca doit être une histoire d’entretien, je ne sais pas trop, le principal, c’est que l’eau chauffe, non ? Un chauffe-eau, vous, vous lui demandez quoi d’autre ? Faut dire que notre maison – enfin, la maison que louent mes parents depuis bientôt 10 ans – n’est pas de première fraîcheur, et je ne sais pas si l’idée d’une norme en matière de chauffage ou d’électricité a traversé un jour le cerveau de nos propriétaires invisibles. Mais on l’aime bien cette maison, avec ses deux grands marronniers qui allaient devenir mes complices à chaque fois que j’aurais envie d’un disque. Il y a aussi ces parterres de fleurs, circulaires, autour desquels j’entame de temps à autres une course-poursuite avec mon père, qui caresse obstinément l’espoir de me rattraper malgré le fait qu’en règle générale, j’ai toujours un tour d’avance. Et là-haut, au deuxième étage, c’est le lieu de tous nos exploits sportifs de carton où mon frère m’a initié il y a quelques années maintenant à la pratique du jeu des petits coureurs. Et dans le jardin, là, à droite du marronnier de droite, combien de buts n’avons-nous pas marqué ou encaissé ? Je ne suis pas certain que les massifs de fleurs partageraient notre enthousiasme, mais je peux vous dire que les ballons ont déjà pas mal fusé par ici. De l’autre côté, près du garage, il y a le potager avec les lapins, le tas où l’on dépose toutes les épluchures. Tiens, c’est là qu’un soir, je me suis retrouvé tout bête parce que je venais d’apprendre qu’un coureur cycliste anglais était mort en escaladant le Mont Ventoux. Le Tour de France 1967, je crois. Il y a aussi cette cave ou mon père va alimenter la chaudière en chardon, c’est quand même chouette, non ? Nous, on appuie sur des boutons de nos jours, des fois ça marche, des fois ça vous dit : défaut brûleur. Lui, il bossait pour qu’on ait chaud. Vraiment, cette maison est un peu pourrie, mais c’est la nôtre. Alors on s’est tous habitués à ses facéties et en particulier celle du chauffe-eau. Tous sauf ma mère qui est persuadée qu’on va y passer l’arme à gauche à chaque fois qu’on en franchit la porte. C’est la raison pour laquelle, dès lors que l’un d’entre nous s’y installe à des fins d’hygiène, il faut absolument qu’elle vienne frapper à la porte toutes les trois minutes et qu’on lui réponde que tout va bien.

    Je me souviens parfaitement que j’ai pris mon bain tout à l’heure. C’est après que, dans ma tête, les faits s’entourent d’un flou que je ne m’explique pas trop bien. Je me rappelle ces petites étoiles qui clignotaient un peu partout. Je sais que je suis sorti de la baignoire, je me suis séché et j’ai enfilé mon slip… à moitié. Après, c’est le trou noir. Défaut cerveau.

    Y a mon frère qui est là, ma mère juste derrière et au moins un pompier, sinon deux. On dirait qu’il m’est arrivé quelque chose. Mais bon, ça va mieux, je sais où je suis : dans ma chambre, allongé à même le parquet, en slip, et tout le monde semble s’intéresser drôlement à moi. Je crois comprendre que je suis tombé dans les pommes et que je me suis effondré derrière la porte de la salle de bains. C’est probablement parce que je ne répondais pas à ma mère qu’il y a eu comme un affolement. Surtout que je bloquais l’ouverture. Ensuite, je ne sais pas trop qui m’a sorti de là et comment, mais quelqu’un y est arrivé.

    Je suis réveillé mais quand même un peu dans les vapes ! Faut pas exagérer non plus, je fais le malin parce que je vous raconte, mais je me sens faiblard. Les pompiers m’ont pris en charge et fait monter dans leur camion rouge. Là, je fais une toute petite digression, mais je me sens obligé de vous confier que dans les dix minutes qui ont suivi, j’ai ressenti – très égoïstement – un sentiment de fierté comme je n’en avais jamais connu jusque là ! Attendez, faut me comprendre : j’ai traversé toute la ville à la vitesse de l’éclair, toutes sirènes hurlantes ! Le pied ! Rien que pour moi, le défilé à fond les ballons ! Remarquez, j’exagère là encore parce que traverser en camion de pompier la ville de Verdun à grande vitesse, ça ne prend pas dix minutes… En dix minutes, vous en faites au moins deux ou trois fois le tour… Verdun est une jolie petite ville, certes, mais c’est dans ces moments très particuliers que vous comprenez que c’est avant tout une petite ville.

    Le reste de la journée fut nettement moins passionnant : je me suis retrouvé au lit, à l’hôpital, j’ai vu des médecins, des infirmières, on m’a enfiché un tuyau vert à double branche dans le nez – je crois que c’était de l’oxygène – on m’a expliqué que j’avais été victime d’une intoxication au monoxyde de carbone – tiens, je vous l’avais bien dit que ce sacré chauffe-eau était un petit rigolo – dont la formule chimique est CO. C’est un truc vachement vicieux, ça sent rien, ça fait pas mal, non, ça vous envoie dans le coton en quelques minutes, vous voyez rien venir. Quand même, vous imaginez qu’à un certain moment, j’ai enfilé mon slip, j’ai passé la première jambe et… zou… plus personne, même pas le temps de finir. Ouah, ils ont dû voir mon zizi en plus… La honte, quand je pense qu’il y a encore peu de temps, je prenais mon bain en slip pour être certain que personne ne me voie nu… Ben là, c’est râpé, ils ont pu admirer le paysage, j’espère que c’est pas pour ça que mon frère m’embrassait sur la bouche. Non, non, si j’ai bien compris, c’est même lui qui m’a ranimé, avant que les pompiers ne débarquent – ce qui n’a pas empêché la presse locale, dès le lendemain de leur attribuer ce mérite. Ah les salauds ! C’est le frangin qui fait tout le boulot, eux, ils viennent juste pour conduire leur camionnette rouge et on les félicite. C’est dégueulasse, ce côté prestige de l’uniforme. Ils veulent pas une médaille, en plus ?

    Y a plein de monde qui est venu me voir, mes grands-parents étaient là, ils étaient contrariés eux aussi. Moi, ça m’ennuyait que tout le monde soit triste à cause de moi. Alors pour ne pas les attrister pour des pommes – celles dans lesquelles, manifestement, j’étais tombé, j’ai quand même terminé l’après-midi en vomissant. C’est un de mes trucs ça, vomir. Quand je fais du sport, au collège, je chope un mal à la tête carabiné tout le reste de la journée et à la fin, je vomis. Ben là, j’ai fait la même chose, au moins, je me suis dit que tous mes proches ne s’étaient pas fait du souci pour rien.

    Cette drôle d’histoire a eu deux conséquences bien particulières : depuis ce jour, je nourris une méfiance absolue à l’encontre de tous les appareils utilisant le gaz. Ces bestiaux là, je ne les aime pas, je les guette du coin de l’œil. Récemment, j’ai raconté ici même les mésaventures qui m’ont opposé à ma chaudière : normal, la chaudière, c’est l’ennemi ! C’est comme un chauffe-eau. Quant à la gazinière, je ne lui fais pas confiance non plus : à peine avons terminé de cuisiner que j’ai déjà fermé la manette d’arrivée du gaz. Quand je pars au boulot, il n’est pas rare que je remonte à la cuisine pour vérifier que je n’ai pas laissé le robinet ouvert. Moi, je n’y suis pour rien, c’est inutile de vous moquer de moi, on voit bien que vous n’avez jamais connu un chauffe-eau comme celui du 1er mai 1971. Méfiez-vous des gazinières…

    L’autre conséquence, elle est calendaire car figurez-vous qu’après cette hospitalisation dont la durée n’excéda pas une grosse demi-journée, j’ai fréquenté ce milieu une seconde fois, 8 ans plus tard, jour pour jour. Le 1er mai 1979, j’entamais une nouvelle aventure que je vous raconterai prochainement : ce seront les thrombochroniques ! Et celles-là, elles ont duré bien plus longtemps, j’irais même jusqu’à dire qu’elles sont toujours bien vivantes ! Je vous laisse seulement deviner que cette maudite fête du travail est devenue pour moi un jour fatidique en puissance. Depuis bientôt trente ans, je n’aime pas le 1er mai, cette journée est signe de menace, j’évite les longs déplacements, je végète, je me laisse gagner par une boulimie de nonchalance, c’est mon principe de précaution à moi.

    A propos du 1er mai 1971, vous savez quoi ? 25 051 jours plus tôt, le 29 septembre 1902, un certain Emile Zola – un de mes écrivains préférés – n’avait pas la chance d’être surveillé par une mère inquiète et mourait des suites d’une intoxication au monoxyde de carbone. Il n’allait pas pouvoir terminer la rédaction de son quatrième évangile. Promis, je vais le venger.
     
    PS : mon Quiet Man de frère évoque de son côté cette drôle de journée. Pour le lire, c'est ICI ! 

  • Girobligatoire

    Paris au mois de janvier. Un beau soleil d'hiver, un appel à la promenade, depuis le Boulevard des Batignolles jusqu'au Carré du Louvre en passant par le Parc Monceau, le boulevard Haussmann, l'Eglise de la Madeleine, l'Opéra, la Place Vendôme et la Rue de Rivoli. Ah, le Parc Monceau ! Un moment très particulier pour moi : en observant le spectacle qui s'offrait à mes yeux, un mot est venu germer dans mon esprit baladeur et c'est avec le plus grand plaisir que je vous offre un néologisme - si je n'étais pas aussi modeste, je l'appellerais un "maîtrechronicisme" - sous la forme d'un adjectif chargé de sens : girobligatoire. Observez attentivement la photographie ci-dessous et laissez-moi vous expliquer les raisons de mon étonnement.

    medium_girobligatoire.jpg

    Il était aux environs de 11 heures du matin en ce dimanche 21 janvier 2007. Notre longue balade ne faisait que commencer et nous avions opté pour un petit crochet du côté du Parc Monceau - non sans avoir découvert la Rue des Levis, pleine de charme et animée d'un marché dominical revigorant. Le Parc Monceau, si vous l'ignorez, est un coin de paradis cerné de maisons splendides et réservées aux parisiens les plus fortunés. C'est le genre de quartier que l'on visite avec, un peu, la sensation de pénétrer dans un univers par effraction. On sait qu'on n'aura jamais les moyens de s'en offrir ne serait-ce qu'un morceau de fenêtre mais, étrangement, on en subit l'attraction parce qu'en toute honnêteté, on en prend plein les yeux. Tiens, je fais une parenthèse rapide : je ne sais pas si vous avez remarqué, mais les couches sociales les plus favorisées ont une tendance maniaque à s'accaparer les plus beaux quartiers. Je me demande bien pourquoi. Fin de la parenthèse.
    Donc là... le choc fut pour nous absolument terrible ! A peine avions nous franchi la porte d'entrée du côté du Boulevard de Courcelles - oui oui, celui où François Cluzet doit retrouver sa femme disparue depuis des années dans le dernier film de Guillaume Canet, "Ne le dis à personne" - qu'un spectacle terrible s'offrait à nos yeux : celui des joggers du dimanche matin. En quelques bribes de seconde, je fus saisi par une peur panique dont j'eus la plus extrême difficulté à me défaire. Tous couraient - jusque là, rien d'anormal pour des adeptes du jogging - à des vitesses très variables et selon des styles parfois très étonnants et d'une réjouissante diversité pour nos yeux de provinciaux crapahuteurs. Pardonnez-moi une fois encore, mais je dois faire une petite pause dans mon récit car il faut tout de même que je vous raconte qu'au détour d'un bosquet, nous aperçûmes une dame - allez, disons, d'environ 68 ans - qui courait ou plutôt essayait de courir car, pour ne rien vous cacher, nous l'avons rapidement dépassée en flânant ; elle adoptait une démarche dont l'ergonomie ne nous a pas sauté aux yeux immédiatement - je vous avoue qu'elle m'échappe toujours -  et qui rappelait vaguement la déambulation d'un vieux coq arthritique consterné par la tristesse d'un poulailler désert. Vous voyez ce que je veux dire ? Non ? Moi, si, parfaitement, j'aurais dû prendre une photo. Elle lançait lentement sa jambe gauche en avant après un lever de cuisse tout en souplesse et ondulation, pour recommencer quelques secondes plus tard avec la droite. Un peu comme une séance de taï-shi déambulatoire, filmée au ralenti. Juste avant de découvrir cette merveille mouvante,  nous avions eu le temps d'observer quelques uns de ses congénères parmi lesquels j'avoue ma très nette préférence pour celui que j'appelle le professionnel. ZE professionnel, devrais-je dire ! Celui-là, il n'est pas venu pour rigoler. On ne plaisante pas avec l'exercice du dimanche et il faut que tout le monde le sache. D'abord, il a la tenue : collant ultra moulant, dans un tissu synthétique brillant et par dessus lequel il a enfilé un short très court et très échancré. Il porte un blouson en nylon et transpire abondamment. Non, c'est vrai, les professionnels, les vrais, ils ont à peine entamé leur circuit de croix qu'ils suent déjà comme des bêtes, c'est la preuve qu'ils sont des pros, ne cherchez pas ! Ou qu'ils ont placé sous leurs vêtements une petite fiole pleine d'eau dont ils vident petit à petit le contenu en actionnant une poire en plastique reliée au contenant par un tube courant le long du bras. Tiens, je viens de raconter n'importe quoi, tant pis. Le reste de son équipement est savamment étudié : petit bandeau pour éponger les rivières qui détrempent son cuir chevelu, chaussures fluo au cas où la peine infligée devrait faire l'objet d'une prolongation nocturne. Toutes les trente secondes, notre ami consulte fiévreusement sa montre (ou son chronomètre) pour vérifier que la répétition de l'entrainement produit bien les effets escomptés sur sa performance en constante progression. Et puis... et puis, il double. Tout le temps. Il doit composer avec l'univers bariolé des amateurs qui sont venus, eux, tout simplement, pour évacuer les surplus alimentaires du samedi soir. Il a du mal, on le voit très vite, à cacher l'irritation que suscite chez lui cet effort permanent pour zigzaguer au beau milieu des dilettantes.
    Bon, j'en étais où déjà ? Ah oui, donc, nous venions à peine d'entrer dans le Parc Monceau que notre étonnement fut à son comble lorsque nous constatâmes que tous ces sympathiques sportifs couraient tous dans le même sens. Pourtant, rien ne les y oblige, j'ai eu beau chercher un éventuel panneau marquant un sens interdit, une flèche directionnelle. Non, rien de tout cela : alors qu'un peu de fantaisie aurait pu conduire tout ce petit monde à s'égailler dans les allées du Parc selon une orientation aléatoire, propice à toutes les rencontres, tous suivaient au contraire une invisible trajectoire unique. Comme s'ils s'étaient trouvés victimes de ce que l'on pourrait appeler le "Syndrome du Périphérique". Oh, nous avons bien débusqué, ici ou là, un ou deux dissidents, mais si rares que notre perplexité demeura intacte du début à la fin de notre promenade. Surtout que les pauvres prenaient cet incroyable risque de se prendre en pleine figure les effluves sudorifères de leurs opposants. Et croyez-moi, si vous prenez le temps, comme nous, de vous immerger dans cette communauté galopante, au bout de quelques tours, je peux l'affirmer sans risquer de me tromper : ça fouette, ça poque, ça schlingue ! Faut pas le dire, je le sais bien, c'est pas sportivement correct. N'empêche que nous, en pleine digestion de notre méga-petit déjeuner pris à l'hôtel du côté de la Gare Saint-Lazare, nous avions intérêt à bien accrocher nos estomacs. Nous étions même en fin de digestion et j'en profite pour vous signaler qu'on trouve au Parc Monceau des toilettes gratuites et propres (enfin, il n'était que onze heures du matin, je ne garantis pas le résultat en fin de journée), absolument bienvenues à nos vessies qui hurlaient en silence depuis quelques longues minutes déjà. Ne rigolez pas, vous ferez moins les malins quand vous aurez mon âge, bande de jeunes. Heu, qu'est-ce que je disais, déjà ? Oui, donc, tout cet aréopage courait à sens unique, sans explication autre selon moi que celle d'un instinct grégaire, probablement typique de l'être humain, mais surprenant néanmoins. Pour tout vous dire, j'ai même sursauté à un certain moment lorsqu'un des gardiens du parc fit retentir la stridence de son sifflet à mes oreilles délicates : j'en étais sûr, il allait par son appel inviter tous les coureurs à faire demi-tour en même temps, pour que leurs foulées innombrables puissent modeler harmonieusement le gravier des allées. Un tour dans un sens, puis le suivant dans l'autre. Mais non, j'étais dans l'erreur. L'intervention du représentant de l'ordre visait un petit bonhomme qui, par mégarde, avait commis le sacrilège de mettre un doigt de pied sur une pelouse pour aller rechercher le ballon qui lui avait échappé. Un bel exemple de délinquance juvénile !
    Alors, pour finir - et comme vous l'indique cet instantané pris à la volée de mon téléphone - nous avons longuement hésité avant de nous asseoir pour contempler et prendre le temps d'observer cette mini-société en mouvement. Mais comme tous les bancs étaient vides, nous avons compris que nous commettrions probablement là un crime de lèse-coureur. Car il est vrai que la souffrance des uns ne peut devenir le spectacle des autres, des passifs, de ceux qui, comme nous, aiment à errer la truffe en l'air, l'oreille dressée, tels les toutous tout foufous de l'ami Gotainer.
    Il nous est donc resté de cette visite une interrogation : pourquoi ce parcours unique ? et un nouvel adjectif, "girobligatoire" dont il n'est pas nécessaire de vous expliquer la construction. 
  • Impératifs muraux

    Chaque jour, le trajet qui m'emmène de la Maison Rose à mon bureau - allez, sans trop me presser, il me faut au moins un quart d'heure à pied - me fait passer sous la voie ferrée en un lieu qui, c'est évident, sert de défouloir à bien des frustrations. Sexuelles, la plupart du temps, vous l'aurez facilement deviné. Les tags fleurissent chaque jour et les nettoyages régulièrement entrepris par la municipalité ne désarment pas leurs auteurs qui reviennent inlassablement à la charge, pour mon plus grand bonheur, je dois bien vous l'avouer.
    D'ailleurs, si je pouvais me permettre une petite requête : monsieur le Maire, pourriez-vous dépêcher rapidement une équipe pour nettoyer mon journal mural, car mes journalistes invisibles et nocturnes n'ont quasiment plus de place depuis deux jours. Merci.
    Je ne parle pas ici de ces signatures illisibles et banales dont les modèles sont certainement importés directement des ghettos des cités américaines des années 70. Aucun intérêt, c'est un truc qui se passe entre personnes qui doivent certainement comprendre ce qu'elles écrivent, un idiome tribal, mais qui exclut du dialogue les personnes, comme moi, qui passent et lisent. Et puis, avouons-le, c'est moche et ennuyeux, c'est une sorte de fiente murale déposée là par quelques citoyens en manque de reconnaissance. On se croirait à Paris, quand on attend le train et qu'on contemple le RER. Le même décor sinistre. Circulez, y a rien à voir.
    Je ne peux même pas vous parler de "graphes", car ces dessins, qui peuvent être magnifiques, semblent avoir choisi de s'afficher ailleurs. Dommage. Un jour peut-être...
    Car dans mon petit passage souterrain, on ne dessine pas : on signe, on tamponne, on s'injurie, on émet des hypothèses curieuses. Tiens, un beau jour, tout avait été repeint en gris uniformément moche et, chaque matin, devant ce silence visuel, j'attendais la réapparition du prochain message. Il me manquait ma lecture quotidienne. Je n'habite pas en région parisienne et personne ne vient me distribuer je ne sais quel machin gratuit à lire. Moi, mon journal ne s'appelle pas "Metro", il a pour nom : "Passage sous la voie ferrée".
    Un beau jour, Eurêka, une mystérieuse phrase avait surgi : seule au milieu du désert gris, elle nous annonçait qu'un chanteur de variété bien connue des ménagères de plus de 50 ans avait le SIDA. Pourquoi cette phrase ? Nul ne le saura jamais. Elle a surgi, venue de nulle part, avant d'être consciencieusement rayée par une autre main anonyme, dont le (ou la) propriétaire devait être un (ou une) fan du chanteur.
    J'aime bien, moi, tous ces dialogues silencieux.
    Au mois de novembre est apparue la signature au pochoir d'une "tueuse de machos" : elle en foutu partout, la vache, et pif, et paf... du tamponnage intensif, sans nuance. On aurait dit le sketch du "Train pour Pau", quand Régis Laspalès devient fou à la fin et s'acharne à massacrer un billet de train à coups de tampon rageurs en hurlant : "Ah oui, j'aime bien, ça !". La tueuse de machos, elle a fait la même chose, mais c'est moins drôle ! Surtout qu'elle a tendance à déborder sur les façades des maisons avoisinantes et c'est la preuve qu'on peut se prétendre féministe et ne pas respecter le bien d'autrui. Mon petit passage, OK, c'est un peu la cour de récréation commune, chacun y possède son petit coin, mais il y a une ligne à ne pas franchir.
    Il y a eu aussi une époque où un certain Benjamin M. a encouru les passions et les foudres de son public scriptural : un matin, pan sur le nez, ou sur le coeur plutôt, une déclaration d'amour enflammée lui était brutalement destinée. A sa place, j'aurais vraiment été gêné d'autant que dès le lendemain, une autre écriture (celle d'un amoureux éconduit ?) lui assénait des propos par lesquels notre ami était comme accusé de pratiques sexuelles réprouvées par la morale chrétienne. Benjamin M. se compromettait avec des garçons ! Bon, c'était pas dit exactement comme ça, les termes étaient plus grossiers, mais je fais court pour que vous compreniez bien la cruauté de l'attaque. Oh, le pauvre, en deux jours, on lui avait fait sa fête sans qu'il ait son mot à dire... A moins - et je crois volontiers à cette hypothèse - que toute cette histoire ne soit le fruit que d'une seule imagination.
    Je lis aussi souvent cette phrase (de qui, on ne nous le dit pas) qui est, je cite grossièrement de mémoire : "Je me suis longtemps demandé pourquoi dans ma vie je ne voyais jamais les mêmes personnes. Je ne les voyais pas." C'est mignon tout plein, non ? Vous voyez, on marche, on réfléchit en même temps. C'est la preuve que la marche rend intelligent. De la philosophie pédestre, non mais, de quoi il semelle celui-là...
    Ah... je garde le meilleur pour la fin. Les ordres ! Les vérités ! Je suis certain que vous avez déjà été confrontés à tous ces messages dont l'inspiration anarcho-libertaire a ceci de très particulier qu'ils consistent en des injonctions totalement contradictoires avec la philosophie qui les sous-tend, à savoir le refus de toute autorité.

    "Citoyens, réveillez-vous, éteignez votre télévision !"

    Hep, monsieur, je veux bien éteindre mon téléviseur, mais ma télévision, ce sera tout de même plus difficile. Et puis je fais ce que je veux d'abord.
    "La lutte est intérieure"
    C'est une nouvelle, celle-là, je l'aime bien. Elle vient d'apparaître, là, aujourd'hui. Quelque chose me dit qu'elle est née du cerveau d'une toute récente victime de l'épidémie locale de gastro-entérite. Encore un peu, il va nous servir la théorie du complot.
    "Il faut serrer les poings plus fort"
    Oui, et je recommande à notre lutteur intérieur de s'appliquer cette consigne, ça pourra toujours lui servir.
    "Lesbiennes et fières de l'être"
    Mais vous faites ce que vous voulez mesdames, personne ne vous a rien demandé.

    Et y en a comme ça encore plein des mots d'ordre ou des slogans, j'ai même du mal à les mémoriser tous, ça change souvent, ça efface, ça rature, ça surligne. Une vraie bataille rangée de bombes à peinture. Un combat de mots. Demain ne sera pas comme aujourd'hui qui n'était pas comme hier.

    Finalement, mon mur est le vieux cousin de ce blog, et lui, au moins, n'a rien à craindre d'un plantage de mon ordinateur. Son système d'exploitation s'appelle Walls. Murs, fenêtres, tout ça c'est la même maison, non ?

  • Petits bonheurs en direct...

    Je m'aperçois, à la relecture de quelques unes de mes notes, qu'il est souvent question de ces moments privilégiés dont on n'a pas forcément conscience au moment où on les vit. Rétrospectivement, on éprouve une sensation de nostalgie, voire de regret lorsqu'on se rend compte qu'on n'a pas forcément vécu ces instants avec toute l'intensité qu'ils méritaient. Et l'on est parfois saisi de ce drôle de vertige né de la perception du temps qui passe, qui passe... Fort heureusement, je viens - à 48 heures d'intervalle - de faire l'expérience inverse, c'est-à-dire vivre des petits moments d'intimité familiale dont j'ai compris au moment même où j'en étais l'un des acteurs / spectateurs qu'ils resteraient inscrits dans ma mémoire. Ils n'ont rien d'extraordinaire en ce sens que leur évocation ne vous sera pas forcément passionnante mais ils étaient, conjugaison du verbe être, tout simplement. Et c'est un cadeau d'une valeur inestimable.

    Mardi 2 janvier 2006
    : nos enfants (respectivement 25 et 22 ans, je tiens à la rappeler, car à leur évocation, vous pourriez penser parfois qu'ils en ont quinze de moins) ont décidé leurs parents - enfin, après des mois d'une lutte acharnée - à découvrir cet incroyable univers qu'on appelle IKEA (entreprise mondiale d'origine suédoise dont le patron, richissime, a pris l'élémentaire précaution de réfugier ses avoirs en Suisse et dont tous les articles sont fabriqués en Chine, au Viet-Nam, en Turquie, en Roumanie, au Portugal, mais semble-t-il rarement en Suède, contrairement à ce que pensent bon nombre de personnes. Si la paternité de cette enseigne est nordique, sa philosophie est, elle, purement mercantile et désireuse de bichonner ses rentiers actionnaires). Faut dire que Madame Maître Chronique et moi-même ne prisons guère ces hyper-méga-marchés impersonnels et monotones où la foule peut passer des journées entières à farfouiller dans les moindres recoins d'un énorme hangar, où chacun de vos pas est méthodiquement dirigé grâce à un fléchage au sol vous indiquant la pertinence de votre trajet, vous confirmant que vous vous dirigez inexorablement vers le stade ultime des achats en nombre. Attention mes amis : pas question de marcher à l'envers, suivez les flèches, respectez les consignes et arrangez-vous pour qu'au fil de votre déambulation, vous ayez acquis suffisamment de besoins spontanés pour qu'au stade final - un énorme entrepôt au niveau inférieur, juste avant les caisses - vous libériez tous vos instincts acheteurs et remplissiez un hétéroclite caddy composé de verres de tables, de housses de couettes, de tapis, de balais à cabinet, de boîtes à outils et autres babioles auxquelles vous n'aviez pas accordé l'esquisse d'un début de pensée une heure auparavant. Et en plus, il tombe des cordes en Lorraine, comme chaque année, la grisaille a installé ses quartiers d'hiver pour une bonne douzaine de mois. Un bonus magnifique pour couronner votre expédition car vous mettrez un terme à cette dernière en sprintant sur le parking, drivant votre caddy avec une maestria que vous envierait n'importe quel pilote de rallye.
    Et pourtant... moi j'étais là, durant ces trois heures, un peu hébété, je n'avais besoin de rien en réalité mais je jouissais du petit bonheur que je vivais : j'avais ma petite tribu autour de moi, ma progéniture avait l'air de passer un bon moment, chacun de nos enfants invita même l'un de ses parents au restaurant local (une sorte de cantine pour clients, où la nourriture n'était pas si mauvaise que ça, reconnaissons-le), et lorsque nous étions attablés, sur nos chaises hautes, à contempler le paysage lorrain gris et un peu sinistre, j'aurais voulu que le temps s'arrête. J'étais bien dans ce drôle d'endroit, pourtant radicalement opposé à ma géographie intérieure. Allez comprendre...

    Jeudi 4 janvier 2006
    : petit repas de famille au deuxième étage de notre maison. Dans la cheminée, un feu de bois nous apporte chaleur et lumière, tout doucement, la température ambiante atteint 20 degrés et beaucoup plus à côté du foyer, une bonne bouteille de vin d'Arbois fait monter le rose aux joues des convives. Et ce vieux rhum de Cuba, 15 ans d'âge... sympa, non ? Un peu plus loin dans la grande pièce aux murs de pierre et aux poutres de chêne massif, les hauts parleurs de l'ordinateur réconfortent nos oreilles avec un vieux disque de Pink Floyd ou des Beatles, avant les mélopées indiennes de Shakti. Puis c'est le tour de Brad Meldhau en solo à Tokyo. La qualité est là, c'est important, même en ces circonstances, de ne pas oublier qu'une exigence minimale ne peut pas nuire. On s'amuse d'un jeu de société ou d'un jeu de cartes. Le temps s'est arrêté pendant quelques heures. La grisaille et la pluie du dehors sont loin de nous.

    Je n'ai aucune prédisposition au bonheur : je ne parviens pas en effet à me glisser dans la peau de celui qui, quelque part dans sa maison ou dans un coin ombragé de son jardin, contemplerait ce qui l'entoure en se disant : "Je suis heureux !". Le monde va trop mal pour que je puisse, ne serait-ce qu'un instant, avancer vers cet état que, pourtant, nous cherchons tous plus ou moins. Mais il faut une sacrée dose d'égoïsme pour parvenir à s'extraire ainsi de son environnement et n'en plus percevoir toutes les violences au point d'envisager le bonheur comme une possibilité. Ou bien faudrait-il être totalement ignorant...
     
    Je crois vraiment en revanche à la quête de ces instants fugaces, tous ces petits bonheurs que l'on parvient - ou non - à attraper au vol en se disant que la vie est trop courte pour ne pas rester conscient en permanence des cadeaux qui nous sont faits. Carpe diem. Je viens d'en recevoir quelques uns, tout récemment, et c'était bien ainsi. Je guette dès à présent l'apparition des prochains !

  • Flamme

    Allez, un symbole : que ce feu qui brûlait hier soir et cette nuit dans la cheminée de la Maison Rose, là-haut, tout là-haut dans ce refuge que nous avons appelé le Chalet Suisse (sans que, pour autant, Madame Maître Chronique et moi-même ne demandions la nationalité helvétique...) soit un peu le reflet de l'énergie qui nous habite.

    medium_feu_063112.jpg
     
    Chaleur et lumière ! 

     

  • On continue ?

    medium_mc_061229jpg.jpgIl paraît que nous sommes au moment des bilans et des bonnes résolutions. Pourquoi maintenant et pas hier ? Je l'ignore. Nous avons changé d'année, certes, mais quand je regarde par la fenêtre, j'ai bien l'impression que mon ciel d'aujourd'hui est très voisin de celui d'hier. D'ailleurs, je me sens totalement incapable d'avoir une position originale sur ce genre de sujet et vous ne devrez pas compter sur moi pour vous proposer un panorama rétrospectif de ce monde chaque jour plus compliqué et des conséquences concrètes de nos habitudes de vie sur l'évolution climatique de la planète. Je ne pense pas que nous vivions en 2007 dans un univers plus violent ou cruel qu'autrefois et je suis toujours très intrigué par les bouffées de nostalgie un peu niaise qui laissent certains penser qu'avant c'était mieux... J'ai même lu quelque part - mais où, je ne me souviens plus - un commentaire évoquant une époque où les êtres humains auraient été "intacts"... Que je sache, l'histoire de l'humanité n'est que violence, sauvagerie et cruautés depuis ses origines. Avec de belles avancées dans la connaissance et la réflexion, celles-ci étant probablement les seules armes dont l'être humain dispose pour se défendre et avancer sur son propre chemin. Des armes très redoutées de toutes les dictatures (religieuses, politiques ou économiques) qui, lorsqu'elles s'instaurent, cherchent en premier lieu à les éradiquer.

    Mais aujourd'hui, notre monde est devenu tout petit, tout petit et le moindre soubresaut à l'autre bout de la planète nous est aussi familier que s'il se produisait au coin de notre rue. Et les images nous sont assénées jusqu'à plus soif. C'est peut-être cela qui nous laisse cette idée d'une violence accrue.

    Euh... j'arrête, je vais finir par devenir sérieux !

    Ah si, quand même, je voulais tout de même remercier les principaux acteurs de la campagne électorale française qui nous ont permis d'apprendre, enfin, que la Terre se réchauffait, qu'il y avait plein de sans abri et aussi beaucoup de gens sans travail ou très pauvres même lorsqu'ils en ont. Je suis heureux de constater que nos élus ou souhaitant l'être ont pris sur leur temps personnel à des fins de recherche et, ayant trouvé toutes ces informations inédites, ont eu la délicatesse de nous faire partager leurs trouvailles... Merci à eux donc !

    Pour le reste, c'est-à-dire la vie de ce blog, je retiens de cette année 2006 qu'elle ne fut probablement pas aussi prolixe que je l'aurais souhaitée même si, panne de pace maker aidant, j'ai pu à certains moments disposer de suffisamment de temps pour raconter deux ou trois choses un peu originales (enfin, c'est ce que je pense...). Cela dit, l'année écoulée m'a permis de rencontrer tout de même de vaillants et passionnants interlocuteurs dont je lis régulièrement les textes. Je ne cite personne et ajouterai petit à petit les liens ici même vers leurs espaces. De toutes façons, ils se reconnaitront. Rien que pour ces échanges, ces rencontres pour l'instant écrites uniquement et peut-être un jour réelles, je suis heureux d'être aujourd'hui membre d'une petite communauté qui privilégie le signe à l'image et cherche l'enrichissement mutuel par la confrontation des idées et des évocations. Mon pessimisme naturel s'en trouve un peu adouci et je me donne l'illusion, ainsi, de combattre un peu la vulgarité ambiante. En toute modestie, bien sûr... mais acte de résistance néanmoins.

    Il y a eu aussi la naissance du blog de mon Quiet Man de frère avec toutes ses chroniques musicales, ses souvenirs et aussi ce défi que nous nous étions lancé au printemps : écrire à deux voix, chacun de notre côté, un texte évoquant les mêmes souvenirs. Bel exercice, très stimulant, qu'au final j'ai regroupé en un seul petit livret que nous avons offert à notre mère. Qui en aurait eu les larmes aux yeux, si j'ai bien compris ce qu'elle m'a dit. A ce sujet, j'en appelle dès maintenant à la plume fraternelle : recommençons ! Et, sans en dire plus car je sais qu'il comprendra très vite de quoi je parle, je propose la rédaction d'une note dont le thème sera une date très précise : le 1er mai 1971 !!! Et je nous donne un mois pour écrire ce texte, ce qui signifie que nous mettrons en ligne ce travail le 1er février 2007. Pari tenu ? Monsieur Quiet Man, RSVP !

    J'ai aussi tout un tas de choses à vous raconter : autour de la musique bien sûr, car j'aimerais essayer de mettre noir sur blanc l'histoire de mes amours musicales, depuis le début. Faire comprendre ses trajectoires, ses évolutions, ses enrichissements. Et m'apercevoir qu'à peu de choses près, les reniements n'existent pas même si certaines passions ne sont plus aussi vives qu'avant, pendant que d'autres sont apparues et s'avèrent durables. Un peu comme un arbre dont on évalue l'âge en comptant les couches successives de son écorce. Il y aussi ce texte - commencé mais pas totalement abouti - consacré à "Rock Bottom", le chef d'oeuvre de Robert Wyatt, que je considère comme l'un des disques majeurs de la seconde moitié du XXe siècle. Et plein d'autres...

    J'ai aussi en tête une série de textes sur le thème, non de la "méditronique" mais de la "thrombochronique", parce que c'est une partie de mon histoire dont les enseignements méritent à mon sens d'être partagés. Je réfléchis aussi à un nouvelle rubrique (absolument pas inédite, je n'aurais pas cette prétention) appelée "Je me souviens" : de courts textes (ça vous changera, hein ?), parfois de simples phrases, comme l'avait fait le grand Georges Pérec (attention, je ne me compare pas... je ne suis pas fou et je m'autoriserai ponctuation ainsi que la lettre "e"...).

    Voilà, elles sont là mes résolutions. Modestes mais écrites, ce qui est pour moi une forme d'engagement. Et accompagnées de mes voeux pour l'année 2007. Pour conclure, je reprendrai ici la formule qu'avait employée un beau jour un ami musicien : Pain, Santé, Amour et Fantaisie.