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WHAT ELSE ? - Page 17

  • Escapade

    Demain, samedi et dimanche, allez madame Maître Chronique, on fait les valises, on met le cap sur Paris avec un programme chargé. Théâtre, Olympia, une expo... je vous raconterai tout cela, j'aimerais vous expliquer pourquoi je ne supporterais pas d'habiter la capitale mais que j'adore y flâner, la truffe en l'air, comme aurait dit Gotainer.

  • Y a comme un hic

    14 février 2006 : un nouveau Medtronic...
    2 mars 2006 : Exit Scenic, bonjour Honda Civic...
    C'est vrai que tout cela coûte du fric,
    Mais bon, moi je trouve ça assez chic...

  • En quête de Charlie...

    Il y a toujours près de moi un livre... ou deux, trois parfois, tous commencés, parce que sans papillonner pourtant, il m'arrive d'être pris d'envies complémentaires qui nécessitent d'avoir plusieurs fers au feu. En ce moment par exemple, je me régale du bouquin de l'acteur Denis Podalydès, « Scènes de la vie d'acteur », du livre de René Rémond consacré au XXe siècle et d'un policier signé John Harvey, « Preuve vivante ». Je ne peux pas rester longtemps sans bouquiner et,    pour avoir longtemps pratiqué cet exercice que d'aucuns jugent impossible à réaliser, l'on risque de me trouver souvent un bouquin entre les mains, un casque sur les oreilles, me distillant intimement une musique et m'apportant la concentration nécessaire à l'immersion dans les univers créés par les écrivains. Je viens également de m'apercevoir qu'à l'exception de quelques livres mis en exergue dans ce blog, je ne vous avais pas encore fait part de mes coups de coeur en ce domaine. L'occasion, donc, d'inaugurer une nouvelle catégorie de notes, que je baptise « Impressions », et de vous dire deux mots, justement, de John Harvey et avant tout de son personnage exemplaire, l'inspecteur Charlie Resnick.

    Je vous parle ici de onze beaux bouquins, dix romans et un recueil de nouvelles, qui mettent en scène un inspecteur de police, Charlie Resnick, et les membres de son équipe, quelque part du côté de Nottingham. Car nous sommes ici en Angleterre, assez loin semble-t-il de l'eldorado dont nous rebattent les oreilles toute la clique des ayatollahs ultra-libéraux assez en vogue de nos jours, jamais en manque d'une idée nouvelle pour nous expliquer que l'herbe est toujours plus verte ailleurs. Chez John Harvey, l'Angleterre n'est pas miraculeuse, elle est terre de contrastes, on y voit des communautés s'y opposer, la souffrance est une réalité quotidienne pour bon nombre de gens qui vivent la précarité dans ce qu'elle a de plus cruel. Tous les personnages ont une vraie consistance, avec leurs joies, leurs peines, leurs amours difficiles au point que finalement, ce que l'on a coutume d'appeler les « intrigues policières » passent très souvent au second plan, parce que c'est la vie de ces êtres humains de chair et de sang qui nous happe. Et que la lecture de ces bouquins s'apparente aussi, parfois, à une salutaire prise de conscience.

    Charlie Resnick, d'origine polonaise, vit seul avec ses quatre chats (Bud, Miles, Dizzy et Pepper) dont on devine que les noms traduisent la passion de leur maître pour le jazz et c'est tout naturellement qu'on s'invite à ses côtés lorsqu'il choisit un vieux 33 tours de Monk, Billie Holiday ou Lester Young. On salive à le voir se composer d'incroyables sandwiches à base de Stilton, d'huile d'olive, d'oignons et de tomates dont il raffole, on frémit lorsque sa cravate subit à intervalles réguliers les assauts d'une sauce vinaigrette coulant d'un sac en papier en provenance directe d'un traiteur voisin du commissariat. Resnick est un homme au grand coeur, mais timide aussi, paternaliste presque avec sa jeune inspectrice Lynn Kellog, dont la vie personnelle est compliquée par une drôle d'histoire de coeur avec un cycliste et par la maladie de son père. Resnick vit seul dans une maison, mais on sait qu'il a été marié à Elaine et que cette histoire est toujours très douloureuse, pour lui comme pour elle. Un couple brisé malgré le ciment de leurs origines polonaises.

    Et puis, il faudrait parler de tous les membres de l'équipe de Charlie Resnick : outre Lynn Kellog, c'est Kevin Naylor dont le couple est toujours sur le fil du rasoir, c'est Mark Divine, le réac obsédé sexuel, c'est Diptak Patel dont les origines pakistanaises sont souvent un lourd fardeau à porter dans son insertion professionnelle, c'est Graham Millington, c'est Jack Skelton, le commissaire divisionnaire sportif dont la fille Kate est aux prises avec tous les pièges de son adolescence, une fille coincée entre un père et une mère qui se déchirent.

    Ici, on parle de la vie, la vraie, une vie formidablement écrite par un John Harvey très inspiré qui a mis fin aux « aventures » de son personnage Resnick parce qu'il savait bien que cette histoire devait forcément s'arrêter un jour... et parce qu'il pensait que 10 romans, c'était bien, un bon chiffre en quelque sorte. On aurait volontiers continué cette belle aventure mais le mieux étant parfois l'ennemi du bien, on se dit que tout est bien ainsi et qu'une fois ces pages dévorées, on finira par s'y replonger tôt ou tard.

    Tous les livres de la série Charlie Resnick sont disponibles chez Rivages / Noir. Je ne saurais que trop vous conseiller de les lire dans leur ordre chronologique.

    Coeurs solitaires (n° 144)
    Les étrangers dans la maison (n° 201)
    Scalpel (n° 228)
    Off Minor (n° 261)
    Les années perdues (n° 299)
    Lumière froide (n° 337)
    Preuve vivante (n° 360)
    Proie facile (n° 409)
    Eau dormante (n° 479)
    Now's the time (n° 526)
    Derniers sacrements (n° 527)

    Pour en savoir plus : une interview donnée par John Harvey au magazine Lire.

  • 5 à 7

    Le 29 juillet 1972, mes parents mirent le cap sur Crépiat, un petit hameau de la Creuse, là où habitait ma grand-mère maternelle qui venait de partager notre quotidien depuis plusieurs mois. Elle était parmi nous depuis le 17 avril de cette même année et ce fut, je crois, la dernière fois que je la vis. En réalité, ces dates sont aussi pour moi des points de repère musicaux car elles correspondent à deux achats qui, chacun, ont leur importance ! Le 17 avril en effet, je fis l'acquisition de « Mardi Gras », le dernier (et dispensable) album studio de Creedence Clearwater Revival qui marquait alors la fin d'une époque (cf. la note de ce blog intitulée « Fortunate John ») tandis que le 29 juillet, je me précipitais chez mon disquaire favori pour ajouter une nouvelle galette à ma collection naissante : « V », du groupe Chicago. Un disque charnière dont je me rends compte aujourd'hui qu'il est essentiel dans mon parcours d'initiation musicale et que je continue d'écouter avec une régularité que je n'aurais peut-être pas imaginée ce jour-là, alors que je n'avais que 14 ans.

    Forcément – tout cela va vous paraître répétitif – c'est mon frère qui m'avait fait découvrir ce groupe américain dont la musique, bourrée d'énergie jusqu'à la gueule, reposait sur un savant cocktail alliant la précision d'un trio de souffleurs hors pair (James Pankow, Lee Loughnane et Walter Parazaider), la rage électrique d'un guitariste exceptionnel (Terry Kath), l'élégance presque british d'un pianiste arrangeur (Robert Lamm) et les incursions plus « variétés » du bassiste chanteur Peter Cetera... auxquels on ne manquera pas d'ajouter l'excellent batteur et inventif percussioniste Danny Seraphine. Avec Chicago et ses sept musiciens, on naviguait dans l'océan d'une musique où les influences du jazz venaient se fracasser avec bonheur sur le blues et le rock, un régal pour toute oreille avide de brassage et de mariages heureux. Avec Chicago (qui s'appelait à l'origine Chicago Transit Authority, nom de la compagnie de transport de la ville), on était servi... et bien ! Le groupe alignait des albums doubles, identifiables facilement par un numéro qui leur servait de titre :  trois monuments pour commencer avant de nous servir une somme live sous la forme d'un... quadruple trente-trois tours (aujourd'hui réédité avec une heure de musique supplémentaire, je dis cela au cas où...). Tout ceci entre 1967 et 1971, quatre années d'une productivité phénoménale et de succès mondiaux dont les plus célèbres furent « Questions 67 and 68 » et « 25 or 6 to 4 ». Mais surtout, je crois maintenant pouvoir affirmer que c'est avec Chicago que j'ai pu faire entrer les sonorités du jazz dans mon propre univers. Jusque là, la musique s'appelait rock, elle devait être guitare, basse et batterie, parfois piano aussi. Mais j'étais peu sensible aux appels de la trompette, du trombone, de la flûte ou du saxophone ! Etonnant quand on sait que mon propre fils est saxophoniste et que, peut-être, sa vocation est en partie née du fait que depuis sa naissance, il a dû subir des heures et des heures durant lesquelles John Coltrane était au centre de bien des explorations. Mais oui, j'en suis sûr maintenant, c'est avec Chicago que ces instruments sont devenus pour moi de vrais compagnons de route...

    On en était là, en ce jour de juillet 1972, avec ce Chicago foisonnant et nous livrant chaque année ses objets à faces multiples quand fut annoncée la parution d'un numéro 5... sous la forme d'un album simple ! Sacrilège ? Perte d'inspiration ? Changement de cap ? Car en effet, 45 minutes de musique n'étaient probablement pas l'écrin idéal pour de longues chevauchées comme celles des galettes précédentes ! Il y avait chez moi une vraie fébrilité d'autant que jusqu'à ce jour, je m'étais contenter de « resquiller » dans la chambre de mon frère et d'écouter cette musique qui commençait à me passionner. J'allais donc acheter mon premier disque de Chicago et, en vertu du fait que l'absence de mes parents facilitait grandement le rapatriement de l'objet à la maison (cf. « La stratégie de l'arbre à disque »), je mis à profit leur excursion creusoise pour dépenser ce qui me restait d'argent de poche (après l'achat du magazine « Best »...).

    Un disque en bois ! Ou presque... Une épaisse double pochette imitant ce noble matériau, dans lequel était sculpté le nom du groupe, dans la typographie que nous lui connaissions bien. Et puis... plein de cadeaux : de beaux portraits individuels de chacun des musiciens (très vite accrochés au mur de ma chambre) et un grand poster du groupe (même destination murale, évidemment), une jolie galette de vynile enveloppée dans une pochette avec toutes les paroles, dont l'épaisseur appartenait à la fin d'une époque puisque dès l'année suivante, le choc pétrolier conduisit les industriels de tous poils à de sévères économies allant jusqu'à atteindre nos si chers disques, qui firent une étrange cure de minceur et de souplesse. Mais... ceci est une autre histoire, évidemment. Et puis... la musique ! De déception il n'allait pas être question, loin de là ! Chicago nous avait inventé un véritable concentré de musique et proposé un répertoire homogène et généreux dont je compris instantanément qu'il était un grand crû ! « A hit by Varese », « All is well », « Now that you've gone », « Dialogue », « While the city sleeps », « Saturday in the park », « State of the union », « Goodbye », « Alma mater »... Pas une seconde de répit, que du bon, que du bon... D'ailleurs, pour être très franc et malgré l'excellence d'un disque comme « VII » paru deux ans plus tard, jamais Chicago n'a, à mon sens, retrouvé cette tension, cet équilibre miraculeux entre énergie, précision des arrangements, inventivité des mélodies et cohésion des sept musiciens. Ils ne faisaient qu'un seul homme et je tenais là une perle que je conserve précieusement, tellement chargée de souvenirs et si symbolique d'un virage que j'amorçais, avant la découverte d'autres univers dont je parlerai un jour. Je suis éternellement redevable aux musiciens de Chicago de m'avoir donné les clés d'une grande maison dans laquelle je n'osais pas rentrer et dont ils m'ont facilité l'accès grâce à une sorte d'oecuménisme musical qui était leur marque.

    Chicago existe toujours, seuls Robert Lamm et les trois soufflants sont toujours là, on annonce même la prochaine parution d'un « XXX », c'est tout dire. Mais je dois bien avouer que la groupe a cessé d'exister pour moi depuis ce jour tragique de l'année 1978, le 23 janvier précisément, (nous en étions alors au volume « XI » paru l'année précédente) où l'admirable Terry Kath – celui à qui Jimi Hendrix vouait une grande admiration et qui, lui-même, adorait Hendrix auquel il rendit hommage sur « Chicago VIII » avec « O Thank You Great Spirit » – quitta brutalement cette bonne vieille Terre après un stupide jeu de roulette russe avec un pistolet qu'il pensait vide... Chicago ne pouvait plus être Chicago, les musiciens avaient même d'ailleurs fait savoir aux débuts du groupe qu'ils se sépareraient si l'un d'entre eux devait quitter l'aventure, c'était comme une trahison, un reniement. Sacrilège supplémentaire : le premier disque enregistré par Chicago sans Terry Kath ne portait plus de numéro, mais un banal titre comme tant d'autres albums : « Hot streets » !

    Alors, à doses régulières mais toujours aussi bienfaisantes, je m'injecte méthodiquement mes si belles minutes de Chicago, je me sens toujours bien avec mes vieux compagnons et je repense à ce jour où j'avais en mains depuis quelques secondes cet objet en faux bois, à peine extirpé du rayon de disques et plein de promesses largement tenues depuis ! J'avais quatorze ans... peut-être dans un coin de ma tête les ai-je toujours un peu...

    Le site officiel de Chicago : http://www.chicagotheband.com

  • Zeppelin de choses à vous dire !

    Voici une lettre que j'aurais pu adresser à Franck Tortiller, actuel directeur de l'Orchestre National de Jazz.

    Cher monsieur Tortiller,
    vous venez de publier le dix-neuvième opus d'une formation dite « institutionnelle », l'Orchestre National de Jazz, dont les 20 années d'existence ont vu se succéder, si mes comptes sont exacts, huit directeurs. Après François Jeanneau, Antoine Hervé, Claude Barthélémy (à deux reprises), Denis Badault, Laurent Cugny, Didier Levallet et Paolo Damiani, vous voici à la tête d'un orchestre réjouissant dont la récente production discographique me ravit à plus d'un titre !
    Car en effet, malgré le parcours qui est le vôtre, malgré les diplômes et premiers prix que vous avez accumulés depuis plus votre plus tendre jeunesse en percussion, analyse musicale, harmonie et contrepoint, ... vous auriez pu, comme d'autres, vous réfugier dans une attitude musicologisante (un néologisme que je revendique car on y devine ce que le suffixe « gisante » accolé à la musique laisse subodorer d'immobilisme) et refuser d'ouvrir vos oreilles à certaines formes d'expressions musicales ne recevant en leur temps qu'un rictus condescendant de la part de tous les savants qui, déjà, s'étaient enfermés dans le doux refuge du conformisme et la célébration des valeurs établies. Or, armé de votre flamboyante quarantaine, vous nous faites un plaisir infini en nous proposant de relire à votre façon le répertoire d'un groupe mythique du rock des années 70, le grand Led Zeppelin. Un pari d'autant plus risqué que la bande à Jimmy Page et Robert Plant avait fondé sa renommée mondiale sur un cocktail explosif d'électricité, de guitare et de chant et sur un sens évident de la mélodie. Tandis que chez vous, point d'électricité, point de guitare, les voix n'affleurent que de temps à autre dans de courtes envolées qui ne sont pas sans rappeler celles de l'incontrôlable Médéric Collignon (musicien de la précédente mouture de l'ONJ), vous vous présentez nu, avec votre petite armée de percussions et de « souffleurs » inspirés... et votre talent !
    Intelligemment intitulé « Close to Heaven », ce nouveau disque accomplit un miracle permanent : celui d'être lui-même sans trahir la musique qui l'a inspiré, il est comme une sorte de palimpseste jazz en transparence duquel les thèmes originaux sont toujours apparents, respectés, jamais dénaturés bien que profondément remaniés par des arrangements inventifs. Vous revisitez ainsi : « Black dog », « The rain song », « Dazed and confused », « Black mountain side », « Four sticks », « Stairway to heaven », « Kashmir » et « No quarter » et jamais notre attention ne se relâche. Est-ce dû à la pulsation colorée et tonique des vibraphones que vous vous partagez avec Vincent Limouzin ? A la présence constante de la contrebasse d'Yves Torchinsky ? A la toile rythmique tissée par  Patrice Héral et David Pouradier Duteil, vos batteurs, que viennent enluminer le saxophone d'Eric Séva, la trompette de Jean Gobinet, le tuba de Michel Marre ou le trombone de Jean-Louis Pommier ? A l'énergie que tous, vous semblez avoir déployée pour nous offrir cette heure à haute concentration énergétique ? C'est un peu tout cela et bien d'autres choses aussi, ce sont tous ces petits détails que l'on découvre au fil des écoutes.
    J'avais eu l'occasion, en octobre 2001, de venir vous écouter au Nancy Jazz Pulsations : vous étiez membre du Jazztet de Bernard Struber, qui interprétait ce soir-là une création dédiée au grand Franck Zappa (il me semble que cette dernière s'appelait « Zapp'Attac »). Entre marimbas et vibraphone, vous aviez illuminé cette soirée de toute votre élégance et j'attends depuis ce jour avec impatience le moment où je pourrai, à nouveau, participer à la fête que vous ne manquerez pas de donner. Avec l'Orchestre National de Jazz peut-être, ou dans un autre cadre, quelle importance  ? Où ? Quand ? Je l'ignore aujourd'hui mais ce jour viendra, forcément. Puisque vous ne trichez pas avec la musique, ma confiance en vous est totale et je serai heureux de vous le dire de vive voix si l'occasion se présente.
    En attendant, je savoure « Close to Heaven »... qui m'a redonné l'envie de me plonger à nouveau dans la discographie de Led Zeppelin, que je n'avais pas explorée depuis quelques années, faute de temps, mais aussi parce qu'il y a toujours tant de nouvelles aventures sonores à découvrir et que le temps passe si vite, malheureusement. Je suis donc sur le point de me ravitailler en « Black Dog », « Dancing Days », « Rock'n'Roll », « Stairway to Heaven », « Kashmir »... et tant d'autres inoubliables morceaux de bravoure ! J'imagine que vous ne m'en voudrez pas de délaisser un temps votre musique, persuadé au contraire que vous faites partie de ceux que l'on appelle les « passeurs », ces artistes qui ne cessent de jeter des ponts entre différents univers pour nous inciter, toujours, à rester en éveil. La meilleure preuve en est le second projet sur lequel vous travaillez avec l'ONJ et qui sera consacré... à la valse ! Je ne promets pas pour autant que je serai pris de l'envie irrépressible de me jeter sur « Le Beau Danube Bleu » après avoir découvert « Sentimental 3/4 », mais je sais que vous nous guiderez avec jubilation vers le monde du trois temps et que nous vous suivrons les yeux fermés... et les oreilles grandes ouvertes !
    Un grand merci à vous.

    Et pour en savoir plus : http://www.onj.org

    Sans oublier, bien sûr : http://www.led-zeppelin.com/

  • Carnet Rose

    Oh, je vous vois venir... Constatant la modification apportée au sous-titre de mon blog et l'apparition d'une phrase sentant bon l'autosatisfaction – Les parenthèses digressives de Maître Chronique – vous êtes déjà gagnés par la certitude que mes chevilles ont enflé, ou que, comme l'aurait dit mon grand-père dans ce langage fleuri qui parfois le submergeait, « je ne me sens plus pisser ». Maître Chronique... pourquoi pas « Chevalier de l'écrit », « Prince des Paragraphes » ou bien encore « Seigneur des Annotations », pendant que j'y suis ? C'est bien ce que vous pensez, n'est-ce pas ? Rassurez-vous, amis lecteurs, je ne fais qu'appliquer la vérité glaciale émise par un logiciel de reconnaissance vocale... Et je m'en vais vous expliquer d'où me vient ce nouveau titre de noblesse qui va, c'est un scoop, prendre la succession du désormais célèbre Y a K.A.

    Avant de commencer mon explication, je me dois de répondre aux nombreux courriers de mes milliers de lecteurs – qui me pardonneront de ne pas leur répondre individuellement, j'en suis certain, mais comment trouver le temps d'écrire à chacun ? – qui m'ont demandé de leur expliquer l'origine de mon nom : Y a K.A. La raison en est des plus simples : à l'automne 2004, le groupe Magma publiait pour la première fois depuis 20 ans un disque enregistré en studio appelé « Köhntarkösz Anteria » ou, plus simplement « K.A ». En tant que webmestre d'un site consacré à la planète Kobaïa, j'avais, comme beaucoup d'autres, pour mission de colporter la bonne nouvelle : Y a K.A ! Y a K.A ! Une invitation à l'achat et à la découverte de cette si belle musique, pas vraiment nouvelle toutefois puisque cette oeuvre fut en réalité composée en 1973 mais jamais enregistrée pour des raisons qu'il serait trop long d'expliquer ici. L'événement était là cependant ! Nous tenions là le premier disque studio de Magma depuis le très beau « Merci » en 1985 ! Il fallait bien l'annoncer et, à force d'incantations, cet appel m'est resté collé à l'identité pour de longs mois. Or nous sommes en février 2006, « K.A » est maintenant loin derrière nous et, en attendant son successeur « Emëhntëht-Rê », que l'on espère en 2007, il me faut désormais me réfugier sous une autre appellation. Partant de l'idée que « Y aura E.R » sonne plutôt mal, j'ai commencé mes recherches et j'ai failli adopter celle qu'a récemment inventée pour moi mon frère : Flying Stimulo Brother. Les initiés mélomanes comprendront l'allusion... Mais quelque chose me gêne dans ce nouveau nom : il est anglo-saxon ! Je n'ai rien contre la langue anglaise, loin s'en faut mais tout de même, tels les poulets de Bresse, confinons-nous en un espace protégé qui s'appelle France et optons pour un titre qui fleure bon notre terroir. Encore faut-il le trouver... Mais grâce à celui dont je vous fais partager les stimulantes aventures, mon Docteur D., la dénomination « Maître Chronique » m'est comme tombée du ciel. Laissez-moi vous expliquer, brièvement, comme d'habitude !

    J'ai compris maintenant que je suis pour le Docteur D. un vrai sujet d'études et qu'en m'implantant un pace maker de dernière génération, « intelligent » pour reprendre ses propres termes, il avait trouvé en moi le patient idéal, très atypique par comparaison avec sa clientèle habituelle, fort âgée et peu encline à lui fournir un compte-rendu détaillé de tous les symptômes observés à des fins d'études. Il est vrai que lorsque l'on a 90 ans, il est peu probable que les rafales de questions précises posées par le cardiologue trouvent souvent une réponse appropriée. Or, je suis un gamin, j'ai 48 ans, une espérance de vie de plusieurs pace maker devant moi, je suis donc à moi tout seul une inépuisable source d'informations. Ce que je vous explique est si vrai que mon cher Docteur D. m'a envoyé hier la première mouture d'un article consacré à mon cas et qui sera publié dans la revue spécialisée au nom très évocateur : « Stimucoeur ». La lecture de ces pages, écrites dans un style alerte malgré le nombre de détails techniques qui les parsèment, m'a notamment permis d'apprendre que je souffrais à l'origine d'une dysfonction sinusale avec insuffisance chronotrope sévère ! Vous m'en direz tant ! Depuis que je le sais, je me sens mieux. Mais je digresse, une fois encore. Or donc, j'étais ce matin une fois de plus à la clinique pour un énième réglage de ce miraculeux stimulateur, après avoir constaté que malgré la désactivation de tous les tests d'impédance deux jours plus tôt (c'est une façon de rendre le stimulateur plus bête qu'il n'est, comme dirait le Docteur D.), l'appareil avait une fois encore fait des siennes et s'était mis à tester comme un malade à 2h23 : 95 coups portés de l'intérieur et un réveil assuré en une fraction de seconde. Il m'avait déjà fait un gros clin d'oeil trois heures plus tôt en cognant 14 fois, une façon de me dire : « Tu vas voir mon gars, je vais bien m'amuser, je suis moins con que vous ne voulez l'admettre ».
    Ce matin donc, alors que le docteur D. m'avait relié à sa batterie bariolée de câbles électriques non sans avoir demandé à madame Y a K.A (qui ne savait pas qu'elle allait bientôt changer de nom et s'appeler très vite Madame Maître Chronique) de jouer les opératrices assistantes en lui confiant le soin d'appuyer sur un bouton vert puis un bouton rouge, nous évoquâmes cet article dont j'étais le héros (un peu involontaire quand même, hein ?) et qui n'en était qu'à sa version provisoire (au fait, on y verra ma belle radio, celle que je vous ai montrée avant-hier). Le docteur D. m'expliqua alors qu'il utilisait pour gagner du temps un logiciel de reconnaissance vocale et que, par conséquent, il lui suffisait de dicter nonchalamment à la machine un texte qui passait, miraculeusement, du stade oral au stade écrit... avec quelques surprises néanmoins ! Evidemment, on se doutera bien que les noms propres posent dans ce genre de situation quelques problèmes au logiciel qui va, très vite, s'égarer dans le monde merveilleux des propositions un peu absurdes. Ainsi en va-t-il de Medtronic, la marque de mon pace maker ! Mais oui, vous avez compris ! Quand le docteur D. dicte le mot « Medtronic » à son ordinateur, le logiciel s'obstine à écrire « Maître Chronique » ! Bingo ! Tope-là ! Adjugé ! Vendu ! C'est pour moi !
    Comment ne pas voir l'évidence ? Comment ne pas être frappé par l'intelligence de ce programme informatique qui, comme par magie, venait de relier mon cas médical rarissime et riche en surprises  avec l'écriture de ce blog ? Le doute n'était plus permis, j'allais devenir instantanément pour la blogosphère internationale celui qui, désormais, s'appelle : Maître Chronique ! Il ne faut jamais refuser les signes que la providence vous envoie.
    Bon ben, voilà, vous savez tout ! Vous voyez bien que j'ai fait court pour une fois.

  • Medtronic... ta mère !

    Aujourd'hui est jour de repos, après tous les efforts que je vous ai laborieusement décrits hier. Néanmoins, je ne pouvais laisser passer l'occasion de vous faire un petit cadeau. Enfin, sous vos yeux, l'objet mystérieux...

    medium_stimulo.jpg

    Voici donc, mesdames et messieurs, photographié deux fois la semaine dernière, celui qui m'a soutenu chaque jour depuis 15 ans maintenant et dont je vous ai - trop ? - longuement parlé : non non non, ce n'est pas une clé USB, vous avez bel et bien devant vous el señor Stimulo I, niché quelque part sous ma peau et dont vous admirerez, j'en suis certain, la belle ramification appelée sonde qui me stimule ventricule et oreillettes.

    Je n'ai malheureusement pas pour l'heure le droit de vous présenter Stimulo II, fruit des plus récentes recherches de la technologie médicale et dont les ressources électroniques internes sont toujours classées "Secret Défense" par les plus hautes autorités nationales dont je suis le cobaye consentant. Il n'est pas impossible que d'ici à une dizaine d'années, on me donne l'autorisation de vous en proposer une reproduction, bien que rien ne soit sûr à l'heure actuelle. Les pourparlers sont en cours, mais la négociation est âpre. D'autant qu'un phénomène mystérieux continue à se présenter sous la forme de 3 coups frappés toutes les heures, signifiant peut-être - oui, j'y crois vraiment - qu'en réalité, ce pace maker de dernière génération a déjà été implanté chez un acteur de théâtre qui serait brutalement décédé et qui souhaiterait ainsi se venger. Malgré les dénégations des ingénieurs de Medtronic, je reste convaincu de la forte probabilité de cette hypothèse.

    On vit vraiment une drôle d'époque...

  • Digressions... onze au grand maximum !

    Vivement que je reprenne le boulot. Ma convalescence est épuisante et je compte bien l'enchaîner avec une semaine de vacances durant laquelle le repos ne sera pas de mise... Je mène une vie harassante.

    Voilà plusieurs jours que je suis taraudé par l'idée de vous expliquer en quoi les heures que je vis actuellement sont, à mon grand désespoir, la source d'une fatigue que seule une reprise durable de mes activités professionnelles pourra peut-être éteindre. Prenons l'exemple de ce mardi 21 février 2006.
    Tout d'abord, un lever en pleine nuit, à 8 heures du matin, avec  tout juste assez de forces pour ramper jusqu'à la cuisine et m'écrouler sur une chaise, face à un petit déjeuner préparé par madame Y a K.A. Ben oui, je l'aurais bien fait moi-même mais pour cela, il aurait fallu que je prenne la décision de me lever en premier et donc, risquer de réveiller brutalement la même madame Y a K.A. Inconcevable...
    Les événements se sont ensuite enchaînés avec une brutalité que seule un vrai temps de repos en début d'après-midi me permet de vous faire partager. Il y a ces deux menuisiers, qui suent sang et eau – enfin, n'exagérons pas, de l'eau seulement – pour mettre en place un escalier intérieur que nous appelons de tous nos voeux depuis des semaines. Pendant qu'ils triment, je dois les encourager, mais aussi leur poser d'insidieuses questions pour savoir s'ils auront assez de leur journée de travail pour mener à bien cette tâche ingrate. Oui, parce que je me vois difficilement renouveler cette expérience demain, hein ? Trop fatigant... Surtout que lorsque je les sens faiblir, je m'empresse de leur préparer un café, dont on connaît les vertus stimulantes. Ils ne connaissent pas leur chance d'être ainsi assistés, bichonnés tandis que moi, je m'inquiète pour eux et m'épuise à petit feu.
    Je n'étais pas au bout de mon calvaire, loin s'en faut car il m'a fallu me faire conduire à la clinique pour un contrôle général du pace maker dont vous connaissez désormais les aventures depuis une semaine. Là encore, on n'imagine pas quelles ressources il faut mobiliser pour que le docteur D. – dont la Panhard noire de décembre 1957 trônait fièrement devant l'entrée, même que madame Y a K.A l'a prise en photo avec son téléphone et que, si je parviens à rapatrier la chose sur mon ordinateur, je vous la montrerai. La Panhard, pas madame Y a K.A ! – parvienne au réglage optimum. Il faut rester allonger, bavarder nonchalamment (allez savoir pourquoi je me sens moins idiot depuis que mon médecin préféré m'a appris pourquoi les têtes pensantes de Renault, avaient baptisé Vel Satis leur voiture « haut de gamme ». Je serais bien tenté de vous en expliquer la raison si vous l'ignorez, mais ce serait hors sujet, non ?), répondre à des questions sans bouger, surtout ne pas s'agiter. Le plus éprouvant étant de parvenir à un haut niveau d'abstraction dans la discussion et d'atteindre un stade de concentration que m'envieraient les champions français du biathlon (cf. plus loin):
    « - Ca vous fait mal comment ?
    - Beuh, 'fin, comme ça quoi... »,
    « - Le test d'impédance, c'était souvent ? La nuit ? Le jour ?
    - Oarf... oui, assez... même qu'hier soir, j'ai compté 86 secousses à 23h23... et 14 ce matin à 5h23».
    « - L'ingénieur de chez Medtronic, il dit que ça ne doit pas vous gêner la nuit...
    - Oh l'aut ! Même qu'une fois, vers 5 heures du matin, ça tapait tellement fort que ça a réveillé ma femme et il croit qu'on sent rien. L'a qu'à s'en faire implanter un s'il veut vérifier... De toutes façons, çui-là, il me plaît pas, même que mardi dernier, il a pas dit bonjour quand je suis arrivé ici pour le premier réglage».
    Tout cela en fait pour qu'au final, le docteur D. décide de désactiver la plupart des tests automatisés et, semble-t-il, parfaitement inutiles, puis décide de me priver d'une « stimulation ventriculaire superflue ». J'ai pas tout compris, mais c'est pas grave... Bon, vous voyez bien en quoi ce fut pénible, ce genre de choses... dont on attend qu'elles se terminent avec impatience. Trop d'engagement personnel, en fait...
    Mais aujourd'hui, je crois qu'une mauvaise étoile me narguait, malgré l'épaisseur des nuages lorrains (nuages lorrains, nuages lorrains... c'est peut-être un pléonasme, faut que je vérifie). Parce qu'à peine rentré chez moi, dans la désormais célèbre petite maison rose, madame Y a K.A, encore elle, se rua en cuisine pour me priver du plaisir de préparer le repas et me contraindre à allumer le poste de télévision et à encourager l'équipe de France de biathlon qui visait une possible médaille au relais 4 X 7,5 km. Je ne recommencerai jamais, ça je peux vous le jurer... Non mais sont complètement fous ces skieurs ! Ils tournent comme des malades sur une piste avec des côtes qui ont l'air assez raides, d'un seul coup, ils se couchent par terre et – bingo ! – ils visent à 50 mètres dans des cibles minuscules... Moi, à ce rythme-là, je ne tiens pas... Complètement crispé dans le canapé, hésitant même à déguster l'excellent plat de poisson qui m'était servi, haletant jusqu'à la dernière seconde. Oui, j'ai bien dit à la dernière seconde parce que justement, le français a arraché la médaille de bronze avec une avance d'environ un quart de demi-bout de spatule. J'ai vraiment cru que mon pace maker allait lâcher prise et que j'allais devoir rendre une deuxième visite à Panhardoman !!!
    Et pour finir, il y avait ce courrier glissé sous la porte... Raah... j'avais oublié... Deux places pour le théâtre Marigny, pour voir une pièce de Strindberg (va savoir pourquoi, quand j'écris ce mot, mon correcteur d'orthographe me propose : d'aubergines ! Il va pas s'y mettre aussi lui... à me fatiguer), « Mademoiselle Julie », le vendredi 2 mars. En plein pendant mes vacances et 24 heures seulement avant l'Olympia où j'ai promis d'emmener Madame qui n'a jamais vu cette salle.
    Franchement, je ne sais pas si je vais tenir le coup. Il va falloir que je fasse un break, et un sérieux. Je pense même que je vais renoncer à regarder cette semaine la saison 2 des « Brigades du Tigre », je peux difficilement puiser dans mes réserves et prendre le risque de prolonger cette inactivité dont j'ai de plus en plus de mal à m'extraire. C'est un peu contradictoire avec mon mot d'ordre d'hier, mais j'ai décidé, pour une fois, de m'adonner aux bienfaits de la procrastination !

  • Olivier Greif, in memoriam

    Je crois que jusqu'à mon dernier jour, je regretterai de n'avoir pas osé entrer en contact avec ce musicien découvert un peu par hasard et dont l'oeuvre est tout aussi atypique que magnifique. Pourtant, rien ne m'interdisait de le faire, je savais à quelle adresse lui écrire et s'il ne devait y avoir qu'un seul enseignement à tirer de ces quelques lignes – au-delà du désir que je souhaiterais susciter chez le lecteur d'en savoir un peu plus sur ce pianiste / compositeur hors normes – il tiendrait en seul mot d'ordre : halte à la procrastination !

    Durant plusieurs étés consécutifs, pendant la deuxième quinzaine de juillet plus exactement, j'ai eu la chance d'assister, chaque soir ou presque, à un concert de musique dite « classique » sous un chapiteau bondé de monde. Car en effet, la station alpine des Arcs organise depuis trois décennies une académie dont le principe consiste à réunir bon nombre de musiciens issus des différents conservatoires de notre belle France et de leur proposer de travailler durant la journée sous la férule d'un enseignant chevronné. Et pour les estivants qui choisissent d'aller s'oxygéner là-haut, entre 1600 et 1800 mètres d'altitude, un rendez-vous presque incontournable leur est proposé à partir de 20h30, sous la forme d'une soirée musicale gratuite où viennent se produire la plupart des musiciens chargés d'enseigner pendant la journée, mais aussi d'autres solistes invités pour l'occasion. Ce festival est une excellente manière de ne pas « marcher idiot » et d'aller à la rencontre d'une expression artisitique dont le répertoire allie un vrai classicisme à de nombreuses échappées vers des univers musicaux plus avant-gardistes, au grand dam d'une partie de l'auditoire, dont la curiosité semble s'être arrêtée au stade de la reconnaissance rassurante, alors qu'il est pourtant si essentiel de chercher à connaître.

    C'est dans ce contexte que j'avais pu découvrir le pianiste compositeur Olivier Greif. Né en 1950, ce musicien habité était non seulement un instrumentiste exceptionnel mais aussi un incroyable déchiffreur de partitions doublé d'un compositeur fascinant, dont la musique était très empreinte du mysticisme qui le caractérisait lui-même, aux dires de ceux qui l'avaient approché. D'apparence très simple, tout en rondeurs, Olivier Greif affichait une sérénité qui lui était parfois nécessaire lorsqu'il lui fallait surmonter les rumeurs émises par un auditoire souvent très conservateur et peu enclin à se faire bousculer par les envolées imprévisibles, hypnotiques, parfois dissonnantes de ses compositions. J'ai pu personnellement constater le phénomène la première fois où j'ai écouté l'une de ses oeuvres : « Veni Creator » ou, lorsqu'un beau soir, l'anné suivante je crois, Olivier Greif interpréta au piano sa splendide « Sonate de Guerre », un hymne déchirant d'une demi-heure en mémoire des martyrs de l'holocauste et des camps de concentration. On est loin, certes, du confort de velours qui vous enveloppe à l'écoute de Brahms, Mozart ou Schubert, car cette musique fait plutôt partie de celles qui vous serrent à la gorge et ne vous relâchent pas si facilement, cette sonate vous happe et vous laisse comme étourdi, un peu hébété, en particulier lorsque la dernière note de la Toccata s'est éteinte. Ou lorsque sont évoqués dans le premier mouvement le bruit des canons et des chants allemands.
    Olivier Greif a composé cette « Sonate de Guerre » en 1975 et il la présentait ainsi : « Elle est un vigoureux plaidoyer en faveur de la paix. En décrivant l'épouvante de la guerre, j'ai essentiellement voulu dénoncer la barbarie des hommes et rendre hommage à ses victimes. C'est ainsi que l'oeuvre est divisée en trois mouvements, qui, outre qu'ils retrouvent le schéma de la sonate classique, évoquent trois étapes fondamentales du processus guerrier : le combat lui-même, la mort et sa déploration, enfin l'espoir et la victoire ». Bien difficile de classifier Olivier Greif... Musicien classique ? Musicien contemporain ? Peu importe, sa musique est de toute beauté, fulgurante, et le musicien est par trop méconnu.

    Un beau soir de juillet 1999, Olivier Greif, présent une fois encore au Festival des Arcs, était venu assister à l'interpréation d'une autre de ses compositions, pour deux violoncelles : « La bataille d'Agincourt ». Même tension, même hypnose, même incroyable beauté... et mêmes réactions toujours aussi stupides d'un public décidément confit dans ses certitudes embourgeoisées. En sortant du chapiteau, j'ai pu apercevoir Olivier Greif parlant avec quelques uns de ses élèves et je n'ai pas osé l'aborder. Pourtant, dès le lendemain, je me suis rendu au secrétariat du Festival pour demander s'il serait possible de le rencontrer et de lui dire ce que je ressentais à l'écoute de sa musique. Trop tard, Olivier Greif avait quitté Les Arcs pour rejoindre la capitale qu'il habitait, quelque part du côté de la rue de Seine. Je ne repartis cependant pas les mains vides puisqu'un des responsables de l'organisation me donna son adresse et je me promis de lui écrire dès mon retour en Lorraine. Et les premiers mots de la lettre que je voulais lui adresser commencèrent à s'écrire en moi, petit à petit. Je n'aurais plus qu'à écrire tout ce que je voulais communiquer au plus près de mes émotions.

    Mais la vie est ainsi faite qu'alors qu'il m'aurait suffi de quelques minutes seulement pour coucher noir sur blanc des mots de passion, j'ai attendu, remis à plus tard ce courrier, par timidité peut-être, pensant que je n'avais pas encore trouvé les bons mots pour dire ce que cette musique provoquait en moi. Je commettais là une grossière erreur.

    Un matin de mai 2000, je feuilletais chez un marchand de journaux un magazine que pourtant je n'avais absolument pas l'habitude de lire (j'ai oublié lequel, peut-être était-ce L'Express ou Le Point) quand, l'ouvrant au hasard – j'ai toujours vu un signe étrange dans cette manière d'apprendre la triste nouvelle, comme si je devais d'une manière ou d'une autre, le savoir au plus vite – je lus qu'Olivier Greif venait de nous quitter et qu'il était mort chez lui, assis à son piano. Je pouvais oublier ma lettre à l'artiste et me confondre en remords. C'est idiot n'est-ce pas, mais c'est dans ces moments-là qu'on se dit que, peut-être, le moindre petit geste peut avoir une influence déterminante sur le cours des événements. Est-ce que la trajectoire de la vie d'Olivier Greif n'aurait pas été légèrement déviée s'il avait pu recevoir et lire ma lettre ? Il n'y a là aucune prétention de ma part, mais tout jusque-là semblait comme le fruit d'un étrange agencement des faits qui devait me conduire à lui faire part du choc que j'avais reçu en l'écoutant sur scène. Et moi, j'avais par mon inaction comme rompu le fil de ces événements.

    Depuis, je reste un peu comme orphelin de cette musique, et j'écoute souvent la « Sonate de Guerre » dans une version enregistrée en 2000 par le pianiste Pascal Amoyel. En effectuant quelques recherches, je viens aussi de découvrir un label (http://www.disques-triton.com/) sur lequel on peut trouver quelques trop rares oeuvres d'Olivier Greif enregistrées avec ou sans lui : Requiem, Chants de l'Âme, Le Tombeau de Ravel, Sonate de Requiem. C'est une bien mince consolation car à 50 ans, ce musicien avait encore tellement de choses à nous dire, tellement d'émotions à susciter en nous.

    Il fallait au moins que je lui rende ce modeste hommage.

    Pour en savoir plus : http://www.oliviergreif.free.fr/

    Ecouter un extrait de la Sonate de Guerre

  • Circuits parallèles

    Je viens de constater que la maison que j'habite avait subi cette semaine un sort très proche du mien, au moment où les spécialistes de la médecine moderne ont décidé de remplacer mon stimulateur cardiaque, vieux de 15 ans et depuis peu hors d'usage. Analyse comparée.

    Ayant récemment acheté une demeure, j'ai rapidement – comme tout propriétaire raisonnable – fait avec ma femme le tour des nécessaires aménagements à envisager dans un avenir proche. Parmi ceux-ci, citons : la création d'un escalier intérieur pour faciliter l'accès au second étage, la pose de grilles de sécurité devant les fenêtres du rez-de-chaussée et la rénovation progressive du circuit électrique dont l'état nous laissait deviner qu'un investissement assez important allait s'imposer d'emblée. Avec ses fils de coton tressé certifiés 50 ans d'âge, nous pensions sans trop nous tromper que l'état de l'installation de la demeure justifiait une vraie rénovation. Ce que nous décidâmes sans trop réfléchir... Devis en poche, planification des travaux, priorités à établir entre le travail des menuisiers, du peintre et des électriciens... ou comment assembler les pièces d'un petit puzzle dont on a hâte qu'il soit un jour terminé... avant d'attaquer la phase suivante ! Qu'elle est difficile la vie des possédants...

    Alors que lundi, j'étais en train de mollement remplir mon sac avant de me rendre en clinique, mes deux électriciens firent leur apparition chez moi. Au menu : mise aux normes de l'installation de la vaste pièce qui sera notre salon – séjour – bureau ! Autant dire qu'après une demi-journée de réflexion et d'analyse du système existant, preuve que les compères ne sont tout de même pas les brutes qu'ils souhaitent paraître, le chantier était lancé... En quelques minutes, des lés complets du vieux papier peint orné d'oiseaux (en ces temps de grippe aviaire, je n'y vais pas par quatre chemins, je ne confine pas, j'éradique) étaient sacrifiés, pendouillant tristement en attendant leur arrachage complet, de nombreuses saignées avaient fait leur apparition sur la plupart des murs, une bonne dizaine d'orifices étaient créés en vue de l'installation de nouvelles prises. On entendait d'étranges dialogues entre les deux professionnels : « Tu l'as ? », « Tu m'entends ? », « C'est bon, là ? »... Je comprenais que ma maison avait un peu mal, mais qu'elle souffrait en silence, elle savait qu'on la violentait pour son bien, sa sécurité. Quatre ou cinq jours plus tard, abandonnée à son triste sort, je la retrouvai là, un peu fatiguée par tant de coups assénés sans ménagement, mais avec un professionnalisme de bon aloi, comme l'aurait dit Maître Capello. Nous lui prodiguâmes les premiers soins dès que possible : dépoussiérage, lavage, bref, ce  que l'on appelle l'entretien courant. Elle ne dit rien, mais retrouva très vite l'esquisse d'un sourire. Elle savait qu'elle allait retrouver une bonne forme, bien qu'il lui faille subir prochainement de nouveaux assauts, ceux de notre peintre... Nous, en bons parents, lui promîmes une récompense et lui achetèrent de jolis rideaux blancs qui seront un peu à ses fenêtres ce qu'une injection de botox est au visage d'un(e) sexagénaire fripé(e). Les boiseries n'en seront pas rajeunies, mais elles seront masquées, l'illusion sera créée pour quelque temps.

    La maison... Un peu comme moi en fait ? Jusqu'à lundi, je vivais normalement, bien qu'un peu au ralenti. Et puis on est venu me chercher, le docteur D. a pris lui aussi le temps de réfléchir à la bonne décision à prendre, il a envisagé différentes hypothèses avant de trancher, puis il a commencé son boulot. Il n'a pas arraché le papier peint, mais a demandé qu'on me rase. Il n'a pas fait de saignée, mais une belle incision tout de même. Et pendant que les électriciens installaient des boîtiers de dérivation et faisaient glisser des gaines et des câbles multicolores d'une pièce à l'autre, lui, raccordait un boîtier électronique à une sonde elle-même identifiée par différents fils. Et si personne n'est venu me dépoussiérer ni même me laver, il a tout de même bien fallu qu'on nettoie ma blessure et qu'on la protège d'un gros pansement.

    Aujourd'hui, ma maison et moi sommes tous les deux convalescents. Pour elle comme pour moi, ce n'est plus qu'une question de temps. Quelque chose nous dit que le printemps arrive !