Je vous plante le décor : hier soir, à Nancy, vers 21 heures, dans un club appelé le Blue Note où les musiciens de frogNstein nous avaient convié à un concert auquel participaient quelques invités, dont notre Mr Monstrueux de fils au saxophone. Il s'agissait de finir l'année en beauté et d'annoncer la sortie, au premier semestre prochain, du premier disque du groupe, "Electrify My Soul". Or donc, imaginez que, pour une fois, je ne vais pas vous parler de musique (ben oui... chacun ses moments de faiblesse) car même si ces deux bonnes heures de concert furent bien chargées en énergie et en talents multiples, malgré une sonorisation parfois agressive (mention spéciale la caisse claire qui m'a brutalisé le tympan gauche au point que j'ai passé les trois quarts de la soirée avec un doigt occultant mon oreille gauche), la difficulté était ailleurs et c'est le souffle court que nous quittâmes les lieux vers minuit et quelque... pressés de respirer, enfin !
Le Blue Note, c'est une cave, avec ses voûtes, son ambiance tamisée, ses tabourets bas inconfortables (pour nos lombaires de quinquagénaires en tous cas...), sa scène riquiqui, ses spectateurs qui ont parfois du mal à se taire lorsque les musiciens sont sur scène, c'est un lieu où la plupart des gens se connaissent : musiciens, amis des musiciens, parents des musiciens, amis des amis, amis des parents, parents des amis... C'est ainsi qu'on peut facilement remplir le caveau à tel point que la plupart des gens sont obligés rester debout. Et c'est aussi une étuve où la circulation de l'air ne semble pas répondre aux exigences les plus élémentaires. Fort heureusement, il n'y avait pas de commission de sécurité dans tout ce gentil aréopage...
Alors, arrivés en premier avec quelques amis parce que nous voulions être assis, débarrassés illico de notre première couche (le manteau), c'est assez vite que nous dûmes poursuivre l'exercice en quittant écharpe puis pull-over. Très bien, la chemise blanche (devenue bleu fluo pour une raison optique qui m'échappe) n'avait plus qu'à bien se tenir et au prix d'un ultime retournement de manches, j'arborais enfin la tenue adéquate lorsque les musiciens montèrent sur scène en entamèrent le premier des deux sets.
Adéquate ? Pas si sûr... Car je crois qu'il me manquait l'arme fatale, l'outil indispensable en ce genre de moments : un bon vieux masque à gaz ! Car figurez-vous que notre public, bien dense, bien tassé, bien debout, un verre à la main et malgré l'exigüité des lieux, trouva une solution ingénieuse et à la limite de l'acrobatie pour confier une mission particulièrement pénible à la seconde main : la clope ! Et ça fume, et ça refume... Avec de ma part un merci tout particulier aux deux pétasses, debout jusque-là, qui sont subitement venues se poser juste devant moi et m'ont fait largement profiter de leurs essences nicotiniennes répétées. C'est quand même bizarre ce machin là : tu ne demandes rien, t'es bien tranquille à écouter de la musique et tu vois le nuage bleuté ennemi foncer directement vers tes narines qui n'en veulent pas. Etrangement, les deux fumeuses, elles ont pas l'air gênées du tout par le produit de leurs très méthodiques expirations (mais bordel, vous pouvez pas vous la garder à 100% à l'intérieur de vos poumons, votre fumée ? Z'êtes vraiment obligées de souffler comme ça ? Comme ça, tout le monde serait content : les fumeurs seraient fumeurs intégraux et les non fumeurs pourraient... le rester. Oui, parce qu'il est bien là le problème : moi, j'oblige pas les fumeurs à devenir non fumeurs, je m'en fous de leurs poumons noircis, je veux juste que les non fumeurs puissent le rester, c'est tout de même pas compliqué...).
Alors, très vite, on se serait crû dans un bouquin de Lucky Luke, vous savez, quand il est au saloon et - flip flap, il ouvre la porte - pour découvrir un épais nuage rasant le plafond avant qu'il ne retombe au moment du refroidissement sur les naseaux des piliers du comptoir. Ben là, c'était la même chose sauf que les piliers, c'étaient des gens comme nous - et en plus on picolait même pas - dont certains durent abandonner la partie à mi-parcours parce que l'atmosphère devenait vraiment irrespirable.
Franchement, je n'aurai qu'un mot : c'est dégueulasse ! Je veux pas jouer les vieux cons (m'enfin, de toutes façons, j'assume et puis c'est bien parfois d'être un vieux con) mais je trouve que la ligne jaune était largement franchie hier soir et c'était une pitié d'entendre les musiciens eux-mêmes se plaindre de l'enfumage avant de revenir sur scène pour le final. Et qu'on ne vienne pas me miauler dans les trompes d'Eustache le jour où les mesures prises seront beaucoup plus coercitives. Fallait pas commencer et abuser à ce point. Surtout que toute cette moiteur tabagique avait sur nous une conséquence extrêmement désagréable : oui, mes amis, dans la voiture qui nous ramenait chez nous, ça schlinguait sévère, on aurait dit que je conduisais un cendrier refroidi. Beurk !
Quant au final, croyez-moi, il fut épique : à peine entrés dans la Maison Rose, pas question de propager plus loin la puanteur et c'est sans attendre que nous mîmes la main sur un flacon de Fébrèze afin de tuer les odeurs néfastes. Pschiiit, pschiiit, pschiiit, pschiiit... ah, je te jure ! La moitié du machin y est passée, sur l'écharpe italienne toute neuve cadeau de ma soeur, sur le gilet noir, sur les manteaux, et vas-y que je t'accroche tout ça dans la buanderie. Et pour finir, voilà que je me retrouve comme un con en slip dans l'entrée, et en plus je me les gèle parce que la porte d'entrée est partiellement vitrée et qu'il fait un froid de canard dehors. Donc, ça fait un peu frigo. Cette fois, c'est bon, y a plus rien à désodoriser (enfin, j'espère...) et on grimpe l'escalier en se débarrassant des ultimes oripeaux avant de poser le premier pied sur la moquette de la chambre parce qu'il nous paraît vital de préserver cet ultime sanctuaire olfactif. Tu parles d'un final poétique...
Et puis, histoire de bien dormir, on empoigne le bouquin en cours dont on sait qu'on ne lira pas plus de cinq pages avant de vaciller. Pas de bol, j'en suis juste au moment où le personnage principal, malade comme un chien, nous expose avec force détails la chronique de sa diarrhée.
C'était pas le jour des parfums subtils...