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DiaChronique - Page 7

  • Chroniques pascales... mais presque !

    Une fois n'est pas coutume, j'aurai la chronique brève, mais pour me faire pardonner, elle sera aujourd'hui illustrée...

    Musique
    Commercy est le pays de la Madeleine, cette délicieuse petite brioche citronnée dont une bourgade voisine de Nancy revendique également la paternité ! C'est faire fi de l'histoire qui nous rappelle qu'en son temps, le bon roi Stanislas s'était légèrement engueulé avec son cuisinier qui, à l'occasion d'un repas, avait brutalement décidé, en guise de représailles, de faire la grève du dessert. Dépité, le souverain polonais installé à Nancy n'eut d'autre recours que de faire appel en toute urgence à une jeune demoiselle dénommée Madeleine et originaire de Commercy. Celle-ci lui mitonna en deux temps trois mouvements une délicate brioche de sa fabrication qui sauva la mise de son bon roi et passa très vite à la postérité. Que les choses soient claires : la Madeleine est de Commercy comme la dragée est de Verdun. Et de nulle part ailleurs.
    Mais Commercy, cette ville du sud meusien propose depuis quelques années un mini-festival de jazz dont la programmation est de bonne qualité. La petite salle des Roises nous avait permis d'entendre le grand Henri Texier en 2005, pour un beau concert dont il avait été question ici, me semble-t-il. Et c'est son vieux complice Aldo Romano que nous eûmes la chance d'écouter samedi. Aldo Romano, sexagénaire au look de jeune homme – fringues de qualité italienne, sihouette svelte – est un batteur dont l'énergie se communique comme par magie à deux artificiers eux-mêmes transalpins, le saxophoniste Emmanuele Cisi et le clarinettiste/saxophoniste Francesco Varzetta. A leurs côtés, l'élégant Rémi Vignolo à la contrebasse et un Emmanuel Bex plutôt en demi-teinte aux claviers. Qu'importe, nous avons pu absorber une forte dose d'énergie baptisée «Because of Bechet», une occasion pour les cinq musiciens de nous mijoter des «Oignons» particulièrement savoureux et très relevés, et conclue par un rappel où le chanteur céda la place au batteur, pour interpréter «Estate» ainsi qu'une vieille chanson de Gianni Esposito, «Le clown». Je serais injuste d'oublier la magnifique première partie de cette soirée, animée par la saxophoniste Éric Séva – par ailleurs actuel membre de l'Orchestre National de Jazz – et son quartet «Folklores imaginaires». La virtuosité de ce monsieur n'a d'égale que sa désarmante simplicité et un sens inné de la mélodie dont les racines semblent profondes, si l'on en juge par les hommages appuyés qu'Eric Séva a rendu à plusieurs reprises à son papa musicien. Chapeau bas messieurs, des soirées de cette tenue, on en redemande !

    Chocolat
    Imaginez-vous que si les conditions météorologiques avaient été favorables – et nonobstant l'âge maintenant canonique de notre fulgurante progéniture – nous aurions convié nos chers enfants à une chasse aux oeufs dans le jardin. Ben oui mes amis, qui dit Pâques dit oeufs, voire lapin ou poule, et dans tous les cas... chocolat ! Malheureusement, le climat lorrain s'est placé en travers de nos projets – jardin humide impropre à une jeu de pistes dont la seule idée nous réjouissait, nous aurions eu en main un appareil photo pour immortaliser la scène – et nous avons opté pour une solution de repli, banale, consistant à présenter deux jolies boîtes à des rejetons confortablement installés dans le désormais célèbre canapé de cuir rouge.
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    Ne sont-ils pas mignons ces deux-là ? Y a juste un truc qu'ils ne semblent pas avoir bien compris... Leurs cadeaux chocolatés étaient garnis de délicats petits poissons... qu'ils ont volontairement oubliés, préférant se ruer d'abord sur ceux que nous avions mis en évidence sur la table et que, pour partie, nous nous destinions. Au final, alors que le soir même, nous scrutions désespérément le fond de l'assiette dans laquelle nous avions déposé la friture chocolatée, constatant qu'une mini-tornade était passée avant nous, leurs réserves étaient encore intactes. Un sens de l'épargne et de l'économie qui nous rassure sur l'avenir de leur bas de laine... On doit avoir les enfants qu'on mérite !


    Peinture
    Babar, c'est moi ! Vous vous rappelez mon Babar ? Mon peintre favori et sa science des couleurs ! Figurez-vous que ce gentil artisan avait eu – sur une mienne suggestion – la bonne idée de me laisser les restes de ses pots de peinture. J'ai donc pu, méthodiquement, tranquillement, prendre sa place le temps de trois après-midis et m'atteler à la mise au propre d'une petite pièce faisant office d'espace de communication entre notre célèbre escalier et notre Chalet Suisse du deuxième étage. Je suis très content du résultat mais ceci dit entre nous, je ne ferais pas ça toute ma vie, hein ? Certes, on a la satisfaction du travail qui avance, du chantier qui suit son cours mais non d'un chien, c'est salissant ce boulot... Heureusement, conformément à je ne sais plus quelles normes ISO machin, je n'emploie que des peintures à l'eau, pas de mauvaises odeurs, pas de migraines, mains propres en cinq minutes mais bon... c'est quand même un peu ennuyeux ce truc là... Madame Maître Chronique, qui n'a pas si souvent l'occasion d'admirer son époux entreprenant des travaux manuels dans une tenue que lui envierait un supporter de l'O.M., s'est empressée d'immortaliser la scène, pour votre plus grand plaisir. Je tiens simplement à préciser que ma tenue de travail n'est pas à vendre, si bien que je vous demanderai d'avoir la gentillesse de ne pas me harceler : c'est un souvenir personnel, je la garde jalousement.
    Vous pouvez m'admirer ici, visiblement au bout du rouleau et surtout, étonné moi-même d'un miracle accompli par la seule force d'une volonté inébranlable.
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  • Te stresse pas !

    C'est ainsi que selon ma fille on pourrait traduire en bon français «Take it easy», le titre de cette magnifique chanson du groupe Eagles – co-signée par Glenn Frey et par un grand monsieur, qui n'appartenait pas à la formation, Jackson Browne, qui l'avait lui-même interprétée sur son deuxième album «For everyman». Nous étions au début des années 1970 et le groupe américain entamait une longue carrière dont les plus belles pépites discographiques se trouvent concentrées, selon moi, dans ses quatre premiers disques, même si l'un de ses plus grands succès, «Hotel California» était venu un peu plus tard. Oui... bon, je vous parle d'Eagles, mais en réalité, ce n'est pas vraiment le sujet de cette note, juste un prétexte.

    Tout récemment, j'ai copié sur un CD, que j'écoute en voiture, quelques disques «madeleines de Proust», dont la simple évocation me renvoie une vingtaine – voire plus – d'années en arrière. Parmi ceux-ci se trouvent le premier album du groupe américain Eagles, publié je crois en 1972, vers lequel je me suis souvent retourné, ravi d'en constater les bienfaits. Nous sommes là dans un univers musical qu'on pourrait hâtivement classer de «country rock», où le chant des guitares et les harmonies vocales tissent une toile enchantée aux vertus énergétiques incontestables. Il n'y a rien de révolutionnaire dans cette musique, seulement le résultat d'une étonnante complicité entre musiciens déjà aguerris et débordants de vitalité. On y devine aussi que la voie tracée par Crosby, Stills, Nash and Young avait fait quelques émules : même travail soigné du chant, des arrangements ciselés, une roue tellement bien huilée qu'on en finit par oublier la virtuosité qui sous-tend l'ensemble. Quelque chose qui ressemble à s'y méprendre à un «petit bonheur».

    Well I'm a runnin' down the road tryin' to loosen my load,
    I've got seven women on my mind
    Four that wanna own me, two that wanna stone me,
    One says she's a friend of mine.
    Take it easy, take it easy.
    Don't let the sound of your own wheels drive you crazy.
    Lighten up while you still can, don't even try to understand,
    Just find a place to make your satnd and take it easy.


    Sur ce bel album, les titres se suivent dans une jubilation sans pause de quarante minutes : après «Take It Easy» vient «Witchy woman» puis «Chug all night», «Most of us are sad», «Nightingale», «Train leaves here this morning», «Take the devil», «Earlybird», «Peaceful easy feeling» et pour finir «Tryin'». Pas besoin d'un gros exercice de mémoire pour réciter tous ces titres, ces chansons sont tellement ancrées dans ma propre histoire que leur enchaînement est automatique. Il me suffit de fermer les yeux et d'écouter intérieurement cette musique... qu'il m'est impossible de me remémorer sans être parcouru par un léger frisson de nostalgie, je regarde dans le rétroviseur des années passées et je m'imagine que le temps s'est arrêté.

    C'est si vrai que pendant longtemps – à cette époque, il fallait se contenter de cassettes dont la bande magnétique finissait par se détendre au bout de longues heures de voyage, surtout, lorsque dans l'habitacle sans climatisation, la chaleur qui régnait finissait par devenir insupportable – j'ai proposé à ma petite famille – quand je dis petite, c'est aussi parce que nos enfants n'étaient... que des enfants, l'aînée dormant du sommeil du juste au bout de quelques kilomètres pendant que son petit frère ouvrait des yeux écarquillés sur le paysage défilant – de dérouler le ruban de la route des vacances en écoutant souvent ce disque qui est aujourd'hui pour moi totalement associé à ces heures matinales – le jour commençant à se lever, chassant la nuit source de toutes les inquiétudes – où la circulation est encore fluide, quelque part sur l'autoroute, en direction du Plateau de Langres ou, après Orange, lorsque nous abordions les deux dernières heures d'un voyage nous menant au bord de mer... Nîmes, Montpellier, Agde...

    Mais ce disque, et tout particulièrement «Take it easy» m'a longtemps été d'un grand secours à l'époque où j'avais décidé de suivre un entraînement de natation – tiens, il faudra que je vous en parle un jour, c'était à la fin des années 80... Parce que nager, ça fait du bien au dos, c'est bon pour la circulation, les muscles, le souffle mais quand vous devez enchaîner des dizaines de longueurs de bassin sous l'oeil narquois d'un moniteur qui guette vos allers-retours avec une certaine condescendance, ravi de vous annoncer qu'il ne vous reste plus que 500 mètres à parcourir avant de conclure par un 50 mètres au sprint, tous poumons dehors, alors que vous pensiez déjà regagner les douches et vous frotter énergiquement avec une serviette de bain parfumée à la lavande avant de vous ruer sur deux ou trois pâtés lorrains exigés par un estomac criant famine après une telle débauche physique, obligation vous est faite de penser à des choses agréables et de tromper l'ennui généré par la répétitivité de l'exercice. Devinez quoi ? Coincé sous mon bonnet gris et derrière mes lunettes jaunes estampillées Arena, je ne trouvais à l'époque rien de mieux que d'écouter de mémoire un certain nombre de disques fétiches dont celui d'Eagles. Et croyez-moi, une bonne dose de «Take it easy» était plus que nécessaire aux moments les plus critiques. Je m'étais ainsi constitué un répertoire aquatique, sorte de play list de piscine où se côtoyaient selon les besoins le Grateful Dead (allez savoir pourquoi, j'avais naturellement opté pour le bel enchaînement de «China Cat Sunflower» et de «I Know You Rider» qu'on trouve sur le disque «Europe '72» que j'ai déjà évoqué dans ma note «La stratégie de l'arbre à disques», Magma bien sûr («Köhntarkösz» me permettant de résister fortement à la fatigue musculaire, c'était donc pour moi comme un E.P.O. Sonore) ou bien encore le très tonique (et sombre) «Red» de King Crimson aux commandes duquel régnait l'imperturbable Robert Fripp. Ainsi que quelques autres extraits variables... les idées ne manquant jamais en ces minutes éprouvantes. Je disposais ainsi d'un stock musical dépassant largement l'heure et pouvais y puiser abondamment sans jamais risquer la pénurie. Sans lui, jamais je n'aurais pu parvenir à ce résultat qui me laisse toujours pantois : sans être le moins du monde sportif, nager 3.000 mètres en une heure ! Autant vous dire que ces années sont bien loin maintenant et qu'à l'occasion d'une visite très irrégulière à la piscine, je suis bien satisfait aujourd'hui lorsque, sans le moindre entraînement et avec beaucoup de difficultés, je peux accumuler 60 longueurs d'un bassin de 25 mètres, soit au total 1500 mètres !

    Et c'est bizarre, le fait d'écouter à nouveau «Take it easy» m'a glissé quelque part dans un recoin du cerveau l'idée de pratiquer à nouveau le crawl et la respiration sur trois ou cinq temps. Sans moniteur, je me débrouillerai tout seul et d'ailleurs, je n'ai plus l'âge ni la patience d'accepter de telles humiliations. Je ne stresse plus, comme dirait l'autre je «take it easy».

    J'ai rappelé en introduction que Jackson Browne avait co-composé cette chanson : c'est une façon discrète de suggérer à mon frère de nous en dire un peu plus sur ce bonhomme très attachant, dont l'oeuvre est empreinte non seulement d'un grand talent mais aussi d'une vraie élégance : rien de clinquant chez lui, des mélodies et des textes harmonieusement imbriqués, une voix chaleureuse mais non sans une certaine fragilité. «It's coming from so far away / It's hard to say for sure / Whether what I hear is music / Or the wind through an open door / There's a fire high in the empty sky / Where the sound meets the shore / There's a long distance loneliness rolling out over the desert floor»... Quiet Man, c'est quand tu veux...

    Et pour finir, je reviens sur cette histoire de titre en français : je voulais tout simplement donner à cette note le titre de la chanson dont il est question aujourd'hui mais, butant sur la traduction fidèle de l'expression «Take it easy», je finis par demander de l'aide à ma fille qui, après deux ou trois secondes de réflexion, évoqua subitement l'idée, je la cite, d'une «modulation par la négation du contraire». C'est une agrégée d'anglais qui le dit, je ne conteste pas, je ne suis pas certain d'avoir tout compris mais je reste interloqué par ma prouesse, celle par laquelle j'ai contribué à engendrer un être humain capable, très spontanément, de recourir à une phraséologie qui m'est, il faut le reconnaître humblement, un peu obscure. Une fois détricoté le fil de sa pensée, je compris néanmoins qu'il s'agissait par là de retourner le sens de la phrase en passant du positif au négatif, pour aboutir à un résultat de signification équivalente et cependant exprimé en français courant. M'enfin, il est des moments où on se sent un peu nigaud, ravi toutefois de constater une véritable progression dans l'évolution de mon espèce familiale.

    Et puis tiens, tant qu'on y est, un petit lien si Eagles vous intéresse : http://www.eaglesmusic.com. Et un autre encore, pour monsieur Browne : http://www.jacksonbrowne.com

  • L'égoût et les cool heures

    Je tiens par cette courte note à remercier les manifestants anti-CPE qui ont eu la bienheureuse idée de bloquer tous les accès au boulevard par lequel on accède à la rue où la Maison Rose s'est établie voici maintenant cinquante ans environ. Ils m'ont grandement facailité la tâche... et permis de passer quelques moments tranquilles en la compagnie de deux charmants messieurs.

    Confronté à l'urgence nauséabonde d'un égoût visiblement plein à ras-bord, j'avais pris rendez-vous avec une entreprise spécialisée en curages, débouchages et assainissements divers. Vous voyez un peu le tableau ? Le gros camion et sa citerne devant l'entrée, le moteur qui tourne bruyamment, le pépé voisin qui se demande s'il faut vite se rendre aux abris, les automo(dé)bilistes énervés pas la présence de l'engin au beau milieu de la rue, qui zigzaguent avec leurs voitures diesel de société entre deux places de stationnement, démontrant ainsi une habileté virile propre à impressionner un pilote de Formule 1 - oui, parce que ces braves gens, on dirait qu'ils n'ont pas le temps... le temps de quoi, je l'ignore, mais il faut qu'ils foncent, puis qu'ils freinent avant le virage, là, cinquante mètres plus bas, en affichant une mine patibulaire par laquelle ils vous expliquent qu'ils vous maudissent de leur faire prendre ce risque insensé... et les priver de je ne sais quelles précieuses secondes qu'ils auront tôt fait de gaspiller le soir même devant la télévision - et puis mes deux ouvriers, affables, rompus à cet exercice consistant à aspirer l'égoût avec un gros tuyau et force glou-glous pas très ragoûtants puis à projeter dans les conduits de l'eau avec un jet à haute pression. J'en reviens encore pas... mes deux types, qui ont pourtant toutes raisons d'arborer une mine de circonstance, car on ne saurait trouver ce boulot autrement que franchement emmerdant, sont les plus adorables qui soient. Et je te serre la main, et je te dis un mot gentil, et je t'explique comment on travaille. Et pis tiens, la plaque qui est dans votre garage, elle est cassée, je peux vous montrer comment on fait pour la changer. Sympa et psychologue, le copain nettoyeur, parce qu'en quelques secondes seulement, il m'a jaugé avec beaucoup de finesse, il a deviné le grand bricoleur qui sommeille en moi, il a tout de suite compris que même avec deux ou trois mains supplémentaires, le perçage de trou dans le mur serait toujours pour moi un exercice à l'issue incertaine, voire même un supplice. Même qu'on a l'impression qu'ils ne sont pas plus pressés que ça, ces gars-là... Ah, ça donne envie, en fait, vraiment, pendant quelques dixièmes de secondes, je me suis vu à leur place et sonner chez l'habitant pour lui annoncer la bonne nouvelle : "Vous êtes bouché ? Pas de problème, je vais m'occuper de vos conduits !". On doit se sentir utile, au moins, on voit le résultat du boulot qu'on est en train de faire... Et c'est vrai que j'ai toujours rêvé d'être capable de déboucher mes concitoyens. Un beau boulot, pas de risque de chômage et encore moins de CPE, je vous le garantis.

    Bon, pourquoi est-ce que je vous raconte tout ça, moi ? Ah oui ! Le boulevard bloqué par les manifestants anti-CPE. Euh, soyons honnêtes : il faisait un soleil magnifique cet après-midi et la température avait suffisamment grimpé pour nous laisser croire que nous étions au printemps. Or donc, quelques grappes d'étudiants venus de l'Université toute proche avaient décidé l'action ultime : après l'autoroute jouxtant la Faculté de Médecine, le bloquage du boulevard, l'un de ceux par lesquels on entre en notre belle ville. Et voilà que ce beau petit monde se met à ramasser toutes les poubelles du quartier, on plante des grillages au bout de la rue et on s'installe au beau milieu de la circulation pour chanter un slogan avec de jolis rimes : "Police Nationale, milice du capital ! Police Nationale, milice du capital !". Le truc vachement élaboré, un beau niveau de raisonnement. Bonne humeur et, cerise sur notre gâteau, peloton de CRS qui encadrent l'aréopage, semble-t-il aussi pas mal préoccupé par la circulation des canettes de bière pour étancher une soif née d'une marche forcée d'au moins trois cents mètres. Cela dit, à cet endroit, le boulevard suit une trajectoire parallèle à celle de leur gosier, légèrement en pente, et l'on était là un peu comme au point de ravitaillement. Je parle des manifestants, hein, pas des CRS. M'enfin, tout cela pour vous dire que nous avons passé un petit moment plutôt agréable, un peu pour nous comme l'arrivée d'une étape du Tour de France. On détaille le peloton, on cherche qui va gagner, on penche la tête pour reconnaître les sportifs. Mais j'ai reconnu personne : pas de Besancenot, pas de président de l'UNEF, pas le monsieur de FO, ni même celui de la CGT qui me fait des fois penser à Jacques Dutronc. On doit pas être médiatiques, nous les Lorrains, on les intéresse pas. Pas grave, on s'en fout, nous on a dans le coeur le soleil qu'on n'a pas dehors. Tiens, c'est pas mal comme phrase... Comment ? Y a une chanson qui dit ça ? Oh, pardon, je ne recommencerai plus. Surtout que pour une fois, on avait du soleil, du beau, du jaune sur un ciel bleu.

    Qu'on ne se méprenne pas, hein ? Je ne porte aucun jugement sur les manifestants ! Moi, j'avais autre chose à faire, puisque j'étais missionné par mes deux copains pour aller chercher un outil, vider une chasse d'eau, faire couler un peu le lavabo du rez-de-chaussée, pendant que Madame Maître Chronique fourbissait son carnet de chèques pour alléger vite fait bien fait notre compte en banque de 124€... Non, non, elle était pas partie faire du lèche-vitrines, 124€, c'est le prix du jet d'eau à haute pression... Pas mal, vous ne trouvez pas ? En réalité, j'ai surtout apprécié la collaboration des étudiants qui par leur barrage bienvenu, nous ont donné l'occasion de travailler tranquillement. Comme aucune voiture ne pouvait passer, jamais le camion n'a gêné qui que ce soit, les pilotes chevronnés étaient confinés en d'autres axes où ils ont pu s'exciter en toute liberté. Le vrai bonheur... celui des heures tranquilles et la satisfaction béate du propriétaire.

    D'ailleurs, nettoyage pour nettoyage, il faut avouer que nous avons été beaucoup plus efficaces que nos amis de la police. Alors que chez moi tout était rentré dans l'ordre en trois quarts d'heure - notez bien, ça puait encore pas mal, mais il paraît que c'est normal et qu'il y en a toujours pour plusieurs heures après le nettoyage - les hommes en bleu marine avaient encore un sacré boulot. Il restait pas mal de monde à traîner bruyamment sur le boulevard. Je n'ai pas osé leur proposer les outils de mes deux camarades, ne voulant pas prendre le risque de rendre la situation explosive. N'empêche, chez moi, c'était bouclé ! Tout le monde ne peut pas en dire autant...

  • Caméra traîtresse...

    Après la longue note consacrée à mes souvenirs cyclistes - en chambre uniquement, je le rappelle - j'aimerais revenir sur une image surprenante vue à la télévision jeudi dernier, dans l'émission "Envoyé Spécial", sur France 2.

    En lien avec l'actualité du moment, les responsables du magazine avaient choisi de suivre pas à pas durant cinq jours quelques personnes clés de l'organisation des manifestations anti-CPE, parmi lesquelles le responsable national de l'UNEF. Dont j'ai oublié le nom, qu'il veuille bien me pardonner. Celui-ci, déjà très rompu à l'exercice de la chose politique - bon sang ne saurait mentir, on n'est pas fils de sa mère-maire pour rien - est un personnage brillant, plutôt mesuré et à des années lumière des étudiants en sociologie ou en "info-comm" un peu caricaturaux et mous du genou que les médias nous surexposent depuis quelque temps, probablement pas sans intention d'ailleurs, et dont le discours, très vite à court d'arguments, aurait plutôt tendance à desservir la cause qu'ils cherchent à défendre. Lui, est résolument contre le CPE, c'est évident mais avance dans le débat avec un vrai sens des responsabilités et déploie beaucoup d'efforts pour coordonner les mouvements issus des Universités. Il est dans rôle, efficace semble-t-il, et assez soucieux de ne pas voir dégénérer les défilés qui ont connu un point culminant le mardi 28 mars 2006, un peu partout en France. Tiens, c'est amusant, le temps d'une fraction de seconde, je me suis dit : "Toi, dans quelques années, tu auras pris du galon et je ne serais pas surpris de te voir à nouveau dans les médias, parlant au nom d'un parti politique".

    Mais pourquoi donc a-t-il accepté de se laisser filmer, le temps d'une pause repas, dans une succursale du temple du "fast food", dont il n'est même pas utile de citer le nom ? Comment n'a-t-il pas perçu l'énorme contradiction entre la revendication forte qui est la sienne et pour laquelle il déploie une énergie incroyable et le fait de s'afficher dans cette enseigne qui, d'une certaine manière, en est le parfait contre exemple ? Ici, me semble-t-il, règne une gestion des ressources humaines plutôt anglo-saxonne, non ? Le CDD, le temps partiel, les horaires exotiques sont le quotidien de la quasi-totalité des salariés. Le "turn over" de la main oeuvre est très fort, les possibilités de promotion réservées à une infime minorité, le rôle des syndicats réduit à son strict minimum. C'est une entreprise efficace, mais sans le moindre état d'âme, dont les managers parlent une belle langue de bois quand on les interroge et dont l'existence n'est justifiée que par l'objectif d'engranger les profits maximum dans les délais les plus brefs (il faut bien assurer les lendemains de ces pauvres retraités richissimes résidant en Floride...), tous continents confondus. Une illustration parfaite du phénomène de la mondialisation uniformisation.

    Point de jugement ici de ma part. C'est juste que la superposition m'a semblé étonnante.

    Alors piégé le jeune homme ? Ou, comme beaucoup d'entre nous, perdu dans ses propres contradictions à demander au marché du travail qu'il nous propose une situation sécurisée pour les décennies à venir, tout en consommant en masse tant de produits issus du capitalisme financier dictatorial qui règne en maître sur notre belle planète ?

    Bon, j'arrête, j'ai un coup de fil à donner. Zut, qu'est-ce que j'ai fait de mon téléphone portable fabriqué en Corée ? Raah, ch'suis bête, il était juste derrière mon ordinateur portable américain fabriqué en Chine...

  • Je réponds, donc je suis

    Ce questionnaire traîne de blog en blog... Alors comme j'ai un boulot fou avec le défi que j'ai lancé à mon Ô Brother, je cède à la facilité... Désolé !

    La dernière insulte que tu as dite ?
    Boah, j’ai dû traiter quelqu’un de connard, mais qui ? Y en a quelques uns qui peuvent être concernés.

    Ta dernière dispute ?
    Dispute ? Me souviens pas. De toutes façons, j’ai tendance à fuir les conflits.

    La dernière chanson que tu as écoutée ?
    J’ai écouté le deuxième album de Led Zeppelin en bossant sur le site web de Seventh Records, hier après-midi dans mon chalet suisse.

    La dernière personne que tu as eue au téléphone ?
    La Fraise, qui avait besoin des services informatiques de son Maître Chronique de père.

    La dernière chose que tu as bue ?
    Un expresso, calibré par La Fraise d’ailleurs. Il était bon, pas tout à fait autant que le mien, mais très encourageant.

    Ta dernière plus belle rencontre ?
    C’est compliqué comme question. J’ai beaucoup aimé le regard d’enfant de Roger Trigaux, le leader du groupe bruxellois Présent, dont le saxophoniste est Mr Monstrueux. Il parlait de lui avec beaucoup d’émotion et sa femme est venue nous rejoindre pour en rajouter une couche. C’était le 17 juin 2005, au Triton.

    La dernière chose que tu as mangé ?
    Une banane, banane !

    La première chose que tu fais en te levant ?
    J’essaie de sauter à pieds joints dans mon slip ou mon caleçon. J’y arrive toujours pas…

    La dernière personne à qui tu as envoyé un mail ?

    Mon frère.

    La dernière odeur que tu as sentie ?
    Cette saloperie de fuel qui empeste mon bureau depuis que la cuve a été remplie.

    Ton dernier fou rire et avec qui ?
    Ben, je crois bien que c’était à midi en famille, quand Madame Maître Chronique et moi-même avons regardé l’œil torve de La Fraise et de Mr Monstrueux en leur disant qu’ils nous avaient promis de nous offrir le resto quand nous serons en vacances au Cap d’Agde. Pour une fois qu’on arrivait à les piéger…

    Ton tout premier coup de foudre ?
    1963. Y avait une fille de ma classe, vieille d’ailleurs, elle avait 7 ans. Elle voulait se marier avec moi. Mes parents ne semblaient pas d’accord. En fait, je ne sais pas si c’était un coup de foudre, je pense que j’étais content de lui faire plaisir.

    Ton dernier achat ?
    « Arcoluz », le CD/DVD de Renaud Garcia-Fons. Ah, non, je me trompe, j’ai acheté depuis un pain de campagne.

    Ta dernière crise de nerf et pourquoi ?

    Je ne fais jamais de crise de nerfs. C’est pas un truc de filles, ça ?

    Le dernier mot que tu as sorti de ta bouche ?

    "RIEN !" Je répondais à mon collègue de bureau qui me demandait ce que je disais… Oui, ça paraît compliqué, mais c’est la vérité.

    Le dernier mot que tu as écrit sur ton ordi ?
    Vérité. J’aime bien d’ailleurs que ce soit celui-là, d’ailleurs, j’ai arrangé la réponse à la question précédente pour que ça tombe pile dessus !!!

    La dernière chose que tu fais avant de dormir ?

    Très simple, c'est une mécanique implacable : je pose mon bouquin sur la table de chevet, je mets le traversin par terre, je range mes lunettes Dolce & Gabbana dans leur étui, je vérifie que le réveil est prêt, j'éteins la lumière, un p'tit bisou dans le cou à Madame Maître Chronique et ensuite, je cherche à dormir en écoutant le moindre bruit dans la Maison Rose et j’essaie de l’identifier. Cette dernière étape est en général la plus longue...

    Ton dernier rêve ?
    Je me souviens rarement de mes rêves et pourtant, l’autre jour, je rêvais que je conduisais la nuit dans une ville (inconnue) et j’avais un mal fou à traverser une rue où la circulation était très dense. Une fois passé de l’autre côté, j’ai dû éviter un gars (ou une fille, je ne sais plus) qui faisait du Tai-Shi au beau milieu des voitures. Et moi de lui dire : "tu peux pas aller tai-shier ailleurs ?".

    Le dernier CD que tu as acheté ?
    Ho ! Hé ! J’ai déjà répondu.

    Le dernier coup de gueule que tu aies poussé ?
    Il a dû être intérieur, mais certainement consécutif à un reportage où je voyais la tête de Sarkosy. En règle générale, je ne pousse pas de coup de gueule, ça me fatigue. Et pis on est toujours très moche quand on est en colère.

  • Que se passe-t-il ? De menthe !

    Voici maintenant près de 50 ans - non non, inutile de me rappeler que je ne fais pas mon âge... A ce sujet, c'est Pierre Dac qui disait, je crois, à propos de quelqu'un qu'il était tellement paresseux qu'il ne faisait même pas son âge - que je me trouve confronté à un grave problème que je ne suis jamais parvenu à surmonter.

    Je vous l'expose brièvement - vous savez que j'apprécie la concision et les textes courts - et, au besoin, je vous demande de m'aider à trouver la solution.

    Voici donc ce qui m'amène : le suçage de bonbon. Une énigme qui concerne tous les parfums - citron, orange, cerise ou menthe - à condition que les friandises soient dures et qu'il faille les sucer tranquillement.

    En effet, dès que mû par la gourmandise ou par le besoin de rafraîchir mon haleine ou bien encore afin de partager charitablement la souffrance d'un collègue de bureau désireux de faire oublier à son retour chez lui les relents puissants et coordonnés du café, de la clope et de la pizza aux fruits de mer, j'avale l'une de ces friandises, je me fais la promesse - promis, juré, craché, si je mens je vais en enfer - que je tiendrai bon et que je devrai absolument le déguster jusqu'au bout sans le croquer. Je m'auto-promets un quart d'heure de douceur, de sensations acidulées et j'en salive deux fois plus. Et ça commence toujours bien, je sens la bestiole qui, petit à petit, fond et rétrécit tranquillement dans ma bouche. Je mesure les effets immédiats du travail méticuleux ainsi accompli. Bref, je me félicite intérieurement, certain, enfin, de parvenir au résultat tellement souhaité depuis ma plus tendre enfance.

    CRAC ! CRIC ! CROC ! BORDEL DE MERDE !

    Encore raté, saperlipopette, je n'ai pas tenu jusqu'au bout. Tiens, ça vient encore de m'arriver alors que j'étais super concentré sur mon boulot, virevoltant entre deux feuilles de calcul et comparant avec maestria les statistiques de l'insertion professionnelle des jeunes sortis de lycée professionnel au niveau V à celle de leurs homogues du niveau IV en Lorraine. Une seconde d'inattention et paf ! le bonbon est réduit en miettes, il faut maintenant le finir au plus vite dans ce magma gluant, mélange des douces saveurs fruitées et de l'amertume du combat perdu.

    Jamais je n'y arriverai, je crois - pour toujours - que nous vivons dans un monde décidément bien cruel qui n'accordera jamais de place aux faibles.

  • Paraît que c'est à la mode dans la blogosphère...

    Des autoportraits façon South Park - à ce sujet, je ne supporte pas ce dessin animé, mais tout le monde s'en moque, n'est-ce pas ? -, on commence à en voir fleurir ici ou là...

    Donc, je cède à cette mode stupide et... voici le résultat :

    medium_dd_south_park.jpg

    Moi, j'ai trouvé cette adresse pour le faire : http://spstudio.linda.hosting-friends.de/spstudio.html, parce que les copains, ils friment tous avec leur joli minois, mais vous pensez qu'ils vous diraient où ils l'ont trouvée leur page magique ? Ben non...

    Petite précision supplémentaire : pour récupérer votre image, faites une impression d'écran et collez-la dans un logiciel de retouche d'images.

  • Has'Art ?

    medium_tableau.jpg

    Je suis tombé tout récemment sur le tableau d'un jeune peintre lorrain - attention, hein, ce n'est pas mon Babar, lui il est unique et pas à vendre ! - et je suis resté très intrigué, et séduit néanmoins... Il y a cette étrange correspondance des couleurs avec celles que nous venons d'installer dans notre salle de séjour (le rouge évoque le canapé, on retrouve également deux verts proches de ceux des murs...).

    On aime, on n'aime pas ! Et comme je le dis souvent, les ragoûts et les couleuvres, ça ne se discute pas. Moi, j'aurais plutôt tendance à bien aimer. D'autant que la chose, de surface respectable, est vendue à un prix très raisonnable. Ceci me fait d'ailleurs penser à un autre tableau, vu tout récemment dans une galerie du Boulevard Saint-Germain à Paris : imaginez une toile d'environ 80 centimètres de large sur une hauteur d'un peu plus d'un mètre. C'est bon, vous visualisez ? Le tableau était noir, intégralement. On y voyait juste un petit rectangle rouge, en bas à droite. Jusque-là, pas de problème, je suis ouvert à toutes les créations et personne n'est obligé d'aimer. Seulement, en me rapprochant du tableau, j'ai vu une petite étiquette sur laquelle était indiqué le prix : 4.000 € ! Nom de Dieu ! Faut oser quand même. A ce prix-là, je veux bien m'y mettre tout de suite, j'en peins deux ou trois par semaine, je laisse 30% à un galeriste à catogan, j'en prête de temps à autre quelques uns à des architectes d'intérieur qui les disposeront avec talent dans un beau loft parisien dont ils nous proposeront la visite dans l'émission "Question Maison" et, tope-là, le tour est joué. J'arrête de bosser, je me repose, je voyage et en plus... je m'auto-proclamerai artiste. Ouais, la vie est belle !!! Comment n'y avais-je pas pensé plus tôt ?

    Trève de rêverie, mon tableau lorrain, je le verrais bien au-dessus du buffet de l'espace salle à manger, je l'imagine déjà éclairé par le soleil du matin, puis celui de midi et se déclinant lui-même en teintes variables... Raah, j'ai bien envie de me laisser tenter...

    Dommage qu'avant je doive changer ce satané Vélux du deuxième étage qui condense et qui fuit. Les premiers devis sont assez déprimants et je dois choisir entre modèle simple et modèle super confort. Si j'ai bien compris, ce dernier laisse entrer la chaleur du soleil en hiver mais la repousse en été, c'est super non ? Il doit y avoir une espèce de Patrice Drevet intégré... Il est là le Drevet en réalité - c'est sûrement pour ça que c'est si cher ces bestiaux - , tapi entre les deux vitrages, il guette avec son costume rayé, son gilet boudiné et son pantalon en jean et HOP ! Taratata, soleil d'été, on ne rentre pas, soleil d'hiver, je vous en prie, bienvenue à la Maison Rose ! M'est avis néanmoins que son boulot ne sera pas épuisant pour lui en Lorraine, parce que les jours de soleil sont assez rares par chez nous..., mais dans tous les cas, je crois que mon budget va encore subir une sévère secousse. Au train où c'est parti, je crois qu'on peut sans se tromper diganostiquer une maladie de Parkinson du porte-monnaie.

    Mais je crois vraiment que je vais me laisser tenter. De toutes façons, plus le temps passe, moins je crois au hasard et ce tableau, je subodore qu'il a été peint pour nous. Sa place est ici, et nulle part ailleurs. Je vous tiendrai au courant, de toutes façons.

  • Haut et fort... en couleurs !

    Il me faut vous raconter, en quelques lignes comme d'habitude, avec la brièveté et le style direct qui me caractérisent, sans parenthèses ni digressions, mes récentes aventures en compagnie d'un personnage haut en couleurs, mon peintre ! Je tiens également à préciser qu'à l'exception d'une chronologie légèrement remaniée et d'une transformation des noms propres, les dialogues et les faits de cette note reproduisent au mieux la réalité. Rien n'a été inventé, promis, juré, craché.

    Mais au risque de vous décevoir et en guise de préambule, je suis dans l'impossibilité de vous révéler l'identité de celui qui depuis deux semaines manie avec dextérité pinceaux, brosses, ciseaux, colle et pots de peinture dans notre belle Maison Rose. Même sous la torture, je ne parlerai pas ! Un bon peintre, c'est comme un chewing-gum, ça ne se partage pas, on le garde pour soi, s'il le faut, on le colle sous la table de chevet pour le retrouver le lendemain, mais jamais on ne dévoile son nom. On n'a pas envie de le savoir indisponible le jour où on a besoin de lui. Néanmoins, il me faut lui trouver une appellation pour la commodité de mon récit... Nous l'appellerons Babar, non pas en raison d'une quelconque ressemblance avec ce beau petit éléphant, ni même parce qu'il arborerait de belles et grandes oreilles ou qu'une excroissance nasale ou génitale prêterait à confusion. Non, rien de tout cela, Babar, c'est bien, c'est un nom qui lui convient et ceux qui le connaissent comprendront les raisons de mon choix.

    Pour commencer, je dois aussi vous faire part d'une difficulté à laquelle notre ami Babar se trouve très souvent confronté : la prononciation du nom de ses clients ! J'ai beau le connaître depuis de nombreuses années, rien n'y fait, il ne parvient toujours pas à dire correctement mon patronyme. Pour vous donner une idée du résultat, imaginez un tirage du mot le plus long, pendant les 45 secondes de réflexion du candidat. Essayez de prononcer les lettres qui se présentent, sans chercher à les ordonner. Vous savez maintenant de quoi je parle. Mais le plus spectaculaire, c'est aussi cette fraction de seconde, ce moment d'indicible vertige, juste avant le temps de l'épreuve fatidique, où l'on perçoit chez Babar, comme en déséquilibre au bord du gouffre, une montée d'angoisse quand il doit aborder le franchissement de ce redoutable obstacle, votre nom. Va-t-il y parvenir ? Oui ? Non ? Oui ? Ben... non, toujours pas, encore tombé à côté. Raah, c'est rageant, on voudrait l'encourager, lui dire de recommencer mais c'est un peu gênant aussi, on ne voudrait pas être blessant. Parce que Babar, c'est quelqu'un qu'on aime bien, avant tout, c'est un gentil peintre. Euh, à ce sujet... je me permets de vous rappeler que si je garde jalousement mon peintre pour moi, il va de soi que j'ai toujours en stock un chauffagiste « Défaut Brûleur » disponible à tout instant pour vous dépanner. En cas de nécessité, n'hésitez pas à me contacter, je serai heureux de vous venir en aide.

    La situation de ces derniers jours n'était pas simple, cependant, pour Babar ! Elle allait même le plonger dans de vrais moments d'angoisse, source d'insomnies à répétition. Car il avait affaire à des clients – Madame Maître Chronique et moi-même – qui avaient décidé de... comment dire, conceptualiser la mise en couleurs de la vaste pièce composée d'un salon, d'une salle à manger et d'un bureau depuis lequel s'élève avec élégance un bel escalier en frêne aux parements de métal et de verre. Une idée en effet nous avait traversé l'esprit : puisque nous habitons la ville qui a vu la naissance de ce beau mouvement pictural qu'on appelle « L'école de Nancy », pourquoi ne pas revenir aux fondamentaux de cette dernière et nous inspirer de ce que nous offre à voir Dame Nature ? Raisonnement imparable et très gratifiant pour nous qui, derechef, nous auto-transformions en architectes d'intérieur et qui nous conduisit illico à considérer que nos tommettes de couleur marron tirant vers le rouge symbolisaient la terre, le sol, l'humus. Et que nos meubles, ainsi que notre escalier, jouaient alors le rôle des arbres, puisque de bois ! Nous étions donc mis en demeure de trouver à nos murs un rôle complémentaire, en belle harmonie avec ces fonctions naturelles : sachant que l'exposition sud de la pièce offre une belle vision du bleu du ciel (gris de temps à autre, je vous l'accorde, mais jamais plus de sept jours sur six...), nous pouvions oublier cette couleur omniprésente et offerte comme un don de Dieu. Alors pourquoi ne pas les envisager comme notre feuillage et opter pour un camaïeu de vert ? Aussitôt dit, nous nous ruâmes sur quelques feuilles issues de notre jardin de poche et les observâmes avec minutie. Nous étions fort séduits par cette alliance d'un vert pâle ici, là, niché au creux des nervures et d'un vert beaucoup plus soutenu, assez foncé même, qu'on voyait mieux en considérant ces fruits de la nature de plus loin. Pas de doute, l'idée était là, très bonne même, excellente ajouterais-je, et nous décidâmes d'une couleur foncée pour trois pans de murs (dont les deux sur lesquels est fixé notre escalier, celui-ci devenant comme un bel arbre ceint d'une printanière verdure) et d'un vert très pâle pour tous les autres. Quant à notre canapé tout de cuir rouge, il était – comment ne pas l'avoir imaginé plus tôt – une sorte de cerise sur le gâteau, ou plus exactement une grappe de cerises nichée au milieu des feuilles de  leur cerisier. Oh la la... qu'est-ce que ça fait du bien d'être intelligent et de se sentir artiste... Oui, en effet... mais c'est là que les difficultés commencèrent...

    Babar nous parut illico très dubitatif. Je crois même que notre génial concept lui échappait totalement, ce qui à l'évidence le faisait souffrir, lui qui, comme tout bon peintre, s'investit à ce point dans son travail qu'il souhaite participer au choix des teintes avec ses clients.
    « - Monsieur Trique Mornette, vous pensez vraiment peindre votre pièce en vert ?
    - Oui oui, monsieur Babar, nous y avons beaucoup réfléchi, ma femme et moi et nous pensons que le rendu sera très beau et que les couleurs vont venir comme dialoguer entre elles et créer des jeux de lumières quand il y aura du soleil. Vous verrez, ce sera magnifique ! Nous y avons longtemps réfléchi et, pour ne rien vous cacher, tout cela nous paraît tellement lumineux que le doute n'est plus permis !
    - Rooh, monsieur Morne Triquette, franchement, je ne suis pas convaincu, vous savez... Oh, ça m'embête, je ne voudrais pas rater mon coup... mais je veux bien essayer quand même. Je mettrai d'abord une couche vert pâle sur tous les murs et ensuite, on verra pour la partie plus foncée.
    Parfait monsieur Babar, on fait comme ça et demain matin, on en discute. A vous de jouer ! »

    Après une très pénible journée de travail – initiée par une réunion d'anthologie dont le thème général fut ainsi présenté par notre chef : « C'est pas compliqué, ça va aller vite, je n'ai rien à dire ! » – je regagnai la maison rose, impatient de découvrir la première transformation du centre névralgique de notre nid douillet. Ooooops ! Où es-tu Babar ? Mais qu'as-tu donc fait ? Instantanément, j'étais comme revenu un mois en arrière, j'en étais même à chercher des yeux mon Docteur D. ! Notre peintrounet nous avait reproduit très exactement les murs d'une clinique ! Un beau vert fortement teinté de bleu, bien glacial, que je qualifierais paradoxalement d'inhospitalier ! J'essayai alors de me convaincre : oui, c'est bien, c'est vert, c'est ce que nous voulons... Un petit tour dans la cuisine et hop, retour sur les lieux du massacre : nom de Dieu, c'est 'achement vert comme ambiance. Je me regardai dans le miroir de la salle de bains, pour m'apercevoir que moi aussi, j'avais viré au vert pas très engageant. Pffff, j'aime pas ce genre de situations, j'aime pas... Bon, pas de panique, attendons l'avis de Madame Maître Chronique, qui ne va pas tarder à rentrer du boulot...
    « - Alors, chère Madame, votre avis ?
    - Euh, c'est pas un peu trop vert, on se croirait à l'hôpital, non ?
    - Ben si, c'est exact ! Je crois que la négociation sera rude demain matin, parce que je connais un peu Babar, je le soupçonne même de trouver le résultat joli. Tu sais, notre idée « Ecole de Nancy », je crois que ça ne l'a pas convaincu... »

    Le lendemain matin, dès 8h30, notre Babar préféré fit son entrée, presque triomphale, en la Maison Rose pour parachever son oeuvre. Il avait le sourire.

    « - Bonjour monsieur Monique Traître ! Alors, c'est pas mal, hein ? me demanda notre artisan.
    - Ben... c'est-à-dire... euh... pfff... vous savez... bon... en fait... ma femme et moi, on aime pas du tout, on se croirait dans une clinique, lui répondis-je, un peu gêné, en tortillant compulsivement mes orteils dans mes espadrilles rouges achetées pour la modique somme de 9 Euros à Biarritz.
    - Ah ? Bon, vous savez quoi, Monsieur Chrono Métrique, c'était juste une base... la couleur, il faut que nous la fassions ensemble... On va repartir de zéro et on fera des essais avant que vous ne partiez au travail. Et puis, pour le vert foncé, il faut que vous choisissiez sur le nuancier !
    - Bonne idée monsieur Babar ! On y va ! »

    Et voilà mon Babar en action, heureux de me montrer tout son savoir-faire, persuadé qu'il était de me faire changer d'avis et de me rallier à sa cause vert de glace !
    « - Attention, monsieur Mine Croquette, on va commencer par un pot de peinture blanche et ensuite, on ajoute les couleurs. Ce sera à vous de me donner vos instructions !
    - Sans problème monsieur Babar, comptez sur moi, je suis tout émoustillé à l'idée de jouer au petit chimiste. Faites gaffe quand même à tourner votre brosse aussi vite dans le seau, je porte des vêtements normaux, moi ! Bon... euh, une larme de vert pour commencer, tout de même ? »
    Babar empoigne une première fiole et, avec une délicatesse insoupçonnée de la part de ses papattes rondouillardes, laisse tomber dans le seau un petit filet vert tirant sur le noir. Pas trop sombre ce machin ?
    « - Ne vous inquiétez pas, monsieur Croque Minette ! On va déjà en mettre un peu sur le mur d'en face pour que vous voyiez mieux. Mais attention ! Le résultat final sera plus foncé ! Faut en tenir compte...
    - Bon, ben ça m'arrange pas votre histoire, là... M'enfin, ça reste froid comme teinte, c'est mieux qu'avant parce que c'est beaucoup plus clair, mais ça manque d'une nuance imperceptible de jaune ou de brun.
    - Alors, dans ce cas, monsieur Mitre Croquet, je me permets de vous suggérer une pointe de Terre de Sienne et un peu d'ocre.
    - Ah, oui, c'est bien ça, la couleur sera plus chaude, hein ? »
    C'était reparti pour un nouveau mélange, la brosse tournant frénétiquement en vrille dans le seau sous l'impulsion d'un Babar visiblement inspiré et heureux de se sentir un peu le papa de mes couleurs. Parce que ces couleurs, je les voyais en fermant les yeux, je savais exactement ce que je voulais, mais je finissais par avoir peur d'être victime de je ne sais quel maléfice chimique, un peu comme si mon peintre devenait un envoûteur du pinceau, cherchant à m'hypnotiser pour m'imposer ses choix.

    « - Ah ! Oui ! Parfait ! Topez-là monsieur Babar ! La voilà ma couleur, on ne change plus rien. Voyez donc ce petit reflet anisé qui donne à la teinte toute la chaleur qui manquait !
    - On y va comme ça, monsieur Morte Cranique ? Pas de regret ?
    - Non, c'est impeccable, je sais que nous y sommes. »

    Quel soulagement ! J'avais atteint mon but, j'avais même convaincu monsieur Babar qui semblait en effet rallié à ma cause. Sauf que le bestiau, jamais en manque d'un nouveau tour dans son sac, exhiba un horrible nuancier épais d'au moins dix centimètres, dans lequel il me demanda de choisir sans attendre la couleur complémentaire, mon vert plus foncé, celui qui allait donner au beau volume de la pièce toute la profondeur et l'élégance qu'il attendait. Mais comment veux-tu que je choisisse, m'sieur Babar, y en a beaucoup trop des couleurs... Bon, on élimine toute cette série, celle-là aussi, le bleu on a dit que c'était pas nécessaire puisqu'on a le ciel dehors... alors les verts... tu parles, y en a au moins deux cents... hum hum hum... VERT FLAMBOYANT ! C'est celui-là, je le veux ! Alors on ne change plus rien, on fait le mélange ?

    « - Ah non, monsieur Métro Nique (NDLR : oui, pour une fois, il arrivait presque à prononcer mon nom...), ce n'est pas moi qui fait le mélange, c'est l'ORDINATEUR !
    - Ah ben si c'est l'ordinateur... monsieur Babar, je m'incline, laissons-le mélanger avec ses petits doigts informatiques, il fera ça mieux que nous, c'est certain !!!  Bon, je vous aime bien, mais moi aussi j'ai un travail, je vous laisse. On fait le point demain ! »

    Rentrant le soir chez moi, je dus bien constater avec émerveillement que la négociation, âpre j'en conviens, avait porté ses fruits : j'avais exactement sous les yeux les deux teintes que Madame Maître Chronique et moi-même avions imaginées. Chapeau mon Babar ! Quelque chose me dit que tu dois être content du résultat. Et ce n'est pas sans une certaine fièvre que j'attendis le lendemain matin pour entendre mon peintre s'enthousiasmer sur l'harmonie qui régnait désormais la pièce...

    « - Ah, monsieur Trique Mornette, si vous saviez... je n'en ai pas dormi de la nuit ! Quand j'ai vu ce vert foncé, je me suis dit : faut que je l'appelle, ça ne va pas lui plaire !
    - M'enfin, monsieur Babar, mais c'est magnifique, c'est exactement ce que nous voulions !
    - Ah mais quand j'ai vu ce vert Empire, j'ai eu peur...
    - Mais non, monsieur Babar, regardez nos fauteuils, c'est le même vert, c'est fait exprès ! Non... détendez-vous ! Tout va bien.
    - Mais vous verrez, ce sera encore plus beau après la deuxième couche..
    - Hein ? La deuxième couche ? C'est pas fini, je trouvais ça très beau.
    - Mais enfin, monsieur Corne Miquette, et le pouvoir couvrant ? Vous avez pensé au pouvoir couvrant ? Vous voyez bien qu'on aperçoit encore la sous-couche !
    - Ah ben oui, j'suis con moi ! J'avais rien vu, ah je suis bête tout de même ! Ah monsieur Babar, chacun son métier, n'est-ce pas ? Moi, je suis un intello, tandis que vous, vous couvrez ! »

    Ouais... autant vous dire que le pouvoir couvrant de cette peinture miracle fut à l'origine d'un début de catastrophe ! Une fois posée la deuxième couche, nous fûmes victimes d'une attaque de traces et taches en tous genre : on voyait les mouvements du rouleau, les raccords dans les coins, tiens, c'est bien simple, on aurait un mur tel qu'il est fini quand c'est moi qui le repeins ! Mon pauvre Babar était effondré, mais il allait trouver la solution, rencontrer des spécialistes, donner des coups de téléphone au laboratoire, pour savoir de quoi il retournait. Bref, il voulait une explication, ce mystère ne pouvait demeurer non résolu. Tel le limier des pots de peintures et des pinceaux multicolores, il mena l'enquête et apprit finalement que la dégradation avait pour origine une réaction chimique des colorants et que rien ne serait arrivé si nous avions opté pour une peinture mate et non laquée. Comment ça, opté pour une peinture mate ? Mais j'ai rien choisi, moi, j'ai choisi une couleur, un point c'est tout ! Et comment on fait maintenant, avec nos taches ?

    « Ne vous inquiétez pas, monsieur Morte Croquis, je vais rajouter une couche et tout ira bien. »

    Ainsi donc se termina l'aventure de la mise en couleurs d'une belle pièce à vivre dans laquelle il ne nous resterait plus qu'à faire un petit ménage et y rapatrier le mobilier temporairement en exil au deuxième étage. Madame Maître Chronique s'extasiait devant le résultat, visiblement heureuse d'avoir pu concrétiser un projet tel que nous l'avions imaginé. De mon côté, j'avais le sentiment qu'une atmosphère de paix allait régner dans cet espace que nous nous promettions de ne pas surcharger inutilement d'objets décoratifs et ramasse-poussière. Mais je voyais bien que monsieur Babar, qui avait déjà entrepris la rénovation du plafond de notre cuisine, aurait volontiers mis un bémol à notre joie commune. Oh, certes, il nous donnait raison en tous points : nos deux verts se mariaient parfaitement, l'équilibre entre les deux teintes, bien que fragile, relevait du miracle et nous ne nous lassions pas de nous déplacer d'un point à l'autre de la pièce pour constater que les changements de point de vue provoquaient des variations dans la perception des couleurs. Un bonheur ! Sauf que...

    « - Monsieur Croque Matine, vous voyez les deux portes ? Elles sont blanches, nous sommes bien d'accord. Vous m'avez demandé de peindre autour de la vitre une petite bordure vert pâle, n'est-ce pas ?
    - Oui oui... Ah, monsieur Babar, je vous devance : vous trouvez ça pâlichon ? Vous êtes en train de me suggérer l'autre vert. Je ne me trompe pas ?
    - C'est que je n'osais pas vous le dire. On ne la voit pas votre bordure, c'est tristounet. Fade même. Il faudrait essayer l'autre vert.
    - Essayons monsieur Babar, essayons, je crois que nous sommes bien d'accord aussi sur ce point. »

    D'un geste délicat d'une main guidant comme par magie les mouvements de son pinceau, mon Babar mit la touche finale à son oeuvre en donnant aux deux portes le relief qui leur manquait. Il recula, passa de l'une à l'autre, il jubilait. On y était. Voilà pourquoi il ne parvenait pas à s'enthousiasmer jusqu'à présent. Mais là, on frisait la perfection, Babar, l'amiral enfin aux commandes du paquebot dont jusqu'à présent je n'avais pas voulu lui laisser le gouvernail, était comme seul maître à bord. Cette pièce, c'était sa création, encore un peu, j'aurais dû le remercier d'avoir choisi de si belles couleurs. Il avait – c'est là tout le talent du professionnel – rétabli une situation menacée d'enlisement.

    « Franchement, monsieur Craque Mitonne, c'est très beau, vous ne trouvez pas ? »

    Si, si mon Babar, je me tue à te le dire depuis le début. Et tu sais bien qu'à la prochaine occasion, je te téléphonerai pour un nouveau chantier, nous aurons nos idées, tu auras les tiennes, nous discuterons tranquillement, nous regarderons le bébé venir à la vie sous nos yeux et le monde nous semblera merveilleux... On a tous besoin d'un Babar chez soi, j'ai compris cela depuis longtemps.

    PS : je ne suis pas chien, je devine à votre impatience que vous aimeriez avoir une petite idée du résultat, alors, rien que pour vous, une petite photo !

    medium_babarworks.jpg
  • Chiche !

    A travers ce blog, j'essaie de fabriquer de manière artisanale un savant mélange de souvenirs, de chroniques à teneur musicale et de quelques réflexions diverses sans autre ambition que, parfois, de susciter des échanges à travers lesquels nos personnalités acceptent de se dévoiler un peu. Or, il se trouve que mon propre frère tient lui-même son journal du web, dans une optique très proche. Il y parle beaucoup de musique (chance pour moi, les artistes dont ils parlent ne sont pas les mêmes qu'ici, cette complémentarité n'étant pas pour me déplaire, loin s'en faut), il travaille également à fixer sur le papier virtuel des souvenirs remontant à l'enfance. Je crois que tout cela est très important pour nous (pardonnez-moi de vous dire ces choses-là, mais après tout, vous faites aussi un peu partie de la famille), mais aussi pour nos enfants qui disposeront là d'une sorte de grenier-mémoire dans lequel ils pourront puiser, s'ils en ont envie.
    Nos chemins aujourd'hui parallèles – dont les directions s'étaient un peu trop éloignées à mon goût depuis fort longtemps – sont la marque d'une vraie « essence fraternelle » qui me réjouit et me fait aborder ma vie de quasi-quinquagénaire avec un sentiment de « respiration » que notre éloignement avait un peu étouffé...
    Tout ceci m'a donné une idée que je lui soumets ici, en votre présence à tous, parce que je suis persuadé que l'exercice pourrait bien s'avérer jubilatoire : nous lancer, régulièrement, un petit défi d'écriture (en nous accordant un délai pour le réaliser, car lui, tout comme moi, a la mauvaise habitude de travailler, ce qui nuit fortement à la pratique de nos loisirs, ce que nous déplorons depuis des décennies...) dont le principe est très simple. L'un de nous détermine un sujet à évoquer et nous travaillons chacun de notre côté à la rédaction du texte en planifiant la date de publication. Ainsi, au jour J, nous découvrons (et vous découvrez) le résultat ! Voir comment chacun a modelé la pâte de ses propres souvenirs, comment chacun a vécu ces moments communs, constater les différences, observer les rapprochements, les similitudes. J'avoue que je suis d'ores et déjà très impatient d'en découvrir les richesses.
    Par conséquent, j'appelle sans plus tarder mon Ô Brother ! à nous raconter la pratique d'un jeu qu'il avait inventé et auquel nous nous sommes adonnés durant de très longs mois d'été. Je n'en dis pas plus, le seul indice supplémentaire que je lui fournirai sera le suivant : « petits coureurs » ! Mais je sais qu'il avait déjà compris.
    Nous sommes le vendredi 10 mars 2006, je nous accorde trois semaines pour écrire ce texte et je nous (vous) donne rendez-vous au... 1er avril 2006 pour le mettre en ligne. Non, non, non, ce n'est pas un poisson, même si la date et la ligne pourraient vous inciter à le penser.
    Bon, frangin, prêt à relever le défi ? Et si je ne sens pas un enthousiasme total dans ta réponse, j'en appelle à nos millions de lecteurs assidus pour t'encourager, tel le public du marathon de Paris que tu finiras bien par courir quand tu seras remis sur pieds !
    C'est parti !